Alexander

Write by leilaji

Chapitre 7

 

***Alexander***

 

     Ne refais plus jamais ça.

    Plus jamais quoi ? Te sauver la mise ? dit-elle en croisant les bras sur sa poitrine en signe de défi.

    N’entre plus jamais dans mon bureau comme dans un moulin à vent. Sinon la prochaine fois, je vire la secrétaire. Puisqu’il semblerait qu’elle n’arrive pas à faire correctement son job. est-ce que je me suis bien fait comprendre ?

 

Elle se rapproche de moi. Seule la table en bois d’ébène de mon bureau nous sépare.

 

     Tu es comme les autres finalement. Tu te crois supérieur aux personnes avec lesquelles tu travailles parce que t’as la peau plus claire c’est ça ? Je te signale que tu n’es pas blanc. Ceux qui sont comme Wacquez te méprisent autant qu’ils me dédaignent. Mais moi malgré nos divergences, je viens de te sauver la mise et tu es trop orgueilleux pour me remercier.

 

Je lui ai demandé de s’asseoir mais elle reste debout, le menton levé, la mine fière, indomptable ! Cette femme ne fait jamais ce qu’on lui demande ?

 

     Je n’allais pas signer de toute manière. Je cherchais juste le moyen de ne pas le faire sans le blesser et briser notre amitié. Mais grâce à toi je l’ai carrément insulté. Alors je ne vois pas pourquoi je devrais te remercier.

 

Elle secoue la tête déçue par ma réponse.

 

     Alexander, j’ai l’impression que ce petit jeu t’amuse beaucoup. Mais la note injustifiée que tu m’as mise m’a coutée ma place d’associée junior. Je viens de perdre les fruits d’un travail de plus de cinq ans. Tu ne te rends pas compte de ce que tu as fait. Ma place a été donnée à une française.

    Je ne savais pas que tu étais encore aussi naïve. Les gabonais comme les indiens ont été colonisés par les européens. Vous par les français et nous par les anglais. Mais contrairement à vous, nous avons su garder notre identité et notre pays pour nous. Vous, vous passez votre temps à mettre à la tête de vos entreprises des étrangers. Inconsciemment vous pensez encore qu’ils travaillent mieux que vous. Je ne t’ai pas fait perdre ta place Leila. C’est le système que vous avez-vous-même instauré qui te l’a fait perdre. S’il comptait vraiment te donner cette place, il te l’aurait donné malgré la note attribuée par OLAM. Cinq ans de travail ne peuvent être balayés par une simple erreur. Et ça tu le sais parfaitement.

    Non mais je rêve là. Tu ne me connais pas, tu ne connais pas ce pays. Tu ne sais rien du tout.  

    Regarde-toi. T’es seule et ça se voit. Tu ne vis que pour ton travail. Où es ta famille ? Ton entreprise va t’utiliser, te presser jusqu’à la dernière goutte et quand tu n’en pourras plus, tu seras remplacée par une autre sur diplômée bien plus jeune que toi.

 

Je contourne le bureau et viens près d’elle.

 

    Je ne suis pas blanc. Je le sais. Mais tu n’es pas blanche non plus Leila.

    Je n’ai jamais dit que je l’étais.

    Et tes cheveux lissés c’est pour quoi ? Tes satanés tailleurs ? Je ne t’ai jamais vu porter un pagne africain…

    Donc si je ne porte pas de pagne africain et que je me lisse les cheveux ca veut dire que je me prends pour une blanche ?

    Tu n’es pas non plus un homme. Tu n’as pas à être plus forte que tout le monde tout le temps. Dans ma culture, les hommes prennent soin des femmes, dans la tienne aussi il me semble. Laisse les femmes européennes tenter de prendre la place des hommes. C’est un combat perdu d’avance. Tu es brillante. Tu n’as plus rien à prouver à qui que ce soit, crois moi.

 

Je replace derrière son oreille une mèche de cheveux qui s’est échappées de son chignon toujours si parfait. Elle ne bronche pas. Nos corps sont proches mais rien ne se passe. Je la sens perdue et triste, si triste. Ses yeux brillent, je crois qu’elle prend conscience de la justesse de mes paroles et se retient de pleurer devant moi. Elle veut être forte, tellement forte. Forte en permanence. C’est un défi épuisant. Je le sais par expérience.

 

     Je ne veux plus jamais te voir, dit-elle d’un ton tranchant.

 

Puis elle s’en va. Je ne la retiens pas. Ce n’est pas encore le moment. Elle est en colère contre moi et elle a raison. Je n’y suis pas allé de main morte. Elle a besoin de se retrouver seule pour réfléchir.

 

Je n’avais pas l’intention de lui dire tout cela, de la blesser. Mais je ne sais pas pourquoi malgré toute la tension qui règne dans notre relation, j’ai envie de prendre soin d’elle. Du moins pour quelques temps. Je ne suis pas l’homme des longues relations. Mais je sais que je peux lui apprendre à lâcher prise. Elle en a besoin. Maintenant. Je ne sais pas comment ça se fait mais je lis en elle comme dans un livre ouvert. Tous les sentiments qui l’habitent, la frustration, la solitude, je les ressens avec elle.

Depuis le temps que je suis ici, elle est la seule à avoir remarqué que mes yeux changeaient de couleur. Ce n’est pas aussi évident à remarquer qu’elle semble le penser. Pourtant, elle l’a remarqué. Leila l’a remarqué. Cette femme a quelque de spécial. Quelque chose que je ne peux m’empêcher de vouloir à tout prix connaitre.

 

On a des choses à partager elle et moi, j’en suis amplement conscient. Pas pour longtemps, je ne sais pas m’attacher pour longtemps. Et à mon âge, on ne se refait pas. J’ai ce désir violent qui me pousse vers certaines femmes, pour quelques semaines, voir quelques mois. Puis le sentiment perd de son intensité et je sais à ce moment là, que je n’ai plus rien à donner à ma partenaire. Alors je m’en vais. Ce n’est pas le moment que je préfère dans une relation mais je n’y peux rien. On en passe toujours par là. Puis j’ai droit aux pleurs, aux cris mais je ne reviens jamais sur ma décision. Les choses sont ainsi. 

 

Je crois que tous les deux nous sommes prêts pour une brève liaison. Et à voir l’électricité que créent nos altercations, je crois que ce sera une liaison brève

 

 

 … mais torride.  

 

Leila, ma petite Leila. Je vais te faire crier mon nom. Tu vas aimer me sentir en toi. 

Les amoureux du Taj...