Chapitre 1

Write by leilaji

La belle et la bête

EPISODE 1

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé les histoires d’amour. Je trouve réconfortant de voir deux personnes s’aimer envers et contre tout dans un monde où tous les pousse à se fuir. Il n’y a rien qui me donne plus le sourire qu’un homme qui promet à une femme de toujours la protéger. Il n’y a rien qui me rend plus heureuse que de voir une femme jurer à un homme de toujours le chérir. C’est peut-être est-ce parce que je n’ai jamais vu mon père aimer ma mère ou ma mère prendre soin de mon père, que ces instants chez les autres me sont précieux. 

Et lorsque qu’on a le cœur plein de guimauves comme moi, il n’existe qu’une seule et unique vérité. Les meilleures histoires d’amour ne sont pas écrites dans les contes européens, les super productions d’Hollywood, ou même les indétrônables romances musicales indiennes. Non, elles sont écrites dans les « dramas ». Plus précisément dans les Kdramas termes que seuls quelques aficionados peuvent prononcer. Je souris bêtement devant l’écran de ma tablette où je viens de recevoir une notification concernant la future série d’un des acteurs préférés de ma meilleure amie. Sincèrement s’il n’était pas déjà pris par elle, je me serai bien permis de tomber amoureuse de lui. Mais il n’est pas dans mes habitudes de voler des hommes casés. Même s’ils ne sont pris que dans les rêves de mes amies. Elle doit être aux anges de le voir en tête d’affiche du prochain blockbuster. Il n’y a rien de pire pour une fan que de voir son acteur préféré disparaitre des écrans faute de rôles. J’ai hâte de pouvoir en parler en long et en large avec elle quand je serai rentrée chez moi.

Je reçois une notification whatsapp d’Eyram que je me permets d’ouvrir même si je sais que le sujet ne sera pas professionnel. 

- Mon chéri Gong. T’as vu l’affiche de son prochain film ? Est-ce que tu connais un mec plus hot que lui hein ? Je vendrai mes ovules et mes cheveux pour un rencard avec lui… 

J’éclate de rire, lui renvois un smiley MDR et quitte la conversation aussitôt. Quand on commence à parler d’acteurs de drama, impossible de s’arrêter à quelques messages. Est-ce que j’ai le temps de rapidement regarder le synopsis du film ? Noooon ! Retourne au boulot et la supplie de garder le sujet au chaud dans sa tête pour ce soir. 

Donc pour le moment, je me concentre de nouveau sur ma tâche: vérifier que tous les rendez-vous programmés cette semaine, ont été respectés et si ce n’est pas le cas, en prendre de nouveaux avant même que ma patronne ne me demande de le faire. Les années à l’agence sont passées ç une vitesse folle. Ça va faire sept ans que je travaille pour elle. On peut enfin dire que je commence à remplir mon rôle à la perfection. 

Le téléphone fixe sonne bruyamment et me fait sursauter. Cet appareil va finir par me faire avoir une crise cardiaque. Il faut que je règle le volume. Je repose immédiatement mon agenda et décroche après m’être éclaircie la voix. 

- Société Impact Immo Consulting, Andrée à votre écoute.

- Bonjour. Pourrai-je parler à Madame Debusson ? 

- Elle est présentement en rendez-vous.  

- Ah d’accord, je vais rappeler plus tard alors si j’ai le temps.

- Je peux tout aussi bien prendre un message, Monsieur.

- Dites-lui que le directeur de la compagnie d’assurance Saho souhaite la rencontrer au plus tôt. 

Pendant qu’il parle, je pianote sur mon clavier et fais rapidement des recherches sur l’entreprise dans ma base de données. Hum, un capital social de 1 000 000 000 de francs CFA. Intéressant. Ils jouent dans la cour des grands alors. Je vérifie les informations que j’ai dans mes fiches clients. C’est notre premier contact avec cette société donc nous n’avons pas le numéro de téléphone personnel du directeur. Alors je récupère autant d’information que je peux avant qu’il ne raccroche. Je sais qu’elle le rappellera dès que je lui donnerai le post-it avec le nom de l’entreprise et le numéro. Il est loin maintenant, le temps où j’estimais tous les coups de fil urgents, où j’interrompais tous les rendez-vous pour lui passer une personne qui souhaitait lui parler. Quand je pense que c’est par le plus grand des hasards que je me suis retrouvée dans cette boite ! Comme quoi dans la vie, on a beau savoir ce qu’on veut étudier ça ne veut pas dire qu’on saura aussi où on va travailler.   

A ma montre il est quinze heures. Dans trente minutes, mes collègues commenceront à ranger leurs affaires et éteindre les ordinateurs pour rentrer chez eux. Moi j’occuperai mon poste jusqu’à ce que la patronne me permette de partir. Heureusement qu’elle dépasse rarement 17 heures. Parfois les gestionnaires me plaignent mais, je préfère me dire qu’ainsi je me rends indispensable. Il est plus facile de devenir maitresse que de trouver du boulot dans ce bled, alors je reste sur mes gardes. Je n’ai pas de parents milliardaires prêts à m’héberger. J’ai un loyer à payer et ma propre bouche à nourrir. Après la santé et les dramas, mon boulot est la chose la plus importante de ma vie. Ce n’est pas comme si j‘avais un mari ou des enfants qui m’attendent à la maison, donc quelques heures sup ne me feront aucun mal. Le téléphone sonne de nouveau mais la sonnerie est différente de celle de tout à l’heure, ce qui veut dire que l’appel est interne. 

- Oui madame ? 

- On pourrait avoir un café Andrée ? 

- Oui madame. Tout de suite. 

J’échange mes ballerines confortables contre de hauts talons aiguilles et lisse mon tailleur gris perle. Pas de tresses extravagantes, ni de vernis foncés sur les ongles et encore moins un maquillage prononcé. Mes taches d’acné sont cachées sous de l’anticerne et du fond de teint. Mes cils ont gagné de la longueur grâce aux doigts de fée de mon esthéticienne. Mes sourcils sont légèrement épilés ce qui permet de ne pas forcer la forme et leur donne une courbe naturelle. Pas de nourriture trop épicée à midi pour ne pas avoir mauvaise haleine en m’adressant au client. C’est un détail mais ça compte. Je suis à l’image de la parfaite assistante. Et où ai-je appris tout ça ? Non, pas dans un guide pour la parfaite assistante. Mais dans les « dramas » où l’héroïne est la merveilleuse assistante qui tombe amoureuse de son parfait boss. Oui ça fait cliché mais ça fait aussi de bons « dramas » pour les assistantes non diplômées en secrétariat comme moi. 

Je me rends à la cuisine et récupère quelques capsules de Nespresso avant de me diriger vers le bureau de ma patronne. La cafetière y est installée et elle a toujours donné pour consigne de préparer le café devant le client qu’elle reçoit. Ils discutent d’honoraires de négociation et je me fais la plus discrète possible. Il est 15 heures 14 minutes donc j’ai choisi, un déca pour elle. Mais pour Monsieur Nguema, ce sera un café bien corsé sans sucre. Je connais les gouts des clients habituels par cœur. Pendant quelques brèves secondes la machine ronronne et diffuse dans le bureau, cette merveilleuse odeur de café chaud que j’adore. Le client observe chacun de mes gestes et me sourit gentiment une fois la tasse posée devant lui. 

- Tu sais Suzanne, un jour je te piquerai cette merveille, murmure le client en signant un chèque qu’il tend à ma patronne. 

- Laquelle ? demande-t-elle en me tendant le chèque pour le transmettre à la comptabilité. 

- Ton assistante.    

- Andrée ? Essaie toujours.

- Quoi si je double le salaire, tu crois qu’elle ne te quittera pas ? 

- Elle est plutôt du genre loyal, dit-elle en souriant. 

Je vérifie le chèque et remarque qu’il n’est pas daté. Je le tends au client en tapotant légèrement l’espace réservé à cet effet. Il éclate de rire et sort son stylo plaqué argent pour le remplir puis me le restitue. Je lui souris gentiment.

- Moi aussi j’ai besoin d’une assistante aussi efficace Suzanne. Et si je triple ce qu’elle touche ici, tu ne crois pas qu’elle partira ?

- Elle n’est pas intéressée par ta boite. 

 

Je me demande si tous les riches ont cette sale habitude de parler de leurs employés comme ils parleraient de leur chien ou de leur nouvelle voiture.  

Je les laisse sans faire paraitre à aucun moment sur mon visage mon agacement. Je rejoins mes collègues dans la cuisine qui sert de bureau au coursier. Deux des gestionnaires regardent ensemble sur l’écran d’un téléphone Samsung un film nigérian. Intriguée, je me rapproche d’elle après avoir vérifié qu’il n’y avait personne en attente à l’accueil. A l’écran, des hommes habillés en blanc encerclent un cercueil tandis qu’une vieille femme à la mine sinistre se rapproche d’eux un sceptre à la main.

- Oh mon Dieu ça y est, elle va vendre son fils pour avoir un mari riche, commente Fabiola. 

Un jeune enfant est amené de force près du cercueil. Il pleure toutes les larmes de son corps et demande à la femme de lui venir en aide. Je devine qu’il s’agit de sa mère. L’enfant se débat vigoureusement devant sa mère apathique. 

- Comment peut-elle être aussi impitoyable ? demande la gestionnaire des gros clients à la nouvelle recrue. 

- Ah il faut bien qu’elle sacrifie quelque chose vu qu’elle veut un homme riche.     

L’enfant est jeté dans le cercueil puis enterré vivant devant se mère qui finit par s’évanouir. Les hommes en blanc s’approchent d’elle. Une main la déshabille. Puis je devine qu’un viol collectif s’en suit. J’ai envie de vomir. Dans la scène qui suit, je reconnais sous les traits de la jeune femme richement vêtue, celle que j’avais crue vieille et qui tenait un sceptre. Elle démarre une voiture hors de prix et visite des boutiques comme si sa vie en dépendait. Un homme qui pourrait avoir l’âge de son père la rejoint et elle lui saute au cou quand il lui dit : achète tout ce qui te fait plaisir. Je suppose qu’elle a donc obtenu ce qu’elle souhaitait au prix de la vie de son enfant. L’image de l’enfant jeté dans le cercueil puis enterré vivant me revient en mémoire. J’ai la chair de poule. J’appuie sur le bouton pause affiché à l’écran et regarde mes collègue d’un air sévère.

- Comment vous pouvez aimer voir des horreurs pareilles ?

- Quoi tu ne trouves pas ça assez romantique c’est ça ? demande la plus ancienne en éclatant de rire. 

- Ah c’est elle qui aime les trucs bizarres ? demande la nouvelle en me regardant comme si j’étais un peu folle. 

- C’est elle.  

Oui je ne trouve pas ça assez romantique, est-ce un crime ? On ne vit qu’une fois, et on passe déjà le tiers de notre temps sur terre à souffrir et trimer comme des damnés, l’autre tiers à dormir et j’estime qu’il est hors de question que je passe le tiers restant à contempler du désespoir. Je n’ai pas besoin de voir mon quotidien sur l’écran ou dans un livre. Je crois que l’art ne devrait pas servir à nous terroriser. La vie s’en charge déjà bien. Le cinéma ou la littérature n’ont été créés que pour donner des ailes aux Hommes pas pour les clouer au sol. Je veux m‘évader de ma vie ennuyante. Je peux rêver et sentir mon cœur battre la chamade et rosir d’extase. 

- Moi je n’aime pas rêver Andrée… Les hommes n’en valent pas la peine. Je préfère voir ce genre de film et me préparer au pire. Tu crois que ce qu’ils mettent dans les films nigérians là ça n’existe pas ? 

- Je sais que ça existe. Mais il y a aussi des films nigérians romantiques. Pourquoi tu n’essaies pas ça ?

- Quoi voir à l’écran un homme qui épouse une fille pauvre et moche alors qu’il est milliardaire et pourrait se taper la fille du président ? Non, je n’aime pas me faire d’illusion. Ce genre d’homme ça n’existe pas. Dans la vraie vie, on épouse un homme puis après on se bat pour le conserver et on perd. Il nous trompe et on fait avec parce que le quitter pour un autre donnera exactement le même résultat.  

- Mais, tous les hommes ne …

- Hééé Andrée, tu me fatigues. Ils sont tous pareils. Cite moi un seul couple que tu connais où le mari n’a pas trompé la femme ? 

C’est vrai qu’aucun couple ne me vient à l’idée mais ça ne veut pas dire qu’il n’existe pas. Je soupire en regardant la photo du bel acteur qui me sourit sur mon fond d’écran. 

- Donne-moi la force de supporter cette journée mon chéri, dis-je en posant un baiser sur l’écran. 

Elles éclatent de rire. 

- Comment peux-tu le trouver beau ? Il est tout maigre et trop pale. 

- T’es la fille la plus bizarre du monde. 

- Je ne suis pas bizarre, je proteste en m’apprêtant déjà à retourner à mon poste. Je contemple et savoure la beauté de toutes les créatures de Dieu. - Qu’elles viennent de l’ouest ou de l’est du vaste monde. 

- Si tu aimes tellement le romantisme pourquoi t’es célibataire ?

Parce que les histoires d’amour ne se terminent bien que dans les « dramas ». Pas dans la vraie vie. Mais ça, jamais je ne le dirai à haute voix. J’estime que j’ai perdu assez de temps en bavardages futiles et retourne occuper mon poste en priant pour être rentrée chez moi avant dix-sept heures. J’ai des choses à faire.    

*

**

Mes nouilles instantanées cuites, mon coca posé sur la table et ma tablette connectée aux hauts parleurs de ma télé, j’essaie de me déconnecter complètement de ma journée au boulot. J’ai besoin de me mettre dans le bain avant de finaliser l’écriture de la scène finale de mon histoire en cours. Et comme toujours dans ces cas-là, la musique est mon fidèle compagnon d’écriture. 

Contrairement à ce que pense ma patronne, ce n’est pas pour l’assurance santé que je reste fidèle à la société. Mais pour le temps que je peux grappiller çà et là pour écrire. Je suis posée six heures sur huit devant un écran à attendre qu’elle finisse ses rendez-vous et à écrire des courriers. Ça me donne le temps de faire des recherches et d’avancer dans l’écriture de mes chapitres. C’est la seule faute que je me permets au boulot. Travailler mes textes. 

Shan’l chante : serré-serré et mon je me déhanche en laissant le rythme lascif doucement infiltrer mes veines. J’aspire mes nouilles, me brule la langue au passage et manque m’étouffer. J’ai mis trop de piment cette fois-ci. J’augmente le volume et danse encore un peu. Je ne m’arrête que lorsque mon téléphone clignote. Des messages d’Eyram.

- Alors ? Ta journée ? 

- Elle sera parfaite quand tu m’auras trouvé la photo parfaite pour illustrer la scène finale.

- Tu dois publier à quelle heure ? 

- 22 heures tapantes. J’ai mal au cœur. 

- Pourquoi ? 

Parce que le personnage masculin m’aidait à m’endormir après mes longues journée à jouer les parfaites assistantes. Parce que je vais de nouveau me sentir seule, une fois que j’aurai mis le point final à cette histoire. Je passe plus de temps avec mes personnages qu’avec de vrais mecs. Ça pourrait être désolant si je ne les préférais pas aux vrais mecs de toute manière.     

- Donne-moi un indice pour la photo parfaite. Il y a une scène de mariage ? 

- Comment tu le sais ? 

Ma fourchette reste suspendue près de ma bouche. Elle me connait un peu trop bien. Ou alors c’est ma scene finale qui n’est pas assez travaillée, assez surprenante. Est-ce qu’il va falloir que je la réécrive ? Ah non ! Hors de question que je réécrive tout un chapitre. 

Parce que cette histoire était l’une des plus romantiques que tu as écrite. Ca méritait une scène de mariage, avec tous les personnages secondaires comme invités. J’adore l’idée d’avance. Bon, je te laisse finir. Ecris sur une table et non sur ton lit. Après tu auras encore mal au dos. 

Evidemment je ne l’écoute pas. J’adore écrire sur mon lit, le dos vouté, l’esprit en ébullition. Je corrige quelques fautes en me relisant. Parfois je cite les dialogues à hautes voix, pour être sure qu’ils sonnent bien à l’oreille, qu’ils sonnent vrais. Voilà, je pianote le mot fin et me lève du lit. 

Là tout de suite j’ai un doute. L’horrible sentiment que tout ce que j’ai écrit ne sera pas à la hauteur des attentes de mes nombreuses lectrices. Et si elles n’aiment pas ? Et si la scène est trop clichée même pour une romance ? Et si je repoussais la publication du chapitre final ? Non je ne le peux pas. Je respecte toujours mes jours de publication. Il ne reste plus que quelques nouilles orphelines qui nagent dans la soupe. Je pose ma fourchette et avale la soupe d’un trait.   

- Hé ! 

- Quoi ? 

- T’es encore en train de douter là ? 

- Non. 

- Menteuse. Il sera minuit dans trente minutes. Il y a déjà des commentaires dans le groupe. Tes fans des Philippines attendent. 

- Je n’ai toujours pas de photos. 

- Regarde dans ton Messenger. 

Elle m’a trouvé la photo parfaite. Je soupire de soulagement. J’ajoute le titre ainsi que mon nom et le mot fin. 

- Je ne comprends pas comment tu fais pour créer des héroïnes aussi fortes alors qu’au quotidien t’es une grande peureuse. 

- Je ne suis pas une peureuse ! je proteste en changeant une dernière fois la phrase finale qui tout d’un coup ne me plait plus. 

- T’es quoi alors. Dis le moi ? 

Je suis sensible à l’échec et j’ai un grand respect pour toutes les personnes qui me lisent. Je n’ai pas envie d’écrire de la merde. 

- Même en te forçant tu ne pourrais pas écrire de la merde ma chère.

- Tu dis ça parce qu’on est amies. 

- Ce n’est pas toi qui as écrit sur les bienfaits de l’échec dans un de tes dramas ? 

- Ecrire sur ça et vivre ça, tu conviendras avec moi que c’est deux choses différentes. 

  

La photo est prête et le texte aussi, alors je poste le chapitre dans mon groupe et éteins ma tablette. Je respire enfin normalement. Allongée sur mon lit, je contemple le plafond du studio que je loue depuis bientôt dix ans. Il va vraiment falloir faire des travaux de peinture. C’est devenu sinistre toute cette peinture qui s’écaille. Mon téléphone clignote. 

- T’es en panique  là je suppose. 

- Oui. 

- Supprime l’application qui te donne les notifs des commentaires laissés sous tes chapitres. Je vais être gentille et te permettre de mater les belles jambes de Gong dans Coffee Prince.

- Tu sais très bien ce qui ça se passe si on commence à regarder…

- On va se faire toute la saison ? 

- Il est minuit. Demain, je vais au boulot je te signale. 

- Ça te laisse six heures de temps avant que le réveille sonne. Six longues heures. 

De toute manière, une fois un chapitre posté, il m’est impossible de me coucher immédiatement. J’ai un genre de montée d’adrénaline difficile à contrôler. 

Je réfléchis. Il y a vingt épisodes. Ce serait vraiment déraisonnable de commencer la série à une heure pareille. Je tente de raisonner Eyram. 

- Tu sais qu’on est trentenaire. Il faudra bientôt arrêter tout ça et se marier et prendre la vie au sérieux. 

Elle m’envoie un smiley qui pleure de rire. 

- Les beaux mecs, c’est le sujet le plus sérieux de ma vie. Je ne blague pas avec. 

- Il y a des beaux mecs partout pas seulement dans les dramas. Va dormir. 

- Hors de question. Regardons ses belles jambes encore une fois et on ira dormir. 

- A chaque fois que je regarde cette scène j’ai envie que la serviette tombe. 

- Quoi ! Comment oses-tu ? Je te prête les jambes du mec de ma vie et toi tu veux en profiter pour voir ses bijoux de famille et sa belle paire de fesse ? 

- Comment sais-tu qu’elle est belle ? 

- Quoi ? 

- Sa paire de fesses. 

- Tu me déçois Andrée. Je vais te retirer ta carte de membre du fan club de Gong Yoo. 

- Ok. 

- Comment ça ok ? Si tu le quittes aussi facilement c’est que tu ne l’as jamais aimé. Tu sais que moi j’ai pleuré quand il a dû aller faire son service militaire. 

- Eyram ? 

- Oui ? Attends. Attends. Quitte pas le club, je ne pourrais plus te le prêter si tu quittes le club.

- T’es folle. Bonne nuit. 

- Bonne nuit. 

- Je m’en vais de ce pas mater la scène en priant pour que la serviette tombe.

- Hééé ! 

C’est ce que j’attendais de nos éternelles conversations de fan. De la bonne humeur, du soutien, du bonheur à partager et les belles jambes de Gong. Impossible qu’on abandonne ce monde un jour. C’est un cocon que je partage avec une personne qui m’est chère. Dix ans qu’on parle de « drama » et qu’on rit comme des enfants. Impossible. 

*

**

Ouvrir un œil puis l’autre. J’ai les paupières lourdes et l’envie de me cogner la tête contre quelque chose pour mieux me réveiller me démange le cerveau. Eyram ! Tu me le paieras un de ces jours. Les jambes de Gong Yoo m’ont ensorcelée et j’ai raté de précieuses heures de sommeil. En titubant, je branche la bouilloire électrice qui me sert de chauffe-eau. Je me brosse les dents et lave mon slip pendant que l’eau se met à bouillonner. Une fois lavée, je m’assois sur mon lit et tire un seau rouge rempli de produit de beauté vers mes jambes. Il y a quelques années de cela, je n’avais besoin que d’eau pour laver mon visage. Depuis que je suis devenue la parfaite assistante et que je bois trois litres de stress par jour, mon visage me fait un doigt d’honneur chaque matin. Je me nettoie minutieusement la peau en presque six étapes. Je remplie légèrement mes sourcils au crayon marron. Puis c’est au tour de l’anticerne sur les taches et les boutons puis du fond de teint, de la poudre fixatrice et enfin du spray. Une touche de baume à lèvre légèrement teintée et je suis enfin satisfaite du résultat. J’ai l’air naturellement joli. 

Il est six heures quarante à ma montre mais six heures trente en vrai. Aujourd’hui c’est vendredi. Dernier jour loin de mes amoureux sur écran. 

La journée passe rapidement. Entre les clients anglophones dont je dois traduire les désirs et les petites pannes de logiciel de mes collègues pour qui Excel est un mystère, je suis occupée à faciliter le travail de toutes les équipes de l’entreprise. Certains clients ont laissé des traces de doigts sur le comptoir en verre alors je passe rapidement un coup de chiffon en souriant. Chez moi c’est un vrai bordel mais je m’arrange toujours à maintenir les apparences à l’Agence. Je jette un coup d’œil à la salle et vérifie que tout est en ordre. Les fauteuils en cuir noir ont été dépoussiérés ce matin par la technicienne de surface et tout à l’heure j’ai remis les coussins en place. Ma tablette en main, je vérifie mon agenda en ligne dans lequel je reporte tous les rendez-vous. Je lis les mails et réponds aux plus urgents, tout en lançant les impressions des fichiers joints. 

On sonne à l’interphone, j’actionne le bouton pour laisser entrer le client. 

- Oh mon Dieu Andrée ? Qu’est-ce que tu fais là ? 

Le visage de la femme qui me fait face m’est familier mais je ne me rappelle pas de son prénom. Elle fait remonter sur son crane ses lunettes de soleil tout en balançant en arrière sa longue mèche noire souple. Ce n’est pas de la camelote qu’elle porte sur la tête, ça se voit tout de suite. Mais les lunettes noires sont peut-être de trop non ? Et dire qu’il pleut dehors. Je souris malgré tout. Elle pose son sac de marque sur mon comptoir et me sourit comme si on était de vieilles amies. Et pourtant je ne me rappelle toujours pas de son nom. Où s’est-on connu ? Au lycée ? A l’institut de gestion ? 

- Je travaille ici, comme vous pouvez le voir aisément. 

- Quoi au secrétariat ? Sérieux ? demande-t-elle l’air vraiment ahuri. 

Apparemment mon ton sarcastique ne l’a pas découragée. Elle continue les questions stupides pendant que je fais semblant de vérifier son rendez-vous dans l’agenda.  

- Je vais vous conduire en salle d’attente pour votre rendez-vous. 

- Ah oui. Le rendez-vous. Le choc de te voir secrétaire m’a fait oublier pourquoi je suis là. J’ai les villas de mon mari à vendre et j’ai un problème avec l’expertise qu’on m’a établie à huit cent millions. J’espère que ta patronne saura trouver une solution parce que cette villa vaut bien plus. 

Elle m’a regardée droit dans les yeux lorsqu’elle a lâché le prix. Peut-être devrai-je faire semblant d’être impressionnée par ce chiffre pour la contenter. Mais je n’y arrive pas et garde mon visage impassible et professionnel. Il faudrait un chiffre avec deux zéros de plus pour m’impressionner. 

- On peut vous conseiller un autre expert. Nous en avons toute une liste. Ils sont tous agréés auprès de la Cour d’Appel. 

- Ah bon ? Il pourra me le faire rapidement parce que je dois aller à Dubaï dans deux jours puis à New York. Je n’ai pas le temps de rester sur place attendre cette fichue expertise. 

Est-ce qu’elle me donne tous ces détails pour m’afficher sa réussite ou c’est moi qui suis trop susceptible ? 

- C’est comment tu te retrouves au secrétariat ? Avec les notes que tu avais ? La vie est parfois injuste hein. 

Le comptable de l’agence vient chercher un numéro dans mon répertoire et me jette des coups d’œil étranges. C’est sûr qu’il essaie de deviner qui est la belle cliente qui bavarde gentiment avec moi. Je l’ignore et essaie de me souvenir du prénom de la bavarde. Ça y est je me rappelle d’elle. On était au lycée d’Etat ensemble. Elle, c’est mademoiselle je couche avec les profs. Elle a un prénom aussi improbable de Chaniella ou Agniella. Elle fouille dans son sac et en ressort un lot de papier et un titre foncier. 

- Fais-moi deux copies. 

Je récupère les documents et me dirige vers la photocopieuse. Est-ce que l’expression « s’il vous plait » a été inventée pour les margouillat ?  

- Oui, la vie est injuste. Surtout quand les plus bêtes y arrivent avant nous, je murmure en roulant des yeux. 

- Pardon. 

- Je disais que la vie est injuste quand les plus BELLES y arrivent avant nous. 

- Rhooo. Tu es trop gentille. Je ne suis plus aussi belle qu’avant mon mariage. 

- Je vous apporte un café ? 

- Oui. Merci, avec de l’eau minérale s’il te plait. 

Je lui apporte le café en salle d’attente et remplie la bouteille d’eau minérale d’eau de pompe. Voilà. 

La journée défile et les rendez-vous s’enchainent. Je commence à ressentir le manque de sommeil de cette nuit mais les nombreux messages des lectrices qui encensent mon dernier chapitre m’aident à tenir debout. Puis c’est l’heure de la pause. Nous mangeons tous ensemble des plats de riz thiep commandés en ligne et livrés sur place lorsque je reçois un coup de fil de ma mère qui vit à Port-Gentil. Je m’éloigne de mes collègues et me rends sur le balcon pour discuter calmement. 

- Il y a ta tante qui arrive à Libreville. Elle veut te présenter quelqu’un. 

- Non merci. 

Si je voulais la paix, ce n’était surement pas la réponse à donner. 

- Tu crois que tu rajeunis hein ? Quel homme va vouloir de toi si tu continues à passer ton temps à lire des livres et à regarder des séries avec des chinois. 

Pour ma mère tous les asiatiques sont chinois. J’ai eu beau lui expliquer encore et encore, elle n’a jamais voulu dire autre chose que chinois.

- Quand vas-tu réussir ta vie bon sang. Dieu t’a faite vif d’esprit mais je ne sais pas qu’elle oiseau de malheur s’est posé sur toi depuis que ton père est rentré au village. Avant tu brillais ma fille. Viens à l’église avec moi. Il te faut surement une délivrance… tu es en train de rater ta vie. 

- Maman…

- Je ne veux que ton bien ma chérie. Il te faut un mari et des enfants. Tu as 32 ans et si demain tu devais disparaitre, que laisserais-tu ? Rien. 

- Maman je suis au boulot. On peut se parler plus tard. 

- Plus tard quand je vais t’appeler tu ne vas pas décrocher. 

Parce que tes appels me stressent maman. Mais ça je ne peux pas le dire  haute voix. 

- Même ce boulot pour lequel tu te donnes autant n’est pas à toi. Ce n’est pas quelque chose qui t’appartient. Demain si ta patronne te vire tu ne pourras rien y faire. Il te faut quelque chose à toi Andrée. 

- Je raccroche maman. 

- En tout cas moi j’ai déjà dit ce que j’avais à dire. 

Lorsque je rentre chez moi, je garde toutes les lumières éteintes et allume le climatiseur dans la chambre. Je prends quelques paquets de chips, un coca et des barres de céréales. Le bon côté de ma vie de célibataire c’est que je peux passer mon temps à manger des cochonneries sans que quelqu’un me harcelle pour des feuilles de manioc. Je m’enfouie sous la couverture et lance l’application Netflix pour voir quelles sont les nouveautés du jour. Pendant les deux prochains jours, je vais vivre comme un petit zombie et enfiler les épisodes les uns après les autres. Ça va me calmer et m’aider à voir les choses du bon côté. 

Je continue de recevoir des notifications des commentaires laissés par mes lectrices sur mon groupe exclusif sur Facebook sur mon téléphone. Mon commentaire préféré c’est : je ne voulais plus que cette histoire finisse. Parce que je sais ce que ça fait quand on s’attache tellement aux personnages qu’ils deviennent comme des membres de la famille et qu’on ne veut plus les quitter. Ça devrait me faire sourire mais les mots de ma mère continuent de résonner dans ma tête. Finalement sous la couverture j’ai trop chaud et sans la couverture j’ai trop froid. Je cherche du réconfort et fais un message à Eyram. 

- Tu me prêtes encore Gong s’il te plait. Mais cette fois, le Gong de la série Goblin. 

- Qu’est-ce qui se passe ? Ne me dis pas que tu as le bourdon. Tout le monde a apprécié la fin de ton drama. C’était génial… doux et romantique et je suis retombée amoureuse de cet acteur grâce à toi. Je ne le verrai plus que comme Eric, le personnage de ton drama. Bref, j’ai adoré. 

Les mots de ma mère me reviennent à l’esprit : tu n’as rien à toi. 

- Ma vie c’est du grand n’importe quoi. Ce succès est une illusion. Si Facebook ferme demain, il ne me restera plus rien. A quoi ça me sert d’écrire, de rendre les gens heureux partout dans le monde, si dans ma vie de tous les jours, tout le monde à l’impression en me voyant que je suis une ratée. Je n’ai pas de maison, pas de mec, pas de voiture rien que des fans qui lisent ce que j’écris et un amour incommensurable pour les drama. C’est rien de tangible. 

- Même si Facebook ferme demain. Moi je serai toujours là Andrée. 

Même mes amitiés sont virtuelles. En 10 ans, on ne s’est jamais vu dans la vraie vie. Je gagne assez pour économiser et faire un voyage mais j’ai peur de quitter mon job et revenir trouver ma place prise. Trois ans que je n’ai pas pris de congés. Ma patronne préfère me les payer pour que je reste à sa disposition.  

Je me rends compte à quel point la différence entre notre vie en ligne et celle du quotidien peut être immense. Le succès en ligne ne se traduit pas forcément par un succès dans la vraie vie. Pour ma famille je continuerai d’être celle qui gâche sa vie en restant cloitrée chez elle au lieu de partir et partir à la chasse au mari. Et pour mes anciens condisciples, celle qui se retrouve secrétaire au lieu d’occuper un poste de cadre dans une grande entreprise de la place. Mais un poste de cadre ne m’aurait jamais laissé le temps d’écrire en ligne. Est-ce parce que je vieillis que réussir devient aussi important pour moi ? 

J’entends un bruit dans mon placard mural, comme un grignotement. Je m’empare de mon téléphone portable et allume la torche. Je me lève doucement sans faire de bruit. Et ouvre la porte du placard. Une petite souris toute mignonne me regarde droit dans les yeux. Il ne manquait vraiment plus que ça. Je ne sais pas si c’est mon imagination débordante mais j’ai l’impression qu’elle me regarde avec hauteur. Puis tout d’un coup elle fonce sur mois plutôt que de retourner se cacher comme le ferait une souris normale qui tient à sa vie. J’hurle de frayeur et saute sur le lit. Je me rate et bascule en arrière avant d’échouer brillamment sur les carreaux du sol. 

Putain de bordel de merde. Même les souris se foutent de ma gueule. 

*

**

Six mois plus tard.

C’est le centième message du genre et je ne sais toujours pas quoi répondre sans paraitre agacée. 

« A quand ta nouvelle histoire ? Ça fait plus de six mois maintenant. »

Je me décide à répondre : 

« Je ne sais pas encore ma chérie. »

« Tu sais je suis étudiante en Chine. Je vis loin de mes parents et de ma famille.  Ce sont tes histoires qui m’aident à tenir le coup. S’il te plait ne nous oublie pas. » 

« Je promets de faire de mon mieux. »

- Je n’aimerai pas paraitre impoli mais tu ne peux pas lâcher ton téléphone un instant ? 

Je me rappelle tout d’un coup de là où je suis. En plein rendez-vous galant au Bodéga Castel, non loin du plus grand centre commercial de la ville. Il est beau. Pas le Bodéga Castel mais l’homme en face de moi. Teint noir foncé, une grande taille et de belles lèvres. Je pourrai utiliser sa photo pour illustrer un des personnages de mes histoires s’il m’en donne l’occasion. Il s’appelle Steeve et travaille à Ersnt and Young donc je suppose qu’il gagne parfaitement bien sa vie. 

- Désolée, dis-je en posant le téléphone sur la table. 

- C’est toi ? demande-t-il en s’en emparant sans même me le demander.

Il a dû voir mon fond d’écran et le mignon Park qui sourit de toutes ses belles dents blanches. Je n’ai pas le temps de le lui reprendre qu’il éclate de rire. Je sens que je vais bientôt m’énerver. 

- C’est qui ? 

- Mon cousin, je réponds en vidant mon verre de coca dans lequel il ne reste que des glaçons et une lamelle de citron.

- Ton cousin est chinois ? 

- Et toi tu dois être zimbabwéen ?

- Non, je suis gabonais. 

- Alors comment sais-tu qu’il est chinois ? Il pourrait être japonais, ou coréens ou philippin…  

- Ok, Ok j’ai compris. Désolé. Donc ton cousin est … 

- Que comptes-tu faire ? Quels sont tes projets d’avenir ? 

Le changement de sujet est flagrant mais il ne cille pas et me sourit gentiment. J’aime bien son sourire. Pour une fois je vais écouter les conseils de ma mère et sourire bêtement, ravaler toute réponse sarcastique qui me viendrait à l’esprit et surtout faire semblant d’être une future parfaite femme au foyer. Il fait semblant de réfléchir sérieusement à ma question puis me sourit en se mordant la lèvre inférieure. 

- Te faire porter mes enfants… 

La réponse est conne mais je peux faire semblant de l’apprécier. Comment on fait encore pour minauder ? Mais qui a dit aux hommes que toutes les femmes qu’ils rencontrent rêvent de porter leurs satanés gamins ? 

- Hahaha, fais-je pince sans rire. 

- Non mais c’est vrai. Je sens que tu seras la mère de mes enfants. 

- J’ai un de mes collègues qui passe son temps à dire ce genre de stupidités aux filles qu’il a envie de sauter … Et devine quoi, toutes celles qui y ont cru ont été simplement larguées après une nuit de sexe torride. 

Il s’étrangle avec sa boisson tandis que je mâchouille le citron. Zut, dans ma tête la phrase était moins sarcastique. Je souris pour compenser. 

- Sinon toi c’est quoi tes projets ? 

- Pour dire la vérité, je me cherche encore. 

Je m’installe confortablement dans le fauteuil en osier et essaie de ne pas regarder autour de moi avec un air ennuyé. Il se met à pleuvoir à l’extérieur du bar. L’orchestre de ce samedi soir met une bonne ambiance pourtant. Pourquoi ça ne marche pas ? Son téléphone sonne et il s’excuse auprès de moi avant de prendre l’appel. Tout d’un coup son visage se décompose. Il raccroche immédiatement. 

- Andrée, je suis vraiment désolé, je dois y aller. 

- Il y a un problème ? 

- C’est pas vrai, putain, c’est pas vrai…

Je n’ai même pas le temps de comprendre la phrase qu’il se lève pour partir. Sans réfléchir je le suis pour m’assurer que tout ira bien pour lui. 

- Désolé vraiment désolé. Ma femme vient de faire un accident. Je dois y aller. 

Il a dit : ma femme ? Il grimpe dans sa voiture, démarre et s’en va. Il pleut à verse à présent. Je suis complétement trempée. Je n’ai pas de voiture et je ne pense pas que je vais trouver un taxi. Une main se pose sur mon épaule et je prie pour que ce soit une âme compatissante. Je me tourne. C’est le serveur qui me tend la facture, les sourcils froncés. Il a dû croire qu’on voulait partir sans payer. Je lui tends deux billets de dix mille. Il s’en va quelques secondes plus tard. 

Je suis complètement estomaquée par la tournure de ma soirée. Je reçois un message d’Eyram. 

- Alors ton rendez-vous ? 

- Dans un drama, il m’aurait offert sa veste pour que je ne me mouille pas. Il ne m’aurait pas menti sur sa situation matrimoniale. 

- Et dans la vraie vie il a fait quoi ? 

- Il s’est barré et j’ai dû payer la note. 

J’ai même pas la force de chercher un abri, je marche tout doucement vers les affaires étrangères pour trouver un taxi tout en priant pour ne pas me faire braquer en route. 

- Je touche le fond là. 

J’ai eu du mal à écrire ces cinq petits mots. Le message d’Eyram met du temps à me parvenir. Au moment où je m’apprête à éteindre mon téléphone, je reçois son message :

- La vie c’est comme de la barbe à papa. ça a l’air sucré et rose mais c’est que de la foutaise. Faut la bouffer le plus rapidement possible avant qu’elle ne te fonde sur les doigts et te dégueulasse tout ce que tu attrapes.


(Hello: je suis dispo sur Instagram) 

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