Au sol 3
Write by ngengeti
Au Sol 3
J'ai à
peine fini de dire en souriant :
- Nous allons donc passer à taaa....
Que le mot « table » a soudainement été
coupé et enseveli par un gigantesque vacarme venant de la salle à manger, où le
buffet était disposé. Et personne ne pouvait faire autrement que d’entendre ce
qui s’y passait. On pouvait distinguer le bruit de verres, de la vaisselle
cassée, de liquide et de contenu de diverses textures, les métaux des plats en
inox, et des couverts, entre autres objets, en train de rejoindre le carrelage.
L'un à la suite de l'autre.
Une bonne partie du contenu qui se trouvait sur la fameuse
table sur laquelle j’invitais mes convives, à peine quelques secondes plus tôt,
devait forcément se retrouver renversée au sol.
- Oohhhh.... nooon... était la réaction à peine audible, qui est sorti au ralenti de ma bouche. Toute l'incrédulité et d'autres sentiments peu reluisants étaient aussi en train de faire surface. Mais il y avait surtout un déni que le visage de mes amis tout aussi choqués que moi, m’obligent aussitôt à balayer de mon processeur interne. J’évite le bug – Error 403-ngengeti- de justesse.
Les invités eux, s’écrient de tous les cotés :
- Qu'est ce que c'est que tout ce boucan?
- Ne me dis pas que c'est notre nourriture ?! S'énervaient déjà certains.
- Donc, ce que je viens d'entendre ...?
- Qu'est ce qui s'est passé?
Demandaient encore d’autres invités en quittant déjà leurs sièges.
- C’est bien la nourriture…
- Oooh ! Mais tu fais quoi comme ça ?!
- Laisse, … Non ! Lâche ça !
- Quoi?!
- C'est pas vrai. Tu mens! La nourriture de qui ?!
- Mais, tu n’entends pas comme moi ?
S'étonnait d'autres personnes qui avaient entendus les remarques des précédents.
Les invités, dont certains avançaient vers l'origine du bruit, ont finalement, pour la plupart, plus ou moins compris ce qui se passait.
Mais peu de personnes avaient encore une idée claire de la raison du désastre, en dehors des personnes à l'origine. Bien entendu.
Pour ma part, mes jambes se refusaient à suivre le flot. Je n'ai pas bougé d’un iota.
Au même instant, un enfant s'est plaint à sa mère qui discutait dans le lot des personnes dépités, en lui tenant la jambe pour qu'elle ne le laisse pas et suive les autres.
- Maman! J'ai faim... Mamaaan !
- Attends, mon enfant, on va bientôt manger. Va patienter avec les amis là-bas…
- Mais, mama..
- Allez ! Vas-y !
A ce moment là, l'urgence de la situation m'a frappé.
La priorité du moment m'a été rappelée par cet enfant. Dans mes pensées, j’essayais de décider quoi faire pour faire face au plus vite.
- Il est bien vrai que j'ai des invités qui s'attendent à un festin. Ils doivent manger. Mais au vu de la situation, du bruit qui vient de nous parvenir, pas grand chose ne doit être sauvable. Je le sais parce que j'ai plus ou moins reconnu les sons des grands plats principaux, au tintamarre qu'ils ont fait quand ils touchaient le sol. Je sais que même s'il reste quelque chose dans les marmites en cuisine,... et là je souffle, ça sera pas assez! ... Ajouté à ce qu'il y aurait comme reste intacte, par le plus gros des miracles, dans ces plats qui seraient encore sur la table, mais bousculés et déversés sur la nappe... pfff... je soupire encore. Ça va pas le faire. Ils ne seront pas rassasiés...
J’ajoute à haute voix cette fois, comme pour me motiver :
- Faut que tu te bouges. Ils ne vont pas manger des air-burgers. Ok.
J'ai finalement sorti mon téléphone de ma poche pour lancer le numéro de la femme qui m'a donné un coup de main et venait à peine de me quitter pour rentrer chez elle et s'offrir un repos mérité, après tout le travaille de préparation, cuisson et nettoyage abattu en cuisine, très tôt ce matin, et la veille, pour cette occasion.
- Allo ? Excuse-moi. Je sais qu'on vient à peine de se dire au revoir. Mais s’il te plait, ...pourrais-tu, si tu n'es pas encore trop loin, demander ...
Je débitais tout cela en regardant droit devant moi sans fixer une personne en particulier. Tout en m'éloignant des oreilles curieuses des invités.
Les plus inquisitifs parmi eux qui ont été évalué les dégâts du côté de l'origine du vacarme revenaient. Ce qui a ajouté au tohu-bohu. Pendant que les autres attendaient de savoir ce que je comptais faire de la situation.
- Non, je suis tellement fatiguée que je marche comme une tortue. Je suis pas encore loin. C'était la réponse de mon interlocutrice au téléphone.
- Miss, désolée... hmmm... J'aurais du t'appeler un taxi qui te dépose. Je lui réponds, assez gênée de n'y avoir pas pensé plus tôt. Il faudrait préciser que je me disais aussi que le montant du bonus quelle avait reçu devait couvrir allègrement son transport.
- Non, non t'en fais pas. Elle me rassure immédiatement. Sentant mon embarras. Ça me fait prendre l'air. Avant de rester coincé dans la voiture pour cette distance, surtout sous cette chaleur.
- Ok. Miss, Je reprends rassurée. S’il te plait, pourrais-tu demander à mama sauce, si tu n'es pas loin de son coin, si elle peut me prêter une personne pour m'aider à nettoyer ce ... hm, je soupire et expire fort,…
-Qu’est ce qu’il y a ?
- Je ne sais même pas quoi qualifier ça.... En tous cas, il y a de la casse. Et forcément de la nourriture au sol...
Elle réagit très vite, avec toute la surprise évidente, attendue :
- Quoi?! ... Mais?! ... Attends,....je ne comprends pas. Vous avez déjà fini de manger ? Si vite?! Elle me demande, sidérée.
- Hm! Ma chère. On a même pas eu le temps de commencer...
- Nooon!
- Hm! J'appelais les gens à venir se servir. Personne n'a vu cette jolie table prête à les accueillir....
- C'est pas possible!
- En plus, il me faut des plats de services et des assiettes pour 15 personnes, à peu près.... je ne sais pas ce qui reste comme plats intactes...
- A ce point?!
- Je ne sais pas. Bref. Je donnerais celles en plastique aux enfants....
- Qu'est-ce qui s'est passé? Tu as vu?... Il reste quoi sur la table?
- Non. Je ne sais pas. J'ai juste entendu lorsque tout tombait au sol. Je n'ai pas regardé. Je ne sais pas ce qui reste comme nourriture sur la table...
A ce moment là, une amie qui est allée constater les dégâts se rapproche de moi et me souffle:
- Désolée...
Je la regarde et l'invité à continuer du regard. Elle me dit donc contrite:
- Il reste un seul plat intact sur les cinq, et une sauce sur les trois. Du riz sauté en partie, les tubercules en très petite partie, ...
Je ferme les yeux et me frotte les paupières. Je soupire encore une nouvelle fois, bruyamment. Pendant que la femme à l'autre bout du combiné qui a suivi le rapport s'exclame:
- Un seul plat! Sur toooout ce qu'on a préparé?! Mais qui a fait cela et comment ça... ?
L’ironie de la situation est que dans tout cela, je comprenais son indignation en pensant au travaille abattu et au gâchis monumentale. Je pouvais très bien l’imaginer debout en plein milieu du chemin en train de faire les grands gestes accompagnants toutes ses déclarations abasourdies. S’il s’agissait d’un dessin animé, ou tout est effaçable, et fake, je rirais de cette image d’elle en train de gigoter seule sur la route en criant dans son téléphone. Mais c’était tout sauf une mauvaise blague et le temps passait. Il fallait que je la reprenne, sinon on serait encore là pour un moment.
- Je ne sais pas... Mes invités attendent miss. Donc, pour la bouffe, s'il te plait, il faut demander à mama sauce et ses voisines de me dépanner très vite....hm, je voudrais des parts de sauces pour 15 personnes et pour un budget de... hmm... en fait, on va faire comme ça: je vais lui donner ce que j'ai sur moi et lui faire un transfert dès qu'elle confirme et livre.
- Elle a des parts prêtes à servir ?
- Je pense, oui.
- S'il te plaît, vérifie.
- J'y vais tout de suite.
- Merci beaucoup. J'attends ton coup de fil...
Je raccroche, et me tourne vers la salle sans poser le geste de faire un pas vers l'avant pour y aller. Mon amie me comprend sans que je ne dise rien.
Au Sol ! © Ngengeti ~ A la Volée – On a Fly