Chapitre 14 : Devant le fait accompli

Write by Sandy BOMAS



Deux heures plus tard 


**Alexiane AISSO**


Je ne dormais pas quand j’ai entendu la porte de l’entrée faire du bruit. J'ai dressé mes oreilles et j’ai entendu Will poser ses clés sur la table, puis le silence s’est installé. Je suis restée dans le lit quelques minutes puis j’ai décidé de le rejoindre. Il se tenait debout devant l’une des fenêtres à admirer le paysage.


-Will ? Murmurai-je 


Il s’est tourné vers moi une fraction de seconde avant de reprendre sa position initiale. J’ai eu l’occasion de voir son torse nu. Il a ouvert les boutons de sa chemise mais ne l’a pas retiré. Mon regard a glissé sur son physique dont je suis folle. Tout doucement je me suis approchée de lui mais la première chose qui m’a frappée a été cette odeur, ce parfum de femme qui émanait de lui. Mon cœur s’est serré. Il était effectivement avec une femme. 


-La pluie s’est arrêtée donc j’ai pu rentrer…


-Quelque chose ne va pas ? Demandai-je en prenant sur moi. 


-Tout va bien…Je suis juste pensif. Tu ne dors pas pourquoi ?


-Je suis insomniaque ces derniers temps. Tu viens te coucher ? 


-Vas-y…Je vais prendre une douche. Et je te rejoins. 


Il a retiré sa chemise et j’ai écarquillé les yeux de surprise. Sur son dos, se trouvent des traces d’ongles. William a des griffures presque sur tout le dos. Elle l’a marqué. 


Mes yeux se sont mouillés de larmes et j’ai reculé. Il ne doit pas soupçonner que j’ai percé son secret…Parce que d’ici là, il oubliera cette femme…


«Tu l’oublieras Will. Je t’en fais la promesse ». 


(…)


***William Kendrick***


Je sentais qu’Alex était sur la défensive et je devrais normalement la prendre dans mes bras et la réconforter mais c’était impossible sur le moment. Je n’en avais tout simplement pas envie. Je ne peux pas aller vers elle après ce que je viens de faire. J’ai été infidèle pour la première fois et un sentiment de culpabilité me tenaille. J’ai entendu ses pas décroitre et après quelques secondes, la porte de la chambre s’est refermée. Je me suis dirigé vers l’un des fauteuils dans lequel je me suis assis et j’ai roulé ma chemise en boule que j’ai gardée dans ma main. De l’autre main, j’ai composé le numéro de Francine. La sonnerie a retentit à plusieurs reprises mais en vain. Cela fait près de deux heures que j’essaie de la joindre mais elle ne décroche pas. 


« Comment ai-je pu être si méchant avec elle ? » pensai-je. 


J’ai bien vu que je l’avais blessée quand je lui ai dit que je ne voulais pas avoir d’enfant avec elle. Je me suis mal exprimé en fait. L’idée d’avoir un enfant avec Francine me dérange car je suis un homme marié. Mais si j’ai un enfant quelque part, je voudrais que ce dernier vive et grandisse avec moi. Et comme ce n’est possible avec Francine, j’ai préféré lui dire les choses comme je les voyais. Mais le timing choisi n’était pas bon et les mots utilisés aussi. 

J’ai cru qu’en lui faisant l’amour une fois, je réussirai à me débarrasser des sentiments qu’elle m’inspire. Mais je me rends compte que je me suis fourvoyé. J’ai envie de cette femme plus encore. La toucher à nouveau m’a grisé. Serais-je en train de confondre amour et désir ?  J’ai relancé l’appel. 


-Allô…


Mon cœur s’est mis à battre plus vite. 


-Pourquoi tu ne décrochais pas ? Fis-je à voix basse.


-Que veux-tu Will ? Dit-elle sur un ton cassant


-Tu es partie fâchée et je n’arrivais pas à te joindre…Tu es bien rentrée au moins ? 


-Oui...Ne t’inquiète pas pour moi…Ecoute Will, tu as été très clair tout à l’heure. On n’a plus rien à se dire... Bonne nuit !


-Attends ! Pourquoi est-ce que tu ne veux pas essayer de comprendre que je ne voulais pas te blesser ? Je n’ai pas utilisé les bons mots pour m’exprimer. 


-Cela n’a plus d’importance tu sais…Cette nuit a été spéciale pour moi et je la garderai en mémoire, mais il est temps que tu reprennes le cours de ta vie…Tu es marié…ne m’appelle plus. 


-Tu ne peux pas me demander ça ! Pas après tout ce qui s’est passé entre nous. 


-Pourtant j’insiste…De toutes les façons, je ne répondrai plus à tes appels. 


-Fran ! Ecoute…


-Supprime mon numéro de ton téléphone William ! 


Un silence s’est installé entre nous. J’ai humé ma chemise qui a absorbé son parfum. J’ai l’impression de l’avoir près de moi. 


-Si tu tombes enceinte. Tu m’en parleras ? 


-…


-Parce que j’ai comme l’impression que tu ne prendras pas la pilule du lendemain et que tu es effectivement en période de fécondité….Je peux gérer Fran. Je te le jure. 


-Je suis assez grande pour ne pas éviter de prendre la pilule…Et je peux gérer une grossesse. Si je tombe enceinte, je ne te dirai rien parce que tu as dit que tu ne souhaites pas avoir d’enfant hors mariage. Tu as eu ce que tu voulais William et ensuite tu t’es souvenu que tu avais une femme


-Je ne le pensais pas...Dis-je en espérant rattraper ma bourde


-Will…Cette discussion est  purement inutile…J’ai sommeil, je vais me coucher.


-Fran !...Promets-moi…


« Mince ! Elle a raccroché… »


J’ai été tenté de rappeler puis je me suis dit que cela n’en valait pas la peine. On a tous besoin de réfléchir. Un enfant de Francine serait la fin de mon mariage et Alex ne me le pardonnerait jamais mais je suis un homme responsable si jamais j’ai un enfant avec une autre femme, je ne le laisserai jamais loin de moi…


Voilà que je me mets à songer à avoir un enfant avec une autre femme... Alex a des difficultés à m’en donner c’est vrai, mais est-ce pour autant que je ne dois pas connaitre les joies de la paternité ? J’ai tellement envie d’avoir des enfants…Et si Fran pouvait m’en donner ? Ai-je le droit de penser comme cela ? Je ne sais plus très bien où j’en suis.


« Je me sens tellement coupable envers ma femme »


(…)


Le lendemain matin aux aurores


****Francine MIKALA***


« Tu t’es comportée comme une sale garce Francine MIKALA. Tu as couché avec le mari d’une autre femme. Tu lui as fait ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse ! »


Ce fut mes premières pensées quand j’ai ouvert les yeux ce matin. Mes yeux me faisaient mal à force d’avoir beaucoup pleurés. 


« Des amants maudits ! » Voilà, ce que nous sommes. La promesse que voulait m’arracher William hier nuit m’a beaucoup fait réfléchir. Il a exprimé des regrets par rapport à ses propos et la seule chose que je puisse faire est de lui dire la vérité. Je ne sais pas si la nuit dernière portera ses fruits. Je dois donc me préparer à aller à nouveau vers lui si je ne tombe pas enceinte. Il a le droit de savoir qu’il a une fille. J’en ai marre de tergiverser de cette manière. Prenant mon portable, je suis allée dans la messagerie de Whatsapp. Ce n’est pas la meilleure manière de lui annoncer la nouvelle mais je n’ai pas d’autre alternative. Après sa lecture, s’il veut rencontrer sa fille, il me contactera. 


« Bonjour William. J’espère que tu as bien dormi. J’ai repensé à tout ce qui s’est passé entre nous et à cette promesse que tu voulais me soutirer hier. Je t’ai caché un fait important depuis cinq ans et hier, j’ai encore manqué de courage. Tes mots m’ont blessé et je me suis rétractée plutôt que de dire la vérité. Mais il ne s’agit pas de moi maintenant. On a eu une fille ensemble il y a cinq ans. Elle est avec moi et c’est elle qui souffre de la leucémie. Je pense que tu sauras tirer le reste des conclusions. Appelle-moi si tu ressens l’envie de faire sa connaissance. Je t’aime William. Je n’ai jamais cessé de t’aimer et hier nuit a été exceptionnelle pour moi. Alors, si je tombe à nouveau enceinte, tu en seras informé. A moins que tu ne décides que tu ne le veuilles pas. Je te présente mes excuses par rapport à la manière dont j’ai géré cette histoire. J’avais peur vu les tensions qui séparent les MIKALA des SACRAMENTO. »


J’ai fermé les yeux et j’ai envoyé le message. Le signal blanc est apparu me prouvant que mon message avait bien été envoyé. J’attendrai que le signal bleu apparaisse. Au moins, je saurai qu’il a lu mon message. S’il ne me contacte pas, je serai fixée une bonne fois. Je sais qu’il ne me pardonnera pas le fait que je lui ai caché l’existence de sa fille. 


(…)


Au même moment. 


***Alexiane AISSO***


Je ne dormais pas. Je n’ai pas réussi à fermer les yeux de la nuit. William a dormi comme un bébé par contre. J’avais des envies de meurtre. Comment suis-je sensée me comporter ? Comment jouer le jeu pendant longtemps ? Son portable a vibré et j’ai allongé la main pour le récupérer. Il n’était pas verrouillé. Donc c’est naturellement que je suis allée dans sa messagerie pour lire le message qui venait de s’afficher. J’ai cru tomber de haut. 


-Quoi ?! Fis-je tout bas en me redressant. Ce n’est pas possible !


« Le numéro n’est pas enregistré, mais il est clair qu’il appartient à sa maîtresse »


Je me suis mise à pleurer. Cette femme veut prendre mon homme et mon foyer. Il n’y a aucune chance que je m’en sorte indemne si William apprend qu’il a une fille dehors. Et en plus, elle parle de seconde grossesse. Je ne peux pas laisser William lire ce message. Cette voleuse de mari prétend être amoureuse de lui. J’ai appuyé sur l’option « Supprimer le message » et sans hésiter, je l’ai effacé. J’ai rangé le portable et je me suis couchée avec le cœur gros. 


(…)


Quatre mois plus tard 


**William SACRAMENTO**


-Je dis juste que tu as changé Will…Je ne sais pas comment l’expliquer. Tu es différent ! Lança Alex en avalant une gorgée de son jus. 


On se trouve dans le restaurant dans lequel j’ai revu Francine il y a deux mois de cela…Les choses étaient allées tellement vite entre nous et le jour suivant je la remettais dans mon lit. Depuis je n’ai eu aucune nouvelle. Je n’ai pas eu assez de cran pour reprendre  contact avec elle. C’est sûrement les conséquences de tout ceci sur moi que ma femme qualifie de « changement ». 

Je suis à cran. J’ai passé et repassé notre dispute dans ma tête plus de mille fois et je me suis rendu compte que j’ai été trop brusque avec elle…

Je voulais juste qu’elle puisse comprendre que mon mariage compte à mes yeux. Si jamais elle tombait enceinte, Alex me détestera. C’est une chose de la tromper mais lui ramener un enfant,  alors que je sais qu’elle a du mal à concevoir, ce serait très cruel de ma part.

 Il y a autre chose qui me tracasse…C’est comme si par moment, j’avais tendance à oublier carrément son existence…C’est quand je la vois en ligne ou qu’une femme lui ressemble un peu que je me rappelle d’elle et j’ai mal…Sinon les autres jours, je me sens plutôt bien. 


-Ohééé allô la planète terre ? Veuillez me renvoyer mon homme ! murmura Alex en me fixant. 


-Désolé, je pense à beaucoup de choses en ce moment. 


-Soit…Papa m’a appelé hier. Il veut qu’on pense à un moyen d’arranger cette histoire de dot. 


Je me suis raidi. Ils ne lâcheront pas l’affaire à ce que je vois. 


-On s’est marié à la mairie déjà…La dot est une urgence ? 


-Non mais tu sais qu’en Afrique, ce sont des traditions à respecter. Et on ne l’a pas fait. 


-Ecoute. Je vais y aller sinon je sens que risque de dire certaines choses que je regretterai. 


J’ai fait mine de me lever mais ma femme m’a fait signe de ne pas tenter. Je me suis assis à nouveau. Alex m’a regardé durement.


-Tu ne veux pas me doter Will ? Ou bien est-ce parce que je ne peux pas concevoir ? 


-Tu t’es demandée comment on fera pour avoir des enfants ? 


-Will ! Comment oses-tu me dire une chose pareille ?! Tu m’as épousée pour ma capacité à te pondre des gosses ou tu m’as épousée parce que tu m’aimes ? 


« J’ai tiqué….Est-ce moi qui débloque ou bien c’est elle ? ».


-Je ne suis pas un homme sans cœur Alex…Tu ne peux pas m’en vouloir d’être déçu par ce qui se passe, mais est-ce que j’ai déjà eu des gestes déplacés, vis-à-vis de toi ? Ai-je fait quelque chose te prouvant que je t’en voulais d’être non fertile ?

 Je suis humain et j’ai parfaitement le droit d’être déçu parce que je sais que je ne pourrai pas avoir des enfants de mon sang, l’histoire de la dot n’a rien à y voir. 

On pourra adopter…Il y a plein de bébés qui n’ont pas de mère pour veiller sur eux. 


-Je sais. 


« Alex m’énerve de plus en plus. Je ne sais pas pourquoi, mais elle me sort par les pores ! Elle passe son temps à se plaindre. Je passe plus de temps dehors. Entre l’édition des livres de mes clients, les affaires de papa que je gère d’une certaine façon, je n’ai plus de temps à lui accorder. J’ai l’impression qu’il y a un vide en moi. Et c’est quand le souvenir de Francine se ravive dans ma mémoire que je me sens un peu mieux. Mais ensuite, je suis ramené à la réalité. Je n’ai pas repris contact avec Francine et de son côté, elle n’a rien fait. Je ne sais même pas si elle est encore au pays. Je n’ai plus rien cherché à savoir d’elle ». 


-William fit une voix derrière moi. 


Je me suis tourné et j’ai vu Stella radieuse dans une belle robe de couleur noire. Je ne voulais pas avoir à présenter les deux femmes, mais là je n’ai plus le choix. Je me suis levé avec un sourire plaqué sur les lèvres conscient que ma femme ne me lâchera plus avec les questions. 


-Bonjour Stella…que fais-tu là ? Demandais-je en lui tendant la main. 


-Bonjour William j’attendais une amie mais elle m’a fait faux bond…Et toi que fais-tu là ? 


-Je prends un verre avec mon épouse. Stella je te présente Alexiane…Alex, je te présente Stella.


Alexiane s’est levée et les deux femmes se sont serrées la main. Stella s’est forcée de sourire pour cacher le malaise que je sentais planer.


-Eh bien ! Les deux femmes de ta vie réunies au même endroit lança-t-elle 


-Qu’est-ce que cela veut dire ? Lança Alex, en retirant sa main de celle de Stella. 


Stella a froncé  les sourcils. J’ai soupiré. 


-Je suis désolé Alex de ne pas te l’avoir dit plus tôt mais il y a cinq ans j’étais fiancé à Stella…On devait se marier mais finalement cela ne s’est pas fait...


Alex a écarquillé les yeux de surprise. C’est une partie de mon passé dont je ne suis pas fier. C’est pourquoi je n’en parle pas. 


-Quoi ?! Tu as failli te marier et tu me l’as caché ? 


-Je ne voyais pas l’intérêt de m’étendre sur le sujet. 


-Et pourquoi vous ne vous êtes plus mariés ? 


-Il m’a trompé la veille de la cérémonie et le lendemain il m’a larguée. 


-Stella !… fis-je sur un ton de reproche


-Quoi ? Après cinq ans, on peut en parler sans se prendre la tête non ? demanda-t-elle en me fixant. 


À partir de là, je n’ai plus entendu un seul mot de la discussion. Francine venait d’apparaître dans le restaurant. Elle a enfilé une robe de couleur blanche.

Elle a changé de coiffure et des verres fumés cachent ses yeux. Aux pieds, des escarpins de la même couleur que sa robe.


« Waoouh ! »


Plus rien n’existait pour moi à cet instant, mis  à part cette femme. 


Brusquement une petite fille a déboulé devant nous. Elle courait  comme en riant de manière espiègle. Une jeune femme qui gambadait derrière elle.

 Francine s’est tournée vivement juste à temps pour que la petite lui saute dans les bras et elle l’a soulevée l’embrassant par la même occasion. La petite a éclaté de rire. 


-On dirait Francine murmura Stella…Mais attend c’est bien elle ! Francine ! Cria t-elle ?


J’ai vu le sourire de Francine disparaître quand son regard s’est posé sur nous. Elle est restée debout figée comme une statue. Apparemment Stella n’était pas au courant que son amie était arrivée à Cotonou. 


-Will tu viens ? On va la voir. Alex viens…Je vais te présenter par la même occasion mais fais attention…La relation entre William et Francine est moche parce que Nathan SACRAMENTO,  a assassiné  Daniel MIKALA le père  de Francine…


-William ne m’avait jamais parlé de cette histoire murmura Alex mal à l’aise. 


-Oh !...Je suis désolée...


Pendant qu’on parlait, on s’était rapproché de Francine. Les mains dans les poches et je suis resté impassible pourtant en moi un volcan brûlait. 


-Stella... murmura Francine…


-Oh c’est ma petite fille alors ? Mon Dieu ! Et il a fallu que je rencontre ta fille dans un restaurant ? Sans que tu ne m’informes de ta présence ? Feu sur toi je te jure ! Elle a quel âge cette belle petite ? Quatre ans ? 


Yasmine babillait toute joyeuse, inconsciente du drame qui se jouait autour d’elle. Pendant ce temps, mon cerveau enregistrait le fait que cette petite est la fille de Francine (alors qu’elle m’a affirmé que la voix de la fillette que j’avais entendu au téléphone, appartenait à l’enfant d’une voisine et qu’elle n’avait pas d’enfant). J’ai tiqué sur l’âge de la petite : quatre ans. Mes yeux ont reconnu mes traits sur le visage de l’enfant et quand elle a ri une fois de plus, j’ai vu une autre caractéristique sur sa dentition. Un espace dental identique au mien !


« Cette gamine est la mienne ! C’est mon enfant, mon sang ! »


 Je me suis raidi en comprenant la situation. Francine ne pipait mot. Elle semblait paniquée. Et  c’est encore  Stella, qui a osé dire tout haut ce que je pensais tout bas. 


-Pourquoi est-ce que cette  gamine te ressemble comme ça Will ? Dit Stella d’une voix tremblante.


Stella avait pâli, comme si on lui avait porté un coup dans le ventre. Son regard est allé de Francine à la petite et de la petite à moi. Et j’ai vu ses yeux rougir. J’ai su que tout comme moi, elle avait compris.


Francine s’est précipitée hors du restaurant avec sa fille dans les bras. Stella l’a suivie, de même que la jeune femme qui courait derrière la petite quelques minutes plus tôt.  J’ai vu Francine lui confier la gamine, et leur faire signe de s’éloigner. 


-Will ?  C’est ta fille ?! Demanda Alex interloquée


Je n’avais pas le temps ni l’énergie nécessaire pour gérer Alex. Sincèrement. La plantant là, je suis aussi sorti du restaurant. 


-Emmène là loin d’ici…Achète lui une glace au coin de la rue. Je vous y retrouve. 


-Mais Maman !… Boudait la môme.


-Vas-y Yasmine…Je te retrouverai toute à l’heure. 


Yasmine ? Mon Dieu ! Je me suis senti projeté en arrière et je me suis revu coucher près de Francine cinq ans plus tôt. Elle m’avait demandé quel serait le prénom que je souhaiterais donner à ma fille, si un jour j’en avais une. Je lui avais répondu : « Yasmine…comme ma mère ». 

Et elle a donné ce prénom à la petite. Je sentis ma poitrine se gonfler d’émotions. Un mélange de sensations m’a envahi. Je ne savais pas s’il fallait rire, pleurer ou exploser de colère. 


-Francine ! Yasmine est la fille de Will ?! Comment as-tu pu me faire ça à moi ?! Demanda Stella furieuse.


Stella a levé la main et a assené une gifle retentissante à Francine. Cette dernière a reçu l’impact sans sourciller ni à chercher à se défendre. Quand j’ai vu Stella lever la main à nouveau, je me suis précipité pour me placer entre les deux femmes. 


-Arrête ça tout de suite Stella ! Tu n’as aucun droit de la frapper. 


-Je n’ai aucun droit ? Tu te rends compte de la gravité de ce que vous avez fait ? Elle était mon amie ! Ma meilleure amie ! Et pendant toutes ces années, elle m’a gardé loin de sa vie à cause de ce que vous aviez fait. Je me suis souvent demandé pourquoi elle ne voulait pas que je fasse la connaissance de la petite.

Elle ne voulait pas que je sois sa marraine et elle ne m’a jamais envoyé de photos or ce n’est pas parce que je n’en demandais pas. Toutes les fois, elle avait une excuse bidon à me sortir ! 


Elle rit nerveusement.


-Alors Francine ?  C’est parce que tu t’es tapée mon fiancé et que le fruit de cette cochonnerie lui ressemble trait pour trait que tu m’as cachée cette enfant ? Toutes ces années de mensonge…Tu me donnes envie de vomir ! Toi et ta batarde de fille...


-Je t’interdis de parler de ma fille comme ça ! Coupa Francine furieuse. Je te l’interdis, tu m’entends ?!  Tout ça c’est entre toi et moi…Ne la mêle pas Yasmine à ça !


-Pourtant elle est mêlée à cette histoire que tu le veuilles ou non ! Au fait ! Tu es à Cotonou depuis combien de temps ? Non ne dis rien, tu es là depuis des semaines et tu as choisi de faire la morte et espérer qu’on ne se croiserait pas.


Francine est venue se placer devant Stella et elle a retiré ses verres fumés.


-Je t’ai évitée volontairement Stella.  Et si cela n’avait tenu qu’à moi, jamais tu n’aurais rencontré ma fille. Je n’ai pas choisi de te tromper ni de te mentir. J’étais dans ce bar et William  était là. ll m’a dit qu’il s’appelait  Kendrick et je ne connaissais pas ton homme. Tu voulais me faire la surprise. T’en souviens-tu ? Et bien la voilà ta surprise ! 

Je n’ai pas su que c’était ton fiancé  jusqu’à  ce que je le vois dans ta chambre le jour du mariage.


-Tu aurais dû me dire la vérité !... Pendant tout ce temps, tu as menti. Tu n’es qu’une hypocrite ! Sorcière !  Pétasse !


- Traite-moi de tous les noms que tu veux. Je le mérite amplement. Je n’ai pas pu te dire la vérité ce jour-là et ensuite mon père est mort assassiné par Nathan SACRAMENTO.  

Pourquoi risquer de déclencher un autre conflit en parlant de cet épisode de ma vie ? 


-Mais tu as le courage de garder la grossesse ! Tu m’as dit que l’auteur de la grossesse était mort ! Comment as-tu pu être si hypocrite et fourbe ? 


J’ai reçu un autre coup quand j’ai entendu la phrase de Stella. Mort ? 


-Je n’ai pas prémédité les choses. Quand Will et moi nous nous sommes séparés j’avais la pilule du lendemain mais avec les évènements qui ont suivi, j’ai oublié de la prendre. Quand j’ai retrouvé la boîte intacte, j’étais déjà enceinte et je ne pouvais plus avorter.

Ma mère avait la rage contre la famille SACRAMENTO et William  t’avait larguée. En plus, tu avais aussi perdu une grossesse...J’ai décidé de partir et d’élever ma fille seule. 


-Tu aurais dû m’en parler murmurai-je à bout de souffle. 


-J’ai failli t’en parler le jour où tu es venu à l’hôpital voir Stella, après qu’elle ait perdu votre bébé, mais tu m’avais annoncé que tu quittais la ville...Je n’avais  pas voulu te retenir. 


-Si jamais Dieu punit ta fille en la rendant malade, tu diras que la nature est contre toi ?! Alors que tu as tout fait pour attirer la malédiction vers toi ?! Lança Francine la voix pleine de ressentiments.


J’ai senti Francine se raidir près de moi et j’ai vu ses yeux se remplir de larmes. Une angoisse immense m’a envahi…


-La petite est malade ? Demandai-je en me souvenant du sang que j’avais donné pour un de ses proches malade. 


- Tu es malade William. Tu es un vrai connard. Tu oses me poser cette question ? fit Francine dépassée.


Elle s’est mise à pleurer. J’ai froncé les sourcils. Mon regard s’est fait perçant. 


-Qu’a-t-elle exactement ?


-En plus,je dois te rafraîchir la mémoire ?!   Espèce de connard ! Yasmine souffre d’une leucémie aigüe myéloïde, tu l’as oublié ?! Mais tu le savais. Ne viens pas jouer à l’homme surpris maintenant. Si on n’arrive pas à trouver de donneur compatible elle mourra...Remarque, peut-être que c’est que tu souhaites ! Tu ne veux peut-être pas de cette enfant, ni de moi d’ailleurs...Je m’attendais à un minimum de compassion de ta part…Mais c’est trop te demandé…


-Mais de quoi tu parles Fran ? Je ne suis au courant de rien !


Un silence pesant s’est installé parmi nous. Je n’arrivais pas à penser correctement. Trop d’informations nouvelles en si peu de temps.


« Ça fait beaucoup d’un coup »


-Maman…je veux aller à la plage entendis-je derrière nous. 


-Désolée madame, Tantine Francine, Yasmine a insisté pour revenir. Et je n‘ai rien pu faire murmura Aline, qui l’accompagnait. 


Francine a essuyé ses larmes et arboré  un sourire sur ses lèvres. 


Elle ne voulait visiblement pas perdre la face devant la nounou de la petite.


-Va dans la voiture Yas…je t’emmène à la plage. 


-Youpi ! S’écria la petite. 


Je ne faisais que la fixer. 


« Elle est magnifique ! »


Certes maigre mais elle jolie. Elle porte un foulard sur la tête. Aline l’a prise par la main et elles sont reparties. 


-Vous avez le droit de me détester autant que vous le voulez…Je m’en remettrais. Mais Stella ne dit plus jamais des choses négatives sur ma fille ! Plus jamais ! Et quand à toi William, dit-elle en se tournant vers moi. Je ne pensais pas que tu pouvais être si faux. Tu as choisi de ne pas la connaître. Je ne t’en veux pas mais ne viens pas faire comme si j’étais la mauvaise. 


Elle s’est détournée de nous. Je l’ai suivi et j’ai attendu qu’on soit à quelques mètres de Stella pour l’arrêter. Mais Stella nous a rejoint.  Son regard allait de Francine à moi et vice-versa. 


- Donc si je comprends bien, tu es au Bénin depuis un moment et tu ne m’a rien dit fit-elle franchement dépassée. Tu as choisi de me laisser dans l’ignorance tandis que William par contre semble être dans le secret. Et tes propos m’amènent à croire que vous avez refait le coup mais cette fois ci à Alexiane. Est-ce que je me trompe ? 


-Excuse-moi Stella mais ce ne sont pas tes affaires. Tu peux t’en prendre à nous pour ce qui s’est passé il y a cinq ans. Mais tu t’arrêtes là. Et quant à toi Francine, je te répète que je ne ne sais pas de quoi tu parles. Tu ne m’as jamais dit qu’on avait une fille... 


-Arrête de mentir ! Cria Francine en colère. Je t’ai écrit le lendemain de notre nuit. Je t’ai dit dans mon message qu’on avait une fille ensemble et que si tu désirais la voir, il fallait prendre contact avec moi. Je t’ai dit que je suis amoureuse de toi et que j’étais désolée de t’avoir caché la vérité. Le message s’est auto-détruit  peut-être ? Pffff


Elle nous planté là. J’étais déboussolé. Je n’ai jamais vu ce message…A moins que…Je suis resté debout à fixer Francine qui a installé la petite avant de prendre place dans la voiture et  démarrer. Stella est partie de son côté sans dire un mot et je suis resté là en attendant que ma femme revienne. Je n’avais pas de mot pour décrire mon état actuel. Mon cerveau luttait pour intégrer l’information. Mon cœur battait à tout rompre et j’avais la gorge sèche. 


(…)


***Alexiane AISSO***


Debout derrière la vitre du restaurant, je regarde mon mari. Je ne l’avais jamais vu dans cet état. Cela n’a rien à voir avec la nouvelle concernant l’existence de sa fille…Non c’est en rapport avec cette femme : Francine. 

Pendant tout l’échange et même avant que Stella ne l’aperçoive, j’avais déjà perçu un changement dans son comportement. Et là alors qu’elles se disputaient, j’ai eu l’occasion de revoir cette expression sur le visage de Will…


William avait adopté une attitude tellement protectrice envers elle. Il était debout près d’elle prêt à la protéger malgré le fait qu’elle lui ait caché l’existence de son enfant…Je ne sais pas comment expliquer ce que j’ai ressenti en le voyant si près d’elle…


Il y a quelque chose de fort entre eux c’est palpable.


« J’ai mal. Mon mari aime une autre femme ! Mon Dieu qu’ai-je fait pour mériter cela ? Est-ce parce que j’ai avorté dans ma jeunesse que le Seigneur me punit aujourd'hui en faisant sortir cette femme et cette petite fille presque de nulle part ?

Oh mon Dieu j’ai tellement mal… » 


 Et cette femme m’a adressé un regard noir avant de partir. Son expression m’a fait peur. C’est comme si elle me menaçait. Je vais régler son cas... Ce n’est qu’une question de temps.


 J’ai déjà commencé par donner la poudre à Will…Déjà deux mois qu’il en absorbe inconsciemment. Et j’ai  déjà remarqué des améliorations dans son comportement. S’il faut que j’augmente la dose, je le ferai !


« William est mon mari ! Aucune femme ne me le prendra ! Je dis bien AUCUNE ! »

 

-On y va ? Demandai-je à Will qui semblait ailleurs. 


-Tu as ta voiture…Et j’ai la mienne. Tu peux y aller. 


-C’est la seule chose que tu trouves à me dire ? Dis-je en explosant. Tu pourrais au moins t’excuser…


-Pour ? dit-il en levant un sourcil. 


-Tu as un enfant illégitime….Tu pourrais me présenter des excuses. 


-Arrête d’être si égoïste ! Tu n’as pas entendu que la petite est malade ? Et pourquoi je devrais-je m’excuser pour quelque chose qui s’est passé cinq ans plus tôt ? Je ne te connaissais pas à cette époque… 


-Cela t’arrange hein ?…Une enfant tombée du ciel comme par magie alors que ta femme ne peut pas t’en donner…Je n’accepte pas cela Will !


-Tu es libre de partir si cela ne te plaît pas. 


Sa réponse m’a paralysée….Quoi ?! J’ai été prise par la panique. 


-Comment peux-tu me dire ça ? Je suis ta femme !


- Conduis-toi comme telle alors ! J’ai une fille de quatre ans qui m’était totalement inconnue et qui est malade. Proche de la mort et tout ton problème est de me dire que tu n’es pas d’accord ? En pleine rue ? Tu disais que tu voulais adopter…Elle est de mon sang…Pourquoi tu n’apprendrais pas à la connaître ? 


-Apprendre à connaître l’enfant de ta maîtresse ?! 


Il a sursauté mais n’a pas détourné le regard et n’a même pas essayé de nier la chose. Les larmes se sont mises à me menacer fortement. 


-Alors c’est vrai ? J’ai vu juste ? 


-Alex…


-On est ici depuis combien de temps Will ? Tu n’as pas pu te retenir à ce que je vois...


-Je ne t’avais jamais trompée avant... Je suis sincèrement  désolé Alex…


-Cette nuit que tu as passée dehors loin de Cotonou…tu étais avec elle. Tu es rentré avec son parfum sur toi et des griffures d’ongles dans ton dos…Et depuis tu ne m’as plus jamais touché ni même embrassée. Tu as  changé de comportement…Qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour mériter cela ? 


-Elle n’est pas ma maîtresse…On a eu un moment d’égarement c’est tout…C’est toi qui a supprimé son message  de ma messagerie n’est-ce pas ? 


Son ton tranchant m’a surprise. Je ne m’attendais pas à ce qu’il fasse le rapprochement si vite. 


-Je ne sais pas de quoi tu parles ! Dis-je en reculant. 


-Tu as cru qu’en m’empêchant de lire son message, tu effacerais l’existence de la petite ? Tu n’as pas de cœur. Tu ne voulais pas que je fasse sa connaissance. Comment as-tu pu ? Elle aurait pu mourir sans que je ne la connaisse.


-Je protégeais mon couple et si c’était à refaire, je le referais, Tu as pensé à moi quand tu allais t’accoupler avec elle ? 


-Je ne te pardonnerai jamais ce que tu as fait Alex. 


- Tu es mon mari et tu me manques de respect sur tous les points William …Tu fais passer ta maîtresse avant moi et cette petite fille sera maintenant ta meilleure excuse pour continuer à la voir. 


-On discutera à la maison.


-C’est à cause d’elle que tu refuses de me doter n’est-ce-pas ? Sois franc par pitié…Tu espères  l’épouser ? 


-Non…


-Tu n’es qu’un menteur !


Je l’ai planté là. Je n’arrive pas à croire que tous mes sacrifices deviennent inutiles face à cette femme.

Mais bon sang ! Comment peut-elle me voler mon homme de cette manière ? Cela ne se passera pas  ainsi. Je suis prête à tout Francine pour que Will ne me quitte pas.


« La guerre est déclarée ! »


*

*

PLUMES 241 ET ELSA ©


Texte protégé Copyright France


Référence de dépôt  DC7G2H6

L'histoire que vous lisez

Statistiques du chapitre

Ces histoires vous intéresseront

Course Contre la mor...