Rien ne va plus

Ecrit par Aura


J’ai passé tout l’après-midi et le début de soirée à l’atelier. Je suis sortie de là aux environs de 19 heures, complètement épuisée. Il était trop tard pour attendre le bus. J’ai donc pensé marcher un peu pour me dégourdir les jambes. J’étais vraiment fatiguée et je mourrai de faim. J’angoissais de ne pas avoir eu à finaliser ce travail dès aujourd’hui. Je ne cessais d’y penser tout en traînant nonchalamment  mes jambes sans autant faire attention au plancher. Soudain, je heurte quelque chose et j’entends tout de suite des pleurs.
Hein qu’est ce que c’est que ça ? Je me rapproche pour regarder : un bébé. Mais qu’est ce qu’il fait là à même le sol ? C’est un trottoir et non un berceau. J’avais l’impression de rêver. J’essaye de me servir de mon téléphone pour mieux l’éclairer. Je regarde ce petit être à nouveau. Il est enroulé dans une espèce de foulard. Il me semble qu’il soit de sexe masculin. Ben mon cher ami lui lançai-je, je te souhaite bonne chance. Je suis sûre et certaines que quelqu’un te prendra avec lui, mais ce ne sera pas moi en tous cas.
Je m’éloigne et je continue mon chemin quand j’entends de nouveau les pleurs qui s’accentuent derrière moi.
Non non non, je n’ai pas besoin d’un bébé. Tu étais là sur la route et je passais. Laisses-moi continuer mon chemin. Je suis exténuée et je n’ai aucunement besoin des pleurs de bébé. Je réitère ma tentative de m’en aller de nouveau à trois reprises et il refait la même chose.
Je n’avais pas prévu ce genre de choses. Non !!! Ne suis-je pas déjà assez malheureuse comme ça ? Où es ta maman dis-moi grondais-je.
Mais les pleurs s’accentuent. Je me rends compte qu’il ne peut non seulement pas me répondre, mais qu’il  n’y a personne aux alentours pour s’occuper de lui.

Je finis par être prise de remords et de pitié pour lui. J’ai donc pensé aller avec lui dans le commissariat de police le plus proche pour signaler sa disparition afin qu’ils retrouvent ses parents. Au moins quelqu’un pourrait par la suite s’en charger, les services sociaux étaient là pour ça.

(Au commissariat)
Bonsoir monsieur l’agent.
Bonsoir madame ! Que puis-je faire pour vous ?
Eh ben en sortant de mon lieu de travail, j’ai marché par hasard sur ce bébé. Et comme il était au bord de la route, j’ai donc pensé l’emmener dans un endroit comme celui-ci pour signaler sa disparition.
C’est bien juste madame, mais nous sommes un commissariat de police et non les services sociaux. Nous ne traitons pas ce genre de cas désolé.
Comment est-ce possible ? N’êtes-vous pas en contact avec eux ?
Si mais, je crains qu’ils ne puissent traiter cette question uniquement demain. Il se fait déjà trop tard.
Demain ? Et qui va s’en occuper ?
Eh ben je l’ignore. Puisque vous l’avez dans les bras, vous pouvez toujours vous en occuper.
Moi ? Ben dis donc !! Est-ce que j’ai la tête de quelqu’un qui peut s’occuper d’un bébé ? Non mais je rêve. La dernière chose dont je n’ai aucunement besoin c’est d’un bébé.
N’êtes-vous pas une femme ?
Si, mais cela n’explique en rien que je m’y connaisse. S’il vous plait monsieur l’agent, trouvez une solution.
Je vais enregistrer ce cas, et vous donner le numéro des services sociaux. Je ne peux rien faire d’autre.
Oh pas ça mon Dieu. Que devrais-je faire à votre avis ?
Rentrer chez vous avec lui. Au fait je n’ai pas pris la peine de l’enregistrer. Combien de mois a-t-il ?
Je n’en sais rien, je ne suis pas pédiatre moi, juste designer.
Laissez-moi voir. Dès que le policier l’a pris dans ses bras, il a recommencé à pleurer
Mille millions de mille sabords, je crois qu’il apprécie uniquement votre compagnie. Bon je crois qu’il a deux à trois mois, peut être 5 kg, il est de sexe masculin, il porte une médaille, est probablement métis,  et complètement nu. A quel niveau l’avez-vous ramassé ?
Dans l’avenue Kingston, à trois cent mètres de la société Azurik.
Et quel est votre nom madame ?
Je suis Arielle Limani.
Mariée ?
Non, je suis célibataire, et je bosse en tant que designer chez Azurik.
Vos coordonnées téléphoniques s’il vous plait ?
Tenez ma carte, ce serait beaucoup plus pratique.
Je n’en doute pas une seconde. Bien je crois que ce sera tout madame. Je vous tiendrais au courant dès que nous serons en contact avec les services sociaux. Vous pouvez rentrer chez vous après avoir signé cette déclaration.
(Hésitation) Il faut que j’inscrive son nom d’après ce qui est écrit.
Ne vous en faites pas, ce n’est pas grave. Les données, qui sont inscrites sont largement suffisantes. Et on a recours au nom lorsque l’enfant est un peu plus âgé.
Bien merci officier.
Non c’est moi qui vous remercie d’avoir eu le flair de signaler la disparition de ce bébé et d’accepter de le garder avec vous.
Vous ne m’avez pas laissé le choix. Bien je vais devoir prendre congés de vous.

Au sortir du commissariat, j’étais on ne peut plus déboussolée. Me voici en train de baby-sitter un enfant que je ne connais même pas alors que je suis complètement dans le pétrin au boulot. Et maintenant, il va me falloir prendre des cours car je ne sais pas m’occuper des bébés. Je suis finalement rentrée à la maison alors à bord d’un taxi. 

Cœur en chantier