PROLOGUE
Ecrit par labigsaphir
PROLOGUE
- C’est comment ? Fait ma voisine à peine la porte de ma maison est ouverte.
- Tu connais ma situation, soupirai-je en voyant ma fille passer pour aller à l’école.
- Ophelie, tu es belle, ma copine.
- Merci tata.
- Vien faire un bisou à maman, mon bébé. Lui intimai-je l’ordre.
Eh oui, contrairement à ce que les autres peuvent penser, je suis très câline et près de mon enfant. Ce qui rentre n’est pas aussi important que ce qui en sort ; je sais, nombreux ne comprendront pas mais ce n’est pas important.
- Les gâteaux au lait, étaient-ils bon ? M’enquis-je en la serrant dans mes bras.
- Oui, maman. Répond-elle en éclatant de rire.
- Tu vas et je te viendrais te chercher, n’est-ce pas ?
- Oui, maman.
- Sois sage là-bas.
- Oui, maman.
Je l’étreins une dernière fois avant que Sandrine, Faith, l’enfant de ma voisine, ne vienne la récupérer. Je soupire et penche la tête de coté en les voyant s’en aller et disparaitre au loin. Sandrine, je la connais depuis toujours, c’est elle ma meilleure amie, et la seule qui m’ait toujours soutenue.
- Blessing, allez-vous continuer ainsi ? Demande-t-elle en se tournant franchement vers moi ; elle a le chic de toujours mettre le pied dans le plat. Même un éléphant dans un magasin de porcelaine, aurait plus de grâce qu’elle.
- Faith, je n’ai pas envie d’en parler, vois-tu ?
- Mais lui, si !
Le son de sa voix m’intrigue, m’obligeant à lever la tête. Jack, accompagné de son cousin, Aloys et complice des quatre-cents coups, avancent vers la maison. Je ferme les yeux et retiens mon souffle durant quelques secondes en sentant la force du vent, lors de leur passage.
- Blessing ! Entendis-je, une dizaine de minutes plus tard.
- Ma co’o, il faut y aller, pardon. Il ne faudrait pas que cela tourne encore au vinaigre.
- Tchiiiiip !
- Courage, courage.
Je rentre dans la maison, Aloys est comme toujours assis devant la télévision, en train de pianoter sur la télécommande. Entre nous, cela n’a jamais été le grand amour, peut-etre est-ce dû au fait qu’il soit un infidèle notoire. Je passe sans lui accorder un regard et rejoins Jack dans la chambre.
- J’arrive avec mon cousin, tu restes dehors à discuter avec la voisine ? Quel genre de femme, es-tu ? Est-ce avec cela que tu voudrais que je t’épouse ?
- Jack, fiche-moi la paix avec tes conneries de mariage.
- A qui crois-tu parler ainsi ? S’énerve-t-il en agitant son doigt devant ma figure.
Je le contourne et vais m’asseoir sur le lit, la chaleur est accablante et pour cause, nous n’avons pas de toit. Représentez-vous une maison dont le toit n’est vraiment pas fermé. Lorsqu’il pleut, il nous arrive souvent d’être surpris dans notre sommeil, par la pluie ; c’est la meilleure des parties, je vous assure. Une à deux fois, des serpents ont rampé le long du mur et sont rentrés dans notre chambre à coucher. Et dire que le loyer de cette masure s’élève à vingt milles francs.
- Blessing, j’en ai marre de cette vie ! Tu n’as rien d’une femme que l’on peut épouser. Quand nous commencions, je t’avais bien dit que ma femme devait être soumise.
- Jack, Jack, s’il te plait, tu n’as pas besoin d’une raison pour aller retrouver ta copine. Non, ne te fatigue pas, tu as ma bénédiction.
- …
- Oui, quoi, serais-tu devenu aphone ?
Pour la première fois depuis sept ans que nous nous connaissons, Jack a le souffle coupé et ne sait quoi dire.
- Blessing, une femme ne s’adresse pas ainsi à son mari ! Hurle-t-il en frappant sur le mur ; je suis surprise par mon calme, d’habitude je tremble et pleure.
- C’est la première fois que tu t’adresses ainsi à moi.
- Jack, le bruit !
- Blessing, qui souffle les faux « je t’aime » dans tes oreilles. Il y a un autre qui vient te faire l’amour quand je ne suis pas là, n’est-ce pas ?
- …
- Blessing, depuis quand as-tu le courage de me répondre ?
- Je t’ai connue, tu étais une petite-fille vierge. Nous sommes ensemble depuis sept années et comme ça, d’un coup, tu décides de devenir têtue et me réponds maintenant comme et quand tu veux ?
- Jack, refais ton sac et tu t’en vas. Fais comme d’habitude, ne fais pas semblant.
- C’est à cause de toi si j’ai changé.
- Amen !
- Blessing, à qui crois-tu répondre ainsi ? Hurle-t-il s’approchant de moi à grand pas.
Je me lève et recule, réfléchissant à comment faire pour arriver à la porte. Akieuuuu Nanfack Doris Blessing, 21 ans, tu n’as pas la force dans les muscles mais ta bouche va plus vite que le couteau du boucher sur la viande bœuf. Je lève les yeux et croise le regard de Jack NANGOUM, mon chéri et père de ma fille.
Je vous explique cela sept années que nous nous connaissons et quatre ans, que trois ans que nous vivons ensemble. Nous avons une petite fille de 14 mois qui va à la garderie du quartier, pendant que je vais m’asseoir en route avec mes portables, car je suis call-boxeuse.
- Aujourd’hui tu es lucide, Jack et qu’as-tu ramené à la maison ? Rien !
- Blessing, il y a bien des façons de s’adresser à ton chéri.
- Rationnes-tu ? Non !
- Si ce n’était pas mon call-box, la petite et moi, allions mourir de faim.
- Chérie, tu sais pertinemment que j’ai des problèmes.
- Tu as des problèmes mais on te retrouve dans presque tous les caniveaux de la ville, ivre mort ?
- Je te promets que je vais arrêter.
- Non, ne me promets plus rien, tu peux repartir tranquillement.
- Chérie, crois-moi, je t’aime.
- Jack, pardon, il faut partir.
- Blessing, je sais qu’en venant habiter ici, j’avais promis t’épouser et te donner une belle vie mais rien ne s’est passé comme nous le pensions.
- Que voudrais-tu que je te dise ? Que voudrais-tu entendre, que je t’aime et attendrais ? Tu as 31 ans et moi, 21. Je t’ai donné les plus belles années de ma vie et toi, qu’en as-tu fait ?
- Blessing,
- Non, je t’ai dit que tu peux partir.
- Ok.
Il finit d’arrêter son sac en silence, enlève les habits sales et met des propres.
- En passant, comme tu ne donnes plus rien, l’argent que j’ai, est pour ma fille et moi.
- Voici 1000 francs, je viendrai te donner le reste ; il pose l’argent sur le lit.
- Cela fait deux mois que tu ne rationnes pas mais je continuais à laver tes vêtements. Tu étais bien, ta blanchisseuse était à domicile. Dès aujourd’hui, là où tu dors quand tu découches souvent, c’est là-bas que tes vêtements seront désormais lavés.
- Blessing, commet vais-je faire ?
- Je m’en fous !
- Blessing, tu ne me répondais comme ça avant. C’est parce qu’un petit garçon te dit les « je t’aime », dans le quartier ?
- Jack, quand une femme dit j’en ai marre et voudrais partir, ce n’est pas toujours parce qu’il y a un autre à côté.
- Est-ce ta façon de m’annoncer que tu veux partir ?
J’avise un rat dans un coin de la chambre, il monte sur le sac contenant les vêtements de ma fille et souhaite y rentrer. Je me lève avec cours vers lui avec une babouche. Il se tourne vers moi, me regarde et ne tremble même pas. JIZOS ! Nos locataires indélicats sont de plus en plus, intelligents. Si ce ne sont pas les rats, ce sont les moustiques qui tracent des équations afin de de connaitre la trajectoire du vent de nos ventilateurs. Je lance la babouche, le rat esquive, descend du sac et rentre sous le lit.
- Jack, je suis fatiguée, j’aimerai que nous nous séparions.
- …
- A quoi bon rester ensemble, à quoi me sers-tu ?
- Attends, donne-moi encore un an et j’irais te doter.
- S’il te plait, Blessing, s’il te plait.
- Non, c’en est trop pour moi.
- A ce rythme, je rentrerai chez ma mère.
- Non, non, s’il te plait.
Il enlève son sac du lit, vient prendre ma main et me force à m’asseoir sur le lit.
- Pardon, mimi, ne fais pas ça ; c’est le petit nom qu’il m’avait donné, le jour de notre rencontre.
- Non, Jack. Je veux partir. Si je ne travaillais pas, ma fille et moi, allions mourir de faim ; n’y tenant plus, j’éclate en sanglots.
- Non, mimi, pardon, ne fais pas ça.
Il me prend dans ses bras et me console durant quelques minutes, avant de me relâcher.
- Je promets ne plus te faire souffrir, fait-il en prenant son sac et me regardant dans les yeux. Je serai de retour ce soir.
Je ne réponds pas, ramasse ces vêtements et mets dans un sac plastique, que je laisse dans un coin de la chambre. Je vais me doucher, fais signe à ma voisine et vais installer mon matériel en route. Je soupire, fais un tour à la boulangerie de Tsinga, m’achète un gâteau à la crème. En sortant, croise sa cousine, celle qui nous a présentés, Jack et moi ; elle y travaille comme pâtissière.
- C’est comment, ma BS (belle-sœur) ?
- Ça peut aller, merci et toi ?
- Merci. Et la petite ?
- Ça va.
- Où est-elle ?
- Avec une voisine, dis-je en fermant mon plastique avec soin.
- Attends je reviens.
Je sors par la grande porte et vais attendre devant le mur, celui séparant la grande cour du lycée de Tsinga et la boulangerie. Elle revient cinq minutes plus tard avec un plastique plein à craquer de gâteaux en tout genre, du pain et d’autres produits de la boulangerie ; ce sont des invendus et au lieu de les jeter, elle préfère soit me les donner, soit les ramener à la maison.
- Merci, Ingrid, fais-je en prenant le plastique.
- De rien, Blessing. Prends soin de notre fille et surtout, n’oublie pas que tu es plus forte que tu ne le penses. Rien n’est facile dans la vie.
- Euh…merci. Fais-je ne comprenant pas où elle voulait en venir.
Je vais déposer le sac à la maison, enlève quelques gâteaux pour ma voisine et emballe le reste dans trois sacs pour éviter que les souris et cafards, ne viennent gâter la nourriture. Je vais m’installer en route et commence tranquillement ma journée.
QUELQUES HEURES PLUS TARD…
Une dame descend d’une luxueuse voiture, traverse la route et s’avance vers moi et non, les autres call-boxeurs. J’ai le temps d’admirer son port-altier, ses vêtements, bijoux, son sac à main et la pureté de sa peau.
- Massa, la femme-là doit dormir dans le lait ou se lave avec l’eau minérale. Lâche un des call-boxeurs.
- Son djansang(décapage) est pur, pas comme celui d’Akata ; une fille du quartier surnommé le zèbre à cause des diverses couleurs de sa peau.
- Bonjour la mère, c’est par ici. Balance Marimar ; une autre call-boxeuse.
- Bonjour à tous mais je vais aller chez elle, répond-elle en souriant.
- Bonjour Blessing, dit-elle ne me tendant trois billets de dix-mille francs, je voudrais une carte de trente mille francs.
- Ok. Bonjour et merci, maman.
- Nous avons pratiquement le même âge, tu sais. Jack m’a dit que tu en avais 21, moi j’ai juste 25 ans.
- Euh…d’où connaissez-vous Jack ?
- Vous avez une petite fille de quatorze mois. Je crois que c’est chez toi qu’il est venu prendre des vêtements, ce matin.
- Qui êtes-vous ?
- Celle que son cœur a choisie. Vois-tu, Jack est informaticien et a un talent fou, raison pour laquelle, mon père qui n’est autre que son patron, a décidé qu’il serait bien de le promouvoir à un poste, disons, plus intéressant.
- …
- Il m’a raconté votre histoire. C’est vrai que je ne le croyais pas, jusqu’à ce que je te vois. Déloger une petite de chez sa maman et l’emmener à s’installer avec elle, il en faut et seulement à 19 ans. Wow !
- …
- Il m’a par ailleurs fait comprendre que tu es l’ainée de la fratrie, aide ta maman et tes autres frères à aller à l’école. Quel noble sacrifice, Blessing.
- …
- Il est temps pour toi d’être libéré de Jack, cette mascarade a assez duré.
- Aviez-vous besoin de venir me le dire ? Aviez-vous vraiment besoin de venir me voir ?
- J’ai discuté avec lui ce matin, il était question pour lui de t’annoncer notre prochain mariage mais comme toujours, il m’a dit qu’il faudrait te ménager.
- …
- En six mois, nous avons gagné des marchés et il a pu développer un business à coté, ce qui lui a permis de m’acheter cette voiture. Oui, oui, tu ne rêves pas, c’est le cadeau offert par Jack, le jour de nos fiançailles, il y a de cela deux mois.
- …
- Ecoute, ma petite, je vois que tu souffres et prends sur toi pour ne pas pleurer. Il faudrait vraiment que tu oublies Jack, il n’est pas pour toi et ne sera jamais ton niveau.
- …
- Tu peux laisser les cartes, garde les trente milles, voici vingt mille de plus.
Je suis comme anesthésiée, comme paralysée de l’intérieur. J’ai l’impression d’être devenue un être désarticulé. J’ai beau envoyé des informations à mes synapses mais n’ai aucun retour car même ma bouche pèse. J’ai envie de crier, de pleurer mais n’y arrive pas. C’est la mort dans l’âme que je la vois poser des billets sur ma table de travail, y poser un de mes téléphone, traverser la route et récupérer sa voiture avant de s’en aller.
Marimar se lève vient vers moi, me secoue puis me gifle, je n’ai aucune réaction. Elle commence à s’inquiéter et me couche sur le sol, non-loin de là après avoir pris soin de mettre les billets dans mon porte-monnaie ; celui que je garde jalousement dans mon soutien-gorge. Je suis couchée à l’ombre et Marimar m’évente près d’une dizaine de minutes avant que je puisse bouger et m’exprimer à nouveau.
- Je vais aller me reposer à la maison. Dis-je tout simplement.
- Ok, répond-elle.
Elle va ranger mes affaires et vient me prendre, quelques minutes plus tard. Je fais fi de la pitié dans le regard des autres et surtout, de la douleur que je ressens au fond de moi. Arrivée à la maison, elle pose mes affaires sur la table pendant que je m’affale sur le vieux canapé de notre salon.
- Tu peux partir, Marimar.
- Blessing, fait-elle en posant la main sur ma joue, je suis là.
- Je sais mais en ce moment, personne ne peut rien pour moi ; ma voix est brisée.
- Je te comprends mais je viendrai de temps à autre voir si…
- Non, je ne vais pas me suicider, Ophélie n’a rien fait pour mériter le statu d’orpheline.
- Ok.
- Vas-y, tu dois déjà avoir perdu plein de clients.
- A tout à l’heure.
A peine a-t-elle fermé la porte que j’éclate en sanglots. Je pleure et pousse un cri en me laissant glisser sur le sol. Je vois ma vie défiler, les sacrifices auxquels j’ai consenti pour que cette relation puisse fonctionner. Il a été mon premier et j’espérais me marier avec lui. Je ne l’ai jamais trompé, l’ai toujours respecté, me suis toujours comportée comme une femme mariée et ai toujours respecté sa famille. Comment peut-il me faire ça aujourd’hui ?
Il avait promis à ma mère, le jour où il est venu me chercher à la maison qu’il prendrait soin de moi et viendrait rapidement me doter mais deux années ont passé et toujours rien. Dire que j’ai tenu tête à ma mère qui ne voulait pas entendre parler de lui, qui ne voulait pas que je parte de la maison. A l’époque, je pensai que ma mère souhaitait juste profiter de moi parce que je ramenais les sous à la maison en travaillant.
Et dire que j’ai tout donné à cet homme…le meilleur de moi. Mon Dieu, comment as-tu pu laisser faire ? Comment allons-nous faire pour vivre, Ophélie et moi ?