Chapitre 1 : Juliette Ranoké

Write by La vie de rose

+++ Chez les Ranoké +++


*** Liette***


Georges (se garant devant mon portail) : Tu ne dis rien ?


Moi (la mine froissée) : Non, je n’ai rien à dire 


Georges (soupirant) : Ça commence bien


Moi (retirant la ceinture) : Comme tu dis 


Georges (m’attrapant par l’épaule) : Liette mes parents rencontrent les tiens dans moins de quatre jours [soupirant] si tu ne te sens pas prête tu me dis on annule tout. 


Moi (le regardant) : Si c’est ce que tu veux fait le, tu sais très bien que j’ai horreur lorsque tu réfléchis à ma place ! J’ai une bouche, une très grande et un cerveau pour réfléchir et dire ce que je pense. 


Georges (déverrouillant les portières) : Okay, on se voit toujours ce soir ?


Moi (ouvrant la portière) : Je ne suis plus d’humeur 


Je suis descendue de sa voiture en claquant la portière, mon sac de sport en main. Georges et moi sommes en couple depuis la seconde, ça fait six ans maintenant. J’ai repris ma deuxième année universitaire, et lui sa troisième année [rire] il m’a attendu afin de finir ensemble même si nous ne sommes pas dans la même filière et dans la même ville. Et parce que nous sommes justement à deux ans de la fin, nous avons décidés de nous installer ensemble. Bien entendu c’est moi qui vais le rejoindre à Nancy, et pour que cela se fasse ma famille (grand-mère) a demandé à ce qu’il y ait des présentations entre nos deux familles. Et c’est dans moins de quatre jours. 


En ouvrant le portail, j’ai direct attaché ma mine à cause du bruit et le monde qui se trouvait à la piscine. Je parie que c’est Farah ça ! C’est toute nerveuse que je me suis rendue dans la maison en traçant directement dans ma chambre. Déjà la porte était entre ouverte et il y avait des traces de pas remplis de sable, j’ai posé mon sac sur le lit en allant chercher Ranoké. Je l’ai trouvé assise sur le plan de travail de la cuisine en train de fumer la chicha, entourée de ses gardes de corps qu’elle appelle « copines ». 


Moi (la regardant) : Qui est entré dans ma chambre ? 


Farah (tirant sur la chicha) : Qu’est-ce que j’en sais ?


Moi (haussant la voix) : Farah qui est entré dans ma chambre ? 


Farah (me regardant) : Tu n’as pas besoin d’hausser le ton, j’ai parfaitement entendu la première fois et je t’ai répondu 


Moi (la fixant) : J’attends une réponse, parce que les empreintes de pas qui s’y trouvent proviennent de quelqu’un 


Farah (levant les yeux d’agacement) : Je ne sais pas 


Moi (m’énervant) : Okay, tu demandes à tous tes amis de foutre le camp d’ici !


Farah (me regardant avec défis) : En vertu de quoi ? 


Moi (soutenant son regard) : Je ne te le répèterai pas une deuxième fois 


Farah (haussant la voix) : J’ai l’autorisation de mon père 


J’ai tourné mes talons en sortant de la maison, couper le son de la musique, et mettre les gens à la porte avec l’aide du gardien.


Farah (me rejoignant furieuse) : Personne ne bouge d’ici. 


Moi (au gardien) : Petit-Papa libère les chiens s’il te plait. 


Farah (rouge de colère) : Tu te prends même pour qui ? C’est la maison de mon père ! Et papa m’a donné la permission d’inviter du monde. 


Moi (la fixant) : Tu ne me cries pas dessus Farah ! Je ne suis pas ta petite sœur tu comprends ? Ton impolitesse tu fais ça avec tes parents, pas moi. J’ai demandé aux gens de foutre le camp alors dégagez.  


Farah (se dirigeant vers la maison en larme) : J’appelle maman ! 


Moi : Fais donc ça ! [Regardant le gardien] Petit-Papa tu fais quoi comme ça ? 


Lui (levant la tête) : Mais je nettoie


Moi : Nettoyer quoi ? Sa majesté va venir nettoyer sa merde, tu ne touches à rien 


Lui (soupirant) : Ah Maman je nettoie hein, si monsieur vient trouver sa maison dans cet état il va se fâcher contre moi.


Je suis rentrée dans la maison, Farah était en larmes en train de crier au téléphone avec sa mère.


Farah (essuyant les larmes) : C’est la maison de mon père, qu’est-ce qu’elle a à venir crier et donner des ordres comme si c’était la sienne ou celle de son père ? Qu’elle aille commander chez son père [snif]. Qu’est-ce que j’ai fait maman ? Ta fille vient, elle crie sur moi en se permettant de mettre mes amis à la porte [snif] 


Moi (la regardant) : Et je l’ai fait sans raison Farah ?


Farah (levant les yeux) : Je ne te parle pas [snif], je suis en communication avec ma mère 


Moi (la fixant) : Qui est ma mère bien avant toi 


Farah (se mettant à me crier dessus) : Tout ça c’est maman qui te donne le pouvoir dans cette maison, parce que si cela ne tenait qu’à papa tu dormirais derrière avec le gardien 


Je ne sais pas comment j’ai fait pour me retrouver en face d’elle en lui administrant une claque qui s’est fait entendre dans toute la maison 


Moi (tremblante de colère) : Ne t’avise plus jamais Farah 


Farah (le regard remplit de mépris) : Sinon quoi ? Il n’y a que la vérité qui blesse. Tu n’es pas chez toi ici [essuyant ses larmes] c’est la maison de Pierre Ranoké, mon père et non le tien. C’est lui qui te fais vivre dans ce luxe, qui t’habille, te nourrit, paye tes études. Sans lui tu n’es rien du tout. [Snif] Je te déteste.


Maman (ouvrant la porte avec fracas) : C’est quoi c’est ça ? C’est quoi que vous me faites comme ça ? 


Moi (tournant mes talons) : Je vais chez mamie !


Farah : Je vais dans ma chambre !


Maman (hurlant) : Vous ne bougez pas de là ! C’est quoi ça Farah ? C’est quoi cette méchanceté ? Liette n’est pas ta sœur ?


Farah (essuyant ses larmes) : Ma demi-sœur !


Maman (la fixant) : Oh ne fait pas en sorte que je te donne des gifles tu comprends ? 


Farah (se remettant à pleurer) : Comme toujours tu prends sa défense [snif]. J’attends papa [snif], ça ne sert à rien que je reste là et me justifie puisque tu vas te ranger du côté de ta fille comme à chaque fois ! [Snif] Comme si je n’étais pas aussi ta fille.


Maman (hurlant) : Et j’ai tord lorsque tu te comportes comme la pire des pestes ?


Farah (en larmes) : On sait tous que c’est Liette ta préférée ! [Snif] Que tu l’aimes plus que nous [snif], mais dans ce cas pourquoi nous avoir mis au monde ? [Snif] Tu n’as pas écouté un piètre mot de ce que je t’ai dit, tu débarques et c’est pour me crier dessus [snif] entre temps c’est elle qui a provoqué cette situation.


Moi (la regardant) : Mais tu es malade, c’est la chicha que tu as fumée tout à l’heure qui te monte à la tête.


Maman : Liette !


Moi (énervée) : J’arrive dans ma chambre et je trouve des empreintes pleines de sable, je te pose la question et tout ce que tu trouves à me répondre c’est je ne sais pas en me regardant de haut. Et tu espérais que j’allais tourner les talons sans rien dire ? 


Farah (me fixant) : Que c’est moi qui ai mis ces empreintes dans ta chambre ?


Moi (soutenant son regard) : Non, c’est le fantôme de ton grand-père ! 


Maman (nous regardant à tour de rôle) : Qu’est-ce que ça vous coûte de vous parler comme des personnes civilisées ? Il faut toujours que j’intervienne.


Farah (la regardant) : Je ne parle plus beaucoup, j’attends papa le soir. Parce que tout ça c’est toi qui l’encourage. C’est la maison de mon père donc c’est ma maison, et celle de mes frères. Nous ne sommes que trois enfants Ranoké chez Pierre, pas quatre.


Maman (la fixant) : Farah je t’ai déjà dit d’arrêter avec ce langage. Que Liette ne s’appelle pas Ranoké ? Mais c’est quoi ça ? C’est quoi cette méchanceté gratuite ? Au fur-et-à-mesure que tu prends de l’âge, tu deviens méchante.


Farah (essuyant les larmes) : Je peux m’en aller ? 


Maman : Oui mais c’est pour aller donner un coup de main à Petit-Papa.


Farah : On le paye pour quoi ? [S’en allant dans le couloir, en claquant la porte de sa chambre] 


Moi (regardant maman) : Je vais passer la nuit chez mamie.


Maman (posant son sac sur la table à manger) : Liette ne t’y met pas toi aussi


Moi : Tu parles comme si tu ne sais pas ce qui se passera ce soir lorsque son père rentrera. 


Maman (me regardant) : Justement, il ne se passera rien 


Moi : De toute façon je ne serais pas là, je mange ce soir avec les parents de Georges. Il me laissera chez mamie. [Tournant mes talons]


Je suis allée prendre une douche, faire mon sac pour ce soir et mettre mon orgueil de côté en appelant Georges assise sur le lit. Je préfère ne même pas penser à ce que m’a sorti Farah, je ne préfère même pas. Ma mère m’a eu à dix-sept ans avec un homme qui n’a pas compris que vieillir est obligatoire mais que grandir est un choix. Jean-Marie Hella, une star jusqu’à aujourd’hui : toujours en train de draguer les petites filles, aucune stabilité, vit toujours chez sa mère à quarante-six ans. 


À cause de moi elle a dû renoncer à beaucoup de choses, aujourd’hui elle ne serait pas une simple secrétaire. Mais bon, la vie en a décidé autrement car malgré ma venue elle s’est battue pour faire cette formation, et en même temps subvenir à mes besoins. On a connu la dure comme dit maman [je ne me souviens plus], jusqu’à ce qu’elle rencontre Pierre Ranoké. C’était elle et moi, pas l’une sans l’autre. Elle lui a dit d’entrer de jeu, si tu me veux moi tu t’engages à t’occuper de ma fille comme la tienne. Il a accepté, j’avais trois ans. 


Un an plus tard il accueillait leur première enfant, Farah. 

Tout se passait bien. J’étais contente d’avoir une sœur, qui ne le serait pas ? Même si elle prenait toute l’attention de maman. Puis leur mariage, j’avais sept ans, Farah trois et Hiel un an. Je comptais les petites attentions, rares ont été les fois où il [Pierre] m’a pris dans ses bras ou sur ses genoux. On les compte du bout des doigts. Au-delà de ça, je n’ai jamais manqué de quoique ce soit. Comme l’a dit sa fille, c’est lui qui s’occupe de moi. C’est grâce à lui que je vis dans le luxe, parce que s’il fallait attendre Jean-Marie qui pour m’acheter un paquet de couche maman devait le poursuivre dans toute la ville, je ne serais jamais sortie de l’auberge. 


En grandissant, la différence entre ses enfants Farah [dix-neuf ans] Hiel [dix-sept ans] et Yanis [seize ans] a pris de l’ampleur. Par exemple je reçois cinq cent euros par mois contre mille deux cent que reçoit Farah, Dieu merci on ne paye aucune facture liée à l’appartement de son père qu’il a acheté. Je ne savais même pas que l’écart était aussi important, je suis tombée sur le relevé bancaire de Farah en faisant le ménage. Je n’ai pas fait de scandale, c’est son argent. Même si j’avoue que ça m’a quand même touché. Puis un jour comme ça j’ai balancé ça à table lorsque les parents sont venus passés les fêtes de fin d’année avec nous, il y a eu un silence gênant, plus tard dans la nuit une dispute a éclaté entre maman et Pierre. 


C’était violent, et c’est aussi à ce moment que la haine de ma sœur contre moi s’est manifestée. C’est la première fois qu’elle m’a sortie de m’estimer heureuse que son père s’occupe de moi, que rien ne l’oblige à le faire. J’étais sidérée, ahurie, choquée par ses propos, que je n’ai pas pu lui répondre ce jour-là. C’était ma première année universitaire et Farah était en 3eme, classe qu’elle est venue faire en France. Ne me demandez pas pourquoi, c’est de son père qui paye.


Ça toujours été comme ça, si j’ai quelque chose, il faut qu’elle ait la même chose. C’est pénible et épuisant ! C’est l’une des raisons qui me pousse à m’en aller de chez eux, j’ai bien voulu le faire depuis longtemps mais c’est maman qui ne voulait pas. Soit disant que j’étais trop jeune pour me mettre en couple bla-bla-bla. Mais là je ne vous mens pas je suis arrivée à saturation. J’accumule et une fois que la bouteille est pleine j’explose et de la mauvaise des manières qui soit. 


[Ping sms]


Georges : Je suis là, tu veux que je descende ?


Moi : Non ce n’est pas la peine, j’arrive ! 


J’ai pris mon sac et en sortant de la chambre je suis tombée nez à nez avec Pierre. 


Moi (le regardant) : Bonsoir papa.


Pierre (traçant jusqu’à la porte de leur chambre) : Bonsoir. [Entrant et fermant la porte] 


J’ai trouvé maman assise sur le canapé en me rendant dans le séjour, au même moment les garçons ont fait leur apparition. S’il n’y avait que ces deux-là je ne pense que nous aurions des problèmes, mais comme Farah veut se comporter comme l’ainée parce que c’est son père qui nous nourrit, maman se retrouve souvent dans une position inconfortable. Du coup elle est obligée de se mettre de mon côté lorsque ça pète à la maison, parce que Farah a le soutien incontesté de son père. Et c’est à ce moment qu’ils, le père et la fille, brandissent la carte de la préférence, que maman m’aime plus, que c’est parce que mon père était l’amour de sa vie bla-bla-bla.


 Ce qui est vrai c’est que mon père était son premier amour, elle en était raide dingue (tout le monde a été raide dingue de son premier amour), un amour qui a fini par se matérialiser par moi. Si elle était restée accrocher à cela jamais elle n’aurait eu d’autres enfants, se serait mariée. Bref cette famille est compliquée, trop compliqué. C’est pourquoi lorsque ça chauffe comme ça, je vais me réfugier chez ma grand-mère. Au moins là-bas personne ne fera son chef, car Farah Ravonoma de son nom de jeune fille ne s’amuse pas. 


Moi (regardant maman) : J’y vais, Georges m’attend dehors 


Maman (se redressant) : Mais pourquoi ne pas lui avoir demandé d’entrer ? 


Moi (m’en allant) : Je n’avais pas envie 


Hiel (me regardant) : Ton prince charmant 


Moi (ouvrant la porte) : Bouges ! Bonne soirée 


Pierre (nous rejoignant) : Et tu vas où là ?


Moi (refermant la porte) : Je vais manger avec les parents de Georges ensuite je passe la soirée chez mamie 


Pierre (me fixant) : Et c’est pour aller raconter quoi à ta grand-mère ? 


Maman (le regardant) : Pierre !


Pierre (baissant les yeux en regardant sa femme) : Je n’ai plus le droit de lui poser des questions ? Mais dans ce cas pourquoi avoir demandé d’ajouter mon nom sur son acte de naissance si à chaque fois tu me rappelles à l’ordre ?


Moi (le regardant) : J’y vais parce qu’elle a demandé à me voir avant que les présentations ne se fassent. 


Pierre (levant les yeux) : Vas-y ! Mais à ton retour, j’aimerai qu’on ait une discussion par rapport à ce qui s’est passé cette après-midi 


Farah (devant la porte du couloir) : Hum 


Pierre (haussant la voix) : Lorsque je donne un ordre dans cette maison, je ne comprends pas pourquoi certain derrière moi agissent en chef dans ma maison 


Moi : Certains ?


Maman : Liette, Georges t’attend non ?


Moi (la regardant) : Si j’ai demandé aux amis de Farah de rentrer chez eux


Farah (m’interrompant) : De foutre le camp ! Tel était tes mots Liette, ne refais pas l’histoire s’il te plait. 


Moi (appliquant dessus) : Oui de foutre le camp, c’est tout simplement parce que Farah ne les contrôlait pas. 


Farah : N’importe quoi !


Moi (la regardant) : Tu me laisses finir ? Tu es incapable de me dire qui est entré dans ma chambre, les pieds remplis de sable, et lorsque je te pose la question tu me prends de haut en criant que c’est la maison de ton père ? [Sonnerie téléphone] Mais dans ce cas pourquoi avoir ajouté son nom sur mon acte de naissance si je n’ai pas de droit dans cette maison, si je ne peux pas recadrer les choses lorsque que je vois que la limite a été franchie ? [Sonnerie téléphone] 


Maman (me fixant) : Liette Georges t’attend 


Moi (ouvrant la porte) : Bonne soirée 


Pierre : Nous en reparlerons 


En refermant la porte les chiens m’ont sauté dessus, ce fut le parcours du combattant pour m’en débarrasser. J’ai posé mes affaires sur la banquette arrière de la voiture avant de m’installer et de mettre ma ceinture. Georges m’a laissé chez ma grand-mère. Il a attendu assis dans le salon avec mamie que je me change, ensuite nous avons rejoints ses parents au restaurant. J’étais ailleurs, je n’avais même pas envie d’être là. J’ai passé toute la soirée à faire des sourires jaunes à chaque fois que je croisais le regard d’un des parents à Georges. Je voulais simplement qu’on en finisse et qu’Igouwet me laisse chez ma grand-mère. 


Georges (se garant devant chez mamie) : Tu me fais toujours la tête ?


Moi (soupirant) : Non, je n’y pense même plus 


Georges (me regardant) : Tu penses à quoi ? Tu as été très silencieuse de la soirée, ce qui ne te ressemble pas sauf lorsque tu as un souc


Moi (soutenant son regard) : Je peux y aller ?


Georges (soupirant) : Liette parles-moi, dis-moi ce qui ne va pas ! Lorsque ça ne va pas tu te replies sur toi-même, je suis toujours obligé d’aller vers toi, de creuser, sinon tu ne feras pas le premier pas. Qu’est-ce qu’il y a ?  


Moi : Rien ! 


Georges (déverrouillant les portières) : Bonne nuit 


Moi (descendant de la voiture) : Merci pareillement 

Clap ! 


J’ai appelé le gardien pour qu’il m’ouvre, ce qu’il a fait. La maison était dans le noir, mamie dort déjà. Oh, j’ai parlé trop vite, la chambre était éclairée et la porte entre-ouverte. Je me suis placée devant la porte, en l’ouvrant grandement.


Moi (la regardant) : Tu ne dors pas ?


Mamie (lisant sa bible) : Non pas encore, j’attendais que tu rentres. 


Moi (souriante) : Je suis là c’est bon 


Mamie (me fixant) : Qu’est-ce qu’il y a Liette ? 


Moi (soupirant) : Je suis fatiguée


Mamie (posant sa bible sur le chevet en tapant de la main sur le lit) : Viens


J’ai retiré mes chaussures, laissant mon sac à main devant la porte en allant me coucher près d’elle, et sans m’en rendre compte je me suis mise à pleurer. D’abord tout doucement, silencieusement, puis ça a pris de l’ampleur. Ma grand-mère est la seule qui peut me voir dans cet état, avec elle ma barrière n’existe pas, je suis simplement moi. J’ai pleuré un bon coup puis je me suis redressée en essuyant mes larmes. 


Mamie (me regardant) : Vous vous êtes encore disputé ?


Moi (la voix tremblante) : Je supporte parce que je n’ai pas le choix, Maman est en pleine construction elle ne pourra pas me payer l’école et l’appartement toute seule. Et je n’ai pas envie de la mettre dans une position encore plus inconfortable qu’elle ne l’est déjà [snif]. Parce qu’il faut se le dire je n’en peux plus [essuyant les larmes], je ne les supporte plus. Farah qui passe le plus clair de son temps à me faire comprendre que je ne suis pas chez moi, et son père qui parle en parabole. Toute cette pression, [Pff] je ne supporte plus ! C’est l’une des raisons qui me fait partir d’Anger, quitter leur appartement. Farah c’est la reine, elle se permet d’inviter qui elle veut, d’organiser des fêtes. Je ne dois rien dire, si j’ouvre ma bouche ça part en clash. Du coup maman est obligée d’intervenir et Pierre par la même occasion, chacun de son côté.


Mamie (soupirant) : C’est pourquoi je t’ai grondé lorsque tu as repris ta deuxième année. Tu sais ce qui se passe dans votre maison, les années passent Juliette. Comme je te le répète depuis toujours, continue de faire profil bas c’est pour ton propre bien. Cet homme s’occupe de toi, il te paye les études, t’envoie son argent. Même si c’est cent mille, c’est déjà beaucoup. Prend et ferme la bouche. Parce que rien ne l’y oblige, ne cherche pas à te comparer avec Farah. Cette dernière est sa fille, son sang. Il y aura toujours cet écart de traitement entre vous, ce qui est dommage. 


Moi (la regardant) : C’est pourquoi j’ai décidé de m’en aller, et la seule façon était de passer par Georges. Je n’ai pas envie d’être la cause de l’échec de son couple. Il y’a trop de tensions et ça finira par être nuisible pour son mariage, toujours moi. Bref [me levant] mieux je m’en vais loin d’eux, peut-être ainsi l’héritière se sentira mieux. 


Mamie : Héritière de quoi ? 


Moi (debout devant la porte) : De l’immobilier de son père, de quoi encore ? Bonne nuit.


Mamie (boudant) : Je ne sais même pas pourquoi ils lui ont donné mon prénom, une enfant pourrie gâtée comme ça 


Moi (ramassant mes affaires amusée) : Bonne nuit le « dina » de l’autre [rire], n’oublie pas que tu viens de lire la bible. [Rire].


Mamie : Et c’est ce qui te sauve ! Ferme-moi la porte 


Moi (amusée) : Il ne faut pas rejoindre ton mari hein ! C’est encore trop tôt, je te dirais quand est-ce que ce sera le moment 


Mamie : Okay chef.


J’ai fermé la porte de sa chambre en me rendant dans celle des invités. Il y en a trois, celle de mamie et deux autres. Une pour tous ses petits-enfants avec des lits superposés, et l’autre pour les invités. Mon grand-père Joseph Bivigou nous a quitté très jeune, maman avait quatre ans et tonton Andy était encore dans le ventre. Personne n’a jamais su ce qu’il lui était arrivé, il s’est plaint une nuit d’avoir mal au ventre, du ventre c’est passé à la tête, de la tête à la gorge. Il a commencé à s’étouffer avant de rendre l’âme. 


Laissant la pauvre malgache dans les problèmes avec ses enfants et sans sa famille. Elle s’est battue pour ne pas être dépouillée de leurs biens par la famille de son mari, il n’y avait que cette maison qui, à l’époque n’était même pas en dure. C’est mamie avec ses bricoles qui l’a rendu ainsi, son studio dehors pour son loyer. C’est avec ça qu’elle vit, bien sur ses deux enfants s’occupent d’elle. Mais comme elle le dit si bien, même s’ils m’accablent leur argent au moins je ne crèverai pas de faim. 


[Ping sms]


Georges : hé ? 


J’ai mis ma chemise de nuit, je suis allée me brosser les dents avant de me coucher et de répondre au message de Georges.


Moi : Hé


Georges : Ça va ?


Moi : Oui et toi ? 


Georges : Ça va


Moi : Okay


Georges : En manque de toi


Moi (souriante) : Lol  


Georges : Sérieux  


Moi : Ça ira


Georges : Et si je te dis que je suis garé devant le portail de ta grand-mère qu’est-ce que tu me réponds ?


Moi : Que mon pauvre, tu as fait tout ce chemin pour rien


[M’appelant]


Moi (décrochant) : Oui


Georges (voix mielleuse) : Viens Liette


Moi : Non Georges je dors 


Georges : Tu ne veux pas quand même que je te supplier ou bien ? 


Moi : Si tu veux vas-y, mais je dors je t’ai dit 


Georges : Pourquoi tu fais ça Hella ? 


Moi : Je suis fatiguée c’est tout  


Georges (s’énervant) : Okay, bonne nuit 


Moi : Merci 

Clic.


Il n’a qu’à se fâcher [haussant les épaules] je ne suis pas d’humeur, qu’il patiente après les présentations, c’est dans trois jours. Si c’est trop dur qu’il utilise sa main et c’est tout. 


[Ping sms]


Georges : Tu viens m’ouvrir ? 


Moi (regardant son message) : 


Georges : Liette ? 


Moi : J’arrive 


Je suis sortie de la chambre sous la pointe des pieds, Farah a le sommeil léger. C’est tout doucement que je me suis rendue dans la cuisine, j’ai pris les clés et je suis sortie lui ouvrir le portail. 


Georges (entrant) : Et tu étais même sérieuse que tu ne me rejoignais pas ?


Moi (fermant tout doucement) : Mais bien sûr ! Arreteuuuh ! 


Georges (me mordant le cou) : Arrêter quoi ? 


Moi (le regardant) : Si Farah sort de sa chambre, tu vas bien rentrer chez toi, continue 


J’ai à peine fermé la porte de la chambre qu’il m’a sauté dessus. Georges est mon premier, ma première expérience. Je ne me plains pas parce que je n’ai connu que lui mais souvent je fantasme sur d’autres mecs, sur comment c’est avec eux. Je n’arrive plus à apprécier ce qu’il me fait, le plaisir y est toujours mais sans excitation. Je sais déjà par cœur ce qu’il me fera, ça fait six ans quoi. Je ne sais pas mais j’ai besoin de découvrir autres choses, d’autres saveurs, un autre plaisir [soupirant]. Mais bon, avec les présentations, le fait d’emménager ensemble tout ça, je ne sais pas.


Georges (m’embrassant) : Je t’aime Liette


Moi : Je t’aime aussi 


Juliette Hella Ranoké, vingt-trois ans, enfant unique de son père. Qui voudrait faire un enfant de nos jours avec un irresponsable ? Sauf si elle-même est tout aussi irresponsable ou a juste besoin d’un donneur de spermes, parce que la qualité de Jean-Marie Hella on ne lui fait pas d’enfants. C’est pourquoi je ne peux pas faire le bruit aux Ranoké, avec quelle force ? Lorsque c’est un autre qui s’occupe de ton enfant et que cet autre se permet de te narguer, se vanter que la réussite de ton enfant c’est lui, mieux tu fermes la bouche en subissant les railleries. Depuis que Pierre est avec maman, Jean-Marie même par orgueil n’est jamais passé déposer une enveloppe. Il gagne ça même où ? Il est passé me prendre une seule fois, un vendredi pour le week-end, j’avais huit ans. 


L’erreur, je ne l’ai revu que le dimanche à vingt heures lorsque Pierre, et maman furieuse à cause de l’heure, sont passés me récupérer chez sa mère. Il était ivre et accompagné d’une petite. Pierre s’est mis à sourire, j’avais mal. Mal qu’il se moque de lui, après tout c’est mon père. De retour chez nous, maman m’avait demandé s’il s’était occupé de moi ? Afin de lui éviter les ennuis j’ai répondu oui, ce qui était un gros mensonge. 


Mensonge que Pierre a vite perçu puisqu’en allant me coucher je les avais entendus en parler, Pierre qui disait à maman tu vois bien qu’elle ment ! Je me demande comment tu as pu tomber aussi bas, c’est avec ce genre qu’on fait un enfant ? Un irresponsable, qui vit chez sa mère. Pas d’emploi mais ramène des filles en plus d’être ivre mort devant sa fille de huit ans ? Va savoir combien elle a vu défiler depuis vendredi ! C’est ce genre d’influence que tu veux pour elle ?  


Je n’ai pas souvenir d’avoir entendu maman le défendre. J’avais mal, je me souviens avoir pleuré cette nuit, mal que ces mots sortent de la bouche de Pierre. J’ai pris sur moi, et Jean-Marie n’est plus jamais passé me prendre. À l’âge de la puberté j’ai commencé à avoir honte de lui, quand je le voyais en plein midi sous le soleil qui titubait à cause de l’alcool, je mettais mon visage sur le côté ou me cachais pour l’éviter. Mais bon, tout ça c’est de l’histoire ancienne. Il ne veut pas changer de vie, il attend que sa mère meurt pour hériter de sa maison. Qu’est-ce que je peux même encore dire ? Les autres ont des pères qui s’ils meurent auront un héritage, moi ? Hé pitié, il n’y a que ma mère. Sans elle je ne sais pas ! 


+++ Chez les Raoubet +++


***Murielle***


Sylvain (me regardant) : Tu es sûre que ton mec n’y verra aucun inconvénient ?


Moi (souriante) : Bien sûr que non, franchement ! Il y a prescription entre nous [Rire]


Sylvain (mettant le contact) : Parce que je ne veux pas avoir des problèmes c’est tout


Moi (mettant la ceinture) : Lol ! Ne t’inquiète pas, je suis très amoureuse 


Il n’a plus rien ajouté. Sylvain c’est mon ex mais nous avons gardés de bons contacts. En plus je suis en vacances de trois semaines, il n’y a presque plus personne de ma génération sauf lui. Bah, je ne vois pas pourquoi je refuserais son invitation, surtout que les choses sont claires entre nous et que chacun est passé à autres choses. Il m’a invité au restaurant ensuite nous avons fini en boite de nuit assis au bar, en sirotant nos verres. 


Fille (souriante) : Hé tu es la ? 


Sylvain (lui faisant la bise) : Oui depuis deux semaines maintenant 


Elle (le dévorant du regard) : Ah ça ! 


Sylvain (me regardant) : Murielle Audrey une amie, Audrey Murielle une amie.


Nous nous sommes jaugées du regard avant de se faire des sourires hypocrites. 


Elle (regardant Sylvain) : Tu me passes ton numéro ?


Sylvain : Bien sûr 


J’ai posé mes deux mains sur ses épaules en regardant l’autre enregistrer le numéro comme si sa vie en dépendait ! [Rire]


Elle : En tout cas je t’appelle demain, comme ça on pourra sortir et faire un truc ensemble !


Sylvain (souriant) : Oui pourquoi pas ! 


Elle m’a dévisagé avant de s’en aller ! 


Moi (regardant Sylvain) : C’est qui encore celle-là ?


Sylvain (amusé) : Ça ne te regarde pas 


Moi : Tu la connais d’où ? Et surtout, pourquoi je ne la connais pas ?


Sylvain (souriant) : Ça ne te regarde pas Murielle 


Moi : Tchip ! Une dernière question, lorsqu’on était ensemble tu la connaissais déjà ? 


Sylvain (me regardant) : Est-ce que tu es obligée de tout savoir ? Est-ce que je connaissais toutes les personnes que tu côtoyais à l’époque ?


Moi : Bien sûr Sylvain 


Sylvain (me fixant) : Et pourtant je ne savais pas que tu connaissais Jules-Ernest Gondjout


Moi : 


Sylvain (souriant) : Pas besoin de faire cette tête tu sais, ça fait plus de quatre ans comme tu as dit entre nous il y a prescription. 


Je lui ai fait un sourire jaune, pas gêner mais embarrasser. On a fini nos verres et nous sommes sortis de la boite sans plus rien ajouter, cette conversation venait de jeter un froid entre nous. Sylvain m’a déposé chez moi et je me suis jurée de ne plus le joindre, c’était une très mauvaise idée. Des ex peuvent garder de bons contacts mais pas être amis, et surtout pas dans notre cas sachant que c’est moi qui lui ai brisé le cœur en allant me mettre avec Jules-Ernest. 


J’ai rencontré Jules-Ernest durant les grandes vacances, des amis à moi organisaient un trip. Sylvain n’était pas intéressé, du coup j’étais toute seule. Nous allions en Allemagne pour assister aux festivals et aux fêtes foraines et c’est ainsi que j’ai fait la rencontre de Jules-Ernest, qui était l’amie du copain de mon amie. On a fait trois jours en Allemagne, je n’avais même plus envie de rentrer en France. J’ai gardé le contact avec Jules-Ernest et nous avons continués à discuter, je lui ai dit qu’avec Sylvain ce n’était plus ça [ce qui était vrai] mais que je ne savais pas comment rompre. 


C’est lorsque ma relation avec Jules-Ernest a pris forme que j’ai rompu avec Sylvain, d’un seul coup. Et depuis quatre ans je suis en couple avec Jules-Ernest. Je suis rentrée pour le mariage de ma grande sœur et aussi pour prendre un peu d’air frais car mon couple en ce moment ce n’est pas la joie. On a décidé après les études de s’installer, de fonder notre famille, en Europe sauf que Jules-Ernest est en train de changer d’avis, il veut rentrer. Et donc on se prend la tête, le moindre mot, geste, est sujet à dispute. [Soupirant] Bref c’est compliqué. 


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