12 - Yacine

Write by ACLIRL

Coucou tout le monde ! J'espère que vous allez bien. Merci à ceux qui continuent de suivre l'histoire de Yacine et Edinson.  J'espère fortement que vous continuerez d'apprécier cette histoire. Vos messages et critiques sont toujours aussi encourageants et pertinents. Je vous embrasse fort, bonne lecture ! 

***

Gymnase

Cela fait maintenant plusieurs secondes que nous nous dévisageons. Je n'ose pas faire le moindre mouvement. La proximité de nos corps m'empêche de penser de manière rationnelle. Je ne sais pas quoi faire. Ni quoi dire d'ailleurs. Le match devenait ...intéressant? Je retire : en fait, je sais exactement quoi répliquer. 

- Tu parles d'un match intéressant... Ce que je lui reproche à ce match c'est de ne pas saisir l'occasion. Tu vois? Genre au moment propice. Lorsque tout le monde si attend.

- Peut-être est-ce pour tromper l'adversaire. Tu connais le mot stratégie

- Et tu connais le mot raté? On en fait l'expérience lorsque que l'on croit que l'occasion revient après chaque essai, Ed.

Il se rapproche un peu plus et vient relever mon menton puis caresser la peau nue de mon bras.

- Et si l'occasion n'était qu'une illusion? (Sa main revient tirer gentillement quelques mèches de mes cheveux) Et si les occasions ne dépendaient que du simple bon vouloir? Et si... (il humecte ses lèvres puis laisse ses yeux courir sur ma poitrine avant de les ramener à mes yeux) on était les maîtres du jeu?

J'ai le souffle court. Il reconnaît que le jeu dont nous parlons est le notre. Je fais une longue pause avant de répondre.

- Si nous étions les maîtres du jeu, comme tu dis, Martin sera ravi de l'apprendre.

- Arrête Yass, il dit fermement.

Apparemment, le jeu se termine. Ed fronce les sourcils et s'approche de moi. Encore. Nos lèvres ne sont plus qu'à quelques centimètres d'écart.

- Si tu savais à quel point je meurs d'envie de t'em..
- Alors pourquoi laisser passer tant d'occasions? Jamais je ne m'étais laissée aussi facilement dicter mon comportement. Tu décides de quand tu veux flirter ou non et moi je te laisse faire bêtement. (Ma voix est rauque tellement mon ton est bas) Il faut que tu saches ce que tu veux Ed. Tout est déjà sur la mauvaise voix entre nous alors que samedi dernier je te voyais pour la première fois.

Alors que ma voix commence à se faire inaudible, il baisse la tête. Je ne vois plus son expression. Il attend quelques instants avant d'agir de nouveau.  Il fait un pas en arrière puis se redresse pour me laisser voir l'expression qu'il arbore: incroyablement neutre. Je n'ai aucune idée de ce qu'il ressent.

- Yacine, c'est évident que tu me plais.
Il dit ça  d'un air désolé. Et voilà que j'ai fait foiré quelque chose qui n'a même pas eu la chance de débuter. Son ton a l'air...conclusif. Comme s'il fermait une parenthèse. Celle que nous nous étions créée vendredi dernier, au bar. Celle que nous avions ouverte par le biais de regards innocents, peut-être même à la recherche d'une passion.

- Ed, comment veux-tu que je te prenne au sérieux? J'accepte encore la feinte du soir où on revenait du parc. Mais ce que tu as fais hier... s'il ne se passera rien, je préfère le savoir maintenant. Plonger dans une relation ambiguë n'est pas la meilleure idée quand on réessaye d'apprendre à faire confiance. La vie n'a pas été très douce avec moi cette année.

Je déteste la pitié. Je ne veux pas que l'on me voie comme cette petite chose fragile abîmée par les épreuves de la vie. Mais il vaut mieux qu'il soit au courant. Ces vacances étaient censées être mon moment de répit. Celui pendant lequel j'apprendrai à vivre sans copain, sans père mais surtout sans déception. Je retiens un soupir et Ed inspire longuement puis me répond. 

- Tout ce que tu me dis est juste. J'ai voulu trop jouer, certes. Mais il y a une raison à cela. Nan, en fait, il y a un tas de raison à cela. Comme tu l'as dit, on se connait depuis moins d'une semaine. Je pense qu'il faut beaucoup plus qu'avoir partagé un goûter pour en arriver au point où on en est. 

Ed recule jusqu'à toucher la porte puis s'y adosse. La désolation dans sa voix me prend au dépourvu. Depuis la fois où il m'a invitée, je n'avais pas revu cette expression. Il est embêté, ce qui a pour effet de le faire claquer le muscle de sa mâchoire - acte viril auquel je trouve un petit côté sexy. Le peu de fois où je l'ai vu me permettent d'affirmer qu'il est on ne peut plus sérieux. Mais après tout il n'a pas été seul à s'engouffrer dans ce 'jeu'. Et je ne compte pas le laisser se blâmer pour une chose à laquelle j'étais parfaitement consentante. Malgré les reproches que je lui est faites, il ne mérite pas d'adosser à lui tout seul les conséquences d'un jeu que nous avons débuté ensemble.  

- Ed, si ce qu'on faisait ensemble ne m'avait pas plus je t'en aurais fait part. J'ai pris du plaisir à commencer à te connaître. Je n'ai aucun regret à cela. 

Il sourit tristement. Ne voyant pas sa fossette se creuser ne serait-ce qu'un peu, je continue dans ma lancée. 

- Tu sais quoi ? Ne rendons pas les choses plus compliquées qu'elles ne doivent l'être. Les vacances sont encore longues. En plus, te rencontrer m'a apporté une bouffée d'air frais. 

Cette fois, sa fossette se prête au jeu et j'en suis heureuse. Je ne m'en rendais pas compte, mais je pense chacune des phrases que je viens de prononcer. C'est rafraîchissant d'enfin fréquenter quelqu'un qui n'a pas le moindre lien avec l'école, la famille ou le travail. Même si rien ne nous définit, qu'il en soit ainsi. 

- Qu'est-ce que tu dis que l'on laisse le temps faire les choses ? 

Ed s'apprête à me répondre, le sourire aux lèvres. Soudain, son téléphone vibre et il sursaute en voyant ce qui s'affiche sur l'écran. At-il une petite amie ? Je ne m'étais jamais interrogée à ce propos. Maintenant que je me le demande, cela expliquerait bien des choses. 

- Je suis entièrement d'accord avec toi. Rien ne presse de toute manière. Je dois vraiment m'en aller mais... 

Il s'arrête de parler et pianote rapidement sur son portable avant de me le tendre. Son écran affiche le clavier numérique. 

- Au moins je n'aurais pas à jouer les stalkers pour te joindre. 

Je saisis sans hésiter le téléphone et y insère mon numéro. Lorsque je lui tend de nouveau son portable, ses pupilles émeraudes sont plus brillantes que jamais. Il le saisit fermement et s'en va en vitesse. Dans sa course, il lance des mots. J'en saisis le plus important : "A ce soir!"

***


Tout est silencieux. Je suis dans ma chambre et la veilleuse rose est allumée, comme chaque nuit. Je n'ai pas réussi à manger convenablement. Martin a dévoré le dîner comme s'il n'avait pas mangé depuis des lustres. Même si ce n'était pas mon cas, c'est bon de voir quelqu'un d'aussi joyeux à table. Avoir une personne qui conserve un tant soit peu de bonne humeur dans les moments difficiles met du baume au cœur. Cette personne chez nous c'est mon petit frère. J'ai tendance à me demander comment serait la vie s'il était comme moi. J'ai l'impression de voir ma vie comme un drame en permanence. Ceux qui disent le contraire mentent, souvent pour me rassurer sur mon cas.

J'enfile mon pyjama puis me glisse sous ma couverture. Je chope November Nine puis me désiste. Je remplace le bouquin par mon téléphone. Je défile les actualités du Huffington Post. Est-ce que je retiens quelque chose ? Non. Est-ce que je tente de m'occuper l'esprit ? Absolument. Je n'essai même plus de me persuader du contraire. La seule chose qui me maintient éveillée est l'attente. 

Depuis cet après-midi, j'attends avec impatience qu'Ed se manifeste. Tant d'appréhension pour un mec que je connais à peine. J'ai vraiment envie de lui parler. J'ai envie de l'entendre me parler de tout et de rien. J'ai envie d'entendre ses remarques déplacées. J'ai envie de le voir s'humecter les lèvres. J'ai envie de plonger dans son regard émeraude. 

Car même si parler de tout et de rien ne m'apprendra rien d'important sur sa personne, cela me fait apprécier sa personnalité. Même si je lève les yeux au ciel à ses remarques, intérieurement j'en ri plus fort qu'à n'importe quelle blague bien construite. Même s'il aime jouer les prétentieux, il prétend ne pas me voir lorsque j'observe sa langue rouler sur ses lèvres lorsqu'il les humecte. Enfin, tout le mystère qui se cache derrière ses yeux n'est qu'une motivation supplémentaire pour essayer de le connaître. 


Bientôt, je somnole et suis soudainement réveillée par mon téléphone dont l'écran s'illumine. Un numéro non enregistré m'a envoyé un message. Les battements de

- Inconnu : Hey.. Endormie ?

- Moi : Hey :) Apparemment non 

- Inconnu : Je sais qu'il est tard et que je devrais attendre demain matin, mais ça m'a tellement fait plaisir de te parler aujourd'hui. 

- Moi : A moi aussi. 

Je ne pensais pas qu'il me parlerait avec tant d'aise. Soudain, je me dis que j'ai eu la pression pour rien du tout. Si je savais que tout irait de manière aussi naturelle, j'aurais mangé comme Martin, fois deux ! Encouragée par l'enthousiasme d'Ed, je poursuis avec un autre message. 

- Moi : Il n'est pas si tard que ça. Et puis même si les circonstances ne furent pas les mêmes à l'époque, ce n'est pas comme si nous n'avions jamais parlé à une heure tardive tous les deux. 

- Inconnu : Heureux que tu le prennes de cette manière. C'est top que rien n'est changé ^^. Je me disais qu'il faudrait que l'on se voie d'ici la fin de la semaine. Je n'ai pas pu te voir après la victoire de ton frère. Ça serait top de fêter tout ça tous les trois. Comme avant mon départ. Qu'est-ce que tu en dis ? 

Je relis ce dernier message tellement de fois que je pense l'avoir mémorisé. C'est comme si le temps s'était arrêté. Toute la joie que j'ai ressentie s'évanouie d'un coup. Les battements de mon cœur s'accélèrent. Non pas à cause d'une quelconque excitation. Ce sont les palpitations que l'on ressent lorsque l'on vient de merder. Le discours vague est si cohérent avec ce qui se passe entre Ed et moi que je n'ai pas prêté attention au fait que cela aurait pu être quelqu'un d'autre. 

La tradition de manger à trois après une victoire a été créée avec Tchad

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