Chapitre 1 : La fête de la ville (2)

Write by pretoryad

Kalé portait un jean et un polo blanc avec des sandales noires. Il était simple mais il avait une présence imposante. C’était indéniable. Pour moi, il était juste l’homme parfait. J’étais prête à l’épouser pour peu qu’il ait conscience de mon existence !

         Tandis qu’il s’approchait de ma meilleure amie et moi, il me jeta à peine un regard. Il poursuivit son chemin et s’arrêta près de ma plus grande rivale : Belga Falle. Qu’est-ce que je pouvais la détester ! D’ailleurs, je ne comprenais pas ce qu’il pouvait bien lui trouver. Ils n’avaient absolument rien en commun. On dit que les contraires s’attirent. Eh bien, j’avais une preuve tangible sous mes yeux !

         Belga était certes la fille la plus populaire du lycée, mais ça, c’était uniquement parce que son père avait été maire de la ville deux ans plus tôt. Cétait une belle fille de dix-sept ans, une de ces filles au teint clair dont tout le corps pétri de volupté éveillait chez les hommes un désir lancinant et tenace. Et elle savait user de ce pouvoir pour obtenir d’eux ce qu’elle désirait.

         Sa mère l’avait appris à ses dépens. Elle avait subitement perdu la raison quatre ans plus tôt, et était internée dans sa propre maison. On racontait que cette dernière, ayant découvert la liaison incestueuse de son mari et de sa fille, avait succombé à la folie. Belga était une jeune fille mystérieuse. Les rumeurs à son sujet allaient bon train dans la ville.

         Beaucoup disaient qu’elle était née sous le signe du Lamia, cet esprit à l’aspect mi-femme mi-serpent qui séduisait les hommes afin de vider leur sang jusqu’à leur mort. L’on disait encore qu’elle était un succube, cet esprit de la nuit qui se nourrissait de l’énergie de son père pour conserver sa jeunesse et sa beauté. Et il y avait aussi…

         – Ne les fixe pas ainsi, Nélia ! Tu vas finir par délier les langues, souffla Masala d’un air de reproche.

         – Et alors ? Au moins, il entendra parler de moi, répondis-je, agacée par son attitude moralisatrice.

         – Bien sûr, et de quelle façon ? Je n’ose même pas limaginer ! lança-t-elle en roulant des yeux. 

         Ennuyée, je me contentai de marmonner. Masala Bizoto et moi étions amies depuis lécole primaire. Nous étions inséparables et en tout point identiques. De même taille, minces et le teint ébène, nous portions toutes les deux des nattes libres flottant sur le dos. On aurait pu nous comparer à des jumelles si ce n’était le style vestimentaire qui nous différenciait.

        Masala était plutôt du genre classique : jupe plissée en toile bleue marine, chemise à pois manches longues et des ballerines vernies noires. Quant à moi, le style décontracté me définissait le mieux : jean slim noir, sweat imprimé gris et baskets basses imprimées.

Masala avait perdu ses parents dans un accident de voiture, cinq ans auparavant. Elle vivait avec ses grands-parents, ses deux grands frères et sa petite sœur. Sa famille avait toujours vécu dans un univers empreint de superstitions. Masala n’y avait malheureusement pas échappé.

Comme ses grands-parents, elle était persuadée que les morts régnaient sur le monde visible. Elle ne sortait pas de la maison familiale avant d’avoir apaisé au préalable les esprits troublés de ses chers parents disparus. Autant je l’appréciais à juste valeur, autant ces fadaises m’insupportaient !


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