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Write by Gioia


Cinquante-et-unième Partie 


Deux ans plus tard 


Eli Laré Aw 


Belle a officiellement repris l’enseignement après plus de deux ans fait à la maison. Pour faciliter la transition nous avons décidé que j’allais prendre un congé d’un mois. Congés bien mérités parce que je me suis tué à la tâche ses dernières années. Maman a réussi à me convaincre de reprendre la direction de son hôpital. Boulot super barbant pour moi donc je le fais à temps partiel. J’ai engagé un administrateur le reste du temps. Je continue à exercer en tant que pédiatre néonatal. C’est ma passion et je ne compte pas l’arrêter avant la retraite même si maman veut me mettre dans la gestion de toutes ses entreprises. 


J’entends le garage s’ouvrir et je compte jusqu’à cinq le temps que ma tornade débarque en fracas et crie Aï. On est mercredi et Elikem est de retour de l’école 


Aï: iliiiii elle dit en se levant joyeusement 


Elikem: nonnnnn c’est E....répète avec moi É...Liiii


Aï: iliii t’a hantré la maison. 


Elikem: horrrrrr tape moi une ici la vieille. Papa t’a entendu comment elle a dit correctement la maison. Elle dit avec un grand sourire en hochant la tête 


Eli: Oui superbe. Va te changer au lieu de profiter pour t’asseoir au sol comme tu fais. Je te vois venir 


Elikem: mince, j’étais déjà bien. Elle dit en se levant suivie d’Aïdara qui lui raconte dans un langage que seuls ceux qui sont proches d’elle peuvent déceler 


Bientôt elle aura Trois ans mais elle n’est pas encore prête pour l’école. Son langage par contre il s’améliore beaucoup parce qu’on lui parle au quotidien. Mais j’avoue que le changement vient d’Elikem. Elle lui parle constamment. Quand elle rentre on n’entend que leurs voix jusqu’à ce qu’Elikem s’endorme. Mamie Gisèle rigole souvent qu’on se réveillera un jour et Mally notre dernier de quatre mois va se mettre à parler avant même un an parce qu’il n’est entouré que de pies. 


Mally c’est une surprise et comme je disais notre dernier. Nous l’avons appelé ainsi parce qu’on cogitait Belle et moi sans pouvoir nous décider. Pour Aï c’était plutôt facile. Belle voulait qu’on choisisse un prénom d’origine Peuhl pour honorer mon côté sénégalo-guinéen. Pour Mally on devait garder la tradition et revenir à un prénom togolais mais l’embarras était énorme. Puis un jour on s’est dit Mally, le nom de famille de ma femme il est bien. Il est court et aussi du Togo. En plus on garde la tradition de ma mère qui avait rajouté elle même Aw à tous nos noms parce qu’elle aimait comment ça sonne Laré AW elle disait. 


Belle ne voulait plus d’enfant après Aï à cause de son problème connu. J’étais un peu déçu parce que je voulais un garçon mais je me suis résigné. Après tout ca nous aurait demandé encore plus de temps et d’attention si on devait s’occuper d’Aï et un autre bébé qui aurait des problèmes. Sauf que grâce à notre thérapie de couple, les liens entre Belle et moi se sont renforcés.


 Au lieu de nous éloigner nos défis nous ont rapproché et faire l’amour était devenu limite comme un besoin vital pour nous. Je me dis maintenant que c’est peut-être parce qu’en journée chacun devait donner son attention totale à ses tâches. Belle aux filles et moi au travail puis les filles une fois à la maison. Au lit on était juste Belle et Eli. Il nous est arrivé à des moments de s’adonner chaque soir. Mally a trouvé le moyen de se faufiler par là en dépit de la contraception de maman. Dieu merci il a été et sera le seul bébé qui s’est rendu à 39 semaines. Il est né en pleine forme et déjà très vivace pour son âge. Lui et Elikem avec leurs énergies débordantes entraînent Aïdara dans leurs délires et lui permettent d’avoir une enfance plutôt normale. Elikem revient au salon changée maintenant dans ses vêtements de la maison. 


Eli: tu veux manger quoi la guerrière? 


Elikem: heuh les macaronis que maman a fait hier matin 


Eli: okay assied toi. Je vais te chauffer un plat


Elikem: non je vais le faire 


Eli: Xena on a dit que tu ne touches pas au frigidaire


Elikem: ah papa Eli je vous dit depuis que je suis grande. Je vais passer le CEP cette année je vous rappelle, elle me dit depuis la cuisine 


Elle a même déjà mis son plat dans le micro-ondes et servait celui de sa sœur quand je la rejoignais 


Eli: ce n’est pas parce que tu n’es pas grande mais tu ne fais pas attention 


Elikem: Mais mamie titi a dit que je dois quand même le faire et juste être attentive. Je dois montrer l’exemple à Aï. Pas vrai la vieille? 


Aï: on va maher marouni? 


Elikem: non faut bien répéter la phrase d’abord sinon pas de macaronis 


Elle lui fait dire au moins cinq fois et j’interviens pour lui expliquer qu’elle laisse tomber parce qu’Aïdara s’énervait déjà. Le challenge aussi entre les deux c’est qu’Elikem pense encourager sa sœur mais des fois elle pousse trop Aïdara qui au final se met en colère et nous fait des grosses crises de larmes. 


Les deux s’asseyent à table et je mets Mally dans sa chaise haute avant d’aller lui faire de la purée d’haricots verts. Je remarque au passage une plaie sur le coude d’Elikem. Je m’approche et prends son bras pour voir de plus près 


Eli: ca sort d’où ça? 


Elikem: oh c’est probablement après que j’ai fait un tacle à Romelio au foot. 


Eli: tu ne vas jamais laisser ce garçon tranquille hein lol. 


Elikem: c’est lui qui me laisse jamais tranquille. Même quand tonton Magnim me dépose à la maison après l’école les mercredis il fait genre qu’il veut pas que je reste derrière avec lui et quand je vais devant il me dit de venir voir un truc derrière. 


Eli: En tout cas tu es prévenue. Pas de bagarre avec lui c’est compris? 


Elikem: oui oui moi je vais juste frapper les garçons qui vont embêter ma petite sœur à l’avenir 


Eli: ou tu peux juste ne pas frapper....you know c’est une option. Je dis amusé


Elikem: impossible. Tata Ciara m’a dit qu’elle était très bagarreuse à l’école et paraît que mon papa aussi donc c’est dans mes gênes. 


Eli: lol okay alors. Essaie de ne pas revenir avec ce genre de plaies par contre. Je dis en allant chercher de quoi la nettoyer. Cette petite va nous en faire voir de toutes les couleurs quand le collège va commencer. J’en suis sûr 



Ciara Wiyao



Comme je suis à terme pour notre deuxième bébé, Je ne conduis plus. Ordre de monsieur mon mari parce que j’ai très mal au dos. Belle s’est proposée de venir me chercher vu que son heure de sortie coïncidait avec la mienne. Aujourd’hui c’est ma dernière journée ici.  je commence mon congés de maternité officiellement lundi. J’ai tenu à partir un vendredi comme ça j’ai le week-end et en plus je peux partir plutôt comme ce sont nos journées les moins chargées. 


Les collègues m’ont organisé aussi une fête surprise pour le bébé. Pour Macy je n’avais eu rien de tout ça. Mais nos relations n’étaient pas les mêmes à ce moment là. Mon équipe actuelle est plus cordiale. Je ne fais quand même plus l’amitié sur le lieu du travail après ce qui s’est passé avec Kevin. On sait juste que je suis mariée et mère d’une fille. Ceux qui connaissent mon mari savent parce que des fois il vient me chercher mais ça s’arrête là. Par contre j’ai remarqué le degré de curiosité poussé de certains. Si je fais l’erreur de descendre à la salle commune durant la pause, je me retrouve toujours entourée des autres. La plupart sont des femmes. Toujours à me demander comment ça va la maison. J’ai fait quoi en semaine. Mon mari il travaille en quoi? Ça va entre nous avec le bébé? Comment il vit le fait que je me déplaces souvent et ma position dans l’entreprise. Des fois je ne sais pas si c’est la curiosité parce que je suis directrice et tout le monde m’imagine vivant une vie glamour ou c’est la curiosité parce que beaucoup parmi elles connaissent mon état sérologique et se demandent comment un homme peut vivre avec une femme comme moi. Enfin je pense comme ça à cause de celles qui viennent des fois te vendre la mèche du style fais attention à celle-ci patronne. Elle parle dans ton dos. Tu interdis les ragots mais certains ne comprennent jamais. Même les hommes sont dedans. Au moins je n’ai pas encore été victime de sexisme donc ça va. Je ne vais pas faire comme si j’ai tout sur moi aussi. Je finis de faire la ronde pour les salutations et descend aidée par le chef de la sécurité qui porte avec moi mes cadeaux. On charge le tout dans la voiture de Belle et nous sommes parties. 


Ciara: alors tu as eu des nouvelles d’Amandine? 


Belle: non oh. Je te jure que moi même je ne capte rien. Elle s’est littéralement évaporée dans la nature. Elle ne vient plus à l’école. Ils ne vivent plus dans la maison que je lui connaissais. Les voisins ont juste pu me dire qu’ils l’ont vu quitter la maison un jour et le douanier est en voyage. Son numéro ne passe pas et je ne connais pas où vivent ses sœurs ni son frère pour aller 


Ciara: et à l’université de Lomé? Tu as été? Son frère étudie là tu avais dit non 


Belle: oui j’ai fait un tour mais je n’ai pas trouvé de Robin Anianou. 


Ciara: ras-le-bol de ses disparitions. Je dis agacée puis triste par la suite. Bientôt trois ans maintenant sans nouvelles de laith. Personne ne le dit mais je sais que certains ont perdu espoir. Moi je ne peux pas. Je ne peux pas concevoir qu’il ne soit plus. Mon cœur de maman le refuse


Belle: tu vas aller au poste de police finalement pour Félix? Elle demande changeant de sujet 


Ciara: déjà fait, je réponds maussade aussi 


La belle mère de Belle nous a surpris un jour en m’appelant pour que je vienne au poste de police. Je pensais être sur une piste pour Laith. J’arrive et on me demande de faire une reconnaissance faciale. Parmi les individus je reconnais Félix. Un Félix qui avait pris un sérieux coup de vieux. Il ne ressemblait plus en rien au Félix que j’avais connu. Elle m’a expliqué qu’elle le faisait rechercher par Interpol depuis que Belle m’avait ramené chez eux suite à ma tentative de suicide. 


Apparemment il avait trois plaintes de trois filles différentes contre lui en France. Trois qu’il avait contaminé. Il a avoué aussi avoir mis du sang contaminé et du colorant alimentaire pour répliquer la couleur de la bétadine puis il a mis le tout dans mon flacon qu’il avait préalablement vidé. Il l’avait carrément prémédité depuis chez lui et avait rempli une fiole de son mélange mais il a rajouté que c’était mon attitude qui l’avait énervé et poussé à le faire. Comme quoi je l’ai traité comme s’il ne valait rien du tout et trouverai mieux après lui. En plus il m’avait vu marcher avec Magnim et c’est de là qu’il avait eu l’idée. Pourtant lui m’avait d’abord traité de pute et moins que rien en plus d’insulter mon apparence physique et me dire qu’il me faisait une faveur en étant avec moi parce que personne ne voudrait de la chienne que j’étais de toute façon. Et c’est encore lui qui voulait ruiner totalement ma vie. C’est Son témoignage ça que j’ai eu l’opportunité d’entendre parce que Madame Atia a demandé à la police que je puisse entendre dans une pièce cachée. 


J’ai demandé à madame Atia comment elle était au courant de tout ce qu’il a fait par la suite en France. Elle a dit qu’il vaut mieux que je ne sache pas certaines choses. J’ai officiellement porté plainte ici à Lomé et il a été placé en garde à vue et attend son procès maintenant. C’est aussi pour ça que je ne perds pas espoir. Je me dis que si Félix a été retrouvé c’est un signe qu’on peut aussi pour Laith. Juste qu’attendre presque cinq ans comme pour Félix c’est long. Vraiment long sans ton enfant à côté. 


Belle m’aide à décharger mes cadeaux quand on arrive. Mon amour saute dès qu’elle voit tous les paquets. 


Ciara: mais viens embrasser maman au moins Macy. Je dis en m’accroupissant pour qu’elle me tombe dans les bras 


Ameyo: ils ont acheté beaucoup de choses hein. Il y’a les couches jusqu’à un an même. Maman dit en regardant aussi les paquets tandis que je porte Macy 


Ciara: moi même j’ai été aussi surprise que toi 


Ameyo: ah il ne faut pas t’étonner ma fille. C’est ça quand tu fais du bon travail. On te récompense au delà de tes attentes


Ciara: lol quand on t’entend on croirait que je suis la plus travailleuse au monde. Attend je viens t’aider à ranger les cadeaux dans la chambre du bébé 


Ameyo: oh non assied toi un peu. C’est le début des congés tu vas bien travailler même donc profite 


Ciara: krkr ne me fais pas regretter ses congés dès le début han 


Ameyo: tu vas confirmer avec ta fille qui te ressemble beaucoup là. Elle dit en riant 


Aussitôt qu’elle finit de parler aussitôt la demoiselle du haut de ses deux ans et quelques mois se ramène avec le stéthoscope cadeau de son papa. Elle refuse que je l’aide à monter sur le lit et place son jouet sur mon ventre avant de mettre l’autre dans son oreille et fixer ses grands yeux sur moi. 


Macy: ayooo t’es là bébé? 


Ciara: pas la peine de crier mon amour. Je te promets que le bébé entend très bien 


Macy: t’a pas crier maman 


Ciara: non on dit je n’ai pas crier 


Macy: j’a pas crier. Ayoooo bébé tu viens bantôt dans ma chambre? 


Je ne la corrige même plus tellement ça m’amuse. 


Ameyo: je t’ai dit que c’est la chambre de ta petite sœur han Macy. Plus pour toi 


Macy: niiionnn papa a dit ma chambre. 


Ameyo: ton papa là qui te promet que vous allez faire les courses à cheval et voler sur les tapis dans les airs? Elle dit sur un ton moqueur 


Ciara: lol maman arrête de déranger ma fille. Viens mon ange. Tu vas partager la chambre avec ta petite sœur d’accord. 


Elle secoue vivement la tête et maman éclate de rire avant de me souhaiter bon début de congés. Vraiment tout ça c’est Magnim alias papa Oui. 


Je voulais commencer le travail déjà en attaquant le rangement des habits de Maëlys Snam notre deuxième dans un coin et Macy dans l’autre, mais le mal de dos a eu raison de moi. C’est un baiser sur mon front qui m’a réveillé. J’ouvre les yeux et je tombe sur mon chéri qui semble bien fatigué. Je bouge un peu et me lève difficilement parce que Macy est couchée contre moi. 


Ciara: tu es déjà rentré? 


Magnim: il est 20 heures bébé. 


Ciara: oh merde. 20 heures et maman ne m’a pas réveillé? Macy n’a même pas mangé ce soir. Je dis paniquée. Je me lève et vois même que j’ai taché l’oreiller avec mon fond de teint. Je m’excuse quand Magnim regarde aussi l’oreiller 


Magnim: lol tes petits sommes dernièrement sont terribles 


Ciara: pourtant je t’assure que je m’allongeais juste pour étendre mon dos 


Magnim: tu sais que ça commence toujours de cette façon. 


Il prend Macy à mes côtés et la réveille tandis que je vais me brosser les dents puis je reviens changer les taies d’oreiller avant d’aller porter une tenue de maison. Nous allons manger avec une Macy qui est à peine réveillée. Maman a fait du beau travail dans la chambre des filles par contre. Tous les cadeaux étaient classés et je vois même qu’elle a commencé le rangement des vêtements. Elle même s’est probablement endormie à cause de la fatigue. Je rejoins les deux autres à table et nourrit Macy pendant que Magnim la porte. 


Magnim: comment était ta journée? 


Ciara: très reposante, je n’ai pas à me plaindre. Et toi? 


Magnim: ca va. Aujourd’hui deux juniors ont passé leur probation. Ils sont devenus seniors. Ça va me permettre de souffler un peu et prendre ses six semaines de congé après ton accouchement 


Ciara: Tao a approuvé? 


Magnim: tant qu’on continue à respecter les délais pour nos clôtures de contrats il n’a pas de soucis avec. Romelio aussi est sur pieds maintenant en passant 


Ciara: Dieu merci! Je n’aime surtout pas cette histoire de drépanocytose qu’il a. 


Magnim: à qui le dis tu. Encore heureux qu’il soit AS 


Ciara: quoique je ne comprends toujours pas comment je n’ai jamais remarqué qu’il en souffrait depuis le temps qu’on se côtoie 


Magnim: comme il est AS ses crises sont espacées et Hana fait tellement attention à sa santé que c’est rare qu’il finisse à l’hôpital. Mais tu connais les enfants comme il commence à grandir maintenant monsieur jouait au filou et ne prenait pas ses médicaments régulièrement donc voilà les résultats.


Ciara: y’a que les enfants pour te donner les cheveux blancs. Je vais bien le gronder quand il viendra ici


Magnim: lol fais lui doucement parce que Hana ne l’a pas raté. 


Ciara: toi avec tes grands yeux de biche ici tu seras sage hein ma chérie. Tu seras très douce et gentille. Je dis en lui donnant la cuillère de riz


Magnim: tu aimes vivre d’espoir hein. Un papa turbulent et une maman comme toi mais tu vis encore dans une réalité alternative 


Ciara: que ta bouche cogne la pierre. Elle sera sage comme une image, je dis déterminée et il rit de moi. Elle aussi se joint à la rigolade pour me dire quoi? Que de juste attendre et voir ce qu’elle en réserve pour moi? Seigneur Dieu. 



Tao Adamou



J’ouvre grandement les rideaux et les fenêtres pour laisser l’air entrer. Il est six heures et le soleil est déjà levé sur le roucas blanc. Le quartier de Marseille où nous avons trouvé refuge ma famille et moi il y’a un an de ça. Je nous ai pris une belle villa sur la colline avec une vue sur la mer. Le décor que la plupart des familles qualifieraient de magnifique. 


Un quartier calme pour y éduquer ma fille. On a tout ici mais pas l’essentiel. Il n’est pas là même si j’ai gardé dans la pièce qui me fait office de bureau, une de ses photos. 


Nous nous sommes réfugiés ici parce que Farida perdait petit à petit la vie. Elle ne sortait plus de la maison à Lomé. Elle avait tout arrêté. Pour simplement emmener Ida à l’hôpital il fallait endormir Farida sinon elle faisait des crises. Elle s’enfermait dans la chambre avec la petite qui pleurait à pleins poumons. 


Après un an je me suis dit que ça ne pouvait plus continuer ainsi. J’ai demandé à Magnim de l’aide. Il a tout accepté sans même que je lui explique. Je lui ai laissé les rennes du cabinet et je suis venu ici. Ça a été difficile de faire venir ma femme par contre. J’ai dû user de cruauté. Avec la complicité de ma famille, nous l’avons endormi et je suis parti avec Ida sans elle. Sans Farida et sans la prévenir. Je priais et espérais qu’elle me rejoigne parce qu’elle ne voulait pas perdre Ida. La chose la plus cruelle et difficile que j’ai eu à faire de ma vie. C’est maman qui l’a emmené Farida. La terreur dans son regard quand elle est arrivée m’a frappé de plein fouet. 


Elle même m’a frappé après avoir constaté qu’Ida dormait paisiblement dans son berceau. Elle m’a giflé sans relâche. M’insultant et me griffant. J’ai eu un respect d’un autre niveau pour ma mère le jour là. En dépit de tout ce que Farida me faisait, elle n’a pas bougé. Dans mon regard je lui disais de ne pas intervenir et elle s’est tenue à ça. J’ai laissé Farida sortir toute sa colère, haine et amertume. Elle m’a frappé comme un homme pourrait en frapper un. Un homme d’une stature moins imposante que la mienne quand même. Maman ne lui a pas tenu rigueur malgré les griffures sur mon visage, gifles et coups de poings. 


Les jours passaient. Maman est retournée à Lomé quand je lui ai confirmé que je pouvais gérer. Farida ne me parlait pas bien que je lui demandais pardon. Elle s’occupait simplement d’Ida. Puis par un miracle elle a commencé à s’habituer à la vie ici. J’ai su lorsqu’un jour en revenant d’une sortie j’ai trouve qu’on avait fait les courses. Ici c’était juste moi qui faisait les courses, le ménage et la cuisine. En plus des courses le jour là, elle a également préparé et m’a demandé pardon pour les coups. Je l’ai pris dans mes bras et je l’ai serré à lui briser les os multipliant mes excuses et regrets. 


Depuis nous vivons ici dans une sorte de cocon. Elle refuse toujours de laisser Ida quitter ses yeux. Je crains déjà comment ca va se passer quand notre fille devra commencer la garderie. Elle a déjà deux ans. Bientôt trois arrivent. Farida a aussi mis un stop à toutes ses activités professionnelles. Le stage était à l’eau de toute façon mais depuis elle ne fait plus rien. Elle passe ses journées à jouer avec Ida ou parler aux autres à Lomé. Pas que j’ai quelque chose contre les femmes au foyer mais ce n’était pas son aspiration. 


Moi j’ai repris mes activités cette année. Nous allons ouvrir une branche de notre cabinet d’architecture ici à Marseille. Je ne veux pas que Laith nous retrouve terrassés quand il reviendra parce qu’il reviendra je le sais. À Lomé mon père n’a pas abandonné le combat. Il m’a juré qu’il ne laissera jamais tomber aussi longtemps qu’il vivra. Je veux que Laith nous retrouve forts et luttant comme lui aussi lutte. J’implore tous les jours Allah qu’il le fortifie et l’aide à demeurer brave comme son nom le dit. Je lui construis son avenir ainsi qu’à Ida. Et Farida aussi en fait partie. L’avenir on est supposé le construire ensemble. J’entends du mouvement derrière. Je me tourne et c’est Ida dans son pyjama. Elle se tient contre la porte de sa chambre et frotte ses yeux. Elle dit papa et je vais la porter. Elle entoure mon cou de ses bras et pose sa tête touffue sur mon épaule pendant que ses petites fesses reposent sur mon bras gauche. 


Tao: bien dormi? Je demande en frottant son dos 


Elle hoche la tête et câline mon dos avec ses petites mains. 


Tao: tu sais que tu es ma raison de vivre mon ange? Je ne vis que grâce à toi, Laith et maman 


Elle hoche encore la tête et je la serre plus fort avant de sortir sur notre balcon pour admirer la vue. Des fois ça me calme. Ça me permet de mieux commencer la journée après la prière 


Magnim Wiyao 


Hope est arrivée en avance. Maëlys Snam a décidé de venir en retard. On a dû déclencher l’accouchement de Ciara parce qu’elle avait dépassé de trop la date prévue. Donc je ne sais pas si c’est pour ça que ma deuxième fille est née avec une marque blanche sur le visage en plus d’une partie de ses cheveux déjà blanche. 


Hana m’a dit non et qu’il s’agit du piébaldisme ou encore albinisme partiel. Une anomalie congénitale rare de la pigmentation de la peau. Phénomène qu’on a pas compris vu qu’il s’agit apparement d’un trouble génétique. Je ne semblais pas l’avoir et ma femme non plus. En tout cas aucun de nous ne ressemblait à Snam. Il a fallu qu’Hana en parle à papa pour qu’il nous dise que sa mère et sa sœur étaient nées comme Snam et ont même été sacrées génies dans leur village à cause de leur apparence. Notre grand-mère était déjà décédée à notre naissance et notre tante vivait dans un autre village. 


Hana a par la suite demandé d’autres tests et elle est revenue aujourd’hui avec les résultats. 


Hana: c’est bel et bien le piébaldisme. Je voulais m’assurer qu’il ne soit pas relié au syndrome de waardeburg ou la maladie de Hirschsprung. Mais heureusement ce n’est rien de tout ça


Ameyo: heureusement? Tu dis heureusement quand ma petite fille est malade? Elle dit en larmes 


Hana: je vous assure qu’outre l’apparence physique qui peut sembler effrayante, la seule chose qu’il faut s’assurer de faire c’est lui mettre la crème solaire pour éviter les coups de soleil aux parties où elle n’a pas de mélanine 


Ciara: est....est ce que y’a pas un traitement ou quelque chose? Elle demande désespérée 


Hana: des greffes oui mais faudra en discuter avec un dermatologue et honnêtement de ce que j’ai lu, ses traitements posent beaucoup de problèmes et ont un faible taux de réussite 


Ciara: merci. Elle répond sur un ton résigné 


Une fois ma sœur partie, Ciara et moi nous retrouvons seuls avec Snam. Je touche son petit front puis je la porte à mes lèvres. Elle n’a que dix jours de vie sur terre et on commence avec tout ça. Je ne veux pas de larmes pour ma fille quand elle vient juste de naître. 


Magnim: tout va bien se passer. Tu es aussi un ange que le Seigneur nous a donné mon bébé. On va bien prendre soin de toi et je te promets qu’on sera toujours tes meilleurs amis. Tu ne seras jamais seule tant que nous vivrons. Tout va bien se passer Ciara tu me comprends? La différence n’est pas synonyme automatique d’échec. Regarde nous. Deux porteurs de VIH qui avons réussi en dépit de tout. Nous travaillons, nous arrivons à subvenir aux besoins de nos familles et nous sommes heureux. Ceci n’est qu’un autre test mais on le passera comme les autres. Tu me fais confiance n’est ce pas? 


Ciara: Oui, elle répond d’une voix étouffée par les larmes 


Magnim: alors sèche tes larmes. Fais moi un beau sourire et embrasse moi


Elle s’exécute et je lui sors un sourire drôle pour la faire rire. Elle sourit et je le préfère ce sourire là. C’est celui qui m’a charmé en premier. C’est lui qui a déclenché le début de notre histoire. 



La suite, dans d'amour, d'amitié

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