Reconnexion
Ecrit par Saria
***Abomey-Calavi***
***Hôpital de Zone***
***Service de gynécologie-obstétrique***
***Chambre particulière***
***Kafui***
Je me sens groggy, les vomissements se sont calmés un peu. J’essaye de bouger le bras mais je sens une main qui m’empêche. J’ouvre les yeux à demi pour voir le visage inquiet de Guy penché sur moi. Je détourne le regard et déplace mon bras. Je suppose qu’il est désormais au courant pour le bébé.
Guy : Comment te sens-tu chérie ? Tu dois avoir soif…Le médecin a dit que tu peux boires un peu d’eau…Si tu en as envie.
Moi :…
Il rapproche une paille de mes lèvres…Je bois juste un peu et repousse sa main. Je ferme les yeux faisant semblant de me rendormir. Je n’avais aucune envie de discuter avec lui…Encore moins aborder le sujet du bébé.
J’étais dans une détresse sans nom, à l’idée qu’il y ait un Guy Junior quelque part. Un enfant qui lui ressemble, un enfant que je n’ai pas porté. Je tombe en dyspnée chaque fois que j’imagine qu’il en a touché, caressé et fait l’amour à une autre…au point de l’engrosser. Et je me mure dans mon silence.
***Guy***
Vous vous demandez ce que je fais là ? J’ai besoin de rester là ! Je sais qu’elle ne veut plus me sentir, que tous les moyens sont bons pour elle…pour qu’elle me fuie.
J’ai eu le temps de faire le point dans ma tête. A force de
compter et de recompter, le doute s’est ancré dans ma tête. J’ai néanmoins
largement eu le temps de voir les choses de façon lucide : la dernière
fois qu’on a fait l’amour elle et moi ça remonte en gros à deux mois. C’était
le soir de la fête d’anniversaire des mamans. Après j’étais tellement perturbé,
que même quand elle m’a sollicité je n’avais pas la tête à ça ! Trois
semaines après environ elle est a passé le weekend avec Jean-Yves…Et
apparemment des choses se sont passées.
Pour moi début de grossesse c’est le premier trimestre, dans tous les cas l’âge de la grossesse est entre : 2 mois ou 6 semaines environ. Tout porte à croire, qu’il est de mon frère : s’il était de moi, elle ne m’aurait pas caché son état.
Même là, je ne compte pas la laisser partir. A un moment, il faudra que l’un d’entre nous paye le prix fort pour préserver ce que nous avons. Elever l’enfant de mon frère, c’est comme élever le mien…Même si ce n’est pas exactement la même chose dans le cas précis…Même si j’ai envie de hurler et de tout casser. Je me dis que c’est ce qu’elle doit ressentir, quand elle pense à Junior ! C’est pourquoi elle me rejette avec autant de force !
Alors, je reste là et je compte prendre soin d’elle. Malgré la peine, malgré elle !
***Une semaine après***
Kafu sortait d’hôpital aujourd’hui. J’ai fait nettoyer la maison de fond en comble. Les petites ont fait un ruban qu’on a accroché à l’entrée du séjour. Elle ne pouvait pas manquer ça en rentrant ! J’ai fait installer un canapé-lit dans la chambre à coucher pas loin de la salle de bain. Il y avait également une sonnerie près du lit quand elle ne se sent pas bien. Le système est relié à mon bureau et à la chambre de la dada.
On a changé la literie, ajouté quelques coussins et oreillers dans des ton gais. Il y a une femme de ménage qui viendra deux fois par semaines. Elle fera le gros des travaux : lessive, entretien de la maison. Comme ça la dada aura plus de temps pour les enfants, sans que leur mère soit sollicité plus que de raison.
Dès que nous entrons, les filles se jettent sur elle. Elles se font un long câlin, je regarde tout ému. Définitivement non, je ne suis pas prêt à perdre tout ça. Je ne sais pas encore comment je vis m’y prendre mais je vais y arriver !
***Le lendemain soir***
Je rentre fatigué du boulot. Je monte pour avoir des nouvelles. La porte était légèrement entrebâillée.
Kafui : Je vais mieux ne t’inquiète pas !
…
Kafui : Oui mon dernier contrôle est bon, le bébé va bien…Moi je n’arrive pas encore à manger énormément. De toutes petites quantités…Oui. Ce soir pas encore…J’ai envie d’un yaourt dolait avec du muesli aux fruits rouges !
…
Kafui (voix triste) : Mais tu n’es pas là…Pas grave…
Pas besoin d’être un devin pour savoir qu’elle parle à Jean-Yves. Je sais qu’ils ont de longs échanges les soirs avec le décalage horaire c’est le bon moment. Je retourne sur mes pas et descend de façon discrète.
Je prends ma voiture et je ressors, je fais toutes les supérettes de Calavi…Rien…Pas de muesli aux fruits rouges. Je prends le chemin de Cotonou, direction Mont-Sinaï. J’espère vraiment trouver ce que je cherche. Je regarde ma montre ça fait une heure que je tourne, j’espère qu’elle n’aura pas mangé autre chose entre temps ! Au niveau du rayon petit-déjeuner, j’interpelle une vendeuse :
Moi : s’il vous plaît madame, vous n’avez pas de muesli aux fruits rouges ?
Vendeuse : Aïe ! Le dernier paquet vient de partir…La dame doit être à la caisse !
Je me précipite, effectivement la dame qui avait le paquet cherchait son porte-monnaie pour payer
Moi (m’approchant) : Madame…Permettez que je vous paye vos courses.
La dame et la caissière, les clients dans la file me regarde perplexes
-mon épouse est enceinte…Elle a envie d’un muesli aux fruits rouges, j’ai cherché dans Calavi en vain. Je vous en prie !
La dame : Tenez ! Elle a beaucoup de chance en tout cas ! Filez !
Je la serre et lui plaque deux bises sur les joues avant de courir vers ma voiture. En priant pour qu’il n’y ait pas de bouchon sur le chemin du retour.
***Une trentaine de minutes plus tard***
J’entre dans la chambre avec un plateau. Elle me regarde d’un air méfiant. Je le pose près d’elle, ses yeux se pose d’abord sur le yaourt, puis sur le muesli. Elle porte ses deux mains à sa bouche…Plusieurs expressions passent sur son visage : l’étonnement, l’émotion, puis de la joie. Elle se précipite sur le pot !
Je la regarde mangé, c’est fou de la redécouvrir dans les choses les plus banales. Elle savoure chaque bouchée les yeux fermés.
A un moment donné, je lui chuchote.
Moi (sourire dans la voix) : Je crois que tu devrais arrêter là…Sinon tout va ressortir !
Elle me regarde d’un air contrit…Avant d’être raisonnable.
Kafui : Tu as raison…Ce serait dommage hein !
Je rassemble tout ce que j’avais apporté, récupère le plateau, au moment de passer la porte.
Kafui : Guy ?
Je me retourne…
Moi : Oui ?
Kafui : Merci
Elle me fait un sourire radieux ! Un vrai qui irradie son visage. J’étais heureux ! Je me suis démené comme un beau diable mais ça en valait la peine. Regonflé à bloc, je suis le bon chemin !
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