13- Les couleurs de nos amours

Write by lpbk

Etre avec Nowa c’est comme faire un éternel tour en montagnes russes. Des chutes vertigineuses, l’envie de crier, de mourir, de vomir et puis de toujours recommencer. Comme on dit chez nous, tu n’aimes pas mais tu ne laisses pas sauf que la concernant, je ne dirai pas que je la déteste. 

Sa petite taille lui donne un air inoffensif et pourtant c’est une belle diablesse qui met mon cerveau en surchauffe. Je commence à me demander si on ne pourrait pas revoir cette histoire. Après tout, tout n’a fait que commencer hier soir. Mon cœur ne manque de rien, ma mère, la femme de ma vie me donne déjà bien assez d’amour et puis, il y a mes sœurs qui même si elles me mettent les nerfs à rude épreuve me comble énormément du point de vu affectif. Je n’ai que 27 ans bon sang. Est-ce sage de se faire soi-même prisonnier dans une relation. Et ma geôlière n’est pas des plus tendres. Tel sont mes petites réflexions alors que je fais sonner son portable.

« Hey ! »

« Bonsoir ! Tu vas bien ? »

« Oui et toi ? »

« Super ! TU veux que je passe te prendre en sortant du boulot ? »

J’entends le silence me dire bonjour. Elle fait une espèce de son genre « hummm… » Serait-elle en train de réfléchir ?

« Non ! Après boulot je vais faire un tour vite fait avant de rentrer. Tu vas être fier de moi, c’est confirmé, je signe ce fichu contrat dès la semaine prochaine. Je crois que je l’ai tellement attendu qu’il en a perdu toute sa saveur… »

Je n’écoute plus vraiment ce qu’elle me dit. Elle va faire un tour vite fait avant de rentrer. Je suppose que si je ne l’avais pas appelé je n’en n’aurai rien su.

« Tu m’écoutes ? »

« Oui ! »

« Et tu n’as rien à dire ? »

« Je préfère t’écouter. »

« Tu es bizarre. Je dois te laisser. On s’appelle plus tard ? »

« Bien sûr ! », répondis-je avant de raccrocher.

Nowa NYANE

 

Ce soir, grosse réunion de famille. Grosse réunion des femmes et des filles NYANE. L’ordre du jour : les préparatifs du mariage de Tina, ma parfaite grande sœur. Autant l’avouer tout de suite, y aller n’est pas du tout dans mes projets pour ce soir. Et puis, j’aurai bien vite des nouvelles sur le groupe Whatsapp créé à cet effet.

Je vais profiter de l’absence de toute présence féminine pour passer voir papa. Il dit être de retour de Paris mais à moi, on ne me la fait pas. Il devait être en train de trainer sa zigounette quelque part vers Youpougon en compagnie d’une belle gazelle.

« Bonne appétit papa. », lui souhaitais-je en tirant une chaise.

« Merci Nowa. Mais tu n’es pas avec les autres ? »

« J’ai eu une longue journée et là, une affreuse migraine me secoue. »

Elle a l’air délicieuse cette paëlla. Je déglutis alors que l’air parfumé à la crevette qui s’y dégage me chatouille les narines. Je le regarde manger tranquillement priant pour qu’il me donne vite mon chèque que je m’en aille. Voilà déjà trois semaines qu’il devait arriver et toujours rien.

« Paris c’était agréable ? »

« Si je te dis que je n’ai même pas eu le temps de me promener et pourtant ce n’est pas l’envie qui me manquait. Des réunions à n’en plus finir. Tu ne peux pas savoir combien je suis content d’être de nouveau à Abidjan ou Babi comme disent les jeunes. »

Je me passe une main dans les cheveux.

« Ta mère m’a fait toute une histoire à propos de tes cheveux dès mon arrivée. Elle trouve que ça te donne l’air rebelle. »

« Belle ou rebelle ? Et puis, je m’en fiche. »

« C’est ta mère et elle ne te veux que du bien ? »

Je me retiens de pouffer de rire.

« Il vaudrait mieux que tu ne fasses pas celui qui se soucie trop d’elle papa. En passant, je n’ai pas reçu mon chèque ce mois. »

Il pose sa fourchette sur la table, se met debout et me demande de le suivre dans son bureau. L’odeur du cigare est bien présente, je parie qu’il vient d’en fumer un. Je m’installe et je le regarde remplir le bout de papier. Je jubile intérieurement.

« Tu as vu Mimi ces derniers jours ? »

« Non ! Pourquoi ? »

« J’aimerai que tu t’éloignes un peu d’elle dorénavant. »

Je lève les yeux sur lui et nos regards se croisent dans un affrontement à la fois doux et nerveux. Bien décidé à comprendre sa pensée, je brise le silence.

« Et pour quelle raison ? »

Il pose ses mains à plat sur la table en bois massif avant de répondre à ma question.

« Tu la connais déjà. »

Je pose mon téléphone et je rapproche mon tronc de la table pour être sûre de bien me faire entendre.

« Laisse-moi deviner ! Tu es toujours dans ton rêve de divorce et de mariage selon le point de vue. Mais tu n’en n’as pas marre de te comporter comme un ado ? Ou encore de tremper ton biscuit dans tous les pots disponibles ? C’est quoi cette vie de bordel à la fin ? »

Malgré la colère, je parle très calmement. J’en suis même étonnée.

« Si tu crois que tu vas régir la relation que j’ai avec Mimi alors laisse-moi te prévenir que tu te trompes. Tu sais, à bien y réfléchir, maman n’a peut-être pas toujours été cette dragonne. Si ça se trouve c’est toi qui l’a transformée en cette espèce de femme amère. Tu peux faire ce que tu veux de ta vie mais tu me laisses vivre la mienne comme je l’entends. »

Il ne dit mot. Ça m’énerve ! C’est comme si je m’adressais à un animal de compagnie qui aurait fait une bourde.

« Je commence à penser que c’était une mauvaise idée de passer ici ce soir. Tu peux te dépêcher que je puisse m’en aller ? »

Il s’adosse de tout son poids dans son fauteuil et me regarde droit dans les yeux. Les doigts emmêlés au niveau du menton, il donne l’air de réfléchir. Si seulement il s’adonnait à cet exercice avant de se mettre dans des embrouilles à tomber.

« Tu as toujours été la plus douce mais aussi la plus orageuse. Comme ça tu n’es pas fichue de m’accorder le respect qui m’est dû de par mon statut de père mais tu voudrais que je continue à payer pour que tu vives décemment ? Permets-moi de te rappeler qu’on ne crache pas sur la main qui nous nourrit. J’exige désormais que tu mettes un terme à ta relation avec Mimi sinon je te coupe les vivres. »

Ce n’est pas une gifle mais un coup de massue que je prends en plein visage. Monsieur NYANE qui jusqu’à présent était mon bienfaiteur, mon mécène me pose un ultimatum et pourquoi ? Parce qu’il est juste un enfoiré de première catégorie. Pourquoi devrais-je renoncer à la seule femme que je considère comme une mère et puis il y a Quentin, son fils.

« Je n’arrive pas à croire qu’on en arrive à cela. Tu as pensé à Quentin ? Et à ce que Mimi pourrait ressentir ? Elle a sacrifié sa jeunesse pour être avec toi sans jamais vraiment l’être et aujourd’hui, parce que tu as rencontré une pro du kama-sutra, tu es là en train de me menacer. Eh bien, tu sais quoi ? Va te faire foutre papa ! »

Il attrape le chèque qu’il avait déjà signé et ce dernier se retrouve en morceau dans le fond de sa poubelle.

« Tu l’auras voulu Nowa ! »

Je me lève et je sors de son bureau en grommelant. J’attrape mon sac et je sors directement de la maison. J’attrape le premier taxi qui passe et je rentre chez moi. J’ai envie de tout casser et de lui envoyer la facture rien que pour le faire chier. Mais comment peut-on être aussi égoïste ? Il se fou royalement de nous. Je prends une douche froide et je saute dans mon lit. Pourvu que Morphée arrive à me calmer.

 

J’ai du mal à me concentrer aujourd’hui et pourtant il faut bien que je travaille. Dans quelques mois, ma petite réserve sera épuisée. Entre mon loyer, les charges liées à mon appartement pour ne citer que cela, je risque bientôt de finir à la rue. Cette nuit déjà, j’ai rêvé qu’on m’expulsait de chez moi et que je perdais mon travail. Autant dire que j’ai fait un cauchemar cauchemardesque. J’étais tellement en retard que je n’ai pas pris de douche ce matin, et là j’ai l’impression que je pue des aisselles. J’aurai bien voulu me passer de l’eau sur le visage mais voilà, j’ai complètement oublié de prendre mon fond de teint.

« Merde ! »

 

Rudy NYANE

Ça faisait longtemps que je n’avais plus fait de sport avec Calvin. Depuis qu’il est en couple comme il le dit avec Iris c’est à peine si je le vois. Il passe en coup de vent chez moi et repart aussitôt qu’il est arrivé. Il a toujours quelque chose à faire pour Iris ou avec Iris. Et moi dans toute cette histoire, qu’est-ce que je deviens ?

« Tu devrais t’y mettre Calvinou ! », lui dis-je alors que je suis à ma seconde centaine de flexions.

« Laisse-moi tranquille ! En Afrique le ventre est synonyme de la bonne vie donc laisse-moi vivre. »

« Je m’inquiète juste pour toi. Il ne faudrait pas que tu ne saches plus où se trouve ta quequette. »

Il me donne une taloche à la tête. Ça fait mal mais je gère. Plus que trente-six. La sonnerie de mon téléphone se fait entendre. Pour it up de Rihanna. Deux belles gosses, bien en forme regardent dans notre direction et nous salue de la main.

« Mec c’est ton plan cul ! », lance Calvin mon téléphone en main.

« Laisse sonner ! Elle va se fatiguer de m’appeler et elle appellera son idiot de fiancé. »

Je n’ai pas le temps de faire causette avec elle, j’ai un corps à sculpter moi. Plus que vingt-trois. Mes muscles sont en feu, je transpire à grosses gouttes. La faute à l’absence de climatisation dans cette fichue salle de gym. Les ivoiriens exagèrent quand même ! Au début, la salle était super bien équipée. Il y avait même la climatisation et l’eau chaude. Quelques mois après, finit le confort par contre les frais mensuels ont bien grimpé. Dès que mon abonnement se termine, je change de salle.

Calvin vient s’asseoir sur une machine face à moi.

« Tu t’es enfin décidé ! Ce n’est pas trop tôt. »

Il me regarde sans rien dire.

« C’est tellement vrai que tu n’as rien à dire mon lapin. »

Je me tords déjà de rire. C’est vrai qu’il a pris pas mal de poids.

« Rudy ! Tu sais que je t’aime … »

« Bordel, tu me fais quoi là ? Ton médecin t’a appris que t’avais le sida ou quoi ? Si c’est ça t’inquiètes, il existe des traitements. », lui dis-je en me redressant.

J’attrape ma serviette et je me la passe sur le visage.

« Rudy ! Tu es plus qu’un frère pour moi mais il y a des fois, je ne te comprends pas. Je vais tâcher de sauter les préliminaires. Pourquoi Tina continue de t’appeler ? »

Ca question me scotche au tapis.

« Ne fais pas ta tête de déterré. Il y a quelques semaines, tu m’as dit que Nowa, ta petite-amie t’avait fait tout un cinéma à cause de cette histoire et là, elle continue de t’appeler. Quoi ? Tu lui conçois une maison peut-être ? Et si c’était Nowa qui était tombé sur cet appel ? »

Si c’était Nowa qui tombait sur cet appel ? Je serai six pieds sous terre c’est clair.

« Avec tout ce que j’ai à faire, je n’ai pas trouvé le temps de lui parler c’est tout. Arrête un peu de me chauffer les oreilles pour un dossier qui n’en n’est même pas un. », répondis-je en me mettant debout.

« Je te dis que cette histoire va mal finir si tu ne mets pas un terme à votre petite relation tout de suite. Tu as fini ? On peut y aller alors. »

« Je voulais faire … »

« On y va c’est tout. Tu me gonfles ! »

Heureusement que chacun de nous à sa voiture parce qu’on dirait bien que Calvin est vraiment furieux. Arrivés dans le parking, il ne m’a même pas attendu. Je ne le comprends pas. Est-ce par amour pour moi ou par fidélité envers qui je sais qu’il se comporte ainsi ? Il a trop changé. Je monte tranquillement l’escalier jusqu’au 3ème. Mon téléphone sonne, cette fois c’est Nowa. Je décroche en continuant mon chemin.

« Bonsoir princesse ! »

« Bonsoir mon beau. Désolée pour hier, je ne me sentais pas bien. Je me suis couchée dès que je suis rentrée. »

« Il n’y a pas de mal. La journée ? »

« Epuisante ! J’ai juste envie d’un massage là maintenant. Et la tienne ? »

« J’ai pensé à toi, encore pensé à toi et toujours pensé à Tinn… »

Qu’est-ce qu’elle fiche devant ma porte ?

« Et toujours pensé à quoi ? Tu es là ? Rudy… »

« Toi. Euh, tu m’excuses, il faut que je te laisse. Je crois que je viens de voir une vilaine bestiole. Je t’appelle tout à l’heure. »

« OK ! »

J’enfonce rageusement mon téléphone dans la poche de pantalon de sport avant de lui dire un seul mot. Comme si je voulais séparer ces deux histoires.

« Bonsoir ! »

« Bonsoir Tina. »

« Ça tombe bien que tu sois là, j’ai quelque chose à te dire. »

« D’accord ! »

J’ouvre la porte et je la laisse passer.

Les couleurs de nos...