Rêver
Ecrit par Fortunia
Je m’appelle Louisa et je suis une rêveuse.
Je l’ai toujours été, même s’il m’a fallu du temps
pour mettre des mots dessus. Je rêve de faire le tour du monde, de sauter d’un
avion en parachute, de remporter un grand prix, de guérir le cancer, de faire
une nouvelle découverte ou d’aller dans l’espace. J’ai soif de mille merveilles
et je fantasme sur des choses impossibles. Ah, ah, oui, je sais que c’est
impossible. Je suis une rêveuse, pas une idiote. Alors je me rabats sur des
choses plus accessibles mais encore si loin de moi.
Je rêve de travailler à la présidence, de créer des
emplois, d’être une pionnière dans quelque chose, d’être reconnue. Je rêve de
toucher le cœur des gens et de faire naître des étoiles dans leurs yeux à l’entente
de mon nom. Je rêve de gloire et de fortune, de paix et de bonheur, d’amour.
Je suis une rêveuse.
Et je ne peux pas m’en empêcher, je suis comme ça. Mes
rêves sont plus grands que le sommet des montagnes, montent jusqu’aux cieux et
touchent les étoiles. Mes pieds sont décollés de la terre et me portent vers
des océans que je ne maîtrise pas. Je me laisse aller, indécise, incomprise.
Mes ambitions ne sont pas celles que l’on attendrait d’une personne comme moi.
D’une jeune fille qui n’a encore rien d’autre que son cœur et ses rêves pour
seules armes, en qui personne ne croit. Mais je sais ce que je suis.
Je suis une rêveuse.
Je veux tout mais je vis dans un monde où les rêves ne
se réalisent pas, dans un système si vicié qu’il obscurcit tous ceux qui ont le
malheur d’oser regarder la beauté du ciel et d’écouter le murmure du vent. Un
système qui avale tout ce qui peut créer le bien.
Plusieurs fois, j’ai été réprimandée. On m’a reproché
de voir trop grand, de ne pas être réaliste. On m’a dit de redescendre sur
cette terre putride, de garder mes rêves pour moi. Tout simplement de ne plus
espérer. On m’a muselé et essayé de me convaincre que toutes mes aspirations ne
sont que fantaisie, les délires d’une fille qui ne sait plus quoi faire pour se
sortir de son quotidien insipide.
Pourtant, je me rebelle et je continue de rêver.
Car je suis une rêveuse.
Et c’est dur de vivre dans une bulle lorsque la vie
vous balade comme du fétu dans ses tumultes. Je suis rattrapée malgré moi par
elle et toutes ces tracasseries. Je grandis, non, je vieillis. Et avec l’âge,
les responsabilités s’accumulent et les regards se font plus pesants. Je ne
porte plus seulement le poids de mes rêves et de mes aspirations mais également
les attentes de tous ceux qui m’entourent.
Je suis oppressée et ma vue baisse. J’ai du mal à voir
plus loin que les opportunités qui se présentent devant moi. Bien maigres.
J’essaye d’écarter l’écran qui ombre ma vue, de me rappeler de ces rêves qui
m’habitent et qui font vivre mon âme de rêveuse. Mais petit à petit, je deviens
aveugle.
Je suis une rêveuse.
Et dans ce monde où des canevas bien précis ont été tracés,
mon âme est torturée. Je suis déchirée, prise entre ces nuages que j’imagine et
ce feu qui me brûle. Je prie, je crie, j’espère. Sortir de cette geôle est ce à
quoi j’aspire. Je ne veux pas laisser mes rêves mourir et mener cette vie
ennuyeuse qui semble tant plaire à mes pairs, celle où l’on a qu’un seul
objectif : trouver de quoi survivre jusqu’au lendemain. Regardez-vous, mes
frères.
Je reste une rêveuse.
Et si mes rêves meurent, je mourrai avec eux. Je veux
vivre, m’envoler, toucher les étoiles et ne plus redescendre. Mais
comment ? Répondez-moi. Existe-t-il une méthode pour transformer le
monde ? Une formule magique pour tout effacer et tout recommencer, rendre
l’espoir, croire en l’impossible ? L’innocence, cette perle que l’on
cherche à nous enlever dès notre sortie du ventre, n’est-elle pas la
clé pour s’échapper des enfers ? Je ne sais pas.
Je ne suis qu’une rêveuse.
Et en tant que telle, mes pensées sont floues, mélange
incongru du réel et de l’immensité de l’imaginaire. Et parfois j’ai peur, peur
de ne pas m’en sortir, de me faire engloutir. Mais au moins, je partirai en
faisant ce que je fais de mieux.
Rêver de l’avenir.
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