74: le début du commencement...

Write by Gioia

***Elikem Akueson***

Je n’ai pas pleuré dans un rêve depuis mon adolescence. À l’époque, je pleurais en général de crainte, mais cette fois, ce sont des larmes de plénitude qui inondaient mon visage à mon réveil. Je prends mon téléphone qui dort en général à mes côtés et texte Romelio, vu qu’il est déjà six heures du matin à Lomé.

– c’est le stress qui commence à te gagner ? il me demande dès que je prends son appel

– où ça, j’ai plutôt rêvé que mon papounet et papa Eli me conduisaient vers Ray et que tu te tenais en avant comme officiant de la cérémonie. Bien que maman me faisait de grands signes de ne pas pleurer depuis sa place dans l’assemblée, je pleurais tellement que ma vue était trouble puis je me suis réveillée avec les larmes sur les joues.

– aww, promis on le fera comme ça à tes renouvellements de vœux

– pff au lieu de me dire que tu vas enfin te décider à devenir pasteur, je dis et il éclate de rire

– on t’a dit qu’on le devient sur commande ? il continue toujours à rire

– il te manque quoi ? Pendant que nous autres, on est au stade des « donc, euh, c’est-à-dire, effectivement », tu as déjà aligné trente phrases bien inspirées. Tu as une assurance tellement inhumaine dans la vie, que ça me prend toujours par surprise lorsque je t’entends douter. Et toutes les fois où je suis venue vers toi avec des craintes, tu as réussi à non seulement me faire croire que mes craintes n’étaient rien, mais qu’en plus mon esprit est plus fort que mes obstacles. Si ce n’est pas le passeport pour devenir pasteur ça c’est quoi ? Et il ne faut pas me dire que c’est parce que tu es le fils de tonton Auxanges hein. J’ai fréquenté d’autres enfants de pasteur qui savent aussi parler de Dieu, mais leur part ne m’a jamais touché

 – c’est parce que tu aimes mon affaire, il dit avec une pointe de fierté et d’amusement

– petit con que tu es, tu me rappelles pourquoi je n’aime pas te faire de compliments

– lol sérieusement, on ne devient pas pasteur parce qu’on aime Dieu. En tout cas, je n’ai pas le désir de le devenir. Et même si je voulais le devenir maintenant, ce n’est pas en deux semaines, que je serais prêt pour officier ton mariage hein ma co

– en réalité vous faites tous chier

– qui fait quoi à ma Perlan, il se moque

– papa Eli a dit de ne pas proposer à mon papounet si le premier peut se joindre à nous pour la marche vers l’autel. Toi aussi tu m’as refusé de proposer à Ray, si tu pouvais être membre du cortège nuptial. Pourquoi vous ne pouvez pas tous vous entendre et qu’on n’en finisse une bonne fois ? Dès que maman me propose un truc un peu ostentatoire et je veux parler, elle me rappelle qu’on ne se marie qu’une fois, donc que je la laisse. Si c’est bien le cas qu’on ne se marie qu’une fois, ce n’est pas le moment que j’aie ce que je désire ? Parce que ma journée idéale serait d’être entourée dans la joie de ceux qu’on aime, puis que nos familles et amis respectifs prononcent des bénédictions et nous promulguent des conseils pour notre vie future

– je comprends bougnoule, mais on peut agir avec sagesse tout en obtenant ce qu’on veut, raison pour laquelle j’ai mentionné un renouvellement. D’ici là je pense que ton papounet sera trop vieux pour se rappeler de ses différends avec papa Eli. Ensuite ton mari sera probablement plus détendu avec les années. Tu pourras même lui rappeler que votre première cérémonie était centrée sur vous, donc il peut t’accorder des libertés à la seconde

– j’aime pas ça, comme si on m’impose des choses, je dis toujours pas convaincue

– personne ne s’impose sur toi Elikem, tu fais des compromis, c’est différent, il m’explique encore

– bref, je ne sais même pas pourquoi je sonne comme un enfant récalcitrant ses derniers jours, il ne faut pas me regarder

– c’est ton karma pour ne pas avoir proposé à ma femme d’être ta demoiselle d’honneur

– avec ta mâchoire carrée comme le mot Karma, estime-toi heureux qu’elle soit invitée

– je t’ai déjà dit d’arrêter de la frapper avec l’eau de sa tante (une façon de dire qu’elle ne doit pas la juger pour ce que la tante a fait)

– je t’ai aussi dit d’arrêter les traductions littérales de mina en français, mais tu refuses donc nous continuons ensemble. Dis-moi plutôt ce que tu fous avec moi au téléphone à presque sept heures du mat au lieu de t’apprêter pour le travail

– j’ai trois fenêtres d’ouvertes sur mon ordi, une pour Airfrance où je complète la réservation des vols des parents, une de Carters où je choisis les vêtements de mes enfants pour qu’on les livre à Mally avant qu’il ne prenne son vol de retour, puis la troisième, c’est celle de Nyameba BME, un fournisseur d’équipement médical que je veux recommander au gestionnaire de l’hôpital

– mon cerveau a marqué un gros stop à la mention des enfants. Tu as commencé à repeupler le coin et je ne suis pas informée ? Pourquoi c’est Mally qui ramène les vêtements quand je suis ici ?

– tout doux avec l’excitation hein, je te vois littéralement sauter du lit ici, dit-il amusé. C’est Mally parce que tu as mieux à faire actuellement et on parlera des enfants quand on se verra

– toi aussi tu seras le parent de quelqu’un quoi, je rigole de bonheur

– j’ai dit qu’on en parlera de vive voix hein, arrête de me tenter, répond-il sur le même ton

Bien sûr, on continue quand même à danser autour du sujet pour quelques minutes bien que le type ne me lâche rien comme info concrète. Je le laisse finalement continuer ce qu’il faisait quand je l’ai dérangé avec mon message, et je retourne à mon oreiller. Me connaissant je risque de rêver de deux enfants, des garçons, le sien et le mien, couchés sous une table, échangeant des regards malicieux et étouffant des rires, pendant qu’on sera en train de les chercher.  

 

***Garcelle Ekim***

Les jours sont devenus des semaines et nous n’étions plus qu’à 72 heures du départ pour Libreville. C’est en sifflotant que je finis de faire nos valises et demande à Thierry quel genre de couches porte Lucille.

– huggies, pourquoi ?

– il faut bien lui prendre des couches non gros bêta, je dis avec humour

– je lui en ai déjà pris t’inquiète

– oui, mais on n’en a jamais de trop. Je t’ai envoyé une liste de snacks pour enfant que tu pourras prendre quand tu iras voir ta tante tout à l’heure. Et en passant, pourquoi ne pas la prendre directement chez sa mère histoire qu’elle passe du temps avec nous pour s’habituer avant le voyage ?

– Garcie je ne pense pas que ça soit une bonne idée

– pourquoi pas ?

– Vita n’a pas eu le visa, ce n’est pas le moment de lui prendre la petite déjà qu’elle doit mal le prendre

– OK, mais il faut bien qu’elle s’habitue à nous je te signale. Je ne vais pas porter un enfant qui pleurera sans arrêt dans l’avion juste parce qu’elle a peur de moi hein, je le préviens

– pas de problème, je vais m’occuper d’elle

– hum, que je ne te vois pas me regarder avec pitié dans trois jours dans ce cas parce que je te l’ai proposé maintenant. D’ailleurs je ne vois pas où se trouve le souci dans ma proposition. On dirait que cette femme n’a pas d’identité en dehors d’être la mère de cet enfant et toi aussi tu l’encourages avec ta façon de la traiter comme si elle était un œuf dès qu’on parle de la petite. Ou c’est moi le problème ? Tu ne veux pas qu’elle soit proche de moi ?

– bien sûr que non, mais il y’a une manière de faire. Bref, je vais faire les courses, il dit et se défile encore une fois

Si je soulève l’hypothèse maintenant qu’elle s’accapare l’enfant pour obliger Thierry à se rapprocher d’elle, ce dernier me dira que je commence à devenir parano, comme il l’a fait récemment. J’essaie d’éviter les disputes inutiles entre nous, donc j’ai opté pour une approche moins intrusive. De toute façon, la petite sera avec nous dans trois jours et ce pour deux semaines au moins. On verra si cette guigne fait encore sa maligne.

Ce n’est que la veille, je dis bien veille, que Thierry a eu le cran d’aller chercher sa fille. Sans mentir, je commence à me questionner sur lui. Est-ce qu’il a changé ? Parce que le TH qui m’a séduit c’était un déterminé, qui ne prenait pas de gants avec les gens. Je l’ai vu tenir tête à des adultes pour sa mère. Et là il m’affiche toute sa faiblesse pour une femme. Je déteste les hommes comme ça et j’espère me tromper. Parce qu’autant je l’aime, autant je passerai sans tarder à autre chose s’il s’avère être une femmelette maintenant.

Mon humeur était fracassante au réveil. Quand Thierry ne se levait pas de façon intempestive pour vérifier que la petite dormait, c’est qu’il était sur son téléphone. Il est finalement sorti de la chambre pour me donner de la tranquillité, mais sa face était devant la mienne quelques minutes après. Bon quelques heures en réalité, mais je n’ai pas eu assez de repos qu’il me réveillait qu’on devait se préparer pour l’aéroport. Il a dû prendre à la lettre ce que j’ai dit concernant le fait que je n’allais pas lui filer un coup de main pour la petite, parce que le temps de sortir de douche, il l’avait déjà calé contre son torse et lui donnait de la purée de céréales. La scène était un peu émouvante. Ça aurait pu être mon…, notre bébé dont il s’occupait avec tant d’attention. Bref.

– je peux finir de lui donner si tu veux, comme ça tu te douches

– pas besoin, j’ai déjà pris ma douche, va t’habiller, tonton Firmin m’a fait signe quand tu étais sous la douche qu’il quittait sa maison

– euh… OK, dis-je déroutée et vais me préparer

À mon retour, elle gazouillait dans ses bras tandis qu’il lui nettoyait la face tout en lui parlant.

– je lui donne sa douche alors ? Comme ça tu….

– elle est déjà propre aussi. Si tu comptes manger il faut te presser s’il te plaît, je vais m’habiller, annonce-t-il avant de se diriger avec elle dans la chambre  

Je n’avais plus de mots et vraiment plus rien à faire sinon manger ou me maquiller, ce que j’entrepris de faire. C’est un peu blessant qu’il me mette à l’écart, mais si c’est comme ça qu’il veut la jouer, OK, ça me fait des vacances.

On sonne à l’appart quand il ressort de notre chambre, bébé installé dans son Kangourou et un de nos trolleys à la main. J’ouvre à tonton Firmin qui s’est annoncé et veut rappeler à Thierry que j’aurais quand même pu porter la petite, mais il me devance sur un ton pressé, m’intimant d’engloutir mon petit déjeuner.

– mais pourquoi tu grondes ?

– Garcelle, on a demandé un service à quelqu’un qui a pris trois heures sur son travail pour nous, donc mange vite et tu descends avec une valise, il me lance brusquement avant de soulever une valise plus le trolley puis sortir

J’avais proposé qu’on loue un van nous-mêmes et le gare sur le parking de l’aéroport le temps qu’on rentre. C’est lui qui a refusé, stipulant que son oncle a un ami qui peut lui prêter le sien tout ça parce qu’il ne voulait pas payer. Maintenant on me stresse parce que monsieur aime trop la gratuité, pff !

Je descends et….

– qu’est-ce qu’elle fout là ? je demande confuse comme le mot devant la bouseuse qui dit à tonton Firmin qu’elle a fini de placer le siège du bébé

– bon installez là, TH, il y’a encore les valises en haut ? s’enquiert tonton sur ce ton abrupt qui le caractérise

– euh… oui oui, réplique mon chéri, qui pour sa défense semble également perdu, mais il laisse quand même la meuf prendre Lucille et l’installer

Un vrai pot de colle. Elle doit aussi passer voir la gamine avant que cette dernière prenne l’avion ? J’espère ne pas être ce genre de mère quand Dieu me fera grâce. En fin de compte, les valises sont descendues en un temps record par les hommes et nous démarrons pour l’aéroport quelques minutes plus tard.

– TH n’oublie pas de sortir la mienne aussi s’teuplait, j’entends la fille dire en arrière quand tonton Firmin se garait pour qu’on descende

– la tienne de quoi ? Thierry demande avant moi, parce que les mots s’entrechoquent dans mon cerveau à cause de la confusion

– bah ma valise, y’en a qu’une supplémentaire en dehors des vôtres, tu ne peux pas la manquer, elle se permet de répondre avec une note de confusion aussi dans la voix, comme si elle se demandait pourquoi il lui posait cette question

– ta valise ? Que tu pars où ? je demande le cœur brûlant

– dépêchez-vous de descendre hooo, je ne peux pas stationner ici si longtemps, nous engueule tonton Firmin

– qui va desc….. , je commence à m’échauffer, mais Thierry me coupe

– on descend Garcelle, il dit fermement, on va régler ça

C’est le coup d’œil menaçant qu’il lance à la pouffiasse qui m’aide à descendre parce que j’allais me verser comme une lave brûlante sur ce tonton Firmin là.

– Tu sors sa valise que pourquoi ? Hein Thierry ?

– Garcelle arrête de crier !

– Je crie si je veux ! Tu vas me dire sur le champ le pourquoi tu sors sa valise ! Ce n’est pas à toi que je parle ? HEY ! Tu vas où ? Je hurle plus fort, mais il s’éloigne comme si on ne se connaissait pas.

Je me retourne avec la ferme intention de tomber sur cette crétine qui croit aller Dieu seul sait où, mais elle n’est plus dans mon radar. Je la vois au loin entrer dans l’aéroport avec sa valise qu’elle tire. Thierry revient sur ses pas, avec un chariot et commence à le charger de nos effets.

– tu n’as pas fait ça, tu savais que je… je ne voulais pas qu’elle vienne… mais tu as joué le jeu avec elle…, je dis la gorge douloureuse à cause de la colère

– quand tu auras fini de crier, tu pourras me rejoindre pour qu’on ait une conversation civilisée, il me lance avec hargne et s’en va, poussant le chariot

Les doigts fébriles, je pianote sur mon téléphone le numéro du contact de papa. Tous les jours j’appelais cet homme pour lui demander s’il avait des nouvelles et il me répondait, « tout va bien ma fille, je travaille pour toi. »

– Allô ma fille, c’est comment vous n’avez pas encore pris l’avion ?

Je m’intime le calme avant de parler. Ce n’est pas le moment que j’explose, surtout pas quand je demande un service

– Tonton je ne comprends pas. Tu avais dit que ma demande n’était pas du tout compliquée non ? Pourquoi la fille a eu le visa ?

– Impossible ! Comment ça ? il fait surpris

– Tonton je te dis qu’elle est ici, à l’aéroport ! je l’ai vu de mes propres yeux ! dis-je impatiente

– Mais elle n’a pas fait de demande, comment c’est possible ? Ou bien.. , je l’entends demander à quelqu’un à côté si Vita Andres a déposé une demande récemment ? Hein tu vois, il me revient, mon assistant vient de me sortir les copies des récépissés qu’on a donnés à ceux qui ont déposé des demandes dans la semaine que tu m’avais dit. Je n’ai pas ce nom ici

– tu peux regarder pour la semaine suivante ? j’insiste bien que son ton devienne impatient

– j’ai Stéphane Akagbe, Margaret Hafield, Henrietta Andrade, J…

– Tu as dit Andrade ?

– Oui Henrietta Andrade. C’est elle ?

– Non non, peut-être elle ne l’a pas fait finalement, merci quand même tonton, je vais y aller, je m’empresse de rajouter pour éviter de me faire réprimander gratuitement

– D’accord, en tout cas, je continue à surveiller, et salue papa pour moi

– je n’y manquerai pas, je confirme puis coupe

Si c’est vraiment elle Andrade ce connard ne pouvait pas m’appeler juste pour vérifier ? Les oncles et tantes se sont ramenés de chaque coin du monde pour voir Ray se marier parce que beaucoup ne s’attendaient pas à ce qu’il réussisse quelque chose de sa vie vu comment il avait débuté, donc ils seront rassemblés pour assister à ma honte. À quoi ça sert que je rentre maintenant ?

 

***TH Ndouo***

Actuellement je me contente d’enregistrer nos bagages et rester concentré sur ma tâche. Vitalia utilise au moins sa cervelle et reste loin de moi parce que je ne suis pas d’humeur. C’est à la traîne que Garcelle a décidé de me rejoindre. Bien que j’eusse pris mes précautions pour qu’on parte à l’avance, les péripéties de la matinée nous ont causé du retard. Résultat, c’est à la course et in extremis que nous avons embarqué. Vita n’était pas comptée dans le voyage à la base. La meuf ne m’a jamais dit qu’elle a eu ce foutu visa d’ailleurs. J’ai juste conclu que pour une fois elle avait fait preuve de maturité et après réflexion s’était ravisée, comprenant que ce qu’elle voulait faire était totalement ridicule. Plus petit, lorsque je gaffais, ma mère pour me menacer avait l’habitude de me dire que c’est la personne qu’on ne connaît pas qu’on appelle un ami. En langage familier, c’est, continue de jouer comme tu te crois malin, tu me connais, tu sais où je vais t’attraper. Et elle m’attrapait toujours. Très souvent, quand j’avais complètement oublié mes offenses et je croyais qu’on était en bons termes vu qu’elle me souriait. Pourquoi j’ai pensé que Vita rimait avec maturité ? Pourquoi j’ai cru qu’elle était mon amie ? Avec le recul, je suis sûr que si je lui demande, elle me retournera une autre question, soit « si tu voulais savoir pourquoi tu ne m’as pas questionné », au lieu de répondre comme un adulte.

Si elle n’était pas présente en revanche j’ignore comment on aurait géré la crise que Lucille m’a faite une vingtaine de minutes après le décollage. Elle ne cessait de geindre, rejetait sa tétine, ses biscuits, l’eau, et je ne trouvais aucune position qui la calmait. C’est Vita assise quatre chaises derrière dans la rangée du milieu, qui s’est déplacée pour venir la prendre et l’allaiter.

Garcelle a sa capuche sur sa tête de telle sorte que je ne vois même pas son visage. Depuis qu’on a pris place, elle est restée dans cette position et certes, je n’ai pas apprécié son comportement avant l’embarquement, mais j’imagine un peu comment elle doit se sentir. Je prends sa main et la garde dans la mienne. Vu qu’elle ne réagit pas, je n’insiste pas. Elle s’est probablement endormie, vu qu’elle n’a pas passé une bonne nuit. J’étais moi-même debout pour la majorité, vérifiant que Lucille respirait encore, et mettant à jour Vita régulièrement pour qu’elle ne s’inquiète pas. Et voilà comment sa bouche pointue comme celle d’un dauphin me remercie.

Je m’assoupis légèrement, mais pour une courte durée. Une fois debout, je vais voir si tout se passe bien avec les filles de l’autre côté. Le voisin de Vita m’informe que cette dernière a dit de la retrouver en arrière de l’avion si jamais je la cherche. Je les y retrouve effectivement ; j’ignorais d’ailleurs qu’un arrière aussi spacieux existait dans un avion, mais les deux y sont et font les cent pas tout s’amusant

– vous êtes bien, continuez à crier comme c’est votre salon

– rrraaahhh, elle fait semblant de crier, ce qui fait rire aux éclats Lulu et m’arrache un sourire malgré tout

– elle était encore grincheuse ?

– va savoir ce qui l’a possédé pendant une seconde, elle ne voulait pas s’asseoir malgré mes tentatives

– ne cherche pas loin, elle ne faisait que venger son papa, n’est-ce pas ma chérie, je dis tout en lui prenant la petite

– Waow Lulu, tu en as de la chance, un papa qui aime faire la misère à maman, vous êtes bien assortis, elle lui couine et lui fait des grimaces. Je cogne son front avec le revers de ma main

– c’est toi qui parles de faire la misère quand tu t’incrustes dans ce qui était censé être un voyage en amoureux ? Tu sais ce que ta présence risque de causer comme trouble dans ma vie ?

– la prochaine fois tu y réfléchiras à deux fois avant de baiser une meuf autre que ton amoureuse han. En plus je suis là uniquement pour Lulu si jamais elle a besoin de maman, ce n’est pas comme si j’aime tant voir ta face donc t’inquiète tant que mon bébé ne me réclame pas, je serais dans mon coin

– hum je vais te prendre au mot !

– et toi arrête de baiser…

– hey la petite, dis-je en couvrant ses oreilles

Elle s’abaisse à son niveau et lui dit de dire à papa de contrôler sa queue avant de prendre les gens au mot puis s’en va. Le respect pour le papa que je suis est où ?

Je retourne à ma place avec Lucille qui ne se gêne pas pour croiser les jambes et s’émerveiller devant le dessin animé que je lui mets. Dans tout le tumulte qui m’entoure, ses réactions restent une source d’amusement et de joie pour moi.

 

***Raymond Ekim***

Il faut le faire et ce n’est pas de TH que j’attendais ça. Je pensais d’ailleurs que cette histoire d’enfant n’était qu’une rumeur, mais la confirmation était là, en chair et en os, dans un siège auto que portait une meuf que je ne connaissais pas. Le petit portait un air gêné et tirait les valises tandis que Garcie avait l’air remontée.

– On y va ! me lance-t-elle et prend les devants sans attendre une réponse

– ah permets que je salue quand même les gens. Ça va mec ? C’est le bébé Ndouo ça hein, plaisantai-je face à la bouille rigolote de la gamine

– Raymond c’est quoi !!! Je dois te supplier pour rentrer à la maison ?

Je me suis levé de bonne humeur aujourd’hui, hors de question que Garcelle m’entraîne dans ses crises donc je l’ignore tout bonnement et file un coup de main à Thierry avec les valises.

– s’il vous plaît, est-ce que vous pouvez me faire du change ? me demande la fille

– je vais lui donner grand t’inquiète, répond TH

– tu en auras assez ? je dois prendre un taxi pour l’hôtel… un instant, elle dit et sort son téléphone

– tu es comment cette fille ? Tu as même réservé une chambre d’hôtel dans une ville qui t’est inconnue au lieu de me demander ? la réprimande TH

– qui va rester à l’hôtel quand j’ai des places libres chez moi ? je les interromps dans leur cinéma

Je sens que mon petit veut me parler en privé, donc on s’éloigne légèrement de la fille.

– grand ça ne va pas fort avec Garcie, en plus c’est ta semaine, je ne veux pas causer de soucis

– tu ignorais ça avant de ramener la fille avec toi ?

– ce n’est pas comme ça que c’était planifié au départ. Les choses se sont ramassées sur ma tête à la dernière minute. Elle est là surtout pour aider avec la petite au besoin

– raison de plus pour qu’elle soit dans un coin sécurisé au besoin non ? De toute façon les parents vous attendent à la maison avec le bébé, selon ce que j’ai compris. Si c’est pour la discrétion que tu crains, t’inquiètes, il n’y a personne chez moi. Ma femme n’est pas encore arrivée, mais elle est très discrète comme personne aussi, donc tant que la maman de ta fille ne cafte pas, rien ne sortira à notre niveau

– je pourrais t’embrasser sur le coup si tu n’allais pas me foutre une droite, il me dit tout en me faisant l’accolade

– bon point, la gauche allait suivre tout juste après la droite, je rigole

Nous partons quelques minutes plus tard. La face de Garcelle gonflée comme l’avoine dans l’eau me fait bien marrer, mais bon je reste quand même concentré sur la conduite. On avait prévenu la fille du plan, et sur demande de TH, on l’a laissé dans un hôtel au hasard sur le chemin, histoire de tromper la vigilance de Garcie, puis j’ai déposé les Lillois à la maison familiale. Puis je suis allé chercher Vitalia, comme elle s’était présentée pour l’emmener chez moi.

– merci de me dépanner, c’est vachement sympa, dit-elle visiblement débarrassée d’un poids aussi

– pas de soucis, je suis un peu éreinté donc je monte me coucher, mais sens-toi libre de réchauffer un restant si tu as faim, ou cuisiner un truc si ce que j’ai en frigo ne te plaint pas. La chambre d’amis c’est la seconde sur la gauche. Ma femme avait laissé du gel douche à son dernier passage, je crois hein, sinon…

– ne t’en fais pas, j’ai tout ici, dit-elle en me montrant sa valise

Je la laisse donc et monte me reposer parce que j’en ai vraiment besoin. Je n’ai pas arrêté ses deux derniers mois. Nous avons reçu la semaine dernière la plus grosse commande passée depuis cinq ans. Et avant ça, j’ai réussi à convaincre papa d’ouvrir une autre branche de la boutique non loin du cabinet vétérinaire de Glass. Quand je dis avant, je parle de six mois, à argumenter et pointer à ce monsieur les avantages d’une expansion ici à Libreville au lieu d’en ouvrir une deuxième au Nigeria. On aurait manqué l’achat de l’ancien bar si je n’avais pas fait les premiers pas, déposant carrément une caution et faisant les yeux doux à l’ancienne propriétaire pour qu’elle ne le cède pas à la file d’acheteurs tout aussi intéressés. Je n’ai pas non plus fait tout ça pour les beaux yeux de papa, mais aussi pour moi. Je lui ai fait promettre par un contrat que 20 % des recettes me reviendraient en plus de mon salaire fixe. Et 2 % de hausse aux trois ans sur ce 20. Je fus le premier surpris d’aimer travailler pour lui, mais je ne compte définitivement pas rester là dans ma quarantaine. Je vais enfin retourner dans la restauration, en ouvrant un Steakhouse l’an prochain. Le projet était en conception depuis mon retour. Je manquais juste de fonds et une vision claire au début. Pour dire vrai, c’est ma femme qui m’a mis le feu aux fesses, me faisant livrer une tonne d’épices texanes depuis les États-Unis à mon trentième anniversaire. Un message codé pour me dire qu’il était temps, et j’étais d’accord. J’avais assez conçu et carrément lancé le resto en tête. C’était le moment de le concrétiser et ça sera à Pog où nous vivrons aussi parce que Perla s’est entichée de cette ville.

Là-bas au moins elle ne se fera pas envahir par la famille là-bas parce qu’ils ont déjà commencé. La personne n’est pas arrivée que j’entends déjà des inepties. « Oh je n’ai pas trouvé de Gabonaise à épouser avec toutes les jolies filles ici » ; « est-ce qu’elle sait d’abord cuisiner nos mets ? » « Pourquoi c’est ici qu’on fait la dot, normalement c’est dans le pays de la femme que la famille de l’homme se rend. On est sûr qu’on n’a pas ramassé une parvenue d’un trou perdu ? Parce qu’eux n’acceptent pas les sangsues dans leurs rangs ». J’ai déjà rappelé que je ne suis pas de leur famille donc qu’ils gardent leurs bouches loin de ma vie et bien sûr, les plaintes ne cessent de fuser sur comment je n’ai pas laissé les vieilles affaires derrière. Ça c’est le discours des faux-culs. Ils te chantent que le passé est passé. Les honnêtes au moins te rappellent qu’ils ne sont pas tes égaux. Parmi eux, certains ont déjà menacé que si c’était pour subir l’arrogance d’un jeune qu’on les a fait se déplacer, c’est mieux ils retournent chez eux. Papa et sa femme disent qu’ils jouent aux médiateurs. Je les regarde au loin. J’attends juste que la famille d’Elikem débarque et on verra si les médisants auront encore à dire.

La nuit fut reposante. TH à qui j’avais expliqué la veille comment arriver chez moi, était à la maison aux aurores, avec les excuses dans la bouche encore, qu’il venait vérifier que la mère de son enfant ne m’avait pas trop dérangé. Pour l’emmerder, j’ai demandé où il a laissé Garcelle pour avoir le droit de sortir si tôt.

– hum grand il faut seulement prier pour ton petit, elle s’est enfermée dans sa chambre à notre arrivée et ce matin, la bonne m’a dit qu’elle était sortie avec maman

– j’espère que tu n’es pas venu en douce pour baiser la fille hein, je ne…

– No oh, il s’écrie mains levées comme si je venais de l’accuser d’un meurtre. Sa face me tue de rire

– Détends-toi, je t’embête. Le bébé est où et tu es ici ? je lui demande

– On dirait qu’elle aime bien Toni parce qu’elle n’avait plus mon temps dès qu’il a commencé à jouer avec elle

– hum lui et les femmes, c’est une longue histoire. En tout cas, je pense que ta go n’est pas encore réveillée

– pardon ne dis pas les choses comme ça, ma go c’est Garcelle

– tu ne vois pas que ton cul est entre deux chaises hein petit. Depuis quand on se lève à 7 h pour venir vérifier que quelqu’un n’a pas dérangé ? C’est ton enfant ?

– tu parles parce que tu ne connais pas la fille là avec sa bouche de dauphin. Elle peut emmener quelqu’un à sauter d’un pont seulement dans la colère

– lol il faut dire qu’elle te donne envie de sauter d’un pont mon cher. En tout cas, j’ai des courses à faire. Si tu comptes rester, je te préviens de ne pas sauter la fille ici. Parce qu’on vous connaît. Quand vous commencez à vous prendre la tête ce sont les habits qui volent en éclat après

– les Anglais ont dit Never, la version française c’est neveeeuuurrr

– ta vie est bien, comme tu as encore la bouche pour sortir les blagues, rigolai-je. Ta famille vient de Franceville quand au juste ?

– deux jours avant le mariage ; j’ai demandé qu’ils viennent avant, mais tu connais la vieille et les études. Elle dit que Vieira n’a pas vraiment assuré sa première donc hors de question qu’elle annule ses répétitions journalières pour venir traîner à Loubev. Vieira veut seulement se jeter d’un pont

– Vous les enfants de papa Henri vous aimer vous jeter deh, c’est comment ?

– c’est le petit cœur oh, on va faire comment, c’est ce qu’il nous a laissé, il blague

– petit con, sort de ma maison, je ris aux éclats

– bientôt, je cours vite voir ce que l’autre là fait en haut, il dit et se met à crier, « Vita, tu vas te réveiller oui, j’ai apporté le balai pour toi, viens faire le ménage, ce n’est pas au pays que tu voulais venir »

Quand on a un petit cœur, on n’est pas supposé rester sage au lieu de provoquer les gens ? Et il continue en haut hein. J’entends la fille lui dire d’une voix ensommeillée qu’elle veut manger des croissants et il lui répond d’une voix nasale que les gens qui ont l’haleine de chacal doivent jeûner le matin. Je sors sinon je vais rester là à écouter leurs échanges et rire comme quelqu’un qui a le temps.

La famille de France de Perla est arrivée en premier. Ils ont préféré rester dans un hôtel. Ceux du Kenya le lendemain. Je les ai installés dans la maison louée pour la dot et là où ils résideront. Le plan c’est qu’on fera la dot ici puis le mariage à Pog. Perla est arrivée avec son frère le soir là. Je l’aurai dévoré sur le champ si nous n’avions pas de public. Son convoi de Lomé nous a rejoints en dernier. Je dis convoi parce qu’il y’a tellement de gens que je m’y perds.

Deux jours avant la dot, nous avons organisé un dîner de bienvenue, histoire que les deux camps se familiarisent un peu avant le début des festivités.

– est-ce que tu peux m’apporter une canette s’il te plaît ? j’entends la belle-mère de Perla demander à Garcelle qui se levait pour retourner au buffet

– Vous n’avez pas des pieds, Garcelle lui répond avec hostilité et roule les yeux. Les cris d’effroi s’élèvent de partout

- oh…, fait la dame confuse tandis que le papounet de Perla demandait, « c’est quoi cette attitude méprisante avec des invités »

– écervelée ! tu t’excuses sur le champ ! m’écriai-je tandis que les parents s’excusaient puis la réprimandaient

– heeyyyy, s’exclament les gens dans mon camp. C’est ta sœur que tu insultes devant des étrangers ? Andino j’ai bien entendu ou…. ? demande un oncle et il laisse sa phrase en suspens

– tes oreilles n’ont pas entendu cette idiote en premier ?

– Raymond tu arrêtes ! m’ordonne papa. Nous sommes réunis pour un heureux évènement, essayons de retrouver nos esprits ainsi que la bonne humeur dans laquelle la soirée avait débuté

– Non non non, Andino, on doit régler ça maintenant, parce que je vois que Raymond est parti soulever une famille qui ne sait pas respecter les gens, lui répond une de ses amies qui s’est érigée seule en grande sœur de la famille

– Pardon ? dit Perla après un rire dérisoire

– bébé laisse que je règle ça

– tu crois que je vais m’asseoir ici quand on insulte les miens ? C’est une blague ?

– qui a insulté ici ? N’est-ce pas vous êtes arrivés en grand nombre jusqu’à louer une grosse maison et certains parmi vous sont même descendus à l’hôtel comme si on n’avait pas des chambres chez nous pour vous ? Pourquoi vous demandez à notre fille de vous chercher une canette ? rajoute la femme du frère de papa.

– Mes chéries on y va, je ne m’engage pas dans les échanges destructeurs pour mes neurones. Lorsque vous apprendrez les notions suivantes, le respect, et la dignité, vous pourrez passer à l’hôtel le Cristal pour nous chercher. Oh et une façon de montrer du respect c’est de s’annoncer avant de se présenter chez les gens, donc ne tombez pas sur nous à l’hôtel comme si on avait élevé les cochons ensemble. Ray connaît mon numéro, dit le papounet de Perla puis s’en va suivi de sa fille Aurore. Sa femme à qui Garcelle avait mal parlé s’en va par la suite, suivie de tata Ciara, ainsi que Perla, qui me dit qu’elle va essayer de les calmer.

– mais enfin c’est quoi votre problème ? Quelqu’un est chez vous ici ? je me déchaîne sur eux

– nous allons vous laisser dans ce cas, annonce aussi le papa de Perla. Il semble que vous avez beaucoup à régler

Les autres se lèvent un par un et le suivent également. Je reste là honteux, et furieux face aux miens.

– C’est quoi cette attitude de villageois que vous venez d’afficher devants des invités ? vous savez qui sont ses gens ? papa leur demande tandis que maman Marcelle tire au loin Garcelle

– Villageoiiisss ? C’est pour les Africains de France que tu me parles comme ça Andino ?? Dois-je te rappeler que mes enfants fréquentent les grandes écoles au Danemark ? Eux-mêmes savent qui je suis ? dit la sœur aînée de maman Marcelle

***Romelio Bemba***

J’ai essayé de tempérer les parents, mais les tensions sont hautes donc je les ai laissés en chambre, histoire d’aller voir si Elikem avait plus de chance avec son papounet dehors. J’arrivais quand Ray criait aux adultes de sortir de la maison, tandis que Perla revenait. Dès qu’ils sont dehors, il se lance verbalement sur Elikem, sans lui laisser le temps de parler.

– je t’avais dit Perla ! On n’a pas besoin de famille, faisons notre chose à huis clos, mais non, j’étais le méchant. Tu vois ce qui se passe quand tu ne veux pas m’écouter ?

- « je » ? C’est devenu un « je » quand ce sont les miens qui se sont fait dénigrer ? C’est moi qui ai dit à ta sœur d’être malpolie ?

– si tu m’avais laissé faire comme je voulais dès le début vous n’auriez pas subi son attitude malpolie.

– pourquoi tu te fâches contre moi en fait ? dit-elle après un rire ironique. Je dois te rappeler que c’est ma tata Lou qui s’est fait embêter ?

– Bref ! je….

Son téléphone sonne à ce moment. Il bredouille « un moment » sur un ton bourru et prend l’appel. Environ deux minutes plus tard, il s’écrie « cambriolage ? » et se met à jurer en désordre. Je sors de ma cachette à la rescousse quand il titube et Elikem se rapproche en vitesse pour le soutenir. Ce Séjour à Libreville devait être le début d’une vie nouvelle normalement, pas des problèmes.

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