Partie 57 : confidences

Ecrit par labigsaphir

Cela fait une semaine que je n'ai plus de nouvelles d'Elric, cela me fait stresser. Il ne prend plus mes appels et répond pas à mes sms. J'ai appelé Oan, il m'a fait comprendre que cela fait un bail qu'ils ne se sont pas vus. Il a proposé d'aller faire un tour à la maison afin de me calmer, j'ai accepté. Là, je tourne en rond, en attendant son coup de fil. J'ai déjà assez de soucis, qu'il faille encore qu'Elric ajoute les siens.

Pourquoi la vie est-elle compliquée ? C'est aussi aujourd'hui que je suis censée rencontrer la femme qui a jugé que je n'étais pas assez bien pour elle. J'ai eu le temps de cogiter, de penser à tout ce que je pourrai lui dire, tout ce que je n'ai pas pu lui dire, depuis que je sais avoir été adoptée par Carla Croft, ma véritable mère. Oui, c'est elle qui a toujours pris soin de moi, a été là lorsque j'avais des bobos, lorsque j'étais malade, me consolait lorsque j'avais de la peine et j'en passe.

BZZZ....BZZZZ...BZZZZZ

- Oui, allo, fais-je en décrochant.

- Bonjour ma chérie.

- Bonjour maman.

- Ça va ? Je me sentais bizarre. Je ne sais pas si j'exagère, j'ai comme l'impression que tu as un problème.

- Pas exactement, maman.

- Comment ça, pas exactement ? Ce n'est pas une réponse claire. Je sais que ca ne va pas fort. Généralement, mon intuition ne me trompe jamais lorsqu'il s'agit de mes enfants.

- Maman, c'est vrai.

- Que se passe-t-il ?

- Maman, je ne suis plus certaine que chercher mes parents biologiques ait été une bonne idée, finis-je par lâcher en arpentant ma chambre.

- Jen, qu'y a-t-il ?

- Cela fait des jours que je souhaite te le dire mais je me suis retenue.

- Pourquoi ?

- Je ne souhaitais pas te faire de la peine. Je sais que me laisser venir en Afrique du Sud chercher ma mère biologique, n'a pas été facile pour toi. Je pensais déjà en avoir assez fait et trop, il ne fallait surtout pas exagérer.

- Jen, essaie-t-elle de me couper.

- Non, maman, laisse-moi finir, s'il te plait.

- Ok.

- Maman, je sais que tu m'aimes et m'a toujours aimée....Snifff...je ne peux imaginer tous les sacrifices auxquelles tu as consentis durant des années, pour me garder près de toi...Sniff...Je sais que tu es partie de la maison en grande partie, à cause de moi...Sniff...je sais que tu as te brouiller avec papi Stern pour me garder...sniff...je sais que tu n'as pas vu ta mère durant des années pour me protéger...Sniff...Tu as fait ce qu'une maman aurait dû faire pour protéger son enfant...sniff...maman, je sais que tu m'aimes et seras toujours là pour moi...Sniff...Je ne suis pas encore mère et espère l'être un jour...Sniff...Maman, merci, merci...Sniff...C'est tout ce que je peux t'offrir car ce que tu as fait, n'est pas chiffrable...Sniff....Je sais que ton cœur est morcelé à ce jour...Sniff...Je sais que tu as mal même si tu ne le dis pas...Je sais que tu as mal de voir ta famille divisée ce jours, à cause de moi...Sniff...Je sais que tu souffres de savoir la chair de ta chair au loin.

- Jen, tu n'es responsable de rien. Je dis bien, de rien.

- Maman, je ne sais pas si venir en Afrique du Sud était une bonne idée. Raviere aurait apparemment retrouvé ma mère, grâce au collier trouvé dans la boite rose.

- Quoi ?

- Ah oui, je ne te l'avais pas dit.

- Non, tu ne m'avais rien dit.

- Excuse-moi. Et bien, voilà...

Lorsque j'ai terminé, elle garde le silence durant quelques secondes. Je l'entends respirer, en torturant l'esprit, essayant d'imaginer ce à quoi, elle pense.

- Mon bébé, je crois que tu es arrivée au bout de l'une de tes quêtes. Nous ne pouvons qu'en remercier le Seigneur, car elle n'a pas été longue. Je suis heureuse que tu ais pu trouver des réponses à tes questions. Je suis heureuse car cela te permettra d'aborder avec sérénité, l'avenir. Je suis heureuse car tu pourras tourner la page et réécrire ton histoire sans appréhension. Tu choisiras ou non, d'intégrer certains personnages. Que tu le veuilles ou non, cela changera toute la donne.

- Huhum.

- En ce qui nous concerne, tu es et restes notre petite Jeneya Croft. Nous t'aimons tous ici et souhaitons que tu rentres, quel que soit l'orientation que tu auras décidé de donner à nos relations.

- Maman,

- Sniff...Jen, laisse-moi terminer, s'il te plait. Sniff...Tu sais, le jour où je t'ai prise dans mes bras à la paroisse Ste Thérèse de l'Enfant Jesus, je n'ai pas réfléchi. Je n'ai pas eu le temps de réfléchir, car en entendant ton petit cœur battre et lorsque tu as ouvert tes petits yeux, après t'être accrochée à mon doigt, mon cœur a battu pour toi. Oui mon cœur t'a choisie, il a battu dès lors pour toi et n'a jamais cessé de le faire. Sniff..J'ai fini par oublier que je ne t'avais pas sorti de mon ventre ou donner le sein, car c'était tout comme.

- Maman,

- Non, laisse-moi finir.

- Ok, dis-je en essuyant le filet de larmes coulant sur ma figure.

- Pour tout le monde, la famille est Stern est un empire faisant des envieux, à cause du prestige. C'est vrai que la richesse et le luxe insolent dans lequel nous vivions, pouvait laisser penser que nous étions heureux, que le bonheur était acquis. Non, non, ma fille, sache rien ne l'est dans la vie. Tout est illusoire, je dis bien, TOUT. Il faut travailler nuit et jour, pour conserver le peu de bonheur que nous avons. La famille STERN, tout comme beaucoup d'autres familles avaient des secrets dans le placard parmi lesquels, Lavigna, ta tante.

- Huhum.

- Nous avons grandi dans cette atmosphère feutrée, un climat où évoquer certaines personnes ou évoquer certains secrets dits de Polichinelle, devenait un crime de lèse-majesté. J'ai certes aimé mes parents mais paradoxalement, j'ai commencé à développer un gout immodéré pour tout ce qui avait trait à l'Humanitaire. Sans l'aval de mes parents et me promenant un jour dans un quartier non-loin de la Eglise de la Miséricorde, j'ai observé un ballet assez étonnant se déroulant devant moi des sœurs surveillaient des enfants jouant dans un jardin en friche. Ils n'avaient rien, presque rien mais semblaient heureux.

Je portais des vêtements coûtant des centaines voire des milliers d'euros ou la monnaie de l'époque. Ces enfants portaient presque des haillons, ma petite mais semblaient heureux. Je ne sais pas pourquoi mes pas m'ont menée jusqu'à ces dames. J'ai posé des questions et demandé si je pouvais aider. A l'époque, j'avais à peine 20 ans, oui, 20 ans. J'étais la fille d'un riche et habituée à être servie, à donner des ordres pour que ci ou ça, soit fait. Là, j'expérimentais et paradoxalement, je prenais plaisir à aider les autres. Il n'y a rien de plus beau que prendre soin des autres, servir les autres.

Au bout de deux semaines, j'ai commencé à retirer des sous de mon compte bancaire et en donner une partie à l'orphelinat. Pour moi, il n'y avait rien de plus logique. A la maison, cela n'allait pas fort et aller à l'orphelinat, m'aidait à relativiser. Un soir après avoir pris soin des enfants, nous étions bien à l'orphelinat, j'ai entendu une discussion entre la Révérante Mère, Josianne Sariette, une femme à la poigne et la sœur Nancy Carmen. Elles étaient dans le bureau  jouxtant le dortoir, je pouvais donc tout entendre sans vraiment me forcer. Il était question d'une jeune femme qui souhaitait accoucher sous X mais avait pris soin de faire la layette du bébé et laisser ses initiales sur ladite layette.

Elles étaient perturbées car faire la layette et tenir à marquer ses initiales et donc son passage sur ce qui a trait à l'enfant, était quelque peu, un signe d'amour. Elles ne comprenaient pas pourquoi, cette jeune femme ne souhaitait pas garder le bébé. Etait-ce dû à son jeune âge, 17 ans ? Etait-ce dû au fait qu'elle souhaite continuer ses études et décidé de les prioriser ? Je ne saurais te donner la réponse, Jen, mais j'avais écouté et en étais sortie de là, ébranlée. Je suis rentrée ce soir, différente au manoir des STERN. Je me suis ouverte à ma mère et l'ai de suite regretté car sans le savoir, j'avais rouvert une blessure que je pensais cicatrisée. Ma mère s'est mise à pleurer, a demandé à se retirer ; j'ai compris et n'ai pas insisté. Elle pensait à sa fille Lavigna et au drame que cela avait créé.

Je me suis mise à cogiter et deux jours plus tard, ma mère m'a fait mander, après le départ de mon père pour le bureau. De cette conversation, voici les passages que j'ai retenus et n'oublierais jamais. Je t'en donne la primeur car c'est le plus beau qu'elle m'ait fait, ma mère.

- Carla, je ne suis pas digne de te donner des conseils ou te juger car je ne suis pas une bonne mère.

- Maman, non, dis-je de suite catégorique.

- Non, non, Carla. Le jour où tu seras mère, tu comprendras. Une maman digne de ce nom, ne pourrait abandonner son enfant, et c'est ce que j'ai fait. Une mère qui a porté son enfant neuf longs mois, ne saurait le laisser partir. J'avais des responsabilités qui m'incombaient et ai choisi de me dérober.

- Par amour pour nous, réussis-je à glisser.

- Oui et elle, n'avait-elle pas besoin de sa mère ? Non seulement, je l'ai laissée partir, j'ai aussi coupé tout contact comme le voulait ton père. Alors, ne fais pas la même erreur que moi, Carla. Tu es certes une Stern, cela ne veut pour autant pas dire que tu n'as pas de cœur ou de sensibilité. Si tes pas t'ont menée là-bas, il y avait bien une raison. Chacun de nous a sa partition à jouer sur terre, je crois que tu es arrivée au Carrefour de ta vie, ne rate surtout pas la distribution de tes cartes. Soit actrice de ton destin et non, une spectatrice.

- Huhum.

- Je ne pourrai pas t'aider, sur ce coup. Je ne saurai faire plier ton père, ma chérie. S'il n'a pas souhaiter garder Lavigna, ce n'est pas cet enfant qu'il acceptera. Je peux t'accompagner rencontrer les sœurs et t'assister, pour te donner plus de crédit si tu le souhaites. Je peux retirer une certaine somme, afin que cet enfant et toi, puissiez démarrer sereinement votre vie.

- Merci maman, dis-je les larmes aux yeux ; je ne savais pas que c'était là le dernier acte, l'ultime geste d'amour d'une mère pour sa fille. Je n'avais pas conscience de la portée de son geste et de sa déclaration d'amour.

- Alors, va discuter avec les sœurs demain et nous aviserons.

- Merci, merci, fais-je en la prenant dans mes bras.

Le lendemain, j'ai demandé à rencontrer les sœurs et leur ai avoué avoir entendu leur conversation. J'ai suggéré malgré mon jeune âge, puis ai soutenu mordicus que je pouvais m'occuper de cet enfant. Elles avaient des doutes quant à mon jeune âge et ma capacité à m'en occuper ; e qui est compréhensible. J'ai été obligée de dévoiler mon identité, et pour la première fois, je remerciais le Seigneur d'être une Stern. Quoi que je puisse reprocher à mon père, je reconnais que c'est son nom qui nous a réunis. Il a fallu couper la poire en deux, je résidais avec elle, dans cet orphelinat durant quelques mois, le temps de faire mes preuves, de mettre à jour les papiers, puis traverser la frontière.

Le lendemain dans l'après-midi, maman est arrivée dans une voiture des plus discrètes. Une réunion rassemblant les sœurs, maman et moi, s'est tenue. Nous avons pu régler les détails et quelques jours plus tard, le bébé venait au monde. Jen, le jour où je t'ai prise dans mes bras, j'ai pleuré comme jamais car je réalisais que je devenais maman. Je t'ai aimée sans t'avoir portée. Tu es devenue ma priorité et ma joie de vivre. Je faisais la navette entre l'orphelinat et la maison, sous la discrète surveillance de maman. Tout allait bien, jusqu'à l'incident avec Dick. Si j'avais un stylo pouvant tout effacer, tout recommencer, je ne crois pas que je ferai pareil. Rien ne saurait justifier le comportement de Dick mais peut-être en suis-je l'auteure ou la cause, je ne sais pas. Je me fais surement du mouron, c'est comme ça.

Jen, mon bébé, je t'en supplie, ne juge ou ne la condamne pas, sans l'avoir vue ou écoutée. Je sais qu'il est difficile pour toi de comprendre le geste ou le choix, elle n'avait que 17 ans à l'époque. Je sais que ta naissance et le fait de t'avoir recueillie à l'orphelinat, a été le départ d'une série d'événements que tu ne maîtrisais pas. Savoir que tu as été adoptée au cœur de ce scandale, t'a blessée, je le sais. Jen, écoute avant de prendre une décision. Évite de vivre avec la haine et la rancœur, ma fille, c'est l'ultime conseil que je peux te donner, et le même donné par ma mère.

- Merci, maman, dis-je émue.

Un quart d'heure plus tard, plus rassérénée, je prends l'appel d'Oan.

- Oui, Oan.

- Je ne l'ai pas vu ou trouvé, et ce n'est vraiment pas faute d'avoir essayé.

- Quoi ?

- Je ne sais pas où il est, Jen ; pourquoi ai-je l'impression qu'il me ment ? Le ton de sa voix, est bizarre.

- Merci, Oan.

- De rien, Jen. Je vais y aller, j'ai du travail en rab.

- Merci pour tout et bonne journée.

TOC...TOC...TOC...

- Entrez !

Raviere rentre dans la pièce, s'assied sur le lit, près de moi, joint les mains et se tourne vers moi.

- Jen, ma petite Jen, commence-t-il, cette fois les yeux mouillés.

- Oui, Raviere, dis-je en me redressant.

- C'est maintenant ou jamais, souffle-t-il en me regardant dans les yeux.

- Ok.

- Seulement, j'aimerais que tu m'écoutes. Moi-même, j'ai appris certaines il y a peine une heure, une heure. Jen, j'aimerai que tu remettes tout dans le contexte car ce que tu vas apprendre pourra t'ébranler. Le socle de cette relation ou de cette aventure, dépendra de toi.

- Raviere,

- Oui, Jen.

- J'ai des questions et espère avoir des réponses.

- Je sais, ma petite, je sais.

Il tend la main, m'attire à lui. Quelques secondes plus tard je sens mon épaule se mouiller, je me détache de lui et constate que des larmes coulent sur son visage. C'est la première fois que je le vois perdre contenance de cette façon.

- Raviere, pourquoi pleures-tu ? Je suis émue de constater que t'impliques à ce point dans cette affaire. Merci d'avoir joué ce rôle, Raviere. Je ne te remercierais jamais assez, car c'est grâce à toi que je vais enfin retrouver ma mère biologique et sa famille.

- Ma petite Jen, ma petite Jen, se contente-t-il de répéter.

- Ca va aller, Raviere.

- Viens, ma petite, Viens.

Il me prend la main et nous sortons de la chambre afin d'emprunter l'escalier. Chaque pas est fonction des battements de mon cœur, un pas vers la vérité mais quelle vérité sachant que toute vérité n'est qu'une illusion de l'esprit ? En peu de temps, moi, Jen Croft, ai grandi et suis devenu un enfant arc-en-ciel.

Priez pour moi, j'avoue et confesse avoir peur...


Jeneya CROFT, l'Impé...