Chapitre 1 : La nuit de noce
Write by Alexa KEAS
Lucie Yayra MEDEDJI
La montre murale au dessus de mon lit affiche vingt-deux heures trente minutes quand je regagne ma chambre. Je balaie la pièce du regard avec émotion avant de m’écrouler sur le lit, morte de fatigue. Demain je quitterai définitivement cette chambre que j’ai occupée durant les vingt-neuf années de mon existence sur terre. Elle ne me manquera pas, c’est sûr. Elle n’abritera plus que mes futurs enfants quand ils passeront des weekends, congés ou vacances avec leur grand-père. Ma mère n’est malheureusement plus de ce monde depuis près de cinq-ans. J’aurais tellement souhaité l’avoir à mes côtés en ce moment si important de ma vie mais hélas ! Je retiens mes larmes car il est hors de question que je sois triste la veille de mon mariage. Je préfère penser à ma future vie d’épouse que j’ai hâte de vivre.
Mes tantes et mes deux meilleures amies ont voulu que je me repose toute la journée, les laissant s’occuper des derniers détails mais cela a été au dessus de forces. Je voulais tout vérifier moi-même, m’assurer que tout a été fait selon nos désirs à Ephraïm et moi.
Je souris en pensant à mon cher et tendre fiancé. Cet homme est tout simplement un cadeau du ciel. Je l’ai rencontré pour la première fois il y a huit ans de cela, au cours de mon stage dans une banque de la place, ORABANK, pour la soutenance de ma licence professionnelle en Comptabilité et gestion des entreprises. Ça a été le coup de foudre de son côté, alors que moi j’étais déjà en couple avec mon petit ami et premier amour depuis le lycée. Ephraïm était un simple gestionnaire à l’époque. Aujourd’hui il a bien gravi les échelons et est devenu le directeur administratif et financier de la banque. Mon stage n’a duré que six mois. Mois au cours desquels, il a tant bien que mal tenté de ravir mon cœur, sans succès. J’ai bloqué son numéro et coupé tout contact après mon départ de la banque car ses insistances me créaient des problèmes avec Daniel, mon ex. Avec le temps, j’ai fini par oublier d’avoir eu à croiser la route d’un certains Ephraïm DZRAMEDO. Tout allait bien avec Daniel, du moins, c’est ce que je pensais jusqu’à ce que je découvre, trois ans plus tard, la vie de vagabondage sexuel qu’il menait derrière mon dos. Il me trompait sans vergogne dès que j’avais le dos tourné au point d’avoir couché avec une amie. J’ai donc rompu malgré ses supplications. J’ai eu un grand mal à remonter la pente car je n’avais jamais imaginé ma vie sans Daniel. Il a été le premier et je voulais qu’il soit l’unique et le dernier. Après plus de sept ans de relation, il me fallait tourner la page et redéfinir ma vie sans cet homme que j’ai follement aimé. J’avais donc vingt-trois ans et venais de finir le cycle de master.
Le destin a voulu que je recroise le chemin de Ephraïm lors des obsèques de ma mère. En effet, il avait accompagné un de ses amis qui s’est avéré être un ami en commun à mon grand-frère Joël. Je n’avais pas hésité à lui redonner mon contact vu les marques de soutien et d’affection qu’il avait témoigné à mon égard. Ephraïm m’a aidé à surmonter cette immense douleur qu’a causée le décès de maman. Durant un an, nous avons partagé une relation purement amicale. J’ai même cru qu’il ne ressentait plus rien pour moi et d’ailleurs il était en couple selon ses dires. Telle ne fut ma surprise quand un jour, m’ayant invité chez lui, il me déclara de nouveau sa flamme. Ce qu’il ignorait est que j’étais tombée amoureuse de lui, mais je n’osais pas le lui avouer le sachant en couple, même si sa partenaire de l’époque vivait à l’extérieur du pays. Le reste s’est fait naturellement et aujourd’hui, quatre ans plus tard, nous y voilà. J’ai redécouvert l’amour dans ses bras. Le bonheur avec lui surpasse toutes les idées que je m’en étais fait.
Je tends mon bras vers le haut et contemple la bague de fiançailles qui brille à mon doigt. Demain à pareil moment, je serai madame DZRAMEDO à part entière. Ça fait deux mois que nous avons franchi le cap du mariage traditionnel. Seulement, monsieur mon père a refusé de me laisser m’installer chez Ephraïm. Il m’a dit «Tu ne bougeras pas de cette maison sans être passé devant monsieur le maire ». Je n’ai pas résisté aux ordres de mon père car j’ai toujours pensé qu’il sait ce qu’il y a de mieux pour moi. Joe ne vivait déjà plus avec nous avant le décès de maman. Il est mon ainé de six bonnes années et a très tôt fait de voler de ses propres ailes en quittant le domicile familiale à vingt-deux ans. Papa a beaucoup souffert de la mort de sa femme. Elle est en faite morte dans un accident de voiture alors qu’ils revenaient tous les deux d’un weekend à KPALIME. Il a fallu que je fasse taire ma douleur pour le soutenir. La culpabilité le rongeait et jusqu’aujourd’hui il s’attèle à dire que c’était de sa faute.
« Je l’ai laissé s’endormir à l’arrière sans mettre la ceinture de sécurité ». La fameuse ceinture de sécurité qui aurait peut-être empêché, que maman soit propulsée hors de la voiture quand le choc s’est produit, et que sa tête ne se soit pas cognée contre une maudite pierre qui lui a brisé la nuque. Elle avait cinquante-deux ans et s’appelait ‘’Milk’’ comme ‘’lait’’ en anglais. Je refoule de nouveau ces douloureux souvenirs et me saisis de mon téléphone pour appeler Ephraïm. Rien de mieux que l’écoute de sa voix pour me rendre la joie de vivre. Il a toujours été ma meilleure thérapie.
Mon amour décroche à la première sonnerie comme s’il attendait mon appel.
-Bonsoir ma bénédiction. Dit-il.
Mon deuxième prénom en mina ‘’Yayra’’ veut en fait dire ‘’bénédiction’’ et Ephraïm préfère m’appeler ainsi alors que tout le monde m’appelle Lucie.
-Bonsoir mon cœur. Alors, pas trop stressé ?
-Non, je suis zen chérie. Tu es déjà ma femme ! La cérémonie de demain n’est qu’une simple formalité.
-Je t’aime tellement.
-Tu sais que moi je t’aime encore plus. Voilà pourquoi je campe devant chez toi depuis quinze minutes sans oser t’appeler parce qu’une certaine tradition exige que nous ne voyons pas avant le jour J.
-Tu blagues ?
-Non, sors et tu verras.
-J’arrive.
Je raccroche, pétillante de bonheur, avec le cœur battant la chamade comme une adolescente qui s’apprête à faire une bêtise. Papa dort depuis un petit moment déjà et mes tantes sont rentrées chez elles. Je me dépêche de sortir, non sans faire attention à ne pas faire de bruit. Le vieil homme de cinquante-neuf ans a le sommeil léger.
Un large sourire se niche sur mon visage quand effectivement je vois la voiture d’Ephraïm garée en face de la maison. Je traverse la voie à pas rapides et entre dans la voiture dont il m’a ouvert la portière de l’intérieur. Je referme la portière et me jette sur mon homme pour un langoureux baiser. Avec les préparatifs du mariage et pour le respect de ladite tradition, nous n’avons plus eu de moment d’intimité depuis un mois. Le manque l’un de l’autre se traduit à travers ce baiser qui s’intensifie, accompagné de nos respirations haletantes. Sans un mot, j’attrape la main d’Ephraïm et le glisse sous ma robe. Encouragé par mon audace, il l’envoie plus loin et atteint mon intimité, protégée par le tissu en coton de mon dessous.
-Il semble qu’on ne devrait pas ! Murmure-t-il en léchant le lobe de mon oreille.
J’écarte les jambes pour lui dire que je le veux toute suite et maintenant. Nous avons choisi la date du mariage en fonction de mon cycle et demain est censé être mon jour d’ovulation. Je suis donc dans ma période fertile et l’excitation sexuelle redouble en ces moments-là.
-Pourquoi ne pas augmenter nos chances de concevoir en le faisant aujourd’hui et demain ?
Je me mords la lèvre supérieure quand le doigt d’Ephraïm arrive à se frayer un passage pour se retrouver sur mon bouton rose. Il fouille mon intimité pendant que j’essaie de libérer son membre de son pantalon d’une seule main. Guidés par l’intense désir qui nous anime, nous nous donnons mutuellement du plaisir.
Heureusement que la rue est déserte à cette heure, car je ne me retiens pas de pousser un cri quand j’accueille le membre d’Ephraïm en moi.
Allongée sur le siège passager totalement inclinée vers l’arrière, j’écarte les jambes du mieux que je peux pour permettre à mon chéri de se mouvoir en moi avec aisance. Il est obligé de garder mes lèvres entre les siennes pour m’empêcher de crier davantage. Ses doigts titillent mes deux tétons simultanément. Ce soir particulièrement, le plaisir a un de ces goûts féroces au point où j’ai envie de pleurer de joie. Je griffe les fesses d’Ephraïm quand la jouissance me secoue tel un arbre sous un vent fort. Il ne tarde pas à me rejoindre en aspirant mes lèvres en totalité. Libérés, nous restons ainsi l’un en l’autre durant cinq minutes, malgré la chaleur et la sueur perlant sur nos deux corps.
-Je t’aime Yayra. Dit-il en me donnant un bisou sur le front.
-Je t’aime aussi Ephraïm.
Nous nous détachons enfin l’un de l’autre et mettons un tant soit peu de l’ordre dans nos vêtements.
-Je ne prendrai pas de douche ce soir, affirme-t-il.
-Pourquoi ? Demandé-je, bien qu’ayant ma petite idée là-dessus.
-Pour renifler ton odeur sur moi toute la nuit.
Je me penche pour lui voler un dernier baiser avant de descendre de la voiture.
-Roule prudemment et fais-moi signe dès que seras à la maison.
-Bien sûr madame DZRAMEDO ! Rentre à la maison avant que je ne démarre.
Je retraverse la voie et ouvre le portail dont je garde la poignée en main. J’attends qu’Ephraïm démarre avant de rentrer et de refermer derrière moi. J’avance de quelques pas et m’arrête. Je regarde la cour et admire toutes ces fleurs et arbres que maman a planté et tellement entretenu. Je suis submergée par la tristesse à l’idée que papa sera tout seul à partir de demain. Tellement obnubilée par mon bonheur, je n’y ai plus vraiment pensé. Il y a un an, je lui ai proposé de se trouver une compagne et il est entré dans une colère noire comme si j’avais proféré une insanité. A ce jour, les affaires de maman demeurent telles qu’elle les avait laissées avant ce voyage à KPALIME. Même ses effets de maquillage sur sa coiffeuse dans la chambre conjugale. Parfois, son parfum plane dans les pièces. Papa en vaporise quand le manque d’elle se fait trop virulent.
Je reste un petit moment dans la cour et regagne ma chambre. Je vais faire ma toilette avant de me glisser sous les draps. Ce n’est qu’après le message d’Ephraïm me confirmant qu’il est bien rentré que je ferme les yeux et m’endors le cœur léger.
*
*
Je suis réveillée à huit-heures du matin par mes meilleures amies Odette et Pélagie qui font un boucan terrible. Elles ont même réussi à intégrer papa dans leur délire. Derrière le sourire qu’affiche mon père, je décèle une tristesse, celle de voir partir sa petite fille. Le mariage est pour quinze-heures. Tout se fera à l’hôtel Ibis, notamment la célébration et la réception.
-Allez, fainéante, lève-toi. C’est le jour de ton mariage ! Crie Pélagie alias Pépé.
-Vous ne pouvez pas faire moins de bruit ?
-Certainement pas ! Appuie Odette.
Elles s’y prennent à deux pour me tirer du lit et m’obligent à danser au rythme de la musique assourdissante qu’elles jouent depuis le salon. ‘’No one like you’’ de P’square, un de mes morceaux tant chéris. Je sais d’ores et déjà que j’ai intérêt à y mettre du mien si je veux qu’elles me lâchent les baskets dans les trente prochaines minutes. Notre programme est déjà bien établi. Après ma douche tout à l’heure, nous irons prendre le petit-déjeuner dans mon restaurant préféré. Ensuite, direction chez l’esthéticienne qui est également la coiffeuse. Mes demoiselles d’honneur que sont Pépé et Odette et moi, nous habillerons et nous ferons maquiller sur place. Ma tenue est en sécurité avec papa depuis son achat. C’est lui qui me l’emmènera dès que nous serons à l’hôtel. Nous avons sollicité le service traiteur de l’hôtel. Alors, familles et invités n’auront qu’à se mettre sur leur trente et un pour venir nous honorer de leur présence, à l’heure convenue et célébrer avec Ephraïm et moi, ce jour très important de notre histoire.
Les filles consentent à me laisser tranquille quand elles jugent que j’ai assez dansé (rire). Je me jette sur mon téléphone et compose le numéro de mon petit cœur. Il ne décroche pas alors, je file dans la douche en me promettant de le rappeler après. C’est lui qui le fait alors que je suis couverte de mousse. Je le sais parce qu’il a une sonnerie spéciale. Je sors de la salle de bain dans cet état pour répondre à l’appel. Il se moque de moi quand je lui dis être nue et couverte de mousse. C’est sur la promesse de se retrouver dans quelques heures que nous raccrochons.
Je termine ma douche dans la bonne humeur, me prépare et rejoins les filles qui regardaient avec papa, nos albums-photos d’enfance. Au moment de sortir de la maison, je prends papa dans mes bras et lui dis combien de l’aime fort. Je n’arrive pas à retenir mes larmes et pleure un bon coup, tête posée contre son épaule. Ses larmes à lui restent dans son cœur mais rien qu’à travers son regard, je sais combien il est ému.
-Allez, chérie, arrête de pleurer. Me dit-il. Tu es si belle, comme ta mère.
-Je préfère pleurer maintenant que dans quelques heures pour ne pas ruiner mon maquillage. Dis-je en reniflant.
Odette et Pépé viennent me sortir de ses bras et nous nous engouffrons dans la voiture d’Odette.
Les heures défilent et me voici, au bras de mon père, marchant vers l‘élu de mon cœur qui me regarde comme si c’était la première fois. Il est tout beau dans son costume sur mesure et me communique tout son amour à travers son regard. Au moment où papa prend ma main et la remets à Ephraïm, mon corps entier est parcouru de frisson. En moi s’entremêlent joie et peur.
Le maire préside la cérémonie en coup de maître. Malgré le caractère juridique que revêt cette cérémonie, il ne manque pas de nous recommander de placer Dieu au centre de notre vie conjugale. Il nous donne de nombreux conseils qui me font chaud au cœur. Après ce passage, s’en suit la séance photo avec la famille en premier et les invités ensuite. Joe mon frère me présente la charmante dame qui l’accompagne comme sa petite amie. J’espère que cette fois-ci, ce sera la bonne. Mon frère n’a décidément pas de chance en amour. A trente-quatre ans, avec une bonne situation pourtant, il a du mal à se stabiliser.
Après la séance photos, les invités sont conduits dans le jardin de l’hôtel pour le cocktail pendant qu’Ephraïm et moi nous retirons dans la suite nuptiale pour nous changer. Avant que la maquilleuse n’arrive pour me faire une retouche, je bénéficie d’un orgasme violent, prise debout au milieu de la pièce par mon mari.
Nous attendons que tout le monde soit installé dans la salle de réception avant de faire notre descente. La soirée se passe pour le mieux. A la fin, je peux dire sans aucun doute que nous avons eu un mariage réussi. Ephraïm insiste pour me porter jusqu’à la suite nuptiale quand nous sortons de l’ascenseur. Les mots n’ont pas de place à l’instant T. Rien que par le sourire et les regards, nous nous comprenons. Nous nous déshabillons quand le téléphone d’Ephraïm se met à sonner.
-Tu l’as gardé dans ta poche ? Demandé-je surprise.
-Oui. Dit-il d’un air neutre.
-Ok, me contenté-je de dire. Je te devance dans la salle de bain.
Il attend que je sois dans la salle de bain pour décrocher car ce n’est qu’en ce moment que j’entends sa voix s’élever. Un petit moment après, alors que je me prélasse dans la baignoire au milieu des pétales de roses, il me rejoint l’air confus.
-Je dois descendre deux petites minutes pour voir Raoul.
-Il a quoi ton frère ?
-Je t’expliquerai tout à l’heure.
-Ok chéri, fais-vite.
Quand trente minutes après, ne le voyant pas arriver je compose son numéro, je tombe sur la messagerie vocale. J’appelle Raoul et tombe des nus quand il me dit qu’il n’a plus recroisé son frère depuis que nous sommes montés. Pis, il ne l’a jamais appelé après ce moment. Mon cœur se met à battre à une vitesse insoutenable. Ma nuit de noce, je la passe seule en tentant de joindre mon mari en vain. A quatre heures du matin, ne tenant plus, j’appelle mes beaux-parents pour leur faire part de la situation. J’appelle Joe et les filles également en leur interdisant formellement de joindre papa.
A cinq heures du matin, tout ce petit monde est attroupé autour de moi à l’hôtel. La réceptionniste dit avoir vu Ephraïm ressortir. Le portier affirme l’avoir vu monter dans une voiture dont les vitres étaient teintées et dont la description ne me dit rien. Une semaine après mon mariage, je n’ai toujours pas de nouvelle de mon époux qui semble s’être volatilisé dans la nature, mon calvaire commence.
Alexa KEAS (Mars 2018- Tous droits réservés).