Que dois-je faire?
Ecrit par leilaji
Chapitre 8
***Leila***
J’ai passé une semaine de pure folie à Port-Gentil et bossé comme une dingue en effectuant deux missions en même temps dans deux entreprises différentes. Quand je me dis tous les matins devant le miroir que je suis la meilleure, ce n’est finalement pas qu’un pieu vœux ! L’une de mes collègues Loria Mendes a dû annuler à la dernière minute sa mission. Son fiancé l’a demandée en mariage. Ca n’arrive qu’aux autres ça. Donc je l’ai remplacée. Comme on s’entend assez bien et vu qu’elle ne fait pas partie des pimbêches du cabinet, ça ne m’a pas vraiment dérangé.
Mais c’était crevant je dois bien l’avouer. Ce n’est plus aussi facile que ça de faire des nuits blanches à répétition. J’ai 29 ans pas 19.
J’étais fatiguée mais chaque soir, je ne pouvais m’empêcher de trouver les draps de l’hôtel … glacials.
Quand je pense que je lui ai dit que je ne voulais plus jamais le revoir. Oui mes idées ont dérivé vers Alexander, sans mon consentement. Il me manque. C’est très idiot. Je ne comprends pas comment j’ai pu en arriver là. Pourtant, il ne s’est pas passé grand-chose entre nous n’est-ce pas ? Juste … un baiser. Bon mais même si c’était le baiser du siècle, ce n’est pas une raison pour penser à lui tout le temps comme une collégienne. je suis trop vieille pour ces conneries !
Je crois qu’il a raison. Elle, ma meilleure amie aussi à raison. Ils ont RAISON. J’ai besoin de compagnie. Pas de sexe seulement, ça c’est facile à trouver. Je veux … un mec. A moi. Rien qu’à moi. Même si ce n’est pas pour longtemps. Je veux qu’on me chérisse un peu. J’en ai besoin. Pour refaire le plein d’énergie et continuer ma route.
Le vol retour du samedi a été annulé. On est obligé de prendre le bateau. J’ai horreur de ça mais je ne veux pas rester un jour de plus à Port-Gentil. C’est une petite ville, pleine d’expatriés français où il n’y a pas grand-chose à visiter. Je prends donc le bateau avec les autres collègues de la firme, ceux qui comme moi étaient en mission et étaient pressé de rentrer retrouver leur famille.
Je m’installe tranquillement sur mon siège, quand mon téléphone sonne. Cette sonnerie, c’est forcement Elle. Je décroche.
— Devine quoi ?
— Ah non toi là, le kongossa va te tuer hein. Bonjour quand même !
— Ah pardon y’a plus important que bonjour ma fille. Rentre immédiatement. Cherche un bateau, même une bicyclette et pédale pour rentrer.
— Oh arrête. Je suis déjà sur le bateau. Le vol a été annulé. Je ne supportais plus Port-Gentil. Et tu vas être contente, je vais me chercher un mec.
— Je peux te gifler même comme ça quoi. Tu vas te chercher « un » mec ça veut dire quoi ?
— Rhooo. Ce n’est pas avec ça que tu me bassines depuis des lustres ?
— Mtchrrr. Laisse moi d’abord finir le kongossa au moins.
— Bon vas-y je t’écoute, je soupire après avoir bu une gorgée de sprite
— L’indien…
— Xander ?! Qu’est-ce qu’il y a !? je m’exclame en lui coupant la parole et me redressant.
— Laisse-moi parler. Ha ! C’est déjà Alexander ? Il s’appelle comme ça n’est-ce pas?
— Mais parle !
— Tu ne fais que me couper…
— Excuse-moi. Vas-y je t’écoute.
— Il a appelé ta patronne pour lui dire que le rapport incomplet était dû à un mauvais traitement du courrier par une nouvelle stagiaire. Qu’il s’excusait pour le désagrément causé à Mademoiselle Larba et qu’il envoyait une note rectificative donc un A. En plus il veut un nouvel audit dans les plus brefs délais dans une autre société et double les honoraires du cabinet pour t’avoir toi et rien que toi.
L’information entre mon oreille puis stagne dans mon cerveau.
— Tu ne dis rien ? me demande Elle.
— Je vais sortir avec lui.
— Ma petite, il était « kinda mabé » ce n’est pas moi qui te le reprocherai. Toutes les secrétaires du cabinet bavaient sur son passage.
— Quoi il a appelé ou il est passé ?
— Il est passé déposer la nouvelle note en personne. Mais la patronne était en rendez-vous à l’extérieur donc il l’a appelée et comme il était à l’accueil, tout le monde a pu entendre la conversation. Je crois même qu’il l’a fait exprès.
— Ce mec est bizarre. C’est peut-être un cinglé manipulateur.
— Quoi tu ne veux plus sortir avec lui ? Tu as déjà changé d’avis ?
— Non ce n’est pas ça. Pour lui franchement je laisse tomber mes principes. Il a foutu la merde mais il l’a aussi réglé. J’aime ce genre d’homme. Donc ça va. Mais je viens de repenser à ce que j’ai fait le premier jour chez lui et putain j’ai trop honte quoi. Peut-être même le geste du chèque c’était pour ça.
— Tu as failli mourir je te rappelle. C’était une réaction instinctive c’est tout. Je suis sure qu’il l’a compris. Ne t’inquiète pas pour ça. Il est intéressé par toi. Tu penses qu’en tant que Directeur Général d’une boite comme la Holding OLAM, il n’avait rien d’autre à faire à part déposer une note à un cabinet aussi prestigieux que soit ce cabinet.
Mon téléphone bipe et me signale un double appel. Je regarde le numéro c’est celui d’Alexander, que je connais déjà par cœur évidemment. Mon cœur fait un bon dans ma poitrine.
— Elle, il est en train d’appeler.
— Mais décroche gué. Je vais raccrocher.
— Non. Je vais le faire attendre un peu, je lui dis d’un ton tout à fait posé alors que je n’en mène pas large à l’intérieur.
— Tu es malade toi, dit-elle en rigolant.
— Il a quand même joué avec mon job ! Il le mérite. Tu crois que je me crève à la tache pour qu’un homme vienne me faire chier pour une histoire de fesses.
— Leila. Va falloir que tu apprennes à baisser d’un cran. Ton orgueil va te jouer un sale tour. Surtout avec un homme comme lui. Je t’en prie.
— Je sais.
Le téléphone arrête de biper. L’appel est terminé.
— Ça y est il a raccroché.
— Toi là ! Je dis hein tu fais tout ça pour quoi ? Tu finiras toujours par voir la couleur de son brazza.
— Elle ! je m’exclame feignant d’être choquée plutôt qu’amusé par ce nouveau mot de son cru.
— En parlant de brazza, Didier s’est fait chopper.
Et elle le dit calmement. Le sang froid de cette fille est carrément légendaire. Elle aurait dû être agent secret. Elle est mariée avec un avocat et a trois enfants. Une fille ainée et deux garçons. A force d’appeler son mari maître j’oublie parfois son prénom, il s’appelle Gaspard. C’est un prénom affreux n’est ce pas ? Ne vous y fiez pas. Maître a son charme mais il est surtout d’une élégance rare. Et cette élégance là fait des ravages parmi la gente féminine. Elle le sait, elle l’aime, elle fait avec. Non je rectifie. Elle a fait avec pendant longtemps. Mais ce temps est révolu. Depuis trois ans, elle entretient une relation avec Didier qui lui aussi est marié avec une certaine Solange. Je sais c’est un peu compliqué à suivre. Au début, cet adultère ne m’emballait pas vraiment. Gaspard ce n’est pas le genre à pardonner, c’est un fang, il est trop fier pour ça. Donc le jour où il l’apprendra, ça en sera finit de leur mariage. C’est vrai que je ne l’aime pas beaucoup mais les liens du mariage sont sacrés et quand on a choisi un coureur de jupons, je suppose qu’il faut le supporter jusqu’au bout surtout si vous avez choisi devant le maire : la polygamie. Quelle idée ! Donc pour le principe, j’étais contre sa relation avec Didier. Ce n’était pas parce que Gaspard la trompait qu’elle devait se rabaisser à faire de même. J’étais contre jusqu’à ce que je rencontre Didier.
Alors je vous décris d’abord Elle. C’est un petit piment d’1m67 pour 56 kilos. Lol c’est vraiment un petit bout de femme mais d’une grande beauté. Elle a les yeux plus en amande que les miens et une bouche de rêve. Grace aux tissages et extensions, elle change de coupe chaque semaine, elle adore la mode et s’habille toujours avec recherche mais ses jupes ne dépassent jamais ses genoux, c’est un principe inébranlable chez elle. Didier quant à lui est un colosse d’1m95. Il doit faire dans les cent kilos. Imaginez le couple qu’ils forment ! Faut vraiment le voir pour le croire.
La première fois que je l’ai vu, c’était un jour où il s’était mis à pleuvoir des trombes d’eau. Ni Elle, ni moi n’avions emmené notre véhicule ce jour la. Le problème c’était que vu le coin caché de Batterie IV où on était, il était vraiment difficile de marcher pour trouver un taxi. Elle l’a appelé contre mon avis. Il dormait chez lui. Il lui a dit de lui accorder une vingtaine de minutes. Et il a vraiment rappliqué au bout de vingt minutes dans une immense Hummer noire. Il s’est garé aussi prés qu’il le pouvait pour qu’on ne se mouille pas en sortant du cabinet. On est monté dans sa voiture aussi rapidement qu’on a pu. Pour une fois, j’étais intimidée par un inconnu. Faut dire que cet homme n’est pas un prix de beauté. Il est grand, massif, noir et vilain ! Par ailleurs, il roulait à vive allure, comme un fou, éclaboussant tout sur son passage.
Puis il s’est passé un truc simple. Elle, assise côté passager a passé sa main sur sa nuque puis s’est rapprochée de lui pour lui murmurer tout doucement mais assez fort pour que j’entende: « je t’aime ». L’homme terrifiant est devenu doux comme un agneau sous la caresse de ce minuscule bout de femme. Puis ils m’ont oubliée. Ils se sont mis à bavarder de trucs qui n’amusaient qu’eux. Ils étaient dans leur monde. Elle a exigé qu’il me dépose chez moi et c’est ce qu’il a fait alors que ça lui faisait faire un immense détour par une zone embouteillée.
Franchement j’ai envié Elle ce jour là. Didier n’était pas ce genre d’amant à la con, qui ne vient que lorsque tu lui promets une partie de jambes en l’air. Non. Elle pouvait compter sur lui pour quasiment tout. Pourtant, il était lui-même marié. Et ça c’était un autre hic.
— Comment ça Didier s’est fait chopper. Par qui ? Sa femme ?
— Ma fille, fais pas semblant de t’intéresser à ça. Le vrai brazza t’attend, tu ne pourras pas l’éviter longtemps.
Et elle raccroche. Quand je dis que cette femme est folle ! Bon, je fais quoi maintenant. Il ne rappelle plus. Je l’appelle ou pas ? Le petit logo de Whatsapp apparait sur mon écran. J’ai un message. Je l’ouvre.
Un petit drapeau blanc s’affiche. C’est Xander. Quoi, il rend les armes ? Je suis heureuse, je rigole à gorge déployée. Je suis heureuse pour un truc aussi bête qu’un petit drapeau blanc dans un message! On passe en mode messagerie :
Moi : Qu’est ce que tu veux ? (bah oui, je ne suis pas censée savoir qu’il a rattrapé le coup donc je fais celle qui est encore énervée)
Lui : Leila, Leila, laisse les enfantillages aux autres. Tu sais ce que je veux.
Ce mec m’énerve, pourquoi il est toujours aussi direct ? Je ne réponds rien.
Lui : Alors ?
Moi : Tu sais, je me rappelle t’avoir déjà traité de bouffon dans ma tête les premiers jours. Je peux le refaire de manière plus audible si tu veux.
Moi : Je me suis jetée sur toi le premier soir et je n’en suis pas particulièrement fière. Mais ça ne veut pas dire que dès que tu vas claquer des doigts, je vais rappliquer, surtout après ce que tu as fait.
Lui : A moi donc de te retourner la question. Que veux-tu ?
Coincée ! Je n’avais pas prévu cette question. Je ne sais pas quoi écrire. Je me lève, ça m’aide à réfléchir. Puis je me rassois. Reste tranquille Leila ! Je vais dire la vérité. Ça ne sert à rien de mentir, parce que ce mec … lit en moi et je le veux pour moi. Quelques temps du moins.
Moi : Je veux un homme qui ne me brusque pas, qui me respecte.
Lui : Il ne t’est jamais venu à l’esprit que c’est parce que je te respecte que je ne te mens pas. Je te dis les choses comme je les vois. Ce n’est pas parce que tu me dis oui tout de suite que je vais te sauter dessus dès que je te verrai (j’en meurs d’envie mais je saurai me retenir).
Moi : Je n’avais pas vu les choses ainsi, je l’avoue.
Lui : Leila, où et quand on couchera ensemble, ça t’inquiète c’est ton corps qui me le dira.
Ce mec me prend la tête. J’ai l’impression qu’il a toujours un coup d’avance sur moi. Et je trouve ça … très excitant.
Lui : Ecoute Lei, t’as vraiment rien à craindre.
Moi : c’est Leila, pas Lei. (Lei c’est déjà trop intime, il va me faire craquer).
Lui : Tu m’appelles bien Xander non ?
Moi : C’est parce-que Alexander évoque pour moi la grandeur, la magnificence … Mais toi, tu me fais juste penser à … un petit garçon. Donc je raccourci ton nom. (Vu comment il se prend au sérieux là, je suis sure que ça va l’énerver).
Lui : Leila, je saurai te faire devenir plus respectueuse tu sais. A part cracher du venin, il y a tellement de choses … plus agréables à faire avec ta bouche.
Non mais sérieux, il pense à quoi là !
Lui : Tu n’as plus rien à dire ?
Moi : Les indiens avec lesquels j’ai précédemment travaillé étaient très puritains et toi…
Lui : Ce sont les invasions qui ont changé la mentalité des indiens. Au 10e siècle, il y a eu l’invasion des musulmans puis jusqu’à notre indépendance, ce sont les britanniques qui ont dominés l’Inde et apporté la pruderie victorienne. Je te rappelle, que nous avons rédigés au 3e siècle, le plus ancien manuel érotique du monde.
Moi : Quoi le Kama sutra ? Le manuel avec les positions sexuelles. C’est bon pas la peine de t’en vanter. Ce n’est pas comme si c’était toi l’auteur.
Lui : Comme tout le monde quand on dit kama sutra, tu penses aux positions sexuelles. Sache que le sexe n’est abordé que dans un seul chapitre du livre, le kama sutra n’enseigne pas que ça. Il enseigne l’art d’aimer.
Aucune réplique cinglante ne me vient. Je suis troublée. Je crois que j’ai chaud tout d’un coup.
Lui : T’es gênée. S’il te plait Leila pendant quelque temps pour me faire plaisir, pose l’armure que tu portes depuis que les hommes t’ont fait du mal. Tu n’auras jamais à faire semblant avec moi. Jamais.
Pourquoi dit-il tout ça ? Comment peut-il savoir tout ça ? Les secondes passent et je ne réponds toujours rien.
Lui : Écris juste oui.
Moi : O
Moi : U
Moi : I.
Bon là je crois que tout est lancé.
Pendant toute la conversation, j’ai eu le temps de récupérer mes affaires et de débarquer du bateau avec mon trolley à la main. Je suis maintenant dans le hall. Mes collègues sont derrière moi. Je suis heureuse d’être de nouveau à Libreville.
Mon téléphone sonne. C’est lui. Je décroche. Ma main tremble un peu je l’avoue.
— T’as faim ? demande t-il dès que je décroche.
— Non pas vraiment. Mais je suis fatiguée.
— Ok.
— Peut-être qu’on pourra se voir si t’es pas trop occupé demain pour déjeuner.
— Tu prends les devants ?
— Oops. Désolée j’aime mener la danse.
— Ça c’est ce que tu crois.
Pourquoi dit-il ça ? Et tout d’un coup je ne sais pas pourquoi, je regarde devant moi.
Il est garé là à la sortie. Mon Dieu, il fait quoi là, comment a-t-il su ? Il est beau ! Ses cheveux noirs de jais flottent au vent. Il les discipline en poussant ses Ray ban sur le sommet de sa tête. Il porte une chemise verte et un blue-jean avec des baskets de ville. En costume il est beau mais en jean il est carrément à tomber. Putain il me fixe d’une de ces manières ! A cette distance je ne peux pas voir la couleur de ses yeux mais je devine aisément qu’ils ont viré au sombre. J’ai l’impression qu’il est en train d’imaginer toutes les douces tortures qu’il va pouvoir m’infliger. Je sens une douce chaleur se répandre en moi. Oh Leila calme toi. Ce n’est qu’un homme ! Je ne l’ai pas encore quitté des yeux depuis que nos regards se sont croisés. Il tire une dernière bouffée de sa cigarette et la jette au loin en expirant la fumée. Puis il pose ses bras sur la portière ouverte et me fais un léger signe de la tête. Il m’attend.
Comme je me suis arrêtée à force de le contempler, mes collègues m’ont rejoint mais ils ne l’ont pas remarqué. Si j’avance vers lui, dans la journée la rumeur sera lancée qu’on couche ensemble. Et ma réputation professionnelle sera foutue. Moi qui voulais une liaison discrète, je me sens pétrifiée ! Ils diront que pour rattraper sa mauvaise note : Leila Larba celle qui se la joue « je suis la plus professionnelle du cabinet » a couché avec le DG de la boite qu’elle auditait. Putain Alexander, tu me fous toujours dans la merde !
Mais je sais aussi une autre chose. Si je ne monte pas dans cette voiture aujourd’hui avec lui, je ne le verrai plus jamais. Il n’acceptera pas que je l’ignore de cette manière après avoir dit « oui » aussi clairement.
Que dois-je faire ?