Chapitre 13 : Olivier

Write by Sandy BOMAS



OLIVIER


« Merde ! Merde ! Qu’est-ce que j’ai fait ? Mais pourquoi j’ai ramené cette échographie et tout le reste à la maison ? Quel con ! Là j’ai vraiment merdé ! Comment vais-je réussir à rattraper ça ? Et puis Van’s aussi pourquoi elle a fouillé dans mes affaires ? D’ailleurs depuis quand elle regarde dans mes affaires ? Elle est tellement carrée sur ce genre de chose que, je suis surpris qu’elle ait eu à le faire….Je suis sûr et certain que c’est l’autre pointue* (curieuse) de Cynthia qui lui a bourré le crâne …A moins qu’elle ait eu des soupçons…Et pourtant j’essaye de gérer au mieux. Et si Quelqu’un m’avait aperçu avec Tatiana et avait décidé de tout lui répéter ? » 
Je roulais sans but précis et puis je décidai d’aller rendre visite à Tatiana malgré l’heure avancée. J’essayais aussi présent que possible. Mais en réfléchissant ces derniers mois j’ai beaucoup délaissé Van’s et je ne m’en suis même pas rendu compte…. « Quel sale égoïste !.... » D’un geste lasse je me passai la main sur la tête. « Jusqu’à présent j’avais tous les avantages de la situation….Là il va falloir que je trouve vite comment arrêter le feu avant qu’il se propage…. »
Je fréquentais Tatiana depuis près d’un an maintenant. Je l’avais abordé un soir alors qu’elle sortait des cours. Au début c’était purement physique et puis la relation a très vite évolué, pour prendre une tournure plus stable. Je ne sais plus comment on s’est retrouvé a parler d’enfant…Tous s’est fait naturellement. L’Horloge biologique de Tatiana était réglée à l’heure bébé. Tandis que pour Vanessa les enfants ne faisaient pas partie de ses projets du moment. « Je ne suis pas encore prête chéri…. » « Ce n’est pas encore le moment… » « On n’est pas bien comme ça tous les deux ? » « Un enfant ça prend beaucoup de place… » J’ai eu droit à toutes les excuses. 
Tatiana était à sa dernière année à l’institut de gestion. Ce projet d’enfant nous l’avons pensé et mûrement réfléchi alors quand elle m’avait annoncé qu’elle était enceinte deux mois après que nous ayons parlé d’enfant, j’étais aux anges. Mais pour moi il n’a jamais été question de tout foutre en l’air avec Van’s.
T atiana habitait un quartier populaire où les habitants se couchaient à pas d’heure. Les bars, ouverts vingt- quatre heures sur vingt-quatre, faisaient le bonheur des pseudos intellectuels, qui, autour d’une Régab (bière local) refaisaient le monde en se lançant dans des débats sans fin. Parfois ils élevaient la voix ou employaient des mots aussi compliqués qu’inexistants pour justifier d’un passage fantôme au grand portail noir* (université UOB). Ils tentaient d’épater des filles qui avaient cassé le bic* (arrêter les études) depuis kala –kala* (belles lurettes) et s’étaient désormais spécialisées dans l’organisation de concours de la plus grande gnoleuse*(buveuse d’alcool) du quartier.
Des rats de la taille de chats sortaient des maisons tchica tchiè- je- tombe * (habitation précaire) et se disputaient des restes de repas avec des fous qui trainaillaient dans le mapane (bas quartier). Des passants n’hésitaient pas à leur donner un tee-shirt ou un pantalon pour cacher leurs bijoux de famille qu’ils exhibaient sans pudeur une fois que la folie leur montait au cerveau. 
Après une manœuvre sans fin, je garai ma voiture à la station- service située sur la voie principale et confiai la surveillance de mon 4X 4 au veilleur de nuit qui cassait l’œil* (dormir) plus qu’il ne faisait la ronde. Moussa le gardien, savait que si quelqu’un s’approchait un peu trop de ma voiture, il suffirait juste qu’il crie « au voleur ! » pour que chacun sorte avec bâton, caillou, pèle, détendeur de gaz, fer à repasser et même eau bouillante pour régler son compte au malfrat.
Même si j’avais réussi à me faire passer pour un riverain en venant à Plein Ciel (nom du quartier) j’avais très vite compris que non seulement je devais tronquer mes pantalons à pinces et mes chemises, contre un jean et un tee-shirt lorsque j’ y venais, mais je devais aussi rester cool, lorsqu’on m’appelait « mon bo » « le grand » « mani » et qu’on me demandait une bière ou un billet qui trainait dans ma poche.
Pendant que j’empruntais le chemin qui menait chez Tatiana, une jeune à l’allure douteuse me suivait depuis un petit moment déjà. Inquiet, j’accélérai le pas. « J’espère que ce n’est pas un bangando*(braqueur) ….» La main sur la bombe lacrymogène que j’avais dans la poche je me tenais prêt à riposter au cas où….
-Mani* (mec) lâche moi un colo, je veux jet dans mes par rapports* (Je veux aller dans mes grooves) ! 
.
La main toujours dans ma poche, je ne lâchais pas l’atomiseur. Je m’arrêtais et fis face au gars qui venait de me parler. Un jeune homme d’une vingtaine d’années, pantalon jean au raz des fesses, débardeur et bandana sur la tête, allure nonchalante, se tenait devant moi. 
Je sorti un billet de deux mille francs cfa (environ trois euros) de ma poche et le lui tendis. Content que sa requête ait été satisfaite, il me fit un salut enguirlandé de : je te claque des doigts, te tape dans la main plusieurs fois, avant de me dire :
-Mani tu assures ! En tout cas tant que je suis dans le cartoche* (quartier), personne ne pourra te faire de faux ways* (personne ne pourra s’en prendre à toi), tu comprends non ?
Pour toute réponse je lui fis un sourire et un hochement de tête.
« Il doit être sous l’emprise du chanvre, je ne vais pas rester là à l’écouter trop longtemps des fois que ça fasse tilt dans sa tête…. »
Quand j’arrivais chez Tatiana, il n’y avait personne dehors. Les portes et les fenêtres étaient fermées mais la lumière qui émanait du salon m’indiquait qu’il y avait encore quelqu’un d’éveillé.
-Kôkôkô* (Toc toc toc)
-C’est qui ?
-C’est moi, Maman Anto, c’est Olivier.
-Oh mon fils c’est toi ? 
Après s’être assuré qu’elle reconnaissait la voix du visiteur nocturne, la quinquagénaire entrouvrit la porte et laissa entrer Olivier.
-Oh dirou* (femme enceinte) on dit quoi ? Il faut déjà commencer à faire le footing hein, si tu ne veux pas que le bandit là fasse dix mois dans ton ventre. 
Pour toute réponse, Tatiana me toisa avant de cracher dans le pot de yaourt qui se trouvait à ses pieds. Je m’approchai d’elle et déposai un baiser sur son front. « Pudeur oblige… Pas de démonstration excessive devant la Maman »
-Parle un peu Olivier, peut être que toi elle va t’écouter. Même faire les cent pas dans le quartier madame ne veut pas. Elle ne reste que là allongée dans le divan.
-La vieille pardon ne commence pas, tu sais bien que je suis fatiguée j’ai mal au dos mes jambes sont enflées je vais marcher comment dans le quartier là ? Avec toutes les odeurs de poubelles là tu veux que je dead* ou quoi ? (tu veux que je meurs ou quoi ?)
-Yeuh toi-même là- bas ! Le jour J tu vas faire continuer de faire la paresseuse hein ? 
-Je sais bien que tu ne peux pas laisser ta fille souffrir, tu vas seulement me faire un de tes lavements qui fait vite accoucher.
-En tout cas si tu me fais honte à l’hôpital le jour de l’accouchement, je vais te régler ton compte avec l’eau chaude* (soins traditionnels appliqués à une femme après l’accouchement)
-Aka la vieille c’est maintenant à base de menaces ?
Elles rirent de bon cœur.
Je les regardais en souriant avant de taquiner Tatiana à mon tour.
-Fainéante ! Dis-je lui en tirant gentiment sur la joue.
-Comme tu as déjà porté un enfant un jour, c’est pourquoi tu me traites de fainéante ! Tchiiip
Elle me donna une gentille gifle.
-Qu’est -ce que tu bois Olivier ?
-Maman ne te dérange pas pour moi…
-Je ne me dérange pas mon fils, Je vais envoyer ton beau- frère te prendre un coca chez Diawara. 

La sœur ainée de Tatiana fit son entrée dans le salon.
-Qu’est -ce qu’il fait là celui-là ?
Elle venait de parler de moi à la troisième personne, à son habitude. Elle ne m’apprécie pas beaucoup et c’est réciproque. En temps normal je lui aurais déjà réglé son compte, mais là je n’étais pas chez moi, je décidais donc de prendre sur moi et de ne pas répondre.
-On dit bonsoir c’est la moindre des choses…
« Ah heureusement que Tatiana n’a pas sa bouche dans sa poche !... »
-Je dis bonsoir si je veux ! C’est un homme marié qu’est-ce qu’il fait ici à pareille heure ?
-Il n’est pas marié ! 
-Il n’est pas encore passé devant le maire pour ton information !
-Il vit avec une femme sous son toit oui ou non ? Donc c’est la même chose, il est casé ! Ne joue pas avec les mots Tatiana !....

-Raïssa ! Toi aussi ….Tu ne peux pas laisser ta sœur tranquille…Regarde son état….
-Non Maman il n’y a pas de moi aussi ! C’est toi qui encourage tout ça !
-Elle m’encourage en faisant quoi ? Mêle-toi de tes affaires !....
Tatiana venait de se mettre debout, mains aux anches elle défiait sa grande sœur du regard. 
-Ne me parle pas sur ce ton Tatiana ? Sinon…
-Sinon quoi ?!
Tatiana énervée se dandinait devant sa sœur ainée comme un ballon trop gonflé. 
-Tu as la chance parce que tu es enceinte…
-Je te donne rendez-vous dans quelques semaines si tu veux Raïssa !
-Je ne vois même pas pour quoi je perds mon temps ici….Mieux je bouge ! 
-Oui c’est ça ! Il faut partir ! Jalouse ! Aigrie que tu es !
-Tchiiiip il y a même quoi à jalouser là ? Voleuse de mari que tu es !
-Moi je suis une voleuse de mari, mais toi ? A trente -sept ans passés tu vis encore sous le toit de ta mère ! Il est temps que tu sortes d’ici ! Trouve toi un homme vieille fille va !
-Tatiana tu parles comme ça avec qui ?
-Avec ……
Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase que Raïssa se jeta sur elle comme une furie.
-Parle encore ! Ce n’est pas la bouche que tu fais là parce que ta mère t’encourage je vais bien te bastonner aujourd’hui tu vas voir ça !
-Laisse ta sœur ! 
Antoinette se jeta sur sa fille ainée et dans la précipitation manqua de faire tomber son pagne.
-Oh la vieille laisse-moi !
-Tu ne vois pas qu’elle est enceinte ? 
-Quand elle m’a manqué de respect elle ne savait pas qu’elle était enceinte ? Je vais lui régler son compte à cette insolente !
Raïssa se jeta sur sa sœur qui perdit l’équilibre et se retrouvait au sol.
-Aie ! Mon ventre ! Aie !
Moi qui étais resté à l’écart de la dispute depuis le début, je bondis de mon siège et saisi Raïssa par les cheveux.
-Dépêche- toi de la lâcher tout de suite !....
-Aie mon ventre ! Aie ! Je perds les eaux. Maman ! Maman !... Olivier ! Aie ! J’ai mal au ventre…..
Je poussai brusquement Raïssa qui allait tituber quelques mètres plus loin. Et aidai Tatiana qui pleurait à chaudes larmes en se tenant le ventre.
« Merde ! Il ne faut pas que je perde mon sang froid ! Il faut allez à l’hôpital tout de suite ! »
-S’il arrive quelque chose à mon fils tu vas me sentir ! Dis-je en menaçant Raïssa.


© PLUME 241 

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