Partie 26 : première dispute
Ecrit par labigsaphir
[ BLESSING ]
- Chérie, chérie, entendis-je avant d’ouvrir les yeux et me redresser.
Je sens un froid m’envahir et reprends peu à peu mes esprits pour constater que Malick a fait glisser le drap qui me couvrait sur le lit.
- Mais que se passe-t-il ? S’enquiert-il en faisant fonctionner la lampe de chevet.
- Juste un mauvais rêve, juste un mauvais rêve. Dis-je en descendant du lit.
- Où vas-tu ?
- Aux toilettes. Souhaites-tu m’y accompagner ?
- Non.
- Ok.
- Chérie,
- Oui, fais-je en me tournant vers lui.
- Prends aussi une douce parce que tu es trempée de sueur.
Je baisse les yeux et constate avec étonnement que la nuisette adhère à ma peau. Je lève les yeux avant de me tourner les talons et prends soin de laisser la porte entrebâillée avant de me déshabiller. En me douchant, je récite certaines sourates en pleurant.
QUELQUES HEURES PLUS TARD…
La sonnette retentit, je bondis du canapé et vais ouvrir la porte à Faith qui apparait quelques minutes plus tard.
- Alors, madame Badjeck ? J’espère ne pas perturber la lune de miel, dit-elle en tapant sur mon épaule, manquant me faire tomber.
- Doucement, la boxeuse. Répliquai-je en massant mon épaule.
- C’est comment, ton chéri ne prend-il pas soin de toi la nuit ?
- Tu doutes ?
- Encore un bassa avec son arsenal.
- Doucement, c’est mon mari.
- Je sais que ce sont TES bijoux de famille.
- Atééééééééééé tu connais, fais-je avant d’éclater de rire.
- Le mariage est doux.
- Assieds-toi, dis donc.
- Merci, ma chérie.
- Wait (attends, argot camerounais), je vais nous chercher ce qu’il faut pour le petit-déjeuner.
- Attends, je vais t’aider.
- Non, non, reste-là, tu es mon invitée.
Je vais à la cuisine, prends le nécessaire et nous nous installons sur la table à manger. Faith se lève et fais le service en me taquinant, l’ambiance est vraiment bon enfant.
- Dis donc, Badjeck n’est pas pas dans du n’importe quoi.
- Humm.
- Je vois comment il te met à l’aise.
- Ah ça ! Dis-je en ingurgitant le reste de croissant que je tenais.
- La lune de miel ?
- Tout va, ma chérie et ton homme ? Ta petite famille ?
- Ah, tu sais. N’est-ce pas comme il m’a doté, il a trop fait.
- Pardon ?
- N’est-ce pas ces derniers temps, je mets la musique de Josey.
- Eukieee, je ne comprends pas.
- Oui, je mets souvent « Diplôme ».
- A-t-il compris à quoi tu voulais en venir ?
- Il m’a dit hier que le mariage n’est qu’un papier, une perte de temps et d’argent.
- Massa, donc il ne veut pas te sécuriser ?
- Je te dis.
- Humm et tu ne connais pas la meilleure.
- Raconte toujours.
- Ehhhhh Blessing, tu as de la chance.
- Eukieee pourquoi cette notre de tristesse et ce défaitisme ; sa voix est tremblante, ce qui m’incite à lever les yeux et constater que des larmes coulent sur son visage.
- Blessing,
- Faith, pardon, calme-toi. C’est la première fois que je te vois dans cet état ; je pose ma main sur la sienne et sens le chat rentrer dans la pièce, c’est toujours ainsi.
- Blessing, ma petite-sœur, excuse-moi.
- Assia, la big, ça va aller ; elle essuie les larmes et me fait un sourire triste.
- Donne-lui un ultimatum, suggérai-je ne posant ma tasse sur la tasse.
- Toi qui étais célibataire hier, hier, tu nous as tous dépassées.
- Ce n’est pas la course, tu sais.
- Il t’a épousée, Blessing, le Seigneur t’a bénie.
- Amen.
- Arrête de pleurer, s’il te plait.
Nous sommes interrompues par le miaulement du chat qui se frotte aux pieds de Faith qui le prend dans ses bras et le pose sur ses cuisses. J’ai juste envie d’étrangler ce chat de malheur.
- Qu’y a-t-il, Blessing ? Si tes yeux pouvaient lancer des éclairs, ce chat serait déjà mort.
- Je n’ai qu’une envie c’est l’attraper et le foutre hors de cette maison.
- Et qu’est-ce qui t’en empêche ?
- Malick, c’est le chat de Malick.
- Tu es aussi chez toi. Si tu ne l’aimes pas, fais-le lui comprendre ou demandes à ce qu’il vive hors de la maison.
- Malick dit qu’il préfère ses chats dans la maison.
- En avez-vous plusieurs ?
- Non, juste celui-là.
- Que n’aimes-tu pas chez lui ?
Elle caresse son dos et ses oreilles, il se met à ronronner de plaisir.
- A chaque fois qu’il rentre dans une pièce ou je suis, mes cheveux se dressent sur la tête.
- Akieuuuu Blessing, aurais-tu un passif avec les chats ?
- Non, j’aime bien les animaux mais celui-ci et l’autre d’avant…Non, ce ne passe pas !
- Doucement, mets-le donc à la porte.
Le chat se met à ronronner et bouger dans ses bras, il pose sa tête sur sa poitrine. Je veux parler mais les pleurs de la petite me poussent à me lever.
- Je reviens, la big.
- Ok.
Je vais récupérer la petite dans son berceau et rejoins Faith qui pose le chat par terre et veut la prendre dans ses bras.
- Pardon, va d’abord laver tes mains, elle a juste une semaine.
- Elle est encore sensible voire très sensible aux microbes.
- Ok. Vas-y, au fond du couloir à droite.
- Je reviens.
Elle me regarde dans les yeux et prends mon petit doigt. J’ai bien envie de raconter dans quelles conditions elle est arrivée ici mais non, je souhaite protéger mon mari et préfère garder cela pour moi.
- Donne-la-moi, fait Faith en s’asseyant.
- Elle est encore propre et ne pleure pas vraiment.
- C’est très bien. Fait-elle déjà ses nuits ?
- Non.
- Et comment vous organisez-vous, ton chérie et toi ?
- Lorsqu’elle se réveille la nuit, il va dormir soit dans une autre chambre, soit au salon.
- Alors, ma chérie, comment vas-tu ?
Fait m’oublie durant quelques minutes et joue avec la petite. Même si je n’aimais pas vraiment Salima, je ne peux détester son enfant d’autant qu’elle n’est plus là pour l’endoctriner. Cependant, je suis triste en pensant à ma féfé et ne peux m’empêcher d’écraser une larme.
- Qu’y a-t-il, Blessing ? Ne me dis pas que je t’ai contaminée ?
- En voyant cet enfant, je pense à ma féfé.
- Pourquoi ne l’a-t-il pas laissé à la famille de sa mère ?
- Il allait faire disparaitre la petite.
- Tu as accepté prendre la petite mais sérieux, ton affaire de deuil, je n’ai pas compris.
- Que pouvais-je faire ? Ils étaient tous là, Faith. J’ai accepté malgré moi, je t’assure.
- Humm…Moi, je n’allais pas accepter que c’est quoi ?
- Humm, Faith, rien n’est facile.
- Rien n’est facile, comment ? Il fallait le laisser ici avec sa famille et partir.
- Mais où ?
- Blessing, ce n’est pas toi qui peux me dire ça ?
- Faith, comme je t’ai dit, c’est compliqué.
- Humm, je te trouve laxiste.
- Faith, parlons d’autre chose, tu veux ?
- Blessing, je sais que tu l’aimes mais donne-lui un ultimatim.
- Humm.
- Je crois qu’elle vient de faire dans sa couche. Appele la bonne et demande lui venir la récupérer.
- Je n’ai pas de bonniche, Faith.
- Quoi ? Avec tout l’argent que Malick a ?
- Comme je te dis là.
- Tu veux dire que toute la maison qui brille, tu es la seule à t’en occuper avec la petite ?
- Mais oui.
- Quoi ?
- Mais tu en fais de même, Faith. Tu n’as pas de bonniche à ce que je sache.
- Le mien n’a pas les moyens comme le tien.
- Humm, je reviens.
- Je vais faire le biberon pendant ce temps.
- Tout est sur le plan de travail.
Nous prenons le couloir et nous séparons devant la porte de la cuisine. Au lieu de changer la petite, je décide de lui donner son bain et l’habiller pour une sortie improvisée. Je fais son sac à langer, change de vêtements et rejoins Faith qui a repris le chat de malheur sans ses bras.
- Si tu ne déposes pas le chat sur le sol, je vais lui foutre un coup de pied où je pense avant de lui tordre le cou, dis-je énervée.
A cet instant, le chat descend de ses bras et quitte le salon comme s’il a compris ce que j’ai envie de faire.
- Akieuu ma petite, tu as des problèmes avec ce chat ?
- Sérieux, il m’énerve.
- Calme-toi, passe-la-moi, elle est très belle.
- N’est-ce pas ? Je vais chercher la poussette.
- Ok.
Je lui passe la petite et reviens avec la poussette utilisée par féfé, je l’équipe avant de l’installer. Du coin de l’œil, je vois le chat rentrer dans la pièce et attends qu’il s’approche pour faire ce dont j’ai envie.
- Blessing,
- Oui, Faith, je t’écoute.
- Je ne veux pas déstabiliser ton coupe ou me mêler de ce qui ne me regarde pas mais comptes-tu recommencer à travailler ?
- Je veux bien.
- Mais ?
- Malick demande à ce que je m’occupe de sa fille et non, une tierce personne.
- Mais prends une berceuse.
- Il dit ne pas avoir confiance en une autre personne.
- Blessing, il veut te garder sa merci. Nous savons qu’il est jaloux et veut te maintenir à la maison.
- …
- Blessing il commencera à changer avec toi.
- Non, je ne crois pas.
- Humm. Blessing, l’indépendance d’une femme est son porte-monnaie.
- Je sais ! Fais-je durement.
- Je sais que tu aimes ton mari mais pense d’abord à toi.
- Toi qui es si intelligente, tu ne travailles toujours pas et n’es même pas mariée.
Elle s’arrête au moment de sangler féfé et se tourne vers moi, les yeux rouges.
- Je suis désolée, cela m’a échappé. Excuse-moi, Faith. Je ne souhaitais pas te faire mal.
- Ok ; je regrette mais elle m’a énervée.
Nous terminons dans le silence et nous apprêtons à sortir lorsqu’elle se tourne vers moi.
- Au fait, où vas-tu ?
- J’ai envie de me tresser, fais-je en souriant.
- Pourquoi ne fais-tu pas un tissage ?
- Malick n’aime pas et me veut naturelle.
- Jusqu’aux ongles ?
- Il dit que tout ça est trop voyant.
- C’est pourtant ce qu’il a aimé chez toi.
- Je suis une femme mariée et la religion musulmane est un peu stricte.
- La religion musulmane ne demande-t-elle pas d’éviter de porter les jeans moulants, des chemisiers aussi moulants ?
- Je n’ai aucune envie de mettre un tchador ce matin.
- Par contre, tu souhaitais te maquiller.
- Tu as tout compris.
- Et si quelqu’un nous croise ?
- Qui le lui dira ? A moins que ce chat ne parle.
- Ce qui n’est pas le cas, ce n’est qu’un chat.
- Heureusement.
- Allons-y !
Nous quittons la maison en devisant gaiement, j’éclate de rire en traversant le portail et fais signe au gardien qui referme rapidement.
- Au fait, comment s’appelle la petite ?
- Salima.
- N’est-ce pas le nom de sa mère ?
- Si si si si.
- Mais pourquoi as-tu accepté ? Ne pouvait-il pas donné un autre nom à sa fille ?
- Humm ; je détourne le regard.
- Blessing, que me caches-tu ?
- Je n’avais pas le choix ou plutôt nous n’avions pas le choix.
- Pardon ?
- Sa mère voulait que sa fille porte ce nom.
- Mais que racontes-tu ? Sa mère est morte en couche.
- Nous sommes des africains, Faith.
- Que baragouines-tu ?
- Faith, je dors à peine depuis le décès de Salima.
- Je comprends pourquoi tu as les valises sous les yeux.
- Ce qui explique mon besoin de me maquiller.
- Blessing, pourquoi ne dors-tu pas bien ?
- Ce rêve revient telle une ritournelle.
- Je ne comprends pas.
- Attends, dis-je alors que nous traversons la route.
- Humm.
- En fait le jour où elle est morte, elle m’est apparue en rêve pour la première fois.
- Quoi ?
- J’étais dans une maison ou plutôt dans un couloir qui ne se terminait pas, un couloir faiblement éclairé.
- Humm.
- Elle m’est apparue, j’ai pris peur me suis mise à courir mais elle m’a facilement rattrapé puisqu’elle planait.
- Je vois et que voulait-elle ?
- Elle demandait à ce que sa fille porte son nom.
- Quoi ?