Chapitre 1 : Vive les mariés !
Write by Chrime Kouemo
Stella Njitoyap observa son reflet dans le miroir de l’ascenseur qui l’emmenait au sixième étage de l’immeuble abritant le cabinet d’avocats Wandji et Associés. Elle avait rendez-vous pour la signature de son contrat de travail. Elle avait encore du mal à réaliser qu’elle revenait s’installer à Yaoundé, sa ville natale, pour y travailler, après dix-huit ans d’absence. Et dire qu’elle avait hésité à envoyer sa candidature pour le poste … N’eut été l’insistance de Véronique Ando, elle serait encore assise à son bureau de l’ONG “Les femmes de valeur” à Kigali, à rêver d’un nouveau challenge. Tout portait à croire que Véronique, avait plus confiance en son potentiel qu’elle même.
Si quelqu’un lui avait dit quelques années auparavant que la mère de Stephane, son premier amour, deviendrait une amie, presque une grande sœur même, elle lui aurait ri au nez, tellement cela lui aurait semblé improbable. La vie était parfois bien étrange, se dit-elle en souriant à son reflet.
Glissant les doigts sous la ceinture de sa jupe crayon, elle ajusta sa chemise, lissant les plis au passage. Le tintement d’ouverture des portes résonna dans la cabine. Elle redressa la tête et sortit de l’ascenseur. Un peu à sa gauche, sur la porte en bois rouge, était écrit sur une plaque murale dorée, “Wandji et Associés”. Prenant une grande inspiration, elle appuya sur la sonnette.
— Bonjour Madame, la salua d’un ton aimable, une jeune femme de taille moyenne et d’à peu près le même âge qu’elle, en s’effaçant pour la laisser entrer dans la chaleureuse salle d’accueil. Que puis-je faire pour vous ?
— Bonjour Madame. Je suis Stella Njitoyap et j’ai rendez-vous avec Maître Wandji-Mandeng
— Un instant, je la préviens.
Après une brève conversation téléphonique, l’assistante l’invita à la suivre dans un couloir à l’éclairage tamisé, puis ouvrit une porte. Stella vit Maître Wandji-Mandeng, se lever de sa chaise et s’avancer vers elle, un sourire aux lèvres, la main tendue.
— Bonjour Mademoiselle Njitoyap ! Comment allez-vous ?
— Bonjour Maître Wandji-Mandeng. Je vais très bien, merci. Et vous-même ?
— Bien ! Je suis ravie de vous voir dans nos locaux, dit-elle en l’invitant à s’asseoir d’un geste de la main
Grande de taille, avec une silhouette élancée, la femme de loi avait une allure distinguée avec son tailleur pantalon cigarette et une veste ajustée portée sur une chemise blanche au col échancré. Son visage allongé et légèrement anguleux lui conférait une certaine prestance.
— Moi, de même, lui retourna Stella en s’asseyant
Sur la table ronde, était posé un dossier cartonné vert. L’avocate s’en saisit, l’ouvrit, puis lui tendit deux tas de feuilles reliées.
— C’est le contrat que je vous ai envoyé par mail. Si vous voulez le relire avant de signer
Stella s’empara de deux feuillets. Un coup d’oeil rapide lui permit de s’assurer qu’il était en tout point conforme à celui qu’elle avait reçu par mail. Quelques minutes plus tard, elle avait apposé sa signature sur les deux exemplaires.
— Bienvenue chez Wandji et Associés , dit solennellement sa future patronne en lui tendant une main
— Merci, dit Stella avec un sourire qui cachait mal son excitation.
Elle n’aurait pas su l’expliquer mais sa nouvelle patronne lui avait inspiré beaucoup de sympathie dès leur première rencontre à Kigali deux mois plus tôt. Maître Wandji-Mandeng y était de passage pour un colloque. Veronique Ando, installée dans la capitale rwandaise suite à l’affectation de son diplomate de mari, avait tenu à ce qu’elles se rencontrent. Ce n’est qu’après qu’elle avait appris que son amie avait envoyé son CV à la femme de loi pour un poste de juriste dans son cabinet.
— Venez, je vais vous présenter aux collègues. Ils ne sont pas tous là, mais vous verrez la majorité.
Stella acquiesça et la suivit le long du couloir tapissé de lambris muraux en bois. Le cabinet Wandji et Associés comptait une petite dizaine d’avocats et de trois assistantes. Ses nouveaux collègues la saluèrent chaleureusement et lui donnèrent envie de commencer le boulot dans l’immédiat. L’ambiance semblait vraiment bonne. Elle fut présentée à Eliane Djabéa, son assistante qu’elle partagerait avec un collègue en déplacement à Douala pour une affaire.
Un quart d’heure plus tard, le tour terminé, la jeune femme reconduisait Stella à la porte d’entrée.
— Vous avez trouvé un logement ou vous habitez chez un parent ? Demanda l’avocate, la main posée sur la poignée de la porte.
— Je vis chez mes parents pour l’instant, répondit-elle
— Ok. En tout cas, n’hésitez pas à me le dire si vous avez besoin de louer un appartement. Je connais pas mal de propriétaires qui n’attendent que ça.
— Bien noté ! Merci beaucoup.
Après une dernière poignée de mains et un sourire, les deux jeunes femmes se séparèrent. Stella se retrouva devant le parvis de l’immeuble en quête d’un taxi. Elle devait se rendre à l’Église évangélique de Nlongkak où avait lieu le mariage de Ghislaine, la petite sœur d’Olivia. Elle ne savait même pas dans quelle direction elle devait prendre son taxi. Les années passées dans son enfance et ses séjours en vacances à être conduite par les chauffeurs de son père ne l’avaient pas aidée. Sa mère lui avait d’ailleurs proposé de se faire accompagner par Gilbert, leur actuel chauffeur, mais elle avait catégoriquement refusé. Maintenant qu’elle était de retour au pays pour un séjour à durée indéterminée, elle voulait prendre la peine de connaître dans les moindres détails la ville où elle était née.
Tendant la main, elle héla un taxi qui passait à sa hauteur et lui indiqua son lieu de destination. D’un coup de klaxon qui la fit sursauter, le chauffeur lui fit signe de monter. Stella s’installa à l’arrière aux côtés d’une femme corpulente qui mangeaient des arachides à coque grillées au fur et à mesure qu’elle les décortiquait, et qui balançait les coques à travers la fenêtre par la suite. Réprimant une grimace de désapprobation, elle lança un “bonjour” comme elle avait vu faire les rares fois où elle avait eu à prendre le taxi.
Le trajet jusqu'à l’église évangélique de Nlongkak dura à peine dix minutes. Elle s’abîma dans la contemplation de la circulation dense de cette fin de matinée. Ça lui faisait bizarre de se sentir presque comme une étrangère dans ce pays qui était pourtant le sien. Les autres devaient aussi le ressentir. Elle n’avait pas loupé le regard un peu intrigué que lui avait lancé le chauffeur quand elle avait parlé avec son accent français.
La voiture s’arrêta sur le bas côté, et le chauffeur tendit sa main en arrière.
— C’est ici l’église de Nlongkak, expliqua t’il devant son regard un brin perplexe
— Ah oui ! Merci, lui répondit-elle en sortant un billet de cinq cents francs CFA pour régler sa course.
Le taximan lui remboursa la différence et elle descendit de voiture. Le parvis de l’église était désert, signe que la célébration religieuse avait débuté. Stella chaussa ses lunettes de soleil et emprunta l’un des deux escaliers menant à la grande porte principale. Levant la tête, elle apprécia du regard les grandes colonnades qui rappelaient le style gréco-romain. De l’extérieur, on entendait le chœur qui s’élevait. En quelques secondes, elle fut projetée des années en arrière, à l’église Vie Nouvelle où elle avait pris tant de plaisir à donner sa voix tous les dimanches matins. Cette époque où elle fréquentait l’église assidûment lui semblait bien lointaine. Tellement d’eau avait coulé sous les ponts. Après ses échecs amoureux, dont le dernier avec Jérémie avait failli lui coûter la vie, elle avait pris du recul avec tout ce qui était institution religieuse. Ça faisait près de quatre ans qu’elle n’avait plus mis les pieds dans une église. Elle continuait de prier certes et de participer à des séminaires ou des conférences religieuses de temps à autre , mais elle n’avait plus le cœur à s'investir dans une assemblée religieuse comme elle l’avait fait par le passé. Olivia avait essayé de la convaincre par tous les moyens, mais n’y était pas parvenue.
Entrant dans l’église bondée, elle jeta un coup d’oeil sur l’assemblée espérant apercevoir son amie. N’y arrivant pas, elle sortit son téléphone de son sac, lui fit un texto et alla se poster dans un coin en attendant son retour. Quelques secondes plus tard, Olivia lui répondit lui demandant de la rejoindre au deuxième rang à gauche de l’allée centrale. Stella s’avança aussi discrètement qu’elle le put, le dos légèrement voûté.
— Stella ! c’est comment ? Lui demanda Olivia d’une voix chuchotée, un grand sourire aux lèvres quand elle s’assit à la place qu’ elle lui avait réservée.
— La forme et toi même ? Lui répondit-elle en se penchant pour lui faire la bise.
Son amie acquiesça d’un signe de tête. Se penchant légèrement, elle fit signe à Raphaël qui tenait bébé Kimia et la berçait contre son cœur. Il lui fit un check en guise de salut, s’abstenant de parler pour ne pas réveiller le nourrisson qui semblait faire un petit somme.
La cérémonie se poursuivit, très animée. La chorale était époustouflante comme elle s’en était doutée en entendant quelques notes depuis l’extérieur. Le pasteur n’était pas en reste, régalant l’assemblée avec toutes sortes d’anecdotes sur la vertu dans le couple selon Dieu. Son esprit vagabonda et elle se demanda si elle serait aussi posée que l’était Ghislaine si elle était assise là devant à célébrer son mariage avec l’homme de sa vie, devant leurs familles respectives et leurs amis. Elle s’imagina un instant dans les mêmes circonstances avec Jonathan, lui tenant la main les doigts entrelacés aux siens. Non, se dit-elle intérieurement et secouant la tête, il ne valait pas mieux mettre la charrue avant les bœufs. Ils étaient ensemble depuis six mois à peine, et il était un peu tôt pour commencer à se projeter aussi loin. Surtout que c’était en partie à cause de son impatience qu’elle avait essuyé autant de déboires en amour. S’éventant comme elle pouvait avec la brochure du programme, elle reporta sa pleine attention aux recommandations du pasteur envers les jeunes mariés.
***
Stella avala une gorgée de son jus de gingembre au goût corsé, appréciant la saveur et la fraîcheur du liquide le long de sa gorge sèche. La chaleur de ce début du mois de février était à la limite du supportable. Les grands chapiteaux dressés dans l’immense jardin d’un complexe hôtelier situé à Etoa Meki où se déroulaient le vin d’honneur et le cocktail dansant, ne parvenaient pas à contrecarrer les puissants rayons du soleil. Heureusement qu’elle avait pu troquer sa jupe crayon cintrée avec une robe certes ajustée à la taille, mais dont la jupe légère et fluide était plus commode.
— Alors, tu commences quand ? Lui demanda Raphaël
— Lundi matin. J’ai hâte !
— Encore toutes mes félicitations ! Qui l’eut cru ? Toi et tes manières de white là, revenir t’installer au pays comme ça ? Fit-il avec son éternel sourire moqueur
— Pardon, laisse-la, intervint Olivia en jetant un regard faussement menaçant à son mari. Moi je trouve ça cool. Elle aura déjà bien pris la température quand ce sera à notre tour de revenir l’année prochaine. On n’aura même plus besoin de lui apprendre le camfranglais, une corvée en moins.
Elle compléta son propos en lui adressant un clin d’oeil espiègle. Stella secoua la tête en souriant. Ces deux là s’étaient décidément trouvés. Ils ne rataient jamais l’occasion l’un et l’autre pour la taquiner. Ils faisaient partie des êtres les plus chers à son cœur et lui avaient prouvé de tellement de façons qu’ils seraient toujours là pour elle.
— Dommage que ma filleule soit entrain de faire la sieste. Avec elle au moins, j’ai des conversations plus intéressantes qu’avec vous deux
— Les deux là t’embêtent encore ? S’enquit Mélanie qui revenait du buffet avec un plateau garni de grillades, légumes et accompagnements divers.
— Tu les connais non ? Répliqua t’elle en tirant la langue à ses amis.
Mélanie déposa le plateau sur la table et le silence se fit pendant qu’ils se servaient. Stella avait rencontré sa demi-soeur deux ans plus tôt lors d’un séjour de vacances. S’il y avait eu une légère gêne entre elles au début, celle-ci s’était très vite dissipée et elles avaient pu établir une vraie relation malgré la distance. Sa demi-sœur était une femme douce et franche. Fraîchement mariée, elle s’était installée à Douala avec son conjoint.
— Au fait, demanda Mélanie en s’adressant à Olivia, l’eczéma de Kimia a diminué ?
— Oui, merci. Le manyanga a fonctionné à merveille. Les plaques sont entrain de sécher, repondit Olivia.
— C’est vrai que la chaleur là c’est quelque chose. La pauvre louloutte, compatit Stella.
— En parlant de louloutte, comment va Angela ? Demanda Olivia. Elle est déjà arrivée ?
Stella sourit à l’évocation de sa petite nièce, la fille de Victoria.
— Oui, il y a deux jours. C’est Ralph qui l’a ramenée. Je suis tellement contente. Je l’ai inscrite à une école privée à côté de la maison. J’espère qu’elle s’y plaira.
— Je ne m’inquiète pas pour ça. Du moment que tu es avec elle, tout ira bien
Les mariés arrivèrent à leur table, tout sourire. Toute la tablée leur adressa des félicitations. Ghislaine et son mari étaient rayonnants dans leurs vêtement de créateur assortis, composés d’un mélange de lin et de bogolan.
— Tout se passe bien ? Questionna t’elle, en appuyant son bras sur le dossier de la chaise d’Olivia
— Impeccable ! Assura Stella. La cérémonie était top et j’aime bien ce concept de cocktail dansant.
— Ah bon ? S’étonna la mariée. Tu es l’une des seuls avec Olivia. Les gens n’arrêtent pas de nous demander pourquoi on a fait ça, leur couper le goût de la njoka à 22 heures alors que c’est à ce moment que les vraies choses commencent
— Est ce que c'est alors faux ? Intervint Raphaël, secouant la tête l’air incrédule. Tu as déjà vu où une soirée de mariage s’achever à 22h ?
— Je te l’ai dit, sœurette, c’est ton mariage , tu fais ce que tu veux et basta ! dit Olivia en adressant un regard moqueur à son mari.
— Ne t’en fais pas pour ça, renchérit Philippe le jeune marié en riant. Même Kamsi qui n’arrêtait pas de nous fatiguer avec ça pendant les préparatifs croyant nous faire changer d’avis, a rabattu son caquet devant la détermination de Ghi. Il est maintenant entrain de planifier une virée en boîte avec ses potes.
— C’est qui Kamsi ? Demanda Stella
— C’est mon cousin, le gars brun agité que tu vois là bas, dit-il en désignant d’un mouvement de la tête un groupe d’hommes entrain de discuter bruyamment sous le chapiteau en face du leur.
Stella tourna la tête dans la direction indiquée et remarqua un jeune homme au teint très clair, riant à gorge déployée. Il semblait capter l’attention de tous ses camarades autour de lui. Elle l’avait déjà remarqué à la sortie de l’église et au moment du shooting photos. Il n’arrêtait pas de jouer le pitre pour faire rire tout le monde. Heureusement qu’il avait son public.
— Il n'a pas l’air si mécontent que ça, apparemment, conclut-elle en reportant son attention vers les mariés.
— Ne dis pas ca, on l’a attrapé entrain de soudoyer le Dj pour prolonger la soirée, répliqua Ghislaine en levant les yeux au ciel. Tiens ! Quand on parle du loup, le voilà qui vient vers nous.
Dans un réflexe, Stella se retourna et vit le dénommé Kamsi avancer vers eux d’une démarche souple. Grand de taille et mince, son smoking aux revers du même motif tissu pagne choisi par les mariés, semblait avoir été cousu sur lui tellement il était ajusté. Ses lunettes noires style aviateur à écran miroir masquait l’expression de ses yeux, mais un sourire large étirait ses lèvres légèrement rosés jusqu’aux oreilles.
— Héééééééé ma BS ! S’exclama t’il d’un ton nonchalant en donnant une accolade chaleureuse à Ghislaine. J’ai senti que tu étais entrain de gâter mon nom ici là
— Ekié Kamsi ! Répliqua la mariée en riant, tes oreilles sifflaient déjà ?
— Est-ce que je t’ignore ? En tout cas, j’ai déjà géré mon after.
— On te fait confiance ! Assura Philippe d’un ton amusé.
— N’est ce pas mollah ? Acquiesça t’il en faisant un check au marié
Stella le vit se tourner vers elle, puis relever ses lunettes de soleil sur le sommet de son crâne, révélant des yeux d’un marron clair saisissant bordés de cils fournis.
— C’est même quoi ces manières ? Personne pour me présenter cette charmante demoiselle ?fit-il mine de s’indigner les sourcils froncés.
— Ah oui c’est vrai ! Dit Ghislaine. Voici Stella, une grande amie d’Olivia et sa belle-sœur aussi . Kamsi, ce grand trublion est mon beau-frère.
Kamsi s’approcha d’elle, l’œil pétillant. Le voyant s’incliner pour lui faire la bise, elle le devança et tendit sa main droite. Surpris, il marqua un arrêt, haussant un sourcil ; puis prit sa main dans la sienne.
— Enchanté ! Dit-il en inclinant la tête d’une façon théâtrale qui l’agaça un tantinet
— Moi aussi, murmura t’elle du bout des lèvres.
Il soutint son regard quelques instants avant de se retourner pour continuer à blaguer avec les autres, puis regagna sa table en même temps que les mariés. Stella relâcha sa respiration, s’apercevant qu’elle s’était crispée durant le court et bref échange avec Kamsi. Levant la tête, elle vit le regard incrédule d’Olivia braqué sur elle. D’accord, ca ne lui ressemblait pas; elle avait été à la limite de l’impolitesse, mais elle n’avait pas blairé le personnage. Pourquoi devait-elle se forcer juste parce qu'il était le beau frère du marié ? Ignorant son amie, elle s’empara de sa fourchette qu’elle piqua dans la viande grillée moelleuse à souhait.
***
Sous les cris et les encouragements de ses amis rassemblés en cercle autour de lui, Kamsi reproduisait à la perfection les pas de danse de Fally Ipupa du clip de la chanson “École”. La mini soirée dansante touchait à sa fin et le Dj avait fait de l’excellent travail. Il acheva sa prestation en bloquant son pied droit fléchi en l’air en même temps que la chanson se terminait. Des murmures de protestations s’élevèrent quand le Dj annonça la fin de la soirée. Il n’était que 23h.
Kamsi ouvrit un bouton supplémentaire de sa chemise. Tourner les reins à la manière de Fally n’était pas chose aisée.
— On donne un coup de main pour ranger et on fonce au Saf ? Demanda t’il en s’adressant à ses potes.
Ils acquiescèrent de concert et se mirent à empiler les chaises et débarrasser les tables. Du coin de l’œil, il vit Stella entrain de ramasser les serviettes usagées et les jeter dans un grand sac poubelle. Elle avait ôté ses sandales à hauts talons et marchait pieds nus. La lumière tamisée diffusée par le grand spot accroché sous le chapiteau éclairait son beau visage au teint chocolat. Il resta un long moment à contempler sa silhouette aux courbes appétissantes : une opulente poitrine, des fesses fièrement rebondies, elle avait un corps de déesse.
Toute la soirée , la jeune femme avait superbement ignoré ses tentatives pour engager la conversation. Elle lui avait même refusé une danse alors que la plupart des femmes disponibles de la soirée faisaient tout pour attirer son attention. Visiblement, elle l’avait pris en grippe pour une mystérieuse raison. Mais, il en fallait plus pour le décourager. Il n’était pas habitué à ce qu’on lui dise non, et durant ses trente quatre années d’existence, il ne s’était jamais contenté d’un non. Il était tenace et manœuvrait pour toujours atteindre les objectifs qu’il s’était fixé. Ce n’était pas aujourd'hui qu’il dérogerait à ses règles.
Sa tâche terminée, il vérifia que son portefeuille et ses clés de voiture étaient bien dans sa veste de smoking, puis s’adressant à Yvan, son compère de toujours :
— Wait moi ici. J’arrive.
— Hum… Tu veux encore te fairer têter ? On dirait que tu es maso ce soir, commenta t’il en riant
Kamsi lui fit un clin d’oeil et sourit en retour. Yvan le connaissait décidément trop bien.
— Ça n’a jamais tué personne, répliqua t’il. Qui ne risque rien n’a rien.
Et d’un pas décidé, il se dirigea vers le chapiteau d’en face.
— Raph c’est toujours bon pour toi ? Demanda t’il à son beau frère par alliance
Il avait fait la connaissance de Raphaël au cours de la dernière semaine des préparatifs du mariage. Ils s’étaient tout de suite bien entendu. Il avait apprécié son franc-parler et son esprit aiguisé pour les affaires. Ils prévoyaient même déjà une collaboration dans les mois à venir.
— Oui, c’est toujours ok pour moi. Je vais voir Olivia et Kimia à l’intérieur et je reviens, répondit-il
La femme de Raphaël avait décliné l’invitation quelques instants plus tôt, souhaitant rester auprès de leur petite fille encore nourrie au sein.
— Ça marche.
Raphaël parti, il se retrouva seul avec Stella qui continuait de s’affairer en repliant la grande nappe de table.
— Et toi, Stella ? Ça te dit ? S’enquit-il en s’approchant d’elle
— Non, je ne suis pas intéressée, lâcha t’elle d’un ton laconique après lui avoir jeté un regard très bref.
Elle ne se donnait même pas la peine d’enjoliver sa réponse, comme si elle perdait déjà trop de temps à lui répondre. Il ravala une fois de plus sa déconfiture. Ce n’était pas son jour aujourd'hui, ou en tout cas, pas avec elle.
— Ok ! Tu seras à l’after demain ? Demanda t’il néanmoins, cherchant à accrocher son regard.
Elle prit la nappe sous son bras, avant de lui répondre :
— Non.
Puis sans lui laisser de temps d’en placer une, elle ajouta un sourire un peu crispé sur ses lèvres :
— Je vais devoir y aller. Bonne soirée.
— Bonne soirée. À bientôt !
Et elle s’en alla d’un pas rapide vers la salle annexe. Il secoua la tête et rejoignit Yvan, qui, il le savait, avait assisté à toute la scène de loin.
— Wèèèè, mollah, la nga là t’a mis K.O aujourd'hui hein ? Fit-il en s’esclaffant
— Ouais, tu peux jubiler, acquiesça Kamsi, en haussant les épaules, bon perdant. Je vais quand même ask à son frère de la sonder un peu.
— Elle a peut être quelqu’un dans sa vie ? Suggéra son ami tandis qu’ils se dirigeaient vers la voiture. Et puis, peut-être aussi que tu ne lui plais tout simplement pas.
— Je préfère la première option, répliqua t’il en riant.
***
Notes :Mollah : titre entre amis masculins
Saf = Safari : boîte de nuit à Yaoundé