Un pas vers toi
Ecrit par Nadia.K
La dispute avec cet hôte date d’il y a deux mois, et je suis
revenue ici 2 fois : la première fois l’on s’est vaguement croisé du
regard et la deuxième fois après avoir réglé l’addition, j’ai exigé des excuses
de sa part pour son comportement à la première rencontre et il m’a sèchement renvoyée.
A croire qu’il avait une dent contre moi.
Cette deuxième humiliation était la fois de trop. J’ai alors
monté mon plan d’attaque bien décidée à lui faire payer son affront »
Après la réponse du serveur, perdue dans mes pensées je
n’avais pas vu le monsieur d’en face, la trentaine environ et le sourire
carnassier qui me dévorait du regard. Nos yeux se sont accrochés et il a fait mine
de se lever. Je lui ai lancé un regard qui l’a fait se rasseoir immédiatement.
Quel lâche !!! Il sent la défaite donc ne va même pas au combat.
Mon apéritif fut servi tout juste après et 20 minutes plus
tard, mon steak au poivre accompagné d’une poêlée de légumes suivait. Je
mangeais d’un faible appétit. Je payais ma note et déçue, je sortis du
restaurant sans trop prêter attention. Je rentrai en plein dans une personne et
me retrouvai au sol. Trop confuse pour laisser le temps à mon sale caractère de
s’afficher et trop pressée de m’en aller pour faire un énième scandale, je marmonnais
des excuses et j’étais prête à me lever quand des bras forts m’y aidèrent et
une voix douce et suave s’excusa franchement. Le son familier de la voix me fit
lever les yeux et je tombais sur un Ismaïl en tenue décontractée, dégageant un
sex-appeal indéniable et souriant.
« Qu’est-ce qui vous fait rire ? Vous êtes fatigué
de m’agresser verbalement vous le faite physiquement maintenant ?
Tchip »
Je sortis et me dirigeait vers ma voiture quand il passa
devant moi : « Balle à Terre, Ok ? Je viens en paix, dit-il
en levant les mains vers le ciel. Je suis désolée de vous avoir bousculer et de
vous avoir agresser, comment dire …, verbalement. Pour être franc, c’est juste
qu’à chaque fois que vous m’avez parlé vous avez été un peu rude et vous vous
adressiez à moi comme si le monde vous appartenait. Cela m’a mis hors de moi.
J’ai souri tout à l’heure parce que l’espace d’un instant j’ai cru que vous
alliez faire le scandale du siècle mais au lieu de ça vous vous êtes excusée
alors que vous n’étiez pas en tort. Toutes mes excuses encore »
Je ne savais pas comment réagir mais c’était déjà un premier
pas dans le déroulement de mon plan. Je lui tendis alors la main :
« Ayabba AKA, étudiante en économie. Et vous ?
-
Ismaïl Koné, Hôte à la Croisette et
accessoirement propriétaire du restaurant, devant mon air étonné il éclata d’un
rire franc et cristallin
-
(qui même m’a donné de fausses
informations ? est-ce à dire que je n’ai même pas son vrai nom alors que
je crois avoir carrément un dossier sur lui en tête ? Ou alors c’est un
menteur, un coup d’œil rapide à sa montre Rolex, à ces chaussures Adidas de
dernières générations et au Polo Ralph Lauren qu’il portait avec tant de classe
me fit rejeter tout de suite cette idée) Propriétaire ? Avec votre
uniforme je vous avais pris pour un simple hôte ou un serveur à la limite ?
-
Je sais c’est déroutant… Le but de la manœuvre
est de me confronter aux situations que vivent mes employés au quotidien pour
les former et développer de nouvelles approches de satisfaction du client.
-
Wow je suis bluffée ! C’est assez spécial
comme façon de faire.
-
… »
Nous discutâmes encore 5 minutes avant qu’un employé ne
l’appelle pour une urgence. Il proposa alors, avant de me fausser compagnie, de
m’inviter à manger un de ces jours pour se faire « pardonner ». Je
lui donnai alors mon numéro et aussitôt assise dans ma voiture, je reçu un
message disant « Heureux d’avoir fait ta connaissance ».
5 jours plus tard, nous dinions ensemble : il était
charmant, prévenant, drôle, captivant : mon plan de séduction s’effaçait
au gré de ses sourires, j’avais même oublié qu’au cours des 2 derniers mois
j’avais concentré ma haine et mon dédain sur sa seule personne.
Il me raccompagna chez ma mère (je ne ramenais jamais qui
que ce soit chez mon géniteur…) et nous nous donnâmes RDV dans 10 jours.
J’aurais souhaité vous dire que ce RDV eu lieu, que la jeune
fille hautaine que j’étais était tombée amoureuse et qu’une belle histoire
commença entre nous … mais il n’en fut rien. 4 jours après notre diner, une
tentative de coup d’état secoua le pays. J’étais alors à BOUAKE avec mon
géniteur et de justesse, nous avons échappé à une tentative de meurtre. Nous
avons fui et avons réussi à nous rendre à Abidjan grâce à des amis fidèles dont
je tairais les noms. Mais une fois à ABIDJAN, nous avons découvert avec horreur
que monsieur le ministre était une personne à abattre et que sa tête avait été
mise à prix. Nous avons dû partir sur le champ, tout abandonner pour sauver nos
vies et nous nous sommes exilés.