Seize.
Ecrit par PaulBernardAMGL
- Je suis censé le soigner et vous vous êtes censé le surveiller alors c'est à moi de vous demander où est passé mon patient.
- Insolente ! s'emporta le policier en la menaçant de l'index. Si vous l'avez aidé à s'échapper vous aurez de gros problèmes.
L'infirmière eut un rire amer.
- Dois-je vous rappeler dans quel état je vous ai trouvé devant la porte ? Au lieu de me menacer, vous ferez mieux de commencer à le chercher avant que je ne dise à votre supérieur qu'il s'est échappé pendant que vous dormiez.
Il ne rétorqua pas. Il se remit à fouiller la chambre une deuxième fois pour être sûr qu'il ne se cache nulle part. Après cette deuxième fouille aussi vaine que la première, il ressortit de la pièce sous le regard amusé de l'infirmière.
Cette dernière le suivit dans le couloir pour s'assurer qu'il s'éloigne de la chambre. Elle retourna ensuite à l'intérieur.
- C'est bon, il s'est éloigné, dit-elle en ouvrant la porte-fenêtre.
Terry revint dans la chambre.
- Quel incompétent ! s'exclama-t-il. A sa place j'aurais d'abord fouillé le balcon.
- Je t'avais dit qu'il n'était pas très futé.
- Tu avais raison. En tout cas merci beaucoup. Tu me sauves la vie.
- Tu me remercieras une fois dehors, sourit-elle en lui tendant une blouse blanche.
Il l'enfila sur sa chemise. Elle lui plaça un stéthoscope autour du cou et lui fit signe de la suivre.
Elle vérifia le couloir une fois de plus avant de le faire sortir. Ils prirent la porte de service, exclusivement réservée au personnel. Elle l'emmena à la sortie des ambulances, dans un vestiaire. Elle lui trouva une tenue d'ambulancier. Il mit la casquette qu'il enfonça jusqu'à son visage. Il sortit ensuite de l'hôpital, en marchant le plus naturellement possible. Il traversa la rue et disparut dans l'une des ruelles en face.
Sept semaines plus tard...
Jessica venait de sortir de son stage. Elle avait pris un grand retard dans la rédaction de son mémoire alors elle était restée tard au boulot pour pouvoir progresser un tant soit peu.
Elle était à la recherche d'un taxi-moto quand une berline noire se gara devant elle. Elle recula et commença à s'éloigner quand le conducteur en descendit. Elle s'arrêta net et fit volte-face.
C'était Terry. Elle réduit la distance entre eux à grand pas et gifla violemment son amant. Ce dernier sourit en se massant la joue. Elle tenta de lui asséner une autre gifle mais il retint sa main et l'attira contre lui.
- Moi aussi je me suis inquiété pour toi, lui murmura-t-il tout simplement.
Et elle l’étreignit très fort à lui en briser les côtés.
Mais la colère bouillonnait toujours dans ses veines. Il lui avait menti, ce qu'elle détestait le plus. Il s'était fait passé pour une autre personne et lui avait créé des problèmes avec son père. Mais elle tenait déjà assez à lui pour s'inquiéter quand il la laissait sans nouvelles pendant des semaines.
- Je sais que je te dois des explications et bien plus, dit-il ensuite. Et je le ferai si tu m'en laisses l'occasion.
- Là tu en as l'occasion alors je t'écoute, répliqua-t-elle. Et tu n'as pas intérêt à inventer de nouveaux mensonges pour couvrir les anciens.
- On peut bouger d'abord ?
- Il n'est pas question que je monte dans cette voiture. Elle a été volée si ça se trouve.
- C'est la voiture de ma mère, je te le promets.
La grosse Range Rover qu'il conduisait portait une plaque diplomatique.
- Ta mère est une diplomate ?
- Oui. Et sa voiture est le seul moyen pour moi de sortir sans me faire contrôler et risquer de me faire arrêter. Mais elle n'est pas souvent à la maison, ce qui fait que je sors très rarement.
Elle hésita un moment.
- Qu'est-ce qui me dit que ce n'est pas un autre mensonge ? demanda-t-elle au bout d'un moment.
- Tu m'as déjà démasqué Jessie, alors pourquoi dois-je continuer à te mentir ? Je suis là pour te montrer le vrai moi parce que je te dois bien cela.
- Un peu que tu me le dois, répliqua-t-elle.
Il lui ouvrit la portière et elle s'assit dans la voiture. Il l'emmena dans le restaurant où ils avaient mangé la toute première fois deux mois plus tôt.
- Tu as faim j'espère, dit-il en descendant de la voiture.
- Oui mais c'est moi qui invite.
Il s'assura que leur table soit le plus loin possible de toutes les autres.
Une fois le plat de Terry bien entamé, elle débuta son interrogatoire. Il n'était pas question pour elle de le laisser partir à nouveau sans lui poser toutes les questions qu'elle avait ruminées ces dernières semaines. Toutes les questions que cette nuit au Concordia avaient suscitées.
- Qui es-tu ?
- Terry Gakpe, c'est mon vrai nom.
Il venait encore de lui mentir. Mais c'était plus pour se protéger parce qu'il ignorait ce que la fille du commissaire allait faire de ces informations.
- C'est faux ! trancha sèchement cette dernière.
- Promets-moi d'abord que rien de ce qu'on se dira ici ne tombera dans les oreilles de ton père.
Elle lui jeta un regard noir.
- Si j'avais voulu dire des choses sur toi à mon père, ton appartement aurait été retourné dans tous les sens et surveillé constamment depuis l'incident à l'hôtel.
Il parut surpris. Il n'était pas retourné à l'appartement, pensant que les hommes du commissaire Akue l'y attendraient.
- Pourquoi tu ne l'as pas fait ? hasarda-t-il.
- Je n'ai pas envie que tu ailles en prison, dit-elle d'une petite voix.
- Malgré tout ça ?
Elle hocha la tête.
- Je sais que ça peut paraître bête mais je voulais que tu me parles à moi, plutôt qu'à mon père.
- Je m'appelle Terry. Terry Amegnaglo. C'est mon vrai nom.
Une étrange lueur traversa le regard de la jeune femme. Son expression faciale était un mélange de soulagement et de satisfaction. Elle avait réussi à obtenir une première vérité de lui. Même si elle lui en voulait toujours de lui avoir menti, elle sentait qu'il lui faisait assez confiance pour répondre honnêtement à ses questions.
- Qu'est-ce que tu fais dans la vie Terry ?
- Je suis un gangster deux point zéro.
Elle se rapprocha un peu plus de la table.
- Qu'est-ce qu'un gangster deux point zéro ? Qu'est-ce qui te différencie d'un gangster lambda ?
Il pouvait lire de la curiosité dans son regard à présent.
- Je ne fais pas recours à la violence sous aucune forme, répondit-il en buvant son vin. Jamais d'armes. Qu'elle soit blanche ou de n'importe quelle autre couleur de l'arc-en-ciel. Tout ce dont j'ai besoin c'est de ma tête et de ma bouche.
- Qu'est-ce que tu fais concrètement en tant que gangster deux point zéro ?
Son excitation pouvait se lire dans ses yeux. Ces derniers brillaient de mille feux.
- Vol et arnaque en tout genre.
Il gardait un sang-froid total. Il parlait avec le détachement d'un artiste sur un plateau télé.
- Tu le fais pour toi-même ou pour quelqu'un ?
- Je le fais sous contrat la plupart du temps. Et quelques fois pour mon propre compte.
- Le collier de la princesse c'était pour ton propre compte ou sous contrat ?
Il fronça les sourcils.
- Je préfère que tu ne le saches pas. Je t'ai dit tout ceci parce que tu m'as prouvé que je peux te faire confiance. Et si je t'en parle, ça fera de toi une complice. Et tout ce qui pourra être fait pour m'atteindre, t'atteindra aussi.
- Mais j'ai tellement de questions...
- Pose-les.
- Où étais-tu passé pendant ta cavale ?
Il se pencha vers elle à son tour.
- Je n'ai jamais été en cavale, répondit-il d'une voix grave. Seulement la menace de la princesse était sérieuse et j'avais envie de tout sauf de mourir jeune. Je me suis donc protéger le temps que la mort qui devait planer sur ma tête s'en aille.
- Comment ça ? Comment on peut échapper à ça ?
Il secoua la tête.
- Ça ne je ne peux pas t'en parler. C'est mieux ainsi.
Elle fit semblant de se concentrer sur son assiette qu'elle avait à peine touché.
- Pourquoi avoir choisi cette voie ? attaqua-t-elle à nouveau. Je veux dire, tu es super intelligent, tu as le contact facile, tu es beau, tu pourrais percer dans n'importe quel autre domaine que celui que tu as choisi.
Il haussa les épaules.
- Peut-être parce que j'aime vivre dangereusement, répondit-il d'un ton désinvolte. Je m'ennuie assez vite. Et donc il n'est pas question que je m'enferme dans un bureau à analyser des chiffres ou des données sur un écran, un papier ou n'importe quel autre support. Peut-être qu'il y a des gens que ça passionne, mais pour moi c'est ça la vraie prison. Il y n'a que dans ce boulot que je me sens vraiment vivant. Frôler constamment le danger te rappelle de vivre pendant que tu le peux, ça te rend plus sensible à certaines choses, ça t'aide à prendre conscience de certaines choses.
Elle eut un pincement au cœur quand elle entendit ces propos. Ce n'était pas ce qu'elle espérait qu'il dise.
- Et tu n'as pas peur de mal finir ? De…mourir ?
Elle avait prononcé ce mot d'une petite voix plaintif qui dévoilait tout quant à son inquiétude.
- On mourra tous un jour tu le sais bien. Alors j'essaie juste de ne pas mourir d'ennui.
- C'est le cas là tout de suite ? Tu meurs d'ennui ?
Il secoua la tête.
- Je ne m'ennuierai jamais en ta compagnie.
- Jamais ?
- Jamais.
Il se leva légèrement de sa chaise et se pencha au-dessus de la table dans l'espoir qu'elle se rapproche pour un baiser. Elle se rapprocha mais garda quelques centimètres entre leurs lèvres.
- Je dois donc être importante à tes yeux si tu ne t'ennuies jamais avec moi, susurra Jessica.
- Oui tu l'es.
- Si je suis aussi importante que tu le prétends, tu peux donc laisser ta vie de gangster pour moi ? Pour nous ?
Elle posa sa main sur son ventre.
Il ne la quittait pas des yeux. Un sourire mystérieux étira ses lèvres.
- À quel moment comptais-tu me dire que tu es enceinte ?