Partie 27

Ecrit par Fleur de l'ogouée

C’est le début du troisième trimestre aujourd’hui, plus que trois mois d’école pour les petits avant les grandes vacances, les jumeaux sont surexcités, ils n’ont pas arrêté de changer le choix de leurs tenues. Mélissa quant à elle, est très calme, je comprends que pour un enfant de 11ans ça peut faire beaucoup de changement en si peu de temps, une nouvelle famille, une nouvelle ville, une nouvelle maison et une nouvelle école. Elle a enfilé une petite robe que je lui ai acheté, tous les mini Thomas sont fins prêts. On va tous à l’école où Mélissa devra apprendre, pendant que je vais régler les détails avec la directrice, les enfants accompagnent la petite dans sa nouvelle classe. Quelle belle surprise, la directrice l’amie de maman a décidé que la petite ne payera rien, juste les fournitures et c’est tout, maman elle me sauve toujours la vie, je suis sûre qu’elle a négociée pour cela. Après un long aurevoir, je dépose les enfants à leur école avant moi-même de me rendre au travail, je n’ai pas beaucoup bossé ces derniers temps. Je suis trop soucieuse depuis hier, je me sens nauséeuse, fatigué et j’ai des douleurs dans le dos. Je repousse le moment d’aller faire les examens mais je sais qu’il faudra bien que je le fasse, de toute façon si je suis enceinte aujourd’hui demain je le serais aussi, il faut que je prenne mon courage à deux mains pour affronter tout cela. J’appelle la clinique où je me fais suivre et je prends rendez-vous avec le gynéco pour cet après-midi, le compte à rebours est lancé. Je n’arrive à rien, je suis trop pensive, j’appelle Sandra qui est n’a pas cours cette semaine, il faut que je me change les idées. Nous nous retrouvons dans un hôtel en bord de mer, l’air marin m’apaise tout de suite, Sandra nous commande des cocktails sans alcool et une pizza, je me sens bien là. On repasse en revue la soirée de samedi, le comportement gentleman de Bradley, le harcèlement de Jérôme et sa femme et la beauté de la réception, au final on a passé une très belle soirée, on s’est un peu fait draguer, on a bien mangé et bien bu le reste ce n’est pas notre problème. Vu que nous sommes ensemble, Sandra profite pour appeler son dragueur qui est au ministère de l’éducation national, il nous donne une liste de papier à remplir et nous rassure que lorsqu’il les aura, la petite sera sur une liste et pourra passer les examens en même temps que les autres. Après avoir mangé nous allons faire une petite manicure, avant que je n’aille à la clinique. Le stress commence à monter, un bébé comment je vais faire avec une pré ado, des jumeaux et un bébé, comment je vais pouvoir tous les élever seule, je suis en sueur. Quand il faut y aller, il faut y aller, je me lève d’un pas décisif et je me dirige à ma voiture, Sandra va m’accompagner, je n’ai pas envie de vivre tout cela seule, c’est trop pour moi. Avant d’aller chez le gynéco je vais au laboratoire avec le bon d’examen que le médecin m’a fait à la sortie de l’hôpital, il me prélève du sang, j’aurais les résultats plus tard. Ensuite je vais attendre pour la consultation gynécologique, il y a deux femmes avant moi, ensuite ce sera mon tour. J’essaie de faire le vide dans mon esprit, je suis tellement stressée que ma tension est élevée quand les infirmières me prennent les constantes, malgré la présence de Sandra je n’arrive pas à me tranquilliser. Je n’ai fait que boire de l’eau pendant mon attente, apparemment c’est bon de boire beaucoup d’eau avant une écho. Quand j’entends mon nom j’ai envie de m’enfuir, mais Sandra réussie un peu à me calmer. Je cogne et j’entre, me voilà face au médecin

-Docteur : Mlle Mbourou, vous allez bien ? Les jumeaux se portent bien ?

-Les jumeaux vont bien, mais moi par contre je me sens mal depuis quelques jours, je me suis évanouie et le médecin de l’hôpital m’a conseillée de faire des examens sanguins et une échographie

-Ah et quand avez-vous eus vos dernières règles

-Il y a trois semaines

-D’accord nous allons passer sur la table d’examen, je vais vous examiner avant de vous faire l’écho, ensuite nous discuterons

Je retire mon pantalon et mon slip, je m’allonge sur cette table froide, je me sens mal alaise, j’ai envie de vomir. Il commence par me palper le ventre avant d’enfiler une paire de gant pour explorer mon intimité, je me sens toujours un peu mal alaise quand je vais chez le gynécologue, mais il ne fait pas de geste brusque et il est rapide. Après son examen, il approche l’appareil pour l’échographie, il passe bien en revue mon abdomen et mon pelvis, ensuite il me donne des lingettes pour retirer le produit que j’ai sur le ventre, après cela je me rhabille. Une personne frappe à la porte, c’est une infirmière qui apporte les résultats du labo. Il ouvre l’enveloppe sur laquelle est inscrite mon nom.

-Alors madame, je ne vais pas faire durer le suspens plus longtemps, le dosage de l’hormone B hcg révèle que vous êtes enceinte, par contre à l’échographie on a un utérus vide. Vous pensez être enceinte de combien de semaine ?

-J’ai eu mon dernier rapport sexuel il y 2mois je pense

-C’est incompatible avec l’image que j’ai eu à l’échographie, mais il n’y pas lieu de vous inquiéter, je veux que vous reveniez dans trois semaines pour refaire l’échographie et aussi pour doser encore le B hcg

-Donc finalement docteur je suis enceinte ou non ?

-Vous êtes enceinte ça c’est sûr mais je ne peux ni vous dire de combien de mois, ni vous estimer la date de l’accouchement. C’est pour cela qu’il faut que vous reveniez dans trois semaines, c’est important.

Je sors de là dépitée je ne sais pas quoi pensée, Sandra qui est avec moi essaie de me remonter le moral tant bien que mal, mais tout cela est trop floue pour moi

-Sandra : Tu vas le dire à Jérôme quand ?

-Je sais pas, un bébé qu’on ne voit pas à l’écho tu veux que j’annonce ça comment, je vais attendre quand je vais repasser dans trois semaines, au moins je serais déjà fixer et j’aurais les preuves de ma grossesse. En attendant je n’ai pas besoin que lui ou sa femme vienne fouiner dans mes affaires

Lydia qui n’avait plus beaucoup de travail nous a rejoint chez maman, cellule de crise thème du jour, un bébé en route. Moi une jeunette de 32ans je vais me retrouver à élever quatre gosses toute seule, ma vie n’est pas simple, je me suis fourrée dans un bourbier terrible, néanmoins cet enfant je vais le chérir comme ses frères, malgré que ce soit mal fini entre Jérôme et moi je porterais à cet enfant tout l’amour que je lui dois.

-Maman : dis déjà au monsieur que tu es enceinte, demande juste qu’il ne le dise pas encore à sa femme, c’est le père de cet enfant il doit le savoir

-Lydia : Mais maman la grossesse n’est pas encore sûre, il vaut mieux attendre

-Sandra : Oui mais il peut l’épauler, elle n’a pas à traverser ça sans lui

-Lydia : Nous sommes là, on va veiller sur elle. Ne la jetons pas en pâture à ce couple de masos

-Maman : A un moment donné il faudra bien lui dire

Je ne les écoute plus depuis un bon moment, je suis perdue dans mes pensées, je vais donner la vie, il y a un être dans mon ventre qui compte sur moi, je ne sais pas comment je vais m’en sortir, spéculer sur si je dois oui ou non informer Jérôme n’est pas une priorité, tôt ou tard il le sauras, cet enfant aura-t-il une structure familiale qui l’aidera à grandir sainement ? Déjà avec une belle mère comme Francine il est mal barré ce petit choux, il faut je me vide la tête. J’annonce aux filles que je vais chercher les enfants à l’école, elles me regardent un peu déconcertées, mais il faut que j’y aille, j’étouffe.

Après avoir récupéré les enfants je les dépose à la maison, je réchauffe le plat de feuilles de manioc et la banane qui sont au frigo, je prends de l’eau et deux briques de jus de fruits, ensuite je me rends à l’hôpital, je vais voir Alphonsine.

Je la trouve assise sur son lit, elle a bonne mine, enfin elle a bonne mine pour quelqu’un dans son état. Quand elle me voit elle sourit et commence à me dire comment elle est heureuse de me voir

-Désolé de ne pas être passée depuis, beaucoup de drame en ce moment

-Ne t’excuse pas tu es la seule personne qui daigne venir me rendre visite ici, merci

Je lui donne le petit sac que j’ai fais pour elle, j’ai acheté des fruits en route, j’espère que ça va l’aider à reprendre des forces

-Tu voudrais que je vienne avec Mélissa un de ses quatre ?

-JAMAIS, cet endroit n’est pas un lieu pour les enfants et de plus je ne voudrais pas que mon bébé me voie comme ça, je ne veux pas que l’image qu’elle garde de moi soit celle-là. Je veux que dans dix quand elle se souviendra de sa mère, qu’elle se souvienne de moi comme étant la beauté qui faisait trembler le village, les hommes me désiraient et les femmes me jalousaient, tout le monde disaient que la beauté est inscrite dans nos gênes. Je veux aussi qu’elle se rappelle de nous deux allons au marché en chantant, de nos ballades à la rivière et de sa grand-mère et moi lui apprenons à faire du manioc, je veux qu’elle se souvienne d’une Alphonsine belle et joyeuse et non d’une mourante.

-Je comprends, mais si plus tard tu sors, tu ne penses pas qu’elle t’en voudra de l’avoir mis à l’écart comme ça

-Mélanie il y a une vérité que tu dois comprendre, je ne sortirais jamais d’ici, je t’ai dis le premier jour que nous sommes au couloir de la mort, personne ne ressort d’ici vivant, nos organes vitaux sont atteints, notre immunité n’existe plus, nous ne sommes là qu’on attendant de rejoindre les étoiles et ceci est une réalité

-Ne parles pas comme ça, Dieu opère des miracles, je suis convaincue qu’il peut changer ton histoire

-En te mettant dans ma vie il a changé mon histoire, je serais la mère d’une femme qui réussira tout ce qu’elle entreprend et ce grâce à l’éducation que tu lui donneras. Être ici m’a rapproché de Dieu, je prie sans cesse pour ma fille, je prie aussi pour le pardon de mes actes, je me repends chaque jour, je ne lui demande pas la guérison, je lui demande de m’accueillir dans son paradis, moi qui ne suis pas digne de lui.

Je pleure en silence, parfois on se plaint de nos problèmes alors que ceux des autres sont plus compliqués que les nôtres, je suis admirative de voir une personne comme elle, malade même mourante mais qui remercie le Seigneur pour ses merveilles, qu’est-ce que j’attends pour prendre la vie du bon côté

-Tout les jours je me plains de ma vie, mais j’oublie que toi aussi tu as vécu ton lot de drame, perdre ton mari si tôt ça na pas dû être facile, tu es une battante, je sais que Mélissa est entre de bonnes mains.

- Alphonsine où tu me vois là, je suis enceinte d’un homme marié, je ne sais pas comment je vais faire

Cette phrase est sortie toute seule de ma bouche, je ne sais même pas comment j’ai pu la dire à haute voix, une patiente d’un certain âge s’est relevée aussitôt et a dit sans langue de bois

-Quand on fait le pipi avec une femme, on doit s’attendre à avoir un enfant, il faut dire à ce bandit d’assumer son enfant. Les hommes pensent que quand ils mettent les graines là, ils peuvent disparaître après. Je dis bien coupe moi son bangala s’il refuse l’enfant là

Alphonsine et moi ont a éclaté de rire, les mamans elles parlent trop de manières crues, mais le fond y est.

-Ecoute, dis-le-lui le plus tôt possible, mon plus grand regret est de ne jamais avoir pu dire à Thomas que j’attendais un enfant de lui, je me suis volatilisé du jour au lendemain et ça je crois que ma fille en souffrira toute sa vie, ne pas avoir eu de chaleur paternelle, ne pas avoir pu appeler quelqu’un papa, c’est ce dont je lui ai privé. Mon seul conseil est de ne pas faire la même bêtise que moi, les affaires des parents ne regardent pas les enfants

Ma décision est prise, demain je dois parler à Jérôme de cette grossesse, lui expliqué l’incompatibilité de l’écho et des examens sanguins, lui seul choisira de me croire ou non.

-Ah en fait je ne t’ai pas dit, Mélissa a commencé les cours aujourd’hui en CM2. Mais pour les examens j’aurais besoin de quelques papiers, j’ai déjà certains que sa tante m’avait remis

-Dieu soit loué, sincèrement Mélanie je veux que tu l’adoptes cette petite, je veux qu’elle ne soit jamais séparée de toi, à ma mort je ne serais en paix que si tu es sa maman

Je n’ai pas su quoi répondre à cela, l’élevé oui mais l’adopté c’est autre chose, c’est beaucoup de responsabilité, avec ce bébé en route, est-ce que c’est vraiment le moment de prendre ce genre d’engagement. 

La veuve