Partie VIII
Ecrit par Ornelia de SOUZA
-Elle va s'en remettre ma sœur!Ne vous inquiétez pas!
Inès était déjà éveillé même si elle n'avait pas ouvert ses yeux. La sœur Mina et un homme qui semblait être le docteur débattait sur son état de santé. Elle se demandait ce qu'elle devait faire. Ouvrir les yeux ou attendre qu'ils ne partent pour s'échapper... Elle ne voulait pas rester ici. Elle avait vraiment peur mais elle était trop faible. Elle le sentait. Elle était trop malade.
Finalement elle se résolut à ouvrir les yeux. Il lui fallut un temps d'adaptation pour s'habituer à la luminosité.
-Ma fille,tu es réveillé! Il ne faut pas fuir comme ça. Tu m'as fait peur tu sais. Mais j'espère que ça t'aura servi de leçon. Tu es trop faible et ton état est trop...
-Ma sœur ! Ma sœur ! la coupa tout doucement le médecin.
Inès se tourna vers le docteur pour la première fois. Il était grand,de teint métissé avec une petite barbe de trois jours. La blouse blanche et le stéthoscope lui conférait un air terriblement mature mais aussi sexy.
-Bonsoir Mlle;lança t-il à l'égard de Safi.
-Bonsoir docteur ! répondit-elle en essayant de se relever.
-Non non,restez allongé je vous prie. J'espère que l'épisode de tout à l'heure ne se reproduira plus. Votre état ne vous le permet pas. Comprenez que vous devez accepter la situation et tout faire pour aller mieux.
Inès soupira. Elle comprenait ce que le docteur disait mais pour ce qui était de le respecter, c'était autre chose. Elle était trop faible maintenant mais elle savait que dès qu'elle irait un peu mieux, elle tenterait de quitter l'hôpital.
-Promettez moi de ne plus vous échapper jusqu'à ce que vous alliez mieux! murmura le médecin en s'approchant d'Inès
Il lui toucha le bras et elle fut parcourut par un frisson. C'était la première fois qu'un homme lui faisait cet effet. On aurait dit qu'elle le craignait mais en réalité elle le respectait. Elle savait que c'était un homme bien mais en même temps elle pensait la même chose de la tante Adéossi et celle-ci venait de lui enlever un oeil.
-Vous me promettez? répéta le médecin
-Oui...docteur...
-Appelez moi Carin!
-Oui Carin...
Après un échange de regard,il prit congé de la sœur Mina et sortit de la chambre d'hôpital. À l'entrée, il croisa une jeune femme grande, de teint clair et svelte mais avec des formes là où il faut. Le docteur ne s'attarda pas mais la jeune femme le reluquait même après son départ.
Elle se résolut finalement à détacher son regard du docteur et à entrer dans la pièce. Elle changea totalement d'expression face à la sœur et la salua humblement. Puis se tournant vers Inès:
-Petite sœur, est-ce que tu vas bien ?
Inès interloqué ne répondit pas avant que la sœur Mina n'intervienne.
-Inès,c'est une jeune femme comme toi à qui on a fait beaucoup de mal. Elle a été abusé aussi et elle s'est retrouvé à l'hôpital. Je l'ai fait venir pour qu'elle te parle et pour que tu te rendes compte que ce qui t'es arrivé n'est pas une fatalité et que la vie continue.
Inès lança un regard à la jeune femme puis se résolut à répondre à son bonjour.
-Mon prénom,c'est Mélaine.
-Moi;fit timidement Inès; c'est Inès.
-Très bien les filles! Je vous laisse entre vous. Mélaine,je te prie de bien prendre soin d'Inès.
Elle déposa un baiser sur le front des deux filles et sortit de la pièce.
Dès qu'elle sortit,l'expression de Mélaine changea totalement. Elle prit place dans le siège qu'occupait normalement la soeur Mina et elle croisa les jambes.
-Ah cette "sainte" bonne sœur ! Je suis sûr qu'en cachette de tous,elle se fait bien plaisir si tu vois ce que je veux dire...
-Non,lui répondis sèchement Inès qui n'appréciait pas du tout ce qu'elle insinuait.
-Bon quoiqu'il en soit,c'est pas nos affaires. L'important,c'est l'aide qu'elle nous apporte et tout l'argent qu'elle a.
-...
Inès restait silencieuse. Cette fille ne lui plaisait pas. La soeur Mina était une bonne femme et même si elle n'avait pas encore eu le temps de la connaître, elle savait que jamais elle ne s'intéresserait à son argent.
-Oh mais elle t'a salement amoché cette pute! s'exclama Mélaine. Elle ne t'a pas raté.
Elle éclata de rire. Inès était plus gêné que énervé.
-Oh ne crois pas que je me moque de ton malheur;fit immédiatement Mélaine en voyant l'expression d'Inès. Juste que j'imagine la tête de cette femme lorsqu'elle t'a surpris avec son mari. Elles méritent bien ça ces sorcières... Alors le tien,il était quoi? Riche,beau ou tu voulais juste faire chier cette femme.
Inès comprit très vite tout ce que disait cette femme. Elle insinuait qu'elle,Inès était sorti avec son oncle par plaisir. Jamais elle ne la laisserait dire de telles choses.
-Moi j'ai vraiment été abusé! rétorqua Inès
-Oh arrête ma chère! On dit toutes ça mais si on ne le désire pas vraiment, rien ne peut se passer non?
-Je te dis que j'ai vraiment été abusé!!!
-Eh bien d'accord ! soupira finalement Mélaine en toisant légèrement Inès. Le mien,c'était parce qu'il avait beaucoup d'argent et qu'il me traitait coe une déesse et j'aimais être dans ses bras. Ce n'était pas de l'amour mais...
-Mélaine, je n'ai pas envie de parler.
Inès venait de couper court à la discussion sur un mensonge. Elle mourait d'envie de parler mais elle ne tenait pas à avoir ce genre de discussion. Mélaine n'était pas une fille bien...
-Très bien; lança Mélaine avec dédain. Dans ce cas,je vais voir le mignon docteur. À plus !
Elle sortit de la pièce laissant Inès seule face à son destin et à sa tristesse.
Deux mois s'étaient écoulés depuis l'incident tragique qui avait coûté un oeil à Inès. Elle était sortit de l'hôpital trois semaines plus tôt à cause de son état critique et s'était installé chez la sœur Mina. Cependant elle retournait toutes les semaines à l'hôpital pour ses soins mais aussi pour voir le beau docteur Carin. Il arrivait à lui faire oublier ses soucis. Elle se détendait vraiment à son contact.
Elle avait aussi appris que la sœur Mina était camerounaise et était sur le territoire béninois car elle s'était engagé avec une association de bénévolat dont le but était d'aider les jeunes femmes en détresse. Elle consacrait sa vie à Dieu et aux femmes en difficultés. Elle avait loué un petit appartement bien modeste dans la ville de Cotonou et c'est là qu'elle avait décidé d'accueillir Inès qui n'avait nul part où aller à sa sortie de l'hôpital.
Inès quant à elle avait tout le mal du monde à récupérer des évènements récents. Elle aidait la sœur dans ces quelques tâches ménagères. Elle avait perdu la vue de l'œil gauche et la moitié de son visage avait été ravagé par le feu la défigurant totalement. C'était définitif. Elle n'avait aucun espoir de retrouver ni sa vue,ni sa beauté d'antan.
Ce jour là,la sœur était revenu de l'hôpital où elle passait le plus clair de son temps auprès des femmes et Inès avait finis ces quelques travaux ménagers. Les deux femmes s'installèrent donc à table pour le dîner. La sœur Mina n'avait qu'un seul but,celui de sortir Inès de son mutisme. Elle voulait à tout prix aider cette jeune femme et mis à part ce qu'elle lui avait raconté deux mois plus tôt, elle ne savait rien de son histoire.
-Alors,et ta journée Inès? demanda t-elle
-Bien ma sœur...
-Tu t'es amusée ? Tu es sortit un peu?
-Non ma sœur...
-Dis moi ce qui t'arrive! As-tu perdu l'espoir en la vie depuis que tu as été défiguré c'est cela? Sache qu'aux cieux l'apparence n'a aucune importance. Notre Seigneur regardera juste au plus profond de ton coeur et il te jugera sur ce qu'il y a à l'intérieur.
-Je ne crois pas en votre Dieu! affirma Inès en observant la soeur droit dans les yeux.
-Et tu crois en quoi?
-Les oracles ma sœur ! Les dieux de mon père et les dieux de mon mari.
-Tu es donc marié?
-Oui ma soeur et je ne veux qu'une seule chose sur cette terre. Retourner auprès de lui avec notre fille.
-Alors pourquoi tu ne le fais pas? questionna la sœur Mina
-Il m'a renvoyé...Il nous a renvoyé ma fille et moi.
-Pourquoi?
-Parce que j'ai donné naissance à Safi! murmura nonchalamment Inès. Je veux récupérer ma fille ma sœur. Cette femme ne va jamais me laisser reprendre ma fille. Je vous jure ma sœur que jamais je n'ai fait du bringue à son mari. Il m'a violé pendant toutes ces années et maintenant elle me prends ma fille. Jamais je ne me suis plainte mais là c'en ai trop. Je suis moche. Regardez moi. Regardez mon visage et ma fille n'est plus avec moi. Qu'ai-je fait pour mériter tout ça? Je veux mourir! Je ne veux plus vivre!
-Non non Inès ! Tu dois vivre pour ton enfant. Parfois les épreuves de la vie nous donne la force d'avancer,de relever un défi afin de prouver à la vie qu'elle ne nous a pas battue. L'espoir d'un lendemain meilleur pour ta progéniture,voilà une bonne raison de te battre contre vents et marrées.
Inès ne put retenir ses larmes et la sœur Mina non plus. Cette histoire était si poignante. Les deux femmes pleurèrent toute la nuit ensemble puis chacune de leur côté. La soeur Mina se jura qu'elle allait apporter son aide à cette jeune femme que la vie avait tant desservie. C'était sa vocation. C'était la mission que Dieu lui avait assigné sur cette terre.
Le lendemain matin très tôt, la sœur Mina cognait très fort contre un portail. Inès se trouvait en retrait derrière elle. Au bout d'un petit moment, des bruits de pas se firent entendre et la tante Adéossi apparut. Elle avait ce large sourire qu'Inès lui connaissait si bien. Ce large sourire qui témoignait de sa bonté d'âme. Mais ce sourire s'éclipsa lorsque les yeux de la tante croisèrent ceux d'Inès. Elle ne fut même pas choqué par son visage défiguré. Inès se dit qu'après tout il s'agissait là de son oeuvre alors pourquoi serait-elle choquée.
Elle tenta de refermer le portail mais la sœur Mina l'empêcha en formant un barrage avec l'un de ses pieds.
-Faites attention à ce que vous faites ma sœur ! menaça la tante Adéossi
-Vous faites attention ! ordonna la soeur Mina. Ouvrez cette porte sinon j'appellerai la police.
La peur se dessina sur le visage de la tante Adéossi qui lâcha aussitôt le portail et recula. Il s'ouvrit en grand et laissa libre entrée à la sœur Mina et à la jeune Inès. Mais la colère ne tarda pas à réapparaître sur le visage de la tante Adéossi lorsqu'Inès se retrouva à sa hauteur. Elle ne put se contrôler et elle saisit un bout de bois qui traînait par terre. La sœur Mina ayant vu le mouvement l'empêcha de commettre à nouveau l'irréparable arrêtant sa main à temps.
-Hé! hurla la servante de Dieu. Je vous préviens. Portez encore une seule fois la main sur Inès et vous croupirez en prison.
-Prison prison! ironisa la tante Adéossi.Vous n'avez que ce mot à la bouche ma sœur. Êtes-vous un policier ou une sœur ?
-Je suis une soeur mais je connais très bien les droits de la personne humaine ; répliqua la soeur. Vous avez porter atteinte à la vie d'Inès. Vous avez tenté de la tuer...
-Arrêtez moi ça! coupa la tante Adéossi. Si j'avais voulu tuer cette crevette,je l'aurais fait et croyez moi,rien ne m'en aurais empêcher.
-Si! La loi vous en aurais empêcher. Vous avez ruiné sa vie. Vous avez détruit son visage elle a perdu la vue par votre faute. Savez-vous quelle peine d'emprisonnement vous encourez pour ces actes?
-Vous me menacez sous mon toit? demanda la tante
-Non! Je suis ici pour récupérer la petite Safi.
La tante Adéossi fit un geste violent retirant son bras de la main de la sœur Mina. Elle regarda longuement la sœur puis elle la poussa vers l'arrière.
-Safi est ma fille! lança t-elle
-Safi est MA fille ! rétorqua Inès. Je vous ai permis de l'élever comme si vous étiez sa mère mais c'est seulement parce que j'ai vu votre peine dû au fait que vous n'aviez pas d'enfant mais Safi est...
Elle s'interrompit lorsqu'une petite fille fit son apparition devant les trois femmes. Elle était dans un uniforme scolaire et elle portait une corde attaché à une gourde à son cou et un sac à dos. Elle fixa les trois femmes mais elle s'attarda sur le visage d'Inès. Une moue de dégoût se dessina sur son visage. Inès baissa la tête et en voyant cela,la sœur Mina avança vers la petite. Elle s'abaissa à son niveau et lui murmura:
-Comment tu vas mon bébé?
-Qui est-ce maman? demanda l'enfant en direction de la tante Adéossi et d'Inès.
-C'est la sœur Mina! répondit Inès
La tante Adéossi lui décocha un regard plein de haine.
-C'est à moi qu'elle parlait!
-Mais je suis sa mère;fit Inès en s'avançant vers la petite.
Celle ci recula visiblement effrayé. Elle courut ensuite vers la tante Adéossi et elle enfouie son visage dans le pagne que la dame avait noué autour de sa hanche. Voyant cela Inès resta pantoise. Elle se résigna à la situation et elle recula. Elle venait d'effrayer sa propre fille. Elle était devenu un monstre. Sa fille ne la reconnaissait même pas.
-Rendez nous la petite et nous promettons que nous ne porterons pas plainte! Dans le cas contraire, nous serons obligé de porter plainte.
Inès était choquée. Elle avait été catégorique et avait interdit à la soeur de porter plainte contre la tante Adéossi. À quoi jouait-elle donc? Elle ne voulait certainement pas récupérer sa fille ainsi. Elle voulait que la tante lui rendes sa fille de son plein gré. Malgré tout ce qui s'était passé,elle désirait garder si cela était possible un minimum de relation avec la tante Adéossi. Elle ne souhaitait nullement que cette dernière soit menacé ou emprisonné.
-Qu'est-ce que vous décidez? continua la sœur Mina. L'enfant ou la prison?
Le visage de la dame auparavant si joyeux n'exprimait maintenant que colère,tristesse et impuissance. Lorsque son regard croisa celui d'Inès, celle ci crut y lire de la déception et elle avait bien raison. La tante Adéossi l'aimait profondément. Elle les aimait,elle et Safi. Elle avait fini par les considérer comme sa famille au bout de ces cinq années et elle avait tout mis en œuvre pour leur mettre le sourire au lèvres. Jamais elle ne pouvait se douter qu'en faisant cela,c'etait la tristesse qu'elle lassait entrer dans sa vie.
Elle regarda la petite accroché à son pagne et regarda Inès qui ne soutenait pas la dureté de son regard et d'un geste à la fois doux et ferme, elle décrocha la petite de son pagne.
-Safi mon amour; lui murmura telle. Regarde cette dame là. C'est Inès ta mère. Tu t'en rappelles?
La petite émit un petit gémissement signifiant qu'elle comprenait ce que la tante lui disait. Elle détacha son regard de celui de la tante et regarda Inès avec méfiance.
-Tu dois t'en aller avec ta mère ; réussit finalement à lâcher la tante. Tu dois la suivre. Moi je ne suis que ta grande tante Adéossi et tu sais que je serai toujours là pour toi. Au besoin...
-Mais maman,j'ai peur! fit la petite.
-Peur? fit semblant de s'offusquer la tante. De qui? Est-ce que ta tante t'a déjà fait du mal?
-Non
-Alors dis moi comment ta propre mère pourrait te faire du mal! conclut la tante.
La petite se résigna à comprendre ce que la tante lui expliquait.
Celle-ci prit sa main et la conduisit juste en face d'Inès. Elle prit la main d'Inès et y mit celle de la petite. Puis regardant Inès droit dans les yeux:
-Si je te laisse partir avec Safi, ce n'est pas parce que je crains les menaces de cette bonne sœur mais parce que je crains mon Dieu. J'ai sincèrement aimé Safi comme la fille que je n'ai jamais pu élever mais en dépit de l'affront que tu m'as faites,tu es sa mère et j'imagine la souffrance que je t'infligerai si je t'éloignais de ton enfant. Maintenant dépêchez vous de sortir de ma maison!