Pas ma fille
Ecrit par leilaji
****Alexander****
J’ai juste entendu un clic au lieu de la
déflagration attendue quand il y a un tir de balles. L’arme s’est enrayée. Il
faut dire qu’elle a appartenu à mon père et qu’elle n’avait encore, il me
semble jamais été utilisée.
L’arme s’est enrayée mais ma fureur elle a
explosée…
Je me suis rapproché d’Oberoi et je l’ai
attrapé par le col de sa chemise en pointant une nouvelle fois le canon de
l’arme sur sa tempe.
— Essaie encore de la toucher et je te jure que je
t’abattrai comme le chien que tu es, dis-je d’une voix pleine de rage.
Et je ne sais pas pourquoi Leila s’est jetée sur
moi et s’est mise à pleurer… Mais à pleurer ! Ses sanglots irrépressibles me
déchiraient le cœur.
—
Xander
mais tu es devenu fou… Si tu le tues, tu partiras en prison… Et qu’est-ce que
je vais faire sans toi ? Seigneur ! Pense à ça… Après tout ce qu’on a traversé,
tu veux me laisser toute seule. Arrête Xander, laisse-le. Pour l’amour de Dieu
baisse cette arme…
Je détourne enfin mes yeux d’Oberoi et la regarde.
Je ne veux pas la faire pleurer. Je baisse l’arme et Oberoi recule, le regard
craintif. Tous les yeux sont fixés sur moi.
J’ai déconné ! Vraiment…
J’ai appuyé sur la gâchette et j’aurai pu tuer
cet homme ! Cette colère qui m’habite, latente et qui se déclenche sans que je
ne puisse la contrôler est comme une malédiction dont seule Leila arrive à me
délivrer.
Si l’arme ne s’était pas enrayée, je l’aurai
tué sans ressentir aucune pitié! Leila s’accroche à moi en pleurant.
JE NE SAIS QUE LUI FAIRE DU MAL ! QUAND DONC
VAIS-JE POUVOIR LA RENDRE HEUREUSE ?
Le regard hagard, je scrute tous ceux qui sont autour
de moi. Il est temps que toute cette mascarade cesse. Leila et moi avons rempli
notre part du marché. Je pense que nous n’avons plus aucune dette morale envers
la tradition ou le destin. Ma mère :
— A partir
d’aujourd’hui estime que tu n’as plus de fils. Je te l’avais il me semble déjà
dit. Mais cette fois-ci quoi que puisse dire Leila sur le respect dû aux ainés,
je ne reviendrai pas sur ma décision. Je n’ai aucun mot pour qualifier ton
comportement. Leila est la femme que j’aime. Elle ne me donnera pas d’enfant au
teint clair, et peut-être même ne me donnera t-elle pas d’enfant du tout mais
je l’aime, comme elle a été faite par Dieu. L’amour qu’on se porte comblera
tous les vides. Tous.
Puis je regarde Neina.
— Je ne peux
pas être désolé pour ce qui t’arrive. Tu as failli me faire perdre ce que
j’avais de plus précieux au monde.
—
Mais
désormais ce que tu as de plus précieux c’est mon enfant…
—
Je veux divorcer. Le reste m’importe très peu
désormais. Prendre cet enfant avec moi, c’est maintenir ta famille dans ma vie
et c’est au dessus de mes forces. Sincèrement. Plus tard, quand elle sera
grande et si elle désire me connaitre, ma porte lui sera ouverte. C’est mon
sang, je ne peux le renier. Mais je ne vais pas m’enchainer à la souffrance de
l’enfer pour ce même sang !
Mes yeux se tournent vers Karisma qui porte
l’enfant sur ses hanches.
—
En toi j’ai découvert une nièce formidable. Il
n’y a pas de place ici pour toi alors si tu le désires, tu peux nous
accompagner.
Elle me sourit puis jette un petit visage contrit
vers sa grand-mère qui de toute manière ne la regarde pas. Depuis tout à
l’heure, elle ne me quitte pas des yeux.
Oberoi. Quand je le regarde, il recule à nouveau.
— Ces biens
que tu convoites, je ne te les donnerai pour rien au monde. Non pas que j’y
suis attaché mais parce que je ne peux accepter de perdre face à toi. Alors
puisque ma fortune t’intéresse tellement, je vais la dilapider. Il n’en restera
absolument plus rien d’ici quelques mois. Alors tu ferais mieux de réfléchir…
Accepter maintenant un divorce à l’amiable pour ta fille et récupérer ce que je
suis prêt à donner à ma fille maintenant ou me faire ton chantage et ne rien
avoir au final. A toi de voir !
J’ai dit ce que j’avais à dire à chacun. Je prends
Leila par la main et l’emmène dans la maison. Il faut qu’on parle.
Une fois dans ma chambre. Je ferme la porte et
m’assois sur le lit. Elle s’approche de moi et s’agenouille entre mes jambes.
L’arme est toujours dans ma main. Elle me la retire et la pose à mes pieds.
Puis elle s’assoit sur moi et me pousse légèrement
pour m’allonger sur le lit. Je me laisse faire. Elle s’allonge à son tour sur
moi.
On est bien comme ça. Dans notre monde.
— On part.
On rentre.
—
Oui.
—
Tu n’as rien à te reprocher. Tu as été parfaite
du début à la fin.
—
Merci.
—
Tu es parfaite pour moi. (Puis après un
silence) je ne pensais pas aimer un jour comme je t’aime. Tu as un effet dingue
sur moi. Tu me rends fort et tu m’apaises en même temps. Je ne sais pas comment
mettre des mots sur ce qui se passe en moi quand tu es là. (Je repense à la
période difficile laissée derrière nous). Ne me quitte plus jamais Leila.
—
Plus jamais.
—
Je nous ai pris des billets ce matin, on rentre
dans deux jours. Tu crois que ça ira pour tout déménager ?
—
Xander ! Deux jours ? Et mon entreprise alors ?
—
Excuse-moi, je n’y avais pas pensé !
— J’ai vendu mes
parts dans The Firm, je vais chômer en rentrant…
—
Et alors, je prendrais soin de toi. Il ne te
manquera jamais rien.
— Je ne suis pas
faite de ce bois et tu le sais parfaitement.
Regarde-moi Lei. Jamais je ne te manquerai de
respect parce que tu me laisseras prendre les choses en charge. Jamais et ça,
toi aussi tu le sais.
—
Et si on essayait un compromis ?
—
Vas-y je t’écoute…
— Laisse-moi
contacter un Notaire et ouvrir une succursale au Gabon. Mon entreprise repose
sur un projet très prometteur. Je ne peux fermer comme ça et mettre mes
employés au chômage. J’ai aussi cette responsabilité envers eux. Je chercherai
un gérant ici, et après moi je rentre vous retrouver toi et Karisma.
—
Ok.
Elle dépose un baiser sur ma joue.
— Je suis
heureuse de rentrer avec Karisma. Merci.
—
De rien Lei.
Puis je ferme les yeux.
—
A quoi tu penses ?
—
Je pense au fait que tu as réussi à dompter un
lion…
Elle rit, heureuse…
— Tu oublies que je suis moi-même une panthère très
chère…
*
**
Nsouari Beny Colombe vient de quitter mon bureau et
je suis assez contente de notre entretien car elle vient d’accepter de diriger
pendant 6 mois ma boite, le temps que je puisse retomber sur mes pieds à
Libreville. C’est de loin la plus compétente de mon équipe et je lui remets les
rennes de mon entreprise en toute confiance.
Je suis éreintée. Déménager, presque deux ans de ma
vie est bien plus difficile que je le croyais. Je me suis attachée à beaucoup
de choses ici malgré toutes les galères que j’ai traversées.
Pour le départ de Karisma, on a organisé une petite
fête à laquelle les mères de ses condisciples ont assisté avec joie. Ca a été
l’occasion de franches rigolades qui m’ont fait le plus grand bien.
Je pense à Xander et Karisma qui m’appellent tous
les soirs. Je ne sais pas ce qu’ils fabriquent à Libreville mais ils ont l’air
particulièrement fiers d’eux tous les deux. J’ai hâte de les retrouver et qu’on
puisse former tous les trois notre petite famille.
Le seul bémol à ma vie en ce moment c’est mon désir
de maternité qui s’est accru. C’est un peu comme si mon horloge interne s’est
mise en mode : alarme en continu. Je ne sais pas si c’est moi ou un début de
folie mais j’ai l’impression depuis un moment de voir des femmes enceintes et
des mamans à chaque coin de rue. C’est dur à gérer. Vraiment. Je ne le souhaite
à aucune femme.
La petite aussi me manque. En un rien de temps, je
me suis attachée à elle et à ses petites mains toutes dodues, sa joues à la
peau veloutée et son parfum lacté.
Je range mes affaires et rentre chez moi.
*
**
Je suis en train de scotcher les derniers cartons
que les déménageurs d’AGS doivent venir chercher dans une heure de temps quand
on sonne à ma porte.
Lorsque j’ouvre, je tombe sur une Neina
méconnaissable. Elle a l’air exténué et … malheureuse. Elle porte le bébé qui
pleure à chaude larmes.
— Je peux entrer ?
Je réfléchis une brève seconde puis m’efface pour
la laisser entrer.
Ses cheveux d’habitude habilement lissés sont noués
en un chignon lâche et inesthétique. Elle est fatiguée, ça se voit.
Elle prend place dans mon salon et je m’assois en
face d’elle. Je ne sais vraiment pas à quoi m’attendre.
— J’ai eu
une grave altercation avec mon père à propos de tout ce qui s’est passé. Il a
décidé de me couper les vivres en punition… Je lui ai dit que je n’étais pas
d’accord pour le chantage et que j’allais signer l’acte de divorce.
Je suis agréablement surprise mais je reste calme
et maitresse de mes émotions. Méfiante !
Neina essaye tant bien que mal de bercer le bébé.
—
Quand je vous ai vu dans la cour de la demeure
des Khan, toi et Devdas… J’ai compris que je ne pourrais jamais prendre ta
place dans son cœur… je … n’ai jamais vu un homme aimer ainsi et je t’envie. Je
suis désolée pour … tout.
Elle se met à pleurer et les cris de sa fille
redoublent d’intensité.
—
Mais calme-toi, calme-toi, supplie-t-elle … Je
ne sais pas ce que tu veux…
Sa voix est presque hystérique à présent, elle
pleure plus fort
— Calme-toi…
Toutes les deux, elles me font pitié ! Je me
lève et lui prends l’enfant des mains. La petite se calme immédiatement.
— Je n’avais pas envisagé la possibilité d’être
seule avec l’enfant. Je n’ai jamais travaillé de ma vie et je ne peux subvenir
à ses besoins, toute seule.
Elle fouille le sac à langer rose qu’elle portait
en bandoulière et en sort des documents un peu froissés.
— Je ne savais pas que c’était aussi dur. Je me
disais que les nounous s’en occuperont… Je …
Elle constate que maintenant que sa fille est dans
mes bras, elle est très calme et suce tranquillement son index et son majeur.
Le bruit de succion qu’elle fait me donne envie de sourire.
Je ne pensais pas un jour ressentir autant de
choses étranges pour un si petit être. Je passe un doigt sur sa chevelure
lisse. Sa bouche forme un « oh » de contentement.
L'histoire que vous lisez
Statistiques du chapitre
Ces histoires vous intéresseront