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Write by Lilly Rose AGNOURET
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À l'école, les jours passent
et ne se ressemblent pas. Les profs nous fatiguent avec beaucoup d'exercices
ici, des exposés là-bas. On ne sait plus où donner de la tête.
L'annonce vient de tomber.
Malgré les multiples grèves dans l'enseignement, le bac aura lieu. En août.
Enfin...Si les professeurs sont payés. Parce que là, ils ne sont pas du tout
contents. Les autres lycées ont passé plusieurs mois, fermés. Les élèves
étaient à la maison. Mais à Raponda, comme c'est privée, on continue de
schooler.
Les rumeurs fusent de partout.
Tout le monde dit que ce bac-là est un bac manioc ; c'est dire qu'il ne sera
reconnu nulle part. Les gens enfoncent le clou en disant qu'on va à l'école
pour rien parce que l'Unesco ne va pas valider l'année !
Et nos pauvres parents qui
paient, l'école, le taxi, les livres et la nourriture ???
Pupuce est restée deux
semaines à la maison. Elle a ensuite repris les cours. Ses copines lui
emmenaient les cours à domicile. C'est bien d'être apprécié.
Y a toujours plein de monde à
la maison pour s’occuper des bébés. Les copines de Raponda sont là tous les
jours. On dirait quand on était petites et qu'on se retrouvait derrière la
maison pour jouer à la poupée.
Maman est aux anges. Elle
pouponne sans même prêter attention aux heures. Je me dis que même si Kaba
continue de faire sa crise et ne fait pas cas, on s'en fout. On ne sait même
plus pourquoi elle est fâchée.
Papa Jimmy vient à la maison
tous les jours après le travail. Il reste là à discuter avec sa fille Pupuce et
à donner le biberon aux petites. Il parle aussi des projets qu'il a pour sa
fille.
Il a acheté le billet. Pupuce
prend l'avion le 1er septembre à 22h 35 pour Paris. Et mademoiselle n'a même
pas la présence d'esprit de dire au boss qu'elle ne veut plus bouger.
Une nuit, je m'approche d'elle
et lui demande :
« Pourquoi tu ne dis pas à
Papa Jimmy que tu ne veux plus aller en France ? Tu le laisses dépenser tout
cet argent pour rien ? »
« Je ne sais pas comment lui
parler. Il se fait tellement de films que j'ai peur qu'il fasse une crise
cardiaque ! »
« Mais tu n'as pas compris que
ton comportement est encore plus criminel !!! En tout cas, ce ne sont pas mes
affaires, je ne m'en occupe pas. »
« Ta vie est tellement facile,
Tania. Tu as une mère qui t'aime et t'écoute. Tu as un fiancé raide dingue de
toi et la vie te sourie. »
« Quelqu'un te mange, Marjorie
Akendengue ? Je te signale qu'on est sorti du même ventre ; et que de nous
deux, c'est toi qui a eu la vie la plus facile ! Et j'en ai marre, je te dis
bien, que j'en ai assez que tu passes ton temps à me sortir les mêmes conneries
! Tu étais avec moi quand je devais me lever tous les matins et aller à pied à
l'école alors que toi, papa Jimmy te déposait en voiture ! »
« Oui, mais je suis sûre que
si j'avais eu tante Bernadette pour ma maman, ma vie serait meilleure. »
« Fous moi la paix avec ta
connerie. Je suis en train de me casser la tête pour trouver des solutions pour
mes études l'an prochain. Toi, ton dossier de bourse est ficelé, ton billet
d'avion est acheté, et tu veux m'emmerder avec tes questions
pseudo-existentielles ! ON S'EN FOUT DE SAVOIR COMMENT AURAIT ETE TA VIE SI
BERNADETTE T'AVAIS CHOISI AU LIEU DE MOI. Tu es là en train de te trouver des
sujets de dispute juste parce que tu as peur d'affronter Papa Jimmy. Je vais
pas rester là à t'écouter te plaindre. Bye.»
Ce dernier jeudi de juin,
alors que Miro est en train de passer ses dernières épreuves du baccalauréat français,
le professeur de philosophie nous bastonne avec un devoir. Le sujet :
Le devoir moral est-il une
entrave à la liberté ?
Là, je sèche. Je ne sais que
mettre sur ma copie. Les profs aussi.
Le prof d'histoire, comme à
son habitude, nous rappelle encore et encore, que l'on doit élargir nos
horizons et nous intéresser aux autres cultures. Il dit que l'on doit se
cultiver en lisant toujours plus, non pas seulement Les Gabonitudes de Libek,
mais aussi des magazines scientifiques, économiques et autres !
Pour la peine, il nous colle
un dernier exposé à chaque groupe. Ils divisent la classe en 4 groupes.
Le premier groupe doit faire
un exposé sur LE COUPLE LOVING.
Je fais parti de ce groupe.
Quand je demande au prof : « C'est qui les Loving ? »
Il me répond : « C'est à vous
de nous le dire. »
Le 2ème groupe doit travailler
sur Jean Hilaire Aubame et les pères des indépendances en Afrique.
Le 3ème groupe doit tabler sur
les règnes de Charles Taylor et celui de Hissène Habré.
Le dernier doit nous édifier
sur l'OPEP.
Quand le type nous donne les
sujets et nous dit qu'on a qu'une semaine pour travailler dessus, on a que mal
à la tête.
« Épatez-moi avant votre
départ pour l'université ; sinon je me dirai que j'ai livré des cancres aux
écoles supérieures ! »
Mamo, rien que ça !
Nous sommes samedi. Pour
oublier le stress de leur examen, Miro et Antoine ont organisé un pique-nique
au Cap Lopez. Nous y allons toutes : Marc-Elise, Gaëlle, Sharonna, Jileska et
moi. Les amis du lycée français sont là eux aussi. Le cuisiner de Miro a
préparer tout le repas. Nous n'avons qu'à dresser la table et manger en
rigolant. Nous jouons au beach soccer, et ensuite, nous faisons le relais,
filles contre les garçons.
Pamela-Jo n'est pas des
notres. Depuis le week-end de mon anniversaire à Libreville, elle colle aux
basques de mon frère Julien, comme s'il était devenu son oxygène. J'ai demandé
à monsieur jusqu'à quand, cela va durer, étant donné que lui n'est pas
amoureux. Il m'a répondu :
« Elle s'en va dans deux
semaines. Moi, je passerai à autre chose. Je suis encore jeune, ma vie
continue. »
Les filles sont très belles
dans leur maillot de bains. Marc-Elise, qui se prend pour miss monde, demande à
Antoine de la prendre en photo avec son smartphone. Gaëlle quant à elle,
discute avec Justin, un matheux aussi mordu de films d'Arsène Lupin et Agatha
Christie comme elle. Ils semblent tous les deux dans un autre monde.
Sharonna a meilleure mine,
même si la séparation de ses parents la chagrine énormément. Cela fait des
jours qu'elle n'a pas parlé à sa mère. Et leur désaccord a été amplifié par un
statut facebook de Big Wave. Un ami nous l'a montré. Il a écrit sur son nouveau
compte :
L'âge n'est qu'un chiffre,
Aaliyah l'a chanté. J'envoie une tonne de baisers à la plus désirable des
femmes : Pétula, tu es mon cœur. Peu importe la distance.
Le type écrit une déclaration
à la mère de Sharonna. Tout le monde peut la lire. Même pas un mot pour les
enfants.
Alors, ma copine a décidé de
laisser sa mère de côté histoire qu'elle-même fasse le point sur la situation.
Longtemps encore, les langues
à Pog, raconteront cette histoire.
Je fais la belle dans mon
maillot deux pièces. Je l'ai acheté pour cette sortie. J'ai fouillé longtemps à
la fripe pour trouver le plus beau, histoire de ne pas me prendre la honte
aujourd'hui.
Le temps est tranquille.
Pendant que nous espérons un bac qui est plus que peu probable, ceux du lycée
français en ont terminé. Miro sait ce qu'il fera à la rentrée prochaine. Nous
nous éloignons du groupe histoire de parler tranquillement. Il m'annonce :
« J'irais où tu iras. C’est
vrai que mon père espère que je fasse la prépa HEC à Paris, mais, mon cœur me
retient à toi. »
« Qu'est-ce que cela veut
dire, monsieur ? Je ne sais même pas ce que je ferai après ce bac ! »
« Où veux-tu aller ? T'as bien
une idée. Tu me parlais du Ghana. »
« Et toi, tu es prêt à me
suivre là-bas ? Tu rigoles, j'espère ! Qui aurait envie de se perdre en Afrique
alors qu'il a la possibilité de faire la meilleure école de commerce de France
?
« J'irai où tu iras. Tu n'as
pas encore compris combien je t'aime ? »
« Si. Et moi, je t'aime dix fois
plus. »
Alors que nous nous
embrassons,
Deux petits passent
accompagner de leur mère et se mettent à crier :
« Oh, les amoureux, oh ! Oh,
les amoureux ! »