
46- Les couleurs de nos amours
Write by lpbk
Rudy EYA
Si on m’avait dit que je dirais merci à celui-là un jour, j’aurai parié toute ma vie. Mon pire ennemi vient de me faire une fleur en emmenant jusque devant ma porte cette femme qui fait battre mon cœur comme aucune autre. Je le regarde s’éloigner sans un regard, il passe l’ascenseur surement pour prendre les escaliers. Je pousse la porte et je me tourne pour lui faire face. Elle est enveloppée dans ce qui doit être sa chemise à lui et elle est mouillée. Ses cheveux ont perdu cette raideur qui souvent me semble naturelle.
« Il doit t’aimer comme un malade ! », ce fut-là mes premières paroles.
Elles n’étaient pas hypocrites, je me rendais juste à l’évidence.
« Je peux me sécher ? », me demande-t-elle après un long soupir.
D’un simple geste de la main, je balaie la pièce. Elle peut faire ce qu’elle veut.
« C’est bon là je crois ! », me lance-t-elle alors que je marche derrière elle.
Elle tourne le verrou de la petite toilette. Je reste devant la porte à attendre. L’attente me semble longue.
« Je peux avoir un tee-shirt ? »
Je cours dans ma chambre récupérer ce tee-shirt bleu qu’elle affectionne tant. Un coup et la porte s’ouvre pour laisser passer un frêle bras. Elle récupère le vêtement ainsi avant de sortir quelques minutes après. Elle s’en va mettre ses vêtements à sécher avant de revenir au salon où je me suis décidée à l’attendre finalement. Quand je la vois, je souris. C’est un sourire assassin auquel elle répond timidement. Mais je suis déjà bien content qu’elle y réponde.
« On peut parler ? »
Elle s’assoit et pose le coussin sur ses jambes.
« Je suis content que tu sois là même si je pense que ce n’était pas dans tes projets. J’imagine la crise que tu as dû lui faire pour arriver jusqu’ici. »
« Je ne savais pas qu’il m’emmenait ici. »
« Nowa… J’ai connu des femmes, beaucoup de femmes et aujourd’hui alors que mon seul désir n’était que de m’accrocher à toi, je fais tout de travers. Je fais tout mal. Le pire c’est que je m’en rends bien compte. J’aurai dû te le dire dès que je l’ai su mais voilà, j’avais peur de ta réaction. J’avais peur que jamais tu n’acceptes plus de me revoir. »
« C’est pour cela que tu t’es bien joué de moi pendant des mois ? Tu me faisais des crises par rapport à Mika et pour finir, je crois que plus que moi il a envie que nous nous réconcilions. »
« Je culpabilise déjà assez tu sais ! Tu n’es pas obligée d’en rajouter. »
« Humm… »
« Je crois que tout le monde fait des erreurs. Je crois aussi que nous avons chacun son passé… »
« Si tu veux me demander de ne pas tenir compte du tien je te dirai que ce n’est pas possible. »
« Je ne te demanderai pas cela. Je sais que mon passé avec ta sœur sera toujours présent parce que c’est ta sœur. »
« Tu peux ne plus parler de cette hypocrite ? », balance-t-elle en haussant le ton.
« Humm… Tu es une jeune femme extraordinaire Nowa, tu devrais en avoir conscience. Tu sais ce que tu veux même si ces derniers temps dans ton cœur c’est un peu une espèce de bouillie. »
« Ça n’a rien à voir avec mon cœur Rudy. Toi je t’aime tout court. Je te l’ai dit, il n’y a pas de raison. C’est arrivé comme ça alors que Mika, c’est plus quelque chose de réfléchi. »
Même si j’ai terriblement mal, j’essaie de me faire bonne figure.
« Je sais… il est là quand je te fais du mal. »
« Oui ! Il est toujours là. Pardon de te blesser en te disant cela mais c’est la stricte vérité. »
« Humm… Tu veux faire quoi ? », lui demandais-je.
Le silence était assourdissant. Il était lourd, j’avais l’impression de le porter sur mes épaules.
« Nowa… Tu veux faire quoi dis-moi. »
Je m’approchais d’elle pour lui prendre les mains dans les miennes.
« Ces derniers jours, je me suis posé mille questions concernant cette relation. A chaque fois, une seule chose est évidente mon cœur, je t’ai dans la peau. Mais tu vois, il y a quelques grains de sable dans notre romance. Et puis, ce soir alors que je ne m’attendais pas à te voir, il y a mon pire ennemi ou plutôt mon meilleur ennemi qui t’a tirée jusqu’ici et quand il est parti, je me suis dit qu’il y a une seule chose à faire. »
« Je ne comprends pas Rudy. »
« Ne pleures pas s’il te plait. Tu as assez pleuré pour moi. Je t’aime comme un fou je te le promets mais on ne plus être ensemble. »
Elle a voulu retirer ses mains des miennes très rapidement mais je les ai retenues.
« Ne fais pas ça ! Ne t’énerve pas… Viens ! »
Elle était déjà en larmes, je l’ai attiré vers moi et nous sommes restés là, collés comme au début de notre histoire, comme quand tout allait bien. Elle n’arrêtait pas de pleurer.
« Je suis désolé Nowa mais c’est la seule chose à faire pour ne pas me comporter comme le plus idiot du monde. Tu comprends ? Et puis, il y a Mika. »
Elle a levé les yeux vers moi et a croisé mon sourire.
« Je ne l’aime pas. »
« Ça viendra princesse. »
« Je ne veux pas être avec lui Rudy. Moi je veux être avec toi. Je veux être avec toi, même si tu me fais mal. C’est toi que j’aime. »
« Ça va passer, je te le promets. »
Nous sommes allés dans la chambre et nous nous sommes allongés sur le lit où tout avait commencé. Je suis resté avec elle jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Le matin, quand elle m’a vu elle a recommencé à pleurer. C’était la troisième fois que je lui brisais le cœur mais c’était aussi la dernière fois. Elle me suppliait de changer d’avis mais pour une fois, je n’allais pas être le petit égoïste que j’avais toujours été. Un peu avant 18h, je la raccompagnais chez sa grand-mère.
« Tu pourras toujours compter sur moi tu sais. »
« Je sais ! »
« Je t’aime Nowa. Allez, vas-y ! »
Je l’ai regardé passer le portail avant de démarrer.
Moëra NYANE
J’arrive enfin chez Tina. Le chauffeur gare la voiture et je fais appeler le gardien et la femme de ménage pour qu’ils aident à faire sortir les courses.
Quand je me suis assurée que tout était bien rangé, je suis enfin entrée dans le salon. Tina était allongée et le petit dormait.
« Tes seins te fons toujours souffrir ? », lui demandais-je.
« Toujours ! »
« Papa a appelé. »
« Le traiteur est passé ? »
Elle se redressa pour s’assoir. Elle avait rapidement perdu ses kilos de grossesse. Depuis l’enfance, Tina prenait un soin particulier à toujours rester mince. Contrairement à Nowa qui l’était naturellement, Tina devait user de bien des stratèges pour ce résultat.
« Tu comptes rester dans le déni combien de temps ? Prends un avocat et signe ses fichus papiers. Il ne te mérite pas. »
« C’est toi qui ose me parler de déni ? »
« Qu’est-ce que tu racontes maman ? »
« Ca fait des semaines que ta sœur est en exil chez ta grand-mère. Je suis sûre que cela est en rapport direct avec ce qui s’est passé durant le mariage. »
« Comment ça ? Ta fille est une folle maman. Tu dois la faire soigner. Tu oublies peut-être qu’elle a gâché ce qui était supposé être le plus beau jour de ma vie en piquant une de ces crises. Je crois que tu ferais mieux de t’en aller, je suis exténuée. »
« Tina… Que lui as-tu fait à ta sœur ? », demandais-je en me plaçant face à elle.
« Mais rien ! Elle et moi nous ne partageons rien. Peut-être qu’elle a été jalouse de me voir vivre son rêve. Qu’est-ce que moi j’en sais. S’il te plait maman, je commence à avoir mal à la tête. »
Je l’embrassais et je la quittais non sans un arrière-gout en travers de la gorge. Depuis que Nowa était sortie de la clinique, j’étais passée chez Paola chaque jour pour la voir mais cette dernière avait formellement interdit qu’on me laisse monter à sa chambre. Ma fille me détestait pour je ne sais quelle raison. Tout ce que je savais, c’est que ce devait être quelque chose de terrible pour qu’elle demande à ce que je sorte de sa chambre d’hôpital. Ce jour-là, j’ai eu l’impression que la vie me narguait. La maitresse de mon mari était là en train de pleurer au même titre que moi. Je demandais au chauffeur de faire un détour par le Vallon. J’allais une nouvelle fois tenter de la voir.
J’entrais et je trouvais un petit garçon en train de jouer au ballon dans le jardin. Il me salua poliment avant de se mettre à crier le nom de Nowa dans toutes les directions de la maison.
« Quentin tu va arrêter de crier, ta sœur n’est pas sourde. »
Quand Paola m’aperçut, elle porta une main à sa bouche comme si elle venait de dire une bêtise.
« Tu as dit quoi Paola ? »
« Rien ! Si tu es là pour Nowa, c’est pareil elle ne veut pas te voir. »
« Mais pourquoi tu m’en veux autant ? Ce garçon est le fils de Luis c’est ça ? »
« Tu es venu me poser des questions sur cette comédie que vous appelez mariage ou tu es venue voir ta fille ? »
Elle venait de me clouer le bec. Mon regard passa d’elle et tomba sur ce gamin. Je l’observais avec insistance pour y déceler les traits de mon mari.
« Grand-mère, j’ai faim ! »
« Va voir Tati dans la cuisine, elle te fera ton gouter. »
« C’est son fils n’est-ce pas ? Et tu n’as même pas honte de le recevoir chez toi Paola ? »
« Tu dis bien chez moi ? Je reçois encore qui je veux n’est-ce pas ? Ta fille a gros sur le cœur Moëra et toi tu es là à jouer les dames cocufiées. Non mais tu as quel âge ? Nous savons toutes depuis des années comment est Luis. Tu t’accroches à un mensonge au lieu de revenir vers une réalité présente, entre tes filles il y a un sacré problème et crois-moi il n’est pas du tout joli joli ! Maintenant, excuse-moi mais je dois panser le cœur de ma petite-fille. Je ne te retiens pas. »
Nowa NYANE
« Il a rompu. »
Trois jours et toujours pas de réponse. Même Mika me laisse tomber. Je pousse un soupir et j’enfonce à nouveau ma tête dans le cou de Quentin. Il sent drôlement bon ce petit. Je reste là encore une dizaine de minutes avant de me lever. Je dois voir Iris. Elle ne peut pas continuer ainsi avec Calvin. A ce que je sache, ils n’ont jamais eu de problème, pas la moindre prise de tête. J’apprécie sa fidélité mais franchement, elle se fait du mal alors qu’elle ne devrait pas. Je m’habille sans faire trop de bruit et je descends.
« Tu as sorti les lunettes oversize ! », me lance ma grand-mère.
Je me tourne vers elle en les ôtant.
« Oula ! Tu ferais mieux de les remettre sinon tu risques de te faire arrêter. »
« Ce n’est pas drôle mamie. »
« Je sais, c’est juste que je veux te voir sourire. »
Je fais mon sourire forcé et je tourne mes talons. Quand je suis arrivée devant la pharmacie dans laquelle elle travaille, j’ai tout de suite reconnu la voiture de Rudy.
« Humm… », ai-je fait en passant la porte.
Avec le petit clocher accroché au-dessus, tout le monde s’est retourné. J’ai marché droit jusqu’à la caissière qui m’a tout de suite reconnue. Elle m’a fait comprendre qu’Iris était derrière avec un beau gosse. J’ai souri et je lui ai demandé si je pouvais les rejoindre.
Iris était en train de crier en faisant de grands gestes. Ah ma cousine, elle ne sait pas se calmer heun. Quand elle est fâchée, elle est fâchée. Quand elle est heureuse, elle est heureuse. Il n’y a pas de modestie dans les sentiments comme elle dit souvent.
« Salut vous deux ! »
Elle me regarde, se jette dans mes bras, me couvre de bisous.
« Iris ! C’est bon je crois. »
« Tu as vu ? Est-ce que c’est comme ça que tu l’as connu ? Par respect pour elle, je vais me garder de t’insulter. Mais je te dis-toi et ton ami, je ne veux plus entendre parler de vous. Qu’il arrête de faire sonner mon portable, il me plombe ma batterie. Vous êtes des sorciers ou quoi ? »
« Iris, s’il te plait, calme… »
Elle me colle la paume de sa main au visage genre « parle à ma main ».
« Iris, laisse-le un peu ! »
« Si je pouvais, je te cognerais jusqu’à t’aurais oublié ton nom. Tina ? Il manquait des femmes sur cette terre ou… »
« Il a rompu Iris ! »
Ce n’est que là qu’elle a fermé sa grande gueule. Juste pour dix secondes maximum.
« Non mais allo… C’est lui qui te trompe et c’est lui qui rompt ? Merde, c’est quoi cette histoire ? »
« Iris, je te demande juste de considérer mon frère s’il te plait. Ce n’est pas de sa faute. »
« Ah non ! Et puis je te préviens tu n’auras qu’à dire que c’est Nowa qui a rompu pas toi. Toi Nowa, ça va dans ta tête ? Comment tu l’as laissé rompre ? »
« Iris, tu vas te calmer ? Ce n’est pas un jeu ou une partie de foot. »
« Justement ! », dit-elle.
« Rudy, tu devrais y aller. Je vais lui parler. »
Il s’est approché de moi pour me demander si j’étas sûre de ce que je faisais. J’ai voulu sauter à son coup pour l’embrasser mais je me suis vite ravisée.
« Je gère ! Je la connais comme moi-même. »
« OK ! Si tu peux, tu me tiens au courant. »
« OK ! »
Iris nous toisait seulement alors que nous discutions. Il m’a fait la bise et est parti. Iris a poussé un juron de malade avant de me regarder l’air interrogateur.
« Maintenant ma petite, tu vas me raconter tout. »