SEULE
Ecrit par Chelso
'' Seule dans mon monde, je n'arrive pas à me faire accepter.
Seule dans mon silence, je les regarde se parler.
Je n'ai que 10 ans, pourtant je suis enfermée dans un monde beaucoup trop insupportable pour moi. Je n'ai que 10 ans, née sourde et muette.
Je n'ai que 10 ans, et pourtant je souffre beaucoup...
Maturité de l'âme, immaturité du corps.
Dans mon silence, je les regarde.
Je regarde mes cousins chez qui je suis en vacances s'amuser. Se courir après. Crier, conduire leurs vélos et jouer avec des pièces LEGO. Comment leur dire, leur crier que je voudrais aussi pouvoir le faire, m'amuser comme eux, crier, jouer avec eux ?
La nature m'a dotée d'une infirmité, infirmité que je suis la seule a développer dans la famille. Ma petite soeur, sept ans, obligée d'apprendre la langue des signes pour pouvoir me comprendre quand les parents ne sont pas présents.
Elle joue les traductrices, mieux, la porte, le passage entre un monde que je ne peux entendre, et avec lequel je ne peux communiquer.
Seule dans mon monde, je peine a me faire accepter.
Seule dans mon silence, je les regarde se parler.
J'adore pourtant communiquer. Ironique, venant dune sourde-muette, n'est-ce pas ? Mais pourtant c'est le cas... Sauf qu'après avoir quémandé de l'attention pendant dix ans, j'ai appris a me calmer. A arrêter de vouloir établir des liens avec des gens qui n'en voulaient pas. A rester dans mon coin et subir les choix des autres. Ma soeur voulait du coca ? Une bouteille pour nous deux. Mes cousins voulaient regarder un dessin animé ? Soit je regardais, soit j'allais ailleurs. Qui voulait demander l'avis d'une infirme ?
Ça fait mal, de se sentir si rejetée. Ça fait mal, de ne pas avoir d'amis normaux. Ça fait mal de subir, de parler, de ne rien entendre, de pouvoir qu'imaginer le rire de ma mère. Maman, je t'aime tellement. Malgré mon handicap, tu me chéris en m'éduquant rigoureusement. Je n'ai jamais vu ça ailleurs, un mélange de fermeté et de douceur. Le nombre de fois où j'ai vu des larmes dans tes yeux, parce que je venais de me réfugier dans tes bras alors qu'ils n'étaient pas voulus de mon groupe d'enfants ... Tu me caressais la tête en essayant de sourire. Tu es comme moi, maman. On ne sait pas mentir. Tu ne savais pas cacher ta souffrance.
Seule dans mon monde, je peine à me faire accepter.
Seule dans mon silence, je regarde se parler.
Aujourd'hui, j'ai officiellement 11 ans. Et aujourd'hui, on me met en terre.
Je n'ai pas pu supporter d'être toujours seule, maman. De toujours faire souffrir, même si ce n'était pas ma faute. Je ne sais pas quel médicament exactement m'a tuée, maman. J'en ai pris beaucoup. Je pensais qu'ils allaient faire cesser mes maux de coeurs. Oui, maman. J'avais mal au coeur chaque fois que quelque chose m'a choisi en rappelant que je n'étais pas comme les autres. Alors j'ai voulu me guérir ... Mais je suis morte. Je vois mon corps descendre dans le trou, enfermé dans une boîte en bois, et je vois du sable me couvrir petit a petit. Je te vois, maman. Pourquoi tu ne me vois pas, maman? Je pense que tu es moins. Pourquoi tu pleures, maman? Je suis toujours là, avec toi ... Même si on ne voit pas, même si on ne parle pas. Tu sais, maman, quand je regarde autour de moi, je ne vois personne ... Pourquoi? Un jour, j'ai lu quelque chose quand quelqu'un meurt, il a retrouvé d'autres esprits de morts comme lui.
Maman, même la mort ne m'a pas donné d'amis? C'est parce que je suis sourde-muette que même après ma mort, je n'ai pas trouvé de camarades? Je regarde tes larmes, maman, je ne crie pas de pleurer, mais tu ne m'entends pas ...
Seule dans mon monde, je peine '' encore 'a accepter de m'accepter ...
Seule dans mon silence, je vous regarde vous éloigner ... ''