Partie 17
Ecrit par Ornelia de SOUZA
J'étais occupée à sortir mes vêtements de l'armoire et à les ranger dans les valises que j'avais acquises en début de journée lorsque quelqu'un frappa à ma porte. Je soupirai pensant à Roland qui était devenu fréquent chez moi espérant sûrement que je capitule face à son insistance. Il était vrai qu'il m'avait été d'un grand secours dans toute cette histoire mais j'avais plus d'un tour dans mon sac. Jamais il ne verrait mes dessous.
J'ouvris la porte et je fus surprise de me retrouver devant la silhouette de la sœur Mina. Elle ne venait jamais chez moi sans s'annoncer et de plus depuis quelques temps, j'avais coupé tout contact avec elle. Je n'avais pas besoin d'une autre conscience que la mienne déguisée en bonne sœur pour me faire la morale.
-Ma fille, comment vas-tu? demanda t-elle.
-Bien ma sœur, et vous? dis-je le plus sèchement possible.
-Pas très bien... Inès a été agressée hier et elle a perdu l'enfant qu'elle portait.
Je ne savais pas que Canif avait prévu l'agression pour la veille mais je fus agréablement surprise. Cet bâtard ne pouvait plus contrecarré mes plans.
-Ces derniers temps-ci, j'ai essayé de te contacter mais sans succès; continua la sœur
-Et c'est pour ça que vous débarquez chez moi comme dans un moulin? demandai-je soudainement
Elle s'étonna de ma réponse mais je n'avais plus la patience de jouer à la jeune femme modèle. J'étais à deux doigts d'obtenir ce que je voulais alors je ne voyais plus la nécessité de dépenser toute mon énergie à jouer ce rôle.
-Très chère, c'est la dernière fois que vous débarquez chez moi de la sorte. Est-ce clair?
-Pardon? dit-elle la main sur le cœur. C'est moi qui...
-Vous faites quoi? Vous payez le loyer, les factures? L'argent que vous m'avez donné est déjà fini depuis donc tout ce qui est ici, c'est moi qui gère. Vous n'avez plus aucun droit de...
-Mélaine ; cria t-elle. Je ne te permets pas de me parler ainsi.
-Très bien! Moi je ne vous permets pas de m'indisposer alors sortez de chez moi.
Elle semblait choquée mais je m'en foutais pas mal.
-Et dite bien à cette misérable Inès qui n'a pas encore de quoi se nourrir mais qui se permet le luxe de prendre une grossesse, de s'éloigner de Carin.
-Et pourquoi? questionna la sœur qui se dirigeait vers la porte. Il est le père de son enfant.
-Rectificatif: Le père de son enfant mort; dis-je. Cet enfant n'est plus d'actualité et sachez que Carin est mon fiancé. Notre mariage est prévu pour ce mois donc informez votre protégée afin qu'elle s'éloigne de mon homme.
Elle me dévisagea pendant quelques secondes avant d'éclater de rire. Son rire soudain me déstabilisa. Je ne m'attendais pas à cette réaction de sa part.
-Je comprends tout maintenant ; lança t-elle. Toi et cet homme, vous vous êtes bien trouvé. Mélaine, je te demande comme j'ai demandé à ton supposé fiancé de t'éloigner d'Inès. Je vois très clairement la fin de toutes cette histoire. Mélaine, repens-toi pendant qu'il est encore temps sinon tu vas souffrir.
-Sortez de chez moi! ordonnai-je excédée
Elle ne se fit pas prier et elle se retira. Elle venait de me gâcher ma bonne humeur avec ses leçons et pourtant ma journée avait très bien débutée. Je devais me rendre à la maison familiale de Carin pour la réunion ultime. Carin et sa famille au grand complet serait présents. Je m'étais préparé en l'occurrence. Je faisais aussi mes cartons car je savais que mes jours dans cet appartement de fortune étaient comptés. Grâce à mon flair et à mon intelligence, la vie de luxe m'ouvrait grandement ses bras.
Je sortis de l'appartement moins d'une quinzaine de minutes plus tard pour me rendre au rendez-vous. Je patientais sur le trottoir en attendant le passage d'un taxi-moto lorsque je fus aspergé par l'eau de ruissellement qui bordait le trottoir. Un motard qui roulait trop vite avait propulsé la flaque d'eau sur moi. Je lançai un terrible juron contre l'homme qui garait sa pauvre P-50 un peu plus loin. Il accourut vers moi les deux mains sur la tête avec un air vraiment désolé.
-Vous êtes malade? hurlai-je dès qu'il se retrouva à mon niveau.Vous ne pouvez pas faire attention?
-Je suis vraiment désolée Madame; s'excusa t-il. J'ai une urgence et c'est pour ça que je filais autant mais je ne peux pas vous faire...
-Oh tais toi! m'emportai-je. Est-ce que tu connais le prix de ma robe?
-Prière de m'excuser! dit-il en tendant de me prendre la main. Ma sœur est souffrante et à l'hôpital mais j'ai vraiment mal agi. Je vais donc prendre la peine de vous ramener.
-Oh lâche moi maintenant ! C'est ce que vous faites pour braquer et violer les gens...
-Madame, je ne suis pas un criminel! se defendit-il
-Dégagez de ma vue! conclus-je avant de rebrousser chemin
Je jettai un coup d'oeil par dessus mon épaule pour constater que l'objet de mon mépris se trouvait toujours à l'endroit où je l'avais laissé et m'observait perplexe.
Décidément, tout ce beau monde était décidé à me pourrir ma journée. Je dû rentrer pour me changer avant de regagner la maison familiale de Carin. Juste à l'entrée de la résidence principale, je rencontrai les deux sœurs qui discutaient. Une discussion qui ressemblait plus à une dispute que je me fis le plaisir d'interrompre.
-Ah bienvenue ma puce! s'exclama Ashley en m'embrassant alors qu'Irina se contenta de me détailler du regard.
-Merci; dis-je le plus humblement possible. Et maman?
-Elle est à l'intérieur et d'ailleurs elle doit nous attendre.
-Bonjour Irina; lançai-je à la plus jeune sœur de Carin qui tentait de nous fausser compagnie.
Elle se retourna mais ne prit pas la peine de me répondre.
-Réponds au moins par politesse! lui lança sa sœur alors qu'elle montait les marches.
-Tu ne comptes pas assister à la réunion ? lui demandai-je
Le silence fut ma seule réponse. Tant pis! J'aurais tenté de nouer de bonnes relations avec elle. Si elle essaye de se mettre en travers de ma route, je la traiterai comme n'importe lequel de mes ennemis.
Je suivis Ashley à l'intérieur et nous retrouvâmes sa mère dans la salle de séjour. Dame Esther nous fit servir du thé alors que nous attendions Carin. J'adorais ce train de vie. Être assise dans des canapés qui coûtent des millions et déguster les friandises les plus succulentes de la terre. Cette manière de vivre allait devenir mon quotidien sans aucun doute.
-Au fait; dis-je en posant ma tasse de thé; j'ai une nouvelle. Pas vraiment bonne mais qui pourrais nous arranger.
-Dis nous ma fille; m'encouragea la mère de Carin
-J'ai appris dans la matinée que l'autre femme avait perdu son bébé.
-Quoi? firent-elles à l'unisson
-C'est une très bonne nouvelle; lança Ashley en se redressant dans son siège.
-Ash! lança sa mère pour la rappeler à l'ordre... Ce n'est pas une bonne nouvelle mais nous pouvons dire que cette nouvelle nous arrange.
L'hypocrite affichait des demis-sourires alors que sa fille riait aux éclats. Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi elle était aussi guindé. Elle voulait toujours paraître parfaite et elle contrôlait la vie de tout son entourage. Elle désirait par dessus tout que tout le monde rentre dans son scénario parfait. Heureusement pour moi, elle avait une assez grande emprise sur son fils.
-Qu'est-ce qui est aussi drôle ? demanda la voix brisée de Carin
Il venait d'entrer dans la pièce et il nous avait toutes surprises. Il semblait à moitié endormi, les yeux gonflés par des larmes. Je constatai avec un certain pincement au cœur que la perte de son bébé lui avait fait du mal.
-Approche donc mon fils!
-Que fait-elle encore ici? Elle habite ici maintenant ? questionna t-il en parlant de moi
-Ne sois pas impoli et viens t'asseoir! ordonna sa mère.
Il s'exécuta malgré lui et s'installa le plus loin possible de moi. Mon cœur se serra. Malgré tout mes efforts, il ne m'aimait toujours pas. Il ne m'appréciait pas non plus.
-Pourquoi cette assemblée ? dit-il d'une voix faible
-J'ai une bonne nouvelle à t'annoncer mon fils; introduisit sa mère.
-Quelle nouvelle? Ça va me changer pour une fois.
-Tu vas te marier ! s'exclama sa mère avec la voix la plus enjoué possible.
Carin marqua une pause avant d'éclater d'un rire non stop. La situation était tellement drôle que moi-même j'aurais pu en rire mais je devais garder mon sérieux. Cette femme savait s'imposer. Elle ne demandait pas l'avis de son fils. Elle l'informait tout juste de la situation.
-Un peu de respect Carin! dit-elle. Je t'ai tout de même mieux élever que ça.
-Comment veux-tu que je sois respectueux lorsque tu me dis de pareilles choses?
-Mon fils, je prends les bonnes décisions pour toi. Et j'ai déjà déposé tout les documents requis à la mairie pour que tu épouses Mélaine ici présente dans deux semaines.
-Maman?! s'étonna Carin
-Oui, que penses-tu? Que tu vas toujours faire ta volonté et que les autres vont s'y plier? Il est temps que tu deviennes un responsable.
-Responsable de quoi? s'indigna Carin. Épouser cette fille, c'est être responsable. Mes responsabilités, je les prendrai en épousant Inès.
-Oh trêve de blabla! intervint une Ashley silencieuse depuis l'arrivée de Carin. Elle a perdu son enfant, on le sait.
-Mais que vous arrive t-il? s'indigna Carin. Je viens de perdre mon fils et vous ne pensez qu'à me mettre dos au mur.
-Ce n'est pas ça Carin; fit sa mère. C'est pour ton bien. Pour le nom de notre famille. Chez nous, on abandonne pas une femme enceinte.
-Franchement, il vaudrait mieux que je m'en aille; dit Carin en se levant.
-Très bien mon fils! Tu peux partir mais considère toi comme orphelin et déshérité. Tu ne vas pas traîner le nom de ton père dans la boue.
-Tu penses que tu vas contrôler ma vie avec ton argent ? interrogea Carin. Tu peux le garder et en couvrir ton incapable de fille assise là.
-Eh Carin! menaça Ashley. Je ne te permet pas.
-Sinon quoi? J'en ai tout simplement marre de vous et de vos exigences. Comprenez que je viens de perdre mon fils.
-Toutes mes condoléances ! Mais tu en as un autre dont tu dois prendre soin. Mélaine et votre enfant ont besoin de toi alors Carin prends les bonnes décisions.
-Ou tue notre mère si tu veux! ajouta Ashley
Carin soupira et se rassit. Il était évident que les menaces de sa mère faisaient effet. Rien n'était plus important pour lui que sa mère et cela se voyait. Il frotta sa tempe avec ses doigts avant de demander.
-Maman, si je n'épouse pas cette fille, que feras-tu? Me sortiras-tu de ta vie?
-Mon fils, tu sais combien je t'aime mais je ne peux pas te laisser dans l'erreur. Fais tout simplement ce que je te dis et il n'y aura pas de conséquences.
Il sembla réfléchir pendant un instant puis il hocha la tête en signe de capitulation.
-D'accord, je vais l'épouser. Que ta volonté soit faite maman! Mais j'espère que ton choix est le bon. J'espère que ton choix est le bon.
******
(Carin)
Je m'étais finalement uni à Mélaine lors d'une petite soirée intime. Seule ma famille et Roland qui avait une fois de plus été invité par Ashley étaient présents. Je n'avais à aucun moment pris part à l'organisation du mariage. Je m'étais contenté de signer les documents et d'être présent le jour J. Cette femme démoniaque et moi étions uni dorénavant sous le régime de la communauté des biens. Cette vipère avait réussi son coup alors que moi j'avais perdu tout espoir en la vie. Je m'étais résolu à accepter de subir les choix de ma mère lorsque j'ai définitivement perdu Inès. À quoi bon faire des efforts alors que ces efforts sont mal perçus. J'aurais voulu me battre pour Inès et me soigner mais je n'en avais plus la force. L'éternelle phase de tristesse dans laquelle j'étais entré m'empêchait de réagir. Auparavant je serais retourné au travail. J'aurais repris ma vie pour donner à moi et aux autres une illusion de bien-être mais je ne pouvais plus. La voix dans ma tête était devenue plus insistante que jamais. Maintenant, elle me poussait au suicide et je savais qu'elle avait raison. Plus rien ne me retenait sur cette terre. Je ne servais plus à rien.
-Carin! m'appela Irina me sortant de mes pensées. Ça fait dix minutes que je te parle. Est-ce que tu m'entends?
-Oui, désolé sœurette. Je pensais à toute cette situation.
-Je sais mon frère et c'est pour ça que j'ai décidé de passer te voir aujourd'hui pour te donner tout mon soutien.
-Tu es sûre que c'est aujourd'hui qu'elle va aménager ici? demandai-je le regard triste
-Oui; répondit Irina avec un certain fatalisme. C'est ce que Ashley et maman ont décidé.
-Je ne veux pas être ici pour l'accueillir... Je ne peux pas...
-Mais c'est ton épouse maintenant. Tu devras vivre avec elle.
-Je sais...
-Je ne comprends pas comment Ash et maman font pour ne pas s'apercevoir que cette fille n'est qu'une matérialiste. Elle t'a clairement piégé en tombant enceinte. Jamais, elles n'auraient dû t'obliger à l'épouser.
-Ce qui est fait est fait! dis-je en me levant. Je m'en vais. En partant, ferme bien le portail et remet la clé à maman. Je ne veux pas être là lorsque cette femme va debarquer dans ma vie.
Irina tenta de me retenir avec des mots mais je m'en allai vers mon unique refuge sur cette terre. Quelques minutes plus tard, j'étais déjà entrain de me defouler entre les jambes de ma sublime albinos. Elle ne me refusait jamais le sexe et ces dernières semaines, nos parties de jambes à l'air étaient devenues des oasis dans le désert de ma vie. Je jouis et je me laissai tomber près d'elle sur le lit. Je respirais bruyamment à bout de force lorsqu'Amelie se pencha pour me donner un baiser.
-Et ton épouse? m'interrogea t-elle
-Ne me parle même pas d'elle; dis-je automatiquement nerveux. Je suis ici pour échapper à cette réalité alors ne me la rappelle pas.
-Que comptes-tu faire maintenant ? Vas-tu revoir le psychologue ?
-Non, je n'ai pas la tête à ça; répondis-je sèchement en espérant que le questionnaire s'arrête là
-J'ai peur tu sais? dit-elle en se redressant
-De quoi?
-De toi! répondit-elle. De ce que tu pourrais faire. Tu es tellement sous pression...
Je ne la laissai même pas finir sa phrase que je me levai du lit et j'en descendis. Je ramassai ma culotte que j'enfilai sous son regard.
-Tu vas partir?
-Comme tu le vois; répondis-je en portant mon pantalon. J'ai une épouse dont je dois m'occuper. Je n'ai pas du tout la tête à écouter tes histoires.
Elle réprima un rire puis elle me lança.
-Au revoir et ne la tue surtout pas ta chère épouse !
Mon sang ne fit qu'un tour. Je l'attrapai par le bras et je la forcai à descendre du lit.
-Pour qui tu te prends pour me parler comme ça ? Je suis un meurtrier?
-Tu vas me frapper? fit-elle sur un ton de défi. Tu vas frapper la seule personne qui te soutient sur cette terre? Vas-y Carin! Montre moi à quel point tu es malade.
Ces mots firent écho à la voix dans ma tête et je la lâchai automatiquement.
-Excuse moi! murmurai-je
-Va t'en maintenant ! ordonna t-elle. On se reverra plus tard.
Je respectai son désir et je sortis de chez elle pour me rendre dans un bar que je ne connaissais que trop bien pour l'avoir si tant fréquenté ces derniers jours.