Survivre
Ecrit par Farida IB
Vendredi 7 mars, Lomé.
Armel….
J’ai appris qu’il suffit parfois d’un rien pour que tout bascule. Qu’on a beau mené une vie bien ordonnée, être prudent comme un serpent, anticiper sur les événements à venir, on ne peut éviter l’inévitable.
Aujourd’hui, j’ai appris que l’on quitte quelqu’un à cause de la chose pour laquelle on l’avait choisi. Ma première question est : pourquoi m’avait-elle choisi ?
Au début, nous ignorions tous les deux ce que nous étions en train de faire. Ces deux dernières années, les choses sont devenues peu à peu évidentes. Si à l’adolescence, elle a tenu jusqu’au bout malgré mes frasques et les déboires de sa vie. Si je suis son bouclier, sa force, le roc sur qui elle a fondé sa vie, son plus grand soutien comme elle disait toujours, pourquoi avait-elle choisi de partir ? Partir et faire comme si rien n’avait jamais compté, comme si j’étais coupable de ce drame. Et par-dessus tout sans me donner d’explication quoiqu’elle m’ait laissé un mot :
Debbie : « Je suis désolée »
J’ai envie de savoir ce que ça peut bien vouloir dire. Ce sont pourtant trois mots sans ambiguïté, simple à comprendre, mais je me dis que ça cache peut-être un autre message. Je ne sais pas comme une énigme à déchiffrer ou un message codé, alors je relis le post-it chaque jour avant de sortir de chez moi, autant de fois que possible dans l’espoir d’y trouver les réponses dont j’ai besoin. Mais bon, es la vida, c’est la vie. Le pourquoi n’a pas toujours une réponse.
Je soupire en rangeant le papier à sa place habituelle, c’est-à-dire dans mon portefeuille que je range dans la poche arrière de mon jean en sortant de ma chambre.
Moi criant : j’y vais !
Marianne (ton affolé depuis sa chambre) : attends ! Attends, deux minutes s’il te plaît. Je viens avec toi.
Je marque un arrêt, les sourcils légèrement froncés.
Moi : comment ça, pourquoi ?
Maman : elle va te chaperonner, comme ça, tu réfléchirais par deux fois avant de retenter de te suicider. Et si jamais, je dis bien si jamais, il arrive quoi que ce soit à ma fille, je te promets que cette fois, je te tuerais de mes propres mains !
Je roule des yeux en pénétrant le salon où elle se trouve.
Moi : maman, c’était il y a des semaines.
Maman (fixant ma barbe de plusieurs jours) : on n’est pas sorti de l’auberge crois moi.
Moi les caressant : non ça, c’est parce que je manque de temps pour m’occuper de moi-même entre les cours, le port, l’atelier, le gymnase.
Maman ton narquois : c’est ce que je disais, on n’est pas sorti de l’auberge.
Je soupire en secouant la tête, débité. Surtout qu’elle n’a pas tout à fait tort, je ne suis que l’ombre de moi-même, incapable de rebondir. Alors je mets toute ma hargne dans mes études, le travail, mes business. Bréf, il faille que je m’occupe l’esprit.
Marianne entrant : ça y est je suis prête. Maman, tu lui as dit ?
Je me tourne vers elle, puis regarde ma mère à nouveau le sourcil arqué.
Moi : dire quoi ?
Maman : ah oui, j’avais presque oublié. Au retour, vous ferez quelques courses pour moi. Je compte faire des minies pizzas et burgers en prélude du pyjama parti pour l’anniversaire des jumeaux ce soir.
Moi : c’est vrai, ça m’était presque sorti de la tête.
Marianne toute excitée : tout le monde sera là, ça va être trop bien !!! Tati Magnime nous a concocté un programme (détachant les mots) topissime ! Vous n’y verrez que du feu !
Moi : c’est clair que tu n’as aucune idée de ce que je prépare aux garçons.
Marianne : ah ouais ? Qu’est-ce que tu leur prépares ?
Moi : je le sauras ce soir.
Marianne (balayant l’air d’un revers de main) : pas besoin de'en faire un mystère. Jouer au PlayStation, Playstation, et encore Playstation. C’est le fort des garçons.
Moi me pinçant la lèvre : tu seras étonnée ma petite.
Maman contente : j’aime l’engouement autour de cet anniversaire.
Moi : lol (regardant Marianne) bon on y va ! J’ai hâte de reprendre le volant.
Maman (au moment où je sors du salon, Marianne à ma suite) : Franck Armel Selom Djidjoho Elli, je t’ai dit ohhh, ma fille ohh.
Moi faisant la grimace : la chance que tu as une autre qui pourra la remplacer au cas où !
Elle me lance un sale regard avant de commencer à m’insulter, ce qui me fait rire pendant que nous sortons de la maison en passant par la seconde entrée. Normalement c’est pour éviter les Diapena, mais par manque de bol, je tombe pile-poil sur la mère.
Marianne : regarde, la mère de celle qu’on ne mentionne pas !
Moi : je l’ai vu.
Marianne : qu’est-ce qu’on fait ?
Moi : déjà, évite de regarder dans sa direction.
Au même moment, la voiture de papa s’arrête devant nous.
Papa : je vous dépose quelque part ?
Moi (ne me faisant pas prier) : oui, s’il te plaît (refermant la portière) bonjour.
Papa : bonjour fiston, comment tu vas ?
Moi : ça peut aller.
Dès que Marianne finit de s’installer, il démarre.
Marianne : bonsoir papa.
Papa à Marianne : ça va ma chérie ?
Il la regarde hocher la tête et me dévisage brièvement par la suite.
Papa : un souci ?
Moi : non, ça va.
Il me lance un regard sceptique, mais ne dit rien. En ce moment, il mérite le prix du père de l’année, enfin du trimestre parce qu’avec Fulbert Elli, rien n’est sûr ! Il est plus présent dans nos vies en faisant preuve de plus d’égards encore plus envers maman avec qui il essaie de se rattraper au quotidien. Quoique ce n’est pas gagné d’avance.
En arrivant à la hauteur de la mère de « Celle qu’on ne mentionne pas » il ralentit et ils se mettent à échanger des salutations, des nouvelles.
Mère Diapena : on ne te voit plus mon fils.
C’est en sentant son regard posé sur moi, que je lève les yeux sur elle.
Moi : c'est vrai, c'est le boulot.
Madame Diapena : houm, ta chérie est partie, mais nous sommes là. Tu peux passer à la maison quand tu veux.
Je me contente d'acquiescer.
Papa lorsqu’on redémarre : son ventre waouh !
Marianne : elle attend des jumeaux.
Moi : comment tu sais ça toi ?
Marianne : bah, c’est Sophie qui me l’a dit.
Papa : tout s'explique, alors où est-ce que je vous emmène ?
Moi : chez Joe, je vais récupérer ma voiture.
Il me regarde.
Moi : il faudrait que je reprenne le volant tôt ou tard.
Papa : je n’ai rien dit.
Tout en suivant leur discussion, je réfléchis à ce fameux jour où j’ai bousillé ma voiture. Je n’ai comme souvenir que le bruit violent du choc et les pleurs de ma mère à mon réveil à l’hôpital après une perte de connaissance de plusieurs heures. Je me remémore les idées sombres qui m’avaient envahi ce matin-là après avoir passé un coup de fil à Paterson pour confirmer son départ. Je me souviens avoir voulu ressentir dans ma chair cette extrême douleur qui me brisait le cœur et sur le coup, j’avais juste envie de foncer dans un poteau en béton avec ma caisse. Et je l’ai fait sans réfléchir. Heureusement qu’il y a eu plus de peur que de mal grâce à l’airbag. Je m’en suis tiré avec " seulement " une entorse cervicale.
À la vue de l’état de ma voiture (qui était bonne pour la casse en principe) j’ai mesuré la chance que j’ai eue de rester en vie, beaucoup de chances. Peut-être même trop de chance, tout le monde n’en revenait pas que je sois sorti vivant de cet accident. Moi non plus d’ailleurs…
… Flashback …
Noémie : elle est partie.
Moi : partir où ?
Je l’ai poussé en entrant dans le salon puis dans la chambre de Debbie tout en hurlant son nom. Après avoir fait le tour et constater qu’il n’y avait plus aucune trace d’elle dans sa chambre, je m’arrête au beau milieu la tête pleine, mes pensées allant dans tous les sens. J’étais un ordinateur que je buguais. Je bous littéralement de l’intérieur, elle a dû déménager dans un nouvel appartement. Debbie ne peut pas partir, sans rien me dire de surcroît.
Noémie se plantant devant moi : elle a pris le vol à minuit (me tendant quelque chose) elle t’a aussi laissé ça. Je suis désolée.
Je regarde le post-it et la regarde.
Moi : Noémie qu’essaies-tu de me dire ? Deborah est partie où ?
Noémie : elle n’a rien voulu nous dire, je….
Je n’entends pas le reste, je suis sortie du bâtiment brumeux, les sens en émoi, avec le cœur brisé. Je sors ensuite de la maison, déboussolé et dans la confusion totale. Cependant, une partie de moi refusais d’y croire alors je suis parti chercher ma voiture en roulant vers l’aéroport dans l’idée de vérifier si elle a réellement pris un vol cette nuit. C’est pendant le trajet que j’ai eu l’idée d’appeler Paterson. Il est le seul à pouvoir confirmer son départ.
Moi (dès qu’il décroche) : man rassure-moi Deborah n’est partie nulle part n’est-ce pas ? Je t’en prie dis-moi qu’elle est avec toi, je refuse…
Paterson la voix cassée : je suis navré…
Clic !
Je me gare sur un côté de la voie, prendre un bol d’air car je suffoquais. Je redémarre en trombe après quelques minutes et fonce tout droit dans un poteau électrique...
… Fin …
#Leschroniquesdefleur_Farida IB
Bref pendant huit heures, j’étais totalement inconscient et après avoir subi deux autres heures de maux de tête violents, d’engourdissements et pour couronner le tout, le coup de gueule de ma mère, je suis rentré décidé à reprendre ma vie en main sans elle. Durant mon séjour à la clinique, j’ai obtenu de mon père un financement pour mes projets. Pour être totalement honnête, je lui ai un peu forcer la main. Il voulait un coup de main par rapport à maman et moi, j’ai trouvé une aubaine pour me faire des sous comme d’habitude. (je suis incorrigible, je sais !) Depuis lors, je lui file quelques astuces qu’il applique tant bien que mal, même si maman est plutôt tenace.
Papa (coupant le moteur devant le garage) : Marianne, tu peux nous laisser quelques minutes s’il te plaît ? Je dois discuter avec ton frère.
Marianne hochant la tête : ok.
Lorsqu’elle descend, il se tourne vers moi.
Moi anticipant : comment ça se passe avec maman ?
Il soupire et se passe la main sur le visage.
Papa : mal, elle remet encore le sujet du divorce sur la table. (ton las) Encore et toujours.
Moi : tu es sûr d’avoir bien appliqué tout ce que je t’ai dit ?
Il hoche la tête.
Moi haussant l’épaule : est-ce que tu as pris le temps de réfléchir au nœud du problème ? A priori, elle t’en veut à mort, enfin beaucoup.
Papa : et j’ai essayé par tous les moyens de me faire pardonner.
Moi : ça va s’arranger, t’inquiète.
Papa soufflant dépité : quand ?
Moi : très bientôt, il nous reste une dernière carte que nous n’avons pas exploitée encore et à coup sûr elle va mordre à celle-là.
Papa : hum !
Moi arrangeant mon col : c’est moi ou bien ?
Il esquisse un sourire puis soupire.
Moi : rien n’est perdu, garde espoir ! Je dois y aller là.
Papa : ok, sois prudent à ton retour.
Moi : je tâcherai.
Je descends et me mets sur le côté pour qu’il puisse foncer, Marianne me rejoint sur le moment.
Marianne : de quoi voulait-il discuter avec toi ?
Moi la fixant : de quoi je me mêle ?
Marianne : rhhooo ne fais pas ton radin, dis-moi tout.
Moi (me foutant d’elle en me dirigeant vers l’atelier) : alors il me disait à quel point, tu es vilaine, la seule vilaine parmi ses enfants d’ailleurs.
Marianne : tchuippp.
J’ai éclaté de rire, ce qui attire l’attention de Joe et son fidèle apprenti (son fils). Il se lève et s’avance vers nous pendant qu’on se sourit, son fils court et se jette dans mes bras.
Jarod : salutttttt.
Moi (avec la même enthousiasme) : salut champion, toujours fidèle à son poste.
Il a un large sourire au moment où son père arrive à notre hauteur.
Joe (pendant qu’on se fait une accolade) : on attendait plus que toi pour la fête.
Moi : quelle fête ?
Joe : nous recevons mes parents et la famille de madame ainsi que nos amis pour déjeuner, j’ai prévenu que tu serais là du coup, Cynthia a tenu à t'inviter.
Moi me grattant la tête : je crains que…
Joe me coupant net : ce n’est pas tout à fait une invitation, elle exige que tu sois là (je souris doucement) à chaque fois, tu déclines ses invitations alors cette fois elle m’a dit de te dire qu’elle t’attend de pied ferme.
Moi sourire franc : message reçu, mais je vais devoir vous imposer une autre personne (me tournant vers Marianne) je te présente ma petite sœur, Marianne.
Marianne : bonjour tonton.
Joe : bonjour, appelle moi Joe.
Marianne lui souriant : ok.
Jarod me conduit vers ma voiture qui est…
Je me retourne et regarde Joe la bouche entrouverte, ahuri et complètement trépassé.
Moi : elle est comme neuve !
Joe : il faut avouer que j’ai eu chaud, j’ai passé des heures là-dessus.
Moi : il y a de quoi, waouh ! Je suis bluffé.
Joe : merci, ça me fait plaisir de relever ce genre de défi. Mais attention, la prochaine fois elle sera définitivement bonne pour la casse.
Moi la main sur le cœur : il n’y aura plus de prochaine fois, promis.
Joe : tant mieux.
En rejoignant les autres dans le salon principal, nous sommes tout de suite accostés par la maîtresse de maison qui me présente distinctement au charmant, petit monde dans le salon principal où elle nous a dirigé. Elle emmène Marianne rejoindre les autres femmes à la cuisine et nous restons à discuter entre hommes, verres à la main jusqu’à ce qu’elle revienne annoncer le repas. Pendant que nous nous dirigeons vers leur salle de fête, je sens comme une ombre derrière moi avec l’impression qu’on me suit au pas. En me retournant, je tombe nez à nez sur la dernière personne que je m’attendais à revoir de toute ma vie. En même temps, c’est une amie au couple donc ça ne m’étonne pas vraiment qu’elle soit là.
Ruth (vous vous souvenez, d’elle si ? Faites un effort !) tout sourire : bonjour Mel.
Moi : euh bonjour.
C'est tout ce qu'on se dit, une fois dans la salle, je prends le soin de m'asseoir bien loin d’elle et passe tout le déjeuner à esquiver ses tentatives de rapprochement. D’autant que j’ai du mal à comprendre son attitude aujourd’hui après m’avoir craché son venin la dernière fois qu’on s’est vu. Quand bien même je l’ai bien cherché.
Le repas terminé, je n’attends pas trop longtemps avant de prendre congé en remerciant mes hôtes. Alors que Marianne patiente devant l’atelier, je m’installe au volant en effectuant quelques manœuvres avant de sortir la voiture du garage. Je fais un tour rapide à travers la cité (Lomé II) pour tester ma conduite. C’est pendant que j’embarque Marianne qu’elle arrive en courant.
Ruth : attendez moi s’il vous plaît (s’abaissant à ma vitre) Mel tu veux bien me déposer devant le campus s’il te plait ?
Moi mentant : je ne vais pas dans cette direction.
Ruth : ce n’est pas grave, je vais descendre à la sortie de la cité.
Elle monte derrière sans attendre ma réponse, je fronce les sourcils et la regarde mettre sa ceinture sans rien dire. Je démarre tout de même, on roule quelques secondes en silence avant qu’elle ne parle.
Ruth : tu as l’air en forme.
Moi brusque : il y a une raison pour que je ne le sois pas ?
Ruth : heu non, je voulais dire, enfin je suis ravie de te revoir.
Moi sourire sarcastique : très drôle, c’est vraiment très curieux que tu me dises ça après m’avoir souhaité tout le malheur du monde.
Elle baisse la tête penaude. Marianne me jette un regard interrogateur, je hausse juste les épaules.
Ruth : Mel je…
Moi : je pensais que tout était clair entre nous la dernière fois.
Ruth : à propos, je tiens à te présenter mes excuses, je…
Moi la coupant net : je ne tiens pas particulièrement à parler de ça avec toi et j’aurais préféré qu’on en reste là.
Je l’entends soupirer.
Ruth : okay !
Flottement.
Ruth : au fait, tu ne nous as pas présenté.
Moi bourru : suis-je tenu de le faire ?
Elle lève les mains d’innocence.
Ruth : tu n’as pas besoin d’être sur la défensive. (hésitante) Est-ce qu’on, est-ce qu’on peut oublier ce qui s’est passé et essayer de reprendre une relation saine ?
Moi parlant vite : ne compte pas sur moi en tout cas.
Ruth : tu (souffles) Mel, je suis sincèrement désolée, je…
Moi haussant le ton : tu es bouchée ou quoi ? Je m’en contrefiche de tes excuses Ruth. Je ne veux plus rien avoir à faire avec toi. (freinant brusquement) D’ailleurs, descends de ma caisse, ne viens pas me faire pas chier.
Marianne : ohh ??
Ruth reste à me fixer quelques secondes les yeux tout rond avant de descendre. Pendant ce temps, je souffle un bon coup pour me calmer. Je remets le contact quand c’est bon.
Marianne : eh beh
Moi : sans commentaire, s’il te plaît.
Trente minutes, plus tard, j’étais tranquillement en train de sillonner les rayons du Leader price lorsque je repère une silhouette que je connais trop bien dans le rang devant la caisse. Je suis sa progression jusqu’à ce qu’elle quitte la caisse pour se diriger vers la sortie. Plus aucun doute, c’est elle.
Moi à Marianne : continue les courses, on se retrouve à la caisse.
Marianne : non mais…
Moi : fais ce que je te dis !
J’ai speedé en allant à son encontre.
Moi derrière elle : salut !
Elle se tourne et lorsque se rend compte qu’il s’agit de moi, elle se retourne et fait mine de partir. Je l’attrape par le bras pour l’obliger à s’arrêter.
Moi : non, pas cette fois Cassidy. Tu n’iras nulle part tant que tu ne me dis pas quel problème tu as avec moi !!!