Passion et Dilemme

Ecrit par Axellwala

Tout commence un jour quelque part, par une décision. 

Carl, ce jeune homme ambitieux, amoureux de la musique dans toute sa diversité, a des rêves. Pour lui, c’est la musique et rien d’autre. Carl a des rêves, il a de grands rêves. Il pense même que vivre sans avoir de grands rêves n’est pas vivre, mais simplement exister. 

Il y a plus d’une décennie qu’il fit une rencontre qui changea le cours de sa vie ; elle changea surtout sa vision de la vie : Carl rencontra l’amour de sa vie, l’amour sans qui il ne saurait presque vivre, cet amour qui ne l’a jamais abandonné, cet amour qui l’a aidé à marcher au milieu des tempêtes, au milieu des ouragans. Ce grand amour qui lui permet de dormir paisiblement et rêver, rêver grand. Sa meilleure compagne, celle sur qui il repose, confie tous ses secrets, même les plus intimes, la compagne de toute une vie, sa meilleure amie, celle avec qui il est prêt à passer le restant de ses jours. La musique, l’amour d’une vie.

Participer à une compétition musicale de renommée internationale, tel a toujours été le rêve de Carl, ce rêve qu’il eut en plein jour, alors qu’il mettait ses pieds dans une salle de répétition, pour la toute première fois de sa vie, il y a de cela treize ans.

Les autres ne voient en lui qu’un simple passionné de la musique, rien d’autre. « Ne rêve-t-il pas trop, lui ? » disent-ils. Il est vrai que Carl semble rêver au-delà de ses capacités. Mais telle est la beauté d’un rêve : rêver simplement. Doit-on qualifier Carl de « rêveur », juste par le simple fait qu’il rêve grand, ou simplement parce que ses rêves semblent au-delà de la réalité et de ses moyens ? Mais, dans l’un ou l’autre cas, cette qualification lui conviendrait parfaitement. Cela ne dépendrait que de la perception que chacun a du verbe « rêver ». Pour Carl, la réalisation d’un rêve ne dépend aucunement de ce que le monde autour de nous pense ou semble comprendre, mais plutôt de ce que nous pensons de nous-mêmes, de nos aptitudes. Carl, lui, a toujours eu pour idoles le seul et l’unique Luciano Pavarotti, et le très célèbre Herbert Von Karajan. Ces deux icônes de la musique classique représentent pour l’un, une voix surpuissante, hors du commun, un charisme exceptionnel et une personnalité que l’on ne peut qu’admirer ; pour l’autre, la perfection, la finesse, mais surtout un charisme raffiné dans la direction orchestrale.

- Que dois-je faire ? 

 « Aidez-moi à prendre cette décision. »

Carl s’en remet au bon jugement de ses proches. Il est dans l’embarras du choix. Il doit résoudre ce dilemme : l’Europe ou ses trois examens du second semestre. 

Après près d’une décennie, il est dans la vingtaine et se rapproche de plus en plus de son rêve : l’Europe lui tend enfin ses mains.

– Je ne peux me permettre de rater cette opportunité, n’arrête-t-il de se le répéter. 

Aujourd’hui, Carl, que certains proches qualifient de « grand ténor », évolue dans une chorale qui est sur le point de s’envoler pour l’Europe, prendre part à deux compétitions musicales, la première en Grèce et la deuxième, en Autriche. La Grèce, son histoire parle d’elle-même ; devrait-elle être présentée à la face du monde ? Pas du tout !

– Je ne sais que faire, dit Carl.

– Nous sommes censés voyager fin juin, mais en même temps, j’ai trois examens à présenter. Que dois-je faire ? s’interroge-t-il de nouveau.

Carl est angoissé, il stresse, sa joie se transforme en détresse, car son rêve n’est finalement pas facile à réaliser. Aucun rêve n’a été facile à réaliser depuis que ce monde est monde, et son rêve à lui ne fait aucunement exception.

Il passe ses nuits à cogiter. Il voit fouler ses pieds en Europe. Il se voit aussi aux pieds de la fameuse Acropole d’Athènes, mais sa situation est affolante, car, il n’a toujours décidé, s’il doit prendre le risque d’aller en Europe et ne pas présenter ses examens, décision à conséquence évidente, ou s’il doit plutôt dire au doyen de sa faculté, qu’il est sur le point de s’en aller en Europe avec sa chère chorale, dans l’espoir d’obtenir une quelconque autorisation officielle. Celle-ci lui permettrait d’y aller en toute quiétude, sans crainte d’être pénalisé par une quelconque mesure.

- Mais, peut-être qu’il me refuserait cette chance s’il l’apprenait, se dit-il.

Voilà un autre dilemme : Carl ne peut deviner la réaction des autorités universitaires, au cas où elles apprendraient qu’il serait sur le point de s’en aller en Europe, durant cette période cruciale. Le fait d’être incapable d’anticiper une quelconque décision du doyen de la faculté, des autorités universitaires, le torture moralement.

– Vont-ils me donner le feu vert ? s’interroge-t-il. Peut-être qu’ils me diront simplement qu’un départ serait synonyme d’un échec aux examens.

Carl se rendit alors compte que cette opportunité ne lui était nullement offerte sur un plateau en or, il fallait prendre des décisions, il fallait surtout prendre des risques. Humain qu’il est, il ne peut poursuivre les deux lièvres à la fois, au risque de les voir tous filer entre ses mains.

– La manne ne tombe qu’une fois, dit Carl.

– Elle est sur le point de tomber ; il est grand temps de la saisir, surenchérit-il.

– L’Europe d’abord, les examens, on verra après. 

Carl se décide enfin ; qui ne risque rien n’a rien, dit-on. Son casse-tête émotionnel touche à sa fin. Il se décide de nager à contrecourant. Il sait, plus que n’importe qui au monde que cette chance de visiter le vieux continent dans un contexte aussi spécial ne reviendrait de nouveau. Il n’a qu’une vie, laquelle il décide de vivre afin d’éviter de passer le restant de ses jours en plein regret.

Ainsi donc, il réunit les documents nécessaires, comme le reste de sa chorale et fait sa demande de visa auprès du consulat grec. Il n’attend donc que le visa lui soit délivré afin de s’envoler pour le vieux continent. Qui aurait cru un jour que Carl serait aussi proche de réaliser un tel rêve ? Personne, alors personne, même pas lui, il rêvait juste, comme ces millions des jeunes au monde qui espèrent voir leurs rêves se réaliser. Avant de croire en ses rêves, il faut d’abord rêver, viser presque l’impossible, malgré sa situation ou son rang social.

Une semaine après la demande du visa, Carl se rend au consulat de la Grèce à Cape Town, comme indiqué sur le coupon qu’il avait reçu. Il y passa une quinzaine de minutes avant que le passeport contenant le précieux visa ne lui fût donné. Ayant ouvert son passeport, Carl est désagréablement surpris de voir qu’une erreur matérielle, celle-ci lui empêche d’obtenir un visa valide, son nom est mal orthographié sur le visa. Le visa est bel et bien disponible, soigneusement attaché sur une des pages de son passeport, mais il y a simplement erreur de frappe. Son rêve devient qu’une simple illusion. Aucun service d’immigration au monde n’accepterait qu’un étranger n’entre sur leur territoire en ayant une telle erreur sur un visa, l’erreur est assez palpable. Carl en était bien conscient, et l’on pouvait bien voir de l’inquiétude dans ses yeux qui retenaient ses larmes.

Lui qui pourtant était sur le point de réaliser son rêve, était finalement en train de faire un cauchemar en plein jour. Comment pouvaient-ils faire une telle erreur, alors que Carl avait rempli son formulaire de demande de visa avec tout le soin du monde ?

– Mais, pourquoi seulement moi ? s’interrogea-t-il.

Il était impuissant, il n’arrêtait de se poser mille et une questions afin de trouver la réponse à ce qui était en train de lui arriver. Mais la seule chose dont il était capable de faire était de retenir ses larmes qui étaient sur le point de couler.

– Je n’en crois pas mes yeux ! s’exclame-t-il

– Pourquoi ceci m’arrive-t-Il, juste à une semaine de notre départ ? Carl voit son rêve tomber à l’eau, il désespère, le pauvre Carl est sur le point de jeter l’éponge. Carl voit certains membres de sa chorale arriver au consulat, ces derniers retirent leurs visas sans qu’il y ait aucune erreur similaire ou un quelconque problème qui les empêcherait d’obtenir leurs visas. Peut-être qu’il ne fallait juste pas saisir cette manne, certains signes ne trompent pas, dit-on. Une erreur administrative semblait avoir enterré son rêve, le ciel semblait s’être écroulé sur lui, son rêve filait entre ses mains. 


Mais, puisque l’erreur ne fut nullement sa faute, l’administration du consulat grec décida alors de la corriger.

– Passe le jeudi prochain, ton nouveau visa sera disponible, dit ce monsieur auprès de qui Carl avait déposé son dossier de demande de visa.

– Mais, mais, nous sommes censés prendre notre vol le mercredi prochain monsieur, répondit-il, bégayant.

– Dans ce cas, je ferai de mon mieux pour que ton visa soit disponible avant mercredi, sois en sûr jeune homme, dit le monsieur, très serein.

– J’en serai vraiment reconnaissant, s’il vous plaît, je compte sur vous.

– Ne t’inquiète pas, jeune homme, ton visa, tu l’auras, répondit le monsieur. 

La sérénité qu’affichait ce monsieur fut la seule chose positive que pouvait voir Carl ce jour-là, elle ressemblait à une petite lampe qui brillait dans l’obscurité totale. Le rêve de Carl reposait alors entre les mains d’un inconnu. Il hallucinait à l’idée de voir que son rêve reposait désormais entre les mains d’un inconnu ; l’imprévisibilité du destin avait frappé.

Il rentra chez lui, un peu rassuré, mais aussi très inquiet, car son rêve ne tenait qu’à un fil. Le temps filait, les autres membres de sa chorale avaient déjà leurs visas en leur possession, ils étaient tous prêts, sauf ce Carl qui était moralement très accablé.

Il n’arrêtait de jeter un coup d’œil à son téléphone, oui, il n’attendait qu’un appel téléphonique venant du consulat grec, rien que ça, tout autre appel ou message n’avait aucune d’importance. Il se mit à compter le temps, ce maudit temps qui semblait s’être arrêté, les nuits semblaient longues que d’habitude. Lui qui se voyait déjà en Europe, était finalement parti pour rester, son sort ne dépendait que d’un inconnu, sans le savoir, celui-ci tenait entre ses mains un rêve que Carl mit plus d’une décennie à bâtir.

– Est-ce le plan de Dieu ou simplement un fait de hasard ? s’interrogea Carl. ‘’Mon Dieu, je m’en remets à toi, ce rêve aussi, je le mets entre tes mains’’. Telle fut la prière que fit Carl, juste avant de dormir, enfin, avant d’essayer de dormir. Était-ce une prière faite avec foi ou simplement des paroles venant d’un homme désespéré ?

 Il n

Entre les mains d'un...