Vincent

Ecrit par Aura

Vincent, Vincent Ambendzet s’est amené une heure plus tard comme convenu. Il était plus grand et plus beau que dans mes souvenirs. Je crois que c’est parce que je reconsidérais sa personne. Il était vêtu d’une chemise bleue ciel, d’un pantalon en tissu bleu foncé. Contrairement aux deux jours précédents, il avait les cheveux rasés. Et cela lui allait très bien au point de faire ressortir un tel charme que je ne lui connaissais pas. Il avait garé sa Range Rover dans le garage de l’hôtel et avait fière allure. C’était le prototype même des mecs qui respirait la richesse à plein nez. Je ne sais pas pourquoi cela ne m’exaspérait pas du tout comme il y a deux jours. Il s’est amené près de moi, m’a fait une bise et nous nous sommes dirigés dans le restaurant de l’hôtel pour déguster des cocktails. On a échangé les banalités sur l’hôtel, l’emplacement, le temps et j’en passe avant d’entrer finalement dans le vif du sujet ? 

- Alors quelle est cette longue histoire que vous devriez me relater ? 

- Bof ce n’est pas si intéressant que cela. 

- Contez donc pour voir. 

- Je refuse de vous en parler. Je ne vous connais pas assez. 

- Vous mettez de nouveau des barrières entre nous. Vous ne devriez pas très chère. 

- Ah bon ! Et pourquoi ?

- Parce que je te connais Arielle, et ce plus que tu ne l’imagines. 

- Encore cette fameuse phrase dont vous m’avez rabâché les oreilles pendant le voyage. Je crois que votre délire a recommencé. C’est dommage ! Je commençais à vous estimer un peu plus. 

- Et vous ne devriez pas vous arrêter, parce qu’en ce moment je suis la seule personne capable en un claquement de doigt de résoudre tous vos problèmes.

- Je suppose que vous sortirez une baguette magique bientôt et sauverez la demoiselle en détresse que je suis. 

- C’est bien de faire preuve d’imagination, ça revitalise. Moi-même j’adore le fantastique comme jamais.  

- Je crois que vous avez perdu la boule. 

- Non du tout. Je suis tout à fait normal. Et comme je le disais, je vous connais très bien Arielle Limani, designer chez Azurik. 

- Hum ?

- Vous êtes surprise ? Ne le soyez pas chère tendre, car je n’ai pas encore fini ma série de révélations. Je sais que tu es arrivée à Azurik en 2014. Tu étais amie-amie avec Synthia qui a perdu tragiquement la vie. Tu as perdu ton fils adoptif et en ce moment tu es en situation délicate avec ton copain. 

- Qui êtes-vous ? Lui ai-je dit en me levant vivement. 

- Calme-toi et assieds-toi. 

- Pas avant de me dire qui vous êtes. 

- Ok, mais assieds-toi d’abord. 

Je me rassois lentement. 

- Je suis ta marraine la bonne fée comme dans Cendrillon. Sauf que je suis un homme comme tu peux le constater. 

- Et vous croyez que faire des blagues est approprié en ce moment ? 

- Désolé, je voulais juste détendre l’atmosphère et puis j’adore le fantastique tu t’en souviens ?

- Evitez de me tutoyer ! Je ne suis pas votre amie. Alors je me répète : qui êtes-vous ? 

- Tu ne crois pas que tu devrais finir ton plat avant d’obtenir toutes ces réponses ? 

- Non !!!! Je les veux maintenant et tout de suite. 

- Ok, comme tu voudras. Je suis le frère de Mélanie. 

- Hum ? Quoi ? Mélanie ? De quelle Mélanie vous parlez ? 

- Mélanie la patronne d’Azurik, ta bosse. 

- Mais Mélanie n’a pas de frères à ce que je sache. 

- Oui mais elle a un demi-frère, qui n’est autre que moi. 

- Hein hein. Et comment connaissez-vous tout sur ma vie ? 

- Parce que je t’ai faite surveiller.

- Génial !!! Et pourquoi ? 

- Parce que je suis tombé amoureux de toi. 

- C’est de mieux en mieux. 

- Oui je n’en doute pas. 

- Poursuivez je vous prie. 

- Tu es sûr que tu ne veux pas un autre verre de ce cocktail ? Il est vraiment délicieux. 

- Ambendzet ! lui hurlai-je. 

- Oh ! Personne ne m’appelle de la sorte. Crois-moi beauté, tu devrais le refaire plus souvent, c’est tellement jouissif de t’entendre prononcer ce nom avec ce ton. 

- C’est clair que vous êtes taré. Je crois qu’il vous faut retourner chez les fous. 

- Non, savoir que tu y es séjourné, me suffit amplement, car tu vas m’empêcher d’y aller. Tu seras ma gardienne. 

- Pouvez-vous être plus sérieux ? 

- Ok ok ok. Bien. Il y a cinq ans, j’ai fait ta connaissance dans l’un des petits marchés. Tu vendais des toiles au grand marché des artisans. Tu étais tellement rayonnante et j’étais subjugué par tant de beauté. Tu portais un blue jean, un chemisier blanc et des tennis. Tu avais les cheveux en bataille et n’arborait aucun maquillage. Je n’aimais pas les œuvres d’art, mais je ne sais pas ce qui m’a attiré sur ton étalage ce jour-là. J’avais acheté une toile peinte en bleue émeraude qui décrivait un macaron. Le tableau n’avait rien d’original mais tu avais réussi à me le vendre. Avec toutes tes connaissances, j’ai fini par admettre que tu avais raison.  Deux jours plus tard, je suis repassé par-là et je t’ai vu en compagnie de ce gars. J’ai tout de suite déduit que c’était ton copain. Il y avait tellement d’alchimie entre vous que je n’ai plus osé m’approcher. Les mois sont passés et je me suis replongé dans mon quotidien, qui n’est autre que le boulot. Nous avions, en ce temps-là lancé une procédure de recrutement dans l’entreprise. Quand j’ai vu ton dossier et ta photo y inscrite, j’ai tout de suite voulu qu’on t’embauche. Je me suis battu bec et ongles pour que tu ais ce poste. Et grande fut ma joie de savoir que tu faisais désormais partie de la team. 

- La suite alors ?  

- Mouais la suite. J’ai mené des enquêtes sur toi et j’avais pu comprendre que tu étais célibataire sans enfant. Tu n’avais pas de copain et ta dernière relation t’avait brisé. Je me suis donc donné pour objectif de te conquérir. 

- Mais je ne vous ai jamais vu à Azurik pourtant.

- J’y étais. Je détenais même des actions que j’ai fini par vendre à Mélanie. Quand elle a su que j’étais amoureux de toi, elle n’a plus voulu de moi à ses côtés au risque que je ne gâche ta vie, surtout avec ce que j’avais fait vivre à mes précédentes campagnes. J’ai donc fini par lui donner raison et créer ma propre entreprise spécialisée dans l’architecture. En étant près de toi, j’avais constamment le vague à l’âme et j’avais mal. Je respectai la décision de Mélanie de m’éloigner de toi. Je l’ai fait jusqu’à ce que j’apprenne ce qui s’est passé avec ton fils et ta meilleure amie. Là j’ai décidé d’agir et de tenter le tout pour le tout pour t’éviter de connaitre cette série de malheurs. J’ai fait engager deux mouchards pour te suivre et me faire le topo de tes actions. Je ne pouvais certes pas t’avoir mais je pouvais veiller à ta santé et à ta sécurité. J’ai finalement mis des hommes sur les traces de ce taré pour que justice te soit rendue. Là j’ai découvert qu’il était allé plus loin que ce que je pensais, il s’était encore une fois fait passer pour un agneau en entrant dans la vie de ta sœur et c’était encore plus difficile d’intervenir pour le faire incriminer, surtout qu’il est innocent sur le sol sud-africain et qu’il ne porte pas la même identité. Je me suis donc senti impuissant et coupable. Je souhaitais que les choses soient plus justes. La providence jouant en ma faveur, je suis de nouveau entré dans ta vie et là ouvertement en faisant ta rencontre à Conakry avant d’être voisin de vol lors du voyage.

- Mon Dieu !!! Mon Dieu !! Mon Dieu !!

- Oh du calme. 

- Je ne sais pas ce que j’ai fait pour que ce genre de choses m’arrivent.

- Tu es juste quelqu’un de bien. 

- Non une peste plutôt. 

- Ne dis pas ça. Bien tu sais tout maintenant, mais dis-moi pourquoi tu t’es retrouvé en prison. 

- J’ai frappé, non j’ai battu ce fils de chien. 

- Quoi ? 

- Oui. 

- Comment tu as fait ? Tu ne fais même pas le poids avec lui. 

- Peut-être mais je lui ai défoncé sa tronche au point de me retrouver en cellule.  

- Génial ! Et pourquoi tu as fait ça ? 

- Je n’en sais rien. Je n’ai pas su me retenir et le choc a été trop violent de le revoir et de savoir qu’il est avec ma sœur. 

- Tu aurais pu te calmer. Ce n’est pas ainsi que l’on gère une situation, surtout quand il s’agit des psychopathes comme ceux-là. Apprends à te maitriser quoi qu’il en soit. 

- Pour être honnête, j’ai toujours su que les choses allaient mal se passer avec ta sœur et j’ai préféré ne pas intervenir pour une fois. 

- Ah bon ! 

- Oui je m’attendais à ce que tu sois plus mature mais j’ai oublié qu’il n’y a pas un grand écart entre ta lucidité et ton côté sauvage. Et l’un prend facilement le dessus sur l’autre. 

- Ravie d’entendre ça. 

- Et la prison comment c’était ? 

- Comme une prison.

Nous avons encore discuté pendant quelques instants avant qu’il ne prenne congés. Après son départ, je suis montée dans ma chambre pour me reposer lorsque l’une des serveuses m’a apporté une enveloppe contenant des liasses de billet et un mot laissé à la réception par un certain monsieur. J’ai tout de suite déduit que c’était Vincent. Le mot était signé : « Je t’ai trouvé ravissante comme toujours et je crains de ne pas faire preuve de courtoisie et te sembler direct, indiscret et envahissant. Je te prie d’accepter ce présent pour te permettre de tenir pendant la journée de ton séjour. J’aurai préféré t’offrir mon hospitalité dans mon humble demeure mais je risque d’essuyer un refus de ta part. Je te prie donc de ne pas refuser ce présent et de l’accepter comme un cadeau de quelqu’un qui te veut du bien. En cas de quelconque difficultés, fais-moi signe et j’accourrai ».


J’ai relu le mot à deux reprises, rangé l’enveloppe et me suis couchée. Demain est une autre journée et je compte bien rendre visite à Safiya et éclaircir certaines choses. Mais je dois être plus prudente et patiente pour éviter de la brusquer. Sinon je risquerai de tout gâcher. Je suis sûre que ce criminel sait que je suis sortie de prison et il n’attendra que le bon moment pour sortir de sa tanière et bondir sur sa proie. Il faudrait que je sois bien préparée pour ne pas faillir. Mais j’ai plus que besoin en ce moment d’une aide. Toute seule, je ne pourrais pas. Et puis il faut éviter qu’il ne se retourne contre ma sœur au risque de la perdre elle aussi comme les autres. Je vais dormir et y voir plus clair demain, pour commencer à échafauder un plan. Si Vincent est honnête, cela veut dire que je peux le compter dans mes rangs et avoir un allier de taille. Quoi qu’il en soit, ce sera ma dernière carte à jouer qui va mettre un terme à ces innombrables batailles. 


Cœur en chantier