Chapitre 14 : Perdue
Write by Auby88
Margareth IDOSSOU
Depuis ce matin, je m'affaire pour recevoir mon invitée. La femme de ménage vient juste de partir. J'ai déjà commandé deux pizzas qui attendent sagement d'être dévorées et j'ai également pris des glaces à la vanille, des friands, un délicieux gâteau à la banane, des bandes déssinées, un jeu de société…
En outre, j'ai acheté des fleurs en pots et des tableaux pour rendre la maison plus chaleureuse. Tout doit être parfait.
Là, j'angoisse terriblement. J'espère vraiment qu'elle aimera, qu'elle se plaira chez moi.
La sonnerie de mon duplex retentit. J'inspire profondément et je vais ouvrir la porte. Elle est là, devant mes yeux, avec son père derrière elle.
- Bonjour tata ! commence-t-elle avec le sourire au rendez-vous.
- Bonjour, ma petite dame.
- Bonjour maître IDOSSOU, enchaîne son père en esquissant un chaleureux sourire.
Je lui réponds en ouvrant grandement la porte.
- Appelez-moi Margareth.
Il acquiesce.
- Entrez, je vous prie.
De ses mains, je prends le panier à pique-nique qu'il garde. Je suppose que sa mère ne tient pas à ce que sa fille soit affamée. Ils vont prendre place dans le canapé. Je reste quelque peu intimidée par Arnaud da SILVA.
- Vous avez un très bel appartement, Margareth !
Je le remercie.
- Voulez-vous que je vous serve quelque chose ?
- Non, merci. Nous venons de la maison.
Puis en se levant, il ajoute :
- Là, je vais demander à partir.
J'acquiesce.
Sur le front de sa fille, il dépose un tendre baiser. Je le raccompagne jusqu'à la porte.
- Ma femme a fait un plein de provisions dans le panier. Vous savez comment sont les femmes !
Je hoche la tête.
- Margareth, je vous confie ce que j'ai de plus précieux au monde. Prenez bien soin d'elle.
Je suis attendri par ce père si aimant.
- Ne vous inquiétez pas, monsieur da MATHA. Votre fille est en de bonnes mains. Je tiens à elle comme à la prunelle de mes yeux.
- Je vous crois. Merci.
Il me tend une main que je m'empresse de serrer, puis prend congé de moi en m'informant que le chauffeur passera chercher sa fille.
Je regarde s'en aller l'homme à la carrure imposante.
- C'est un homme vraiment bien celui-là ! murmure-je en refermant la porte.
A l'intérieur, j'entends le son de la télévision. Je devine aisément que ma chère amie, fatiguée d'attendre, ne s'est pas faite prier pour explorer les lieux et allumer ma télé. Décidement, cette gamine est unique. Actuellement, elle est devant ma bibliothèque, occupée à fouiller mes livres de Droit.
Je toussote exprès.
- Ah, tu es là ! fait-elle en s'amenant vers moi, un livre en main. T'as beaucoup de livres, tata ! Je peux t'emprunter celui-là et te le rendre plus tard ? Il parle des droits des enfants.
- On verra cela plus tard. Allez, viens. On s'assoit quelques minutes.
Je lui prends le livre des mains et le dépose sur le guéridon.
- Je sais que tu débordes d'énergie, mais il est plus sage de demander avant de prendre quoi que ce soit chez une personne plus âgée que soi.
- Je sais mais …
- Ok. Je ne tiens pas à te réprimander, juste à te donner des conseils de vie en société. C'est compris ?
- Oui, fait-elle, les yeux un peu tristes.
Je prends sa tête entre mes mains et ajoute.
- As-tu déjà mangé ?
Elle hoche la tête.
- C'est bien. Je reviens.
Je me lève et lui ramène les bandes dessinées. Elle écarquille grandement les yeux. Son visage s'illumine. J'en suis ravie.
La sonnerie retentit à nouveau dans l'appartement. Ce doit être monsieur da SILVA. Il a sûrement oublié quelque chose. Je me lève et ouvre aussitôt la porte.
Charles da MATHA.
Devant mes yeux, elle se trouve. Elle vient de réveiller mes sens, tellement elle est belle dans sa robe empire. Je me retiens pour ne pas l'attirer tout contre moi et l'embrasser. Elle est sur le point de refermer la porte. Je l'en empêche et m'introduis prestement à l'intérieur.
- Que me veux-tu encore ?
- Mel, il faut qu'on parle.
- Nous nous sommes déjà tout dit.
- Non, Mel. J'ai longtemps cogité sur cette histoire de bébé mort-né et je n'y crois plus. Je suis sûr que tu mens.
- Pense ce que tu veux ! Je t'ai dit la vérité. De toute façon, tu n'as rien à me réclamer à ce propos.
- Oh que si Mel, parce que même si cela ne te plaît pas, cet enfant a mon sang qui coule en lui. Et …
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase. J'entends une voix d'enfant qui m'intrigue. Elle semble rire aux éclats.
Je laisse Mel près de la porte et m'avance dans le salon.
Près de la petite, je vais m'asseoir. Mel nous rejoint. Elle me lance des yeux noirs de colère.
- Bonjour, jolie demoiselle.
- Bonjour tonton, me répond-t-elle.
Elle affiche un large sourire qui découvre une fossette uniquement sur la joue gauche. Je suis comme médusé par cette ressemblance étonnante. Je la scrute davantage. Sur son épaule droite, je remarque un trait qui m'est propre. Une légère différence de teint au haut de l'épaule droite. Seul un oeil avisé et habitué comme le mien peut le reconnaître.
Mel ne semble plus tenir en place. Je la remarque, mais je ne fais pas attention à elle. Je continue ma discussion avec la fillette, décidée à en savoir plus sur elle. J'apprends qu'elle s'appelle Sibelle da SILVA et qu'elle est la fille du Directeur Administratif et Financier d'une des banques avec lesquelles je collabore. Je compte en savoir plus sur cette mystérieuse fillette...
- Dis tonton, tu es le fiancée de tata Margareth ?
Elle vient de me prendre au dépourvu.
- Je …
- Non, Sibelle ! intervient Mel. Nous ne sommes pas ensemble.
- C'est exact, princesse. Je suis juste un grand ami de tata ... Margareth.
Mel me regarde méchamment. Je souris intérieurement.
- Ah bon ! Alors, tu es aussi mon ami ?
- Bien sûr que oui.
- Dis, Sibelle. Cela te dirait de manger une glace à la vanille et quelques friands ?
- Avec plaisir, tata.
En partant, sans que je m'y attende, Sibelle vient me déposer un bisou sur la joue. Je comprends que Mel vient juste de trouver un prétexte pour éloigner la fillette.
Elle revient quelques minutes plus tard, l'air en courroux contre moi.
- A quoi tu joues, Charles ?
Je la regarde intensément. Elle détourne la tête.
- A rien. Je voulais juste en savoir plus sur ton invitée. Es-tu bien sûr que cette fillette n'est pas la mienne ?
Mon commentaire semble l'irriter.
- Laisse cette fillette tranquille. Elle ne partage ni ton sang, ni le mien. Je te le repète : l'enfant que j'ai eu de toi est mort-né.
- Pourtant cette fillette me …
Elle m'interrompt avec rage.
- Tu m'as assez dérangée, Charles ! Là, je ne te supporte vraiment plus. Si tu souhaites autant avoir un enfant, va en adopter ! Tu n'es qu'un …
Je ne la laisse pas finir. Son impertinence, son arrogance, son air trop exagéré de femme forte m'agacent. Et sa beauté fatale me fait perdre la tête. Je ne me retiens plus. Mon envie est irrésistible. Sans plus y réfléchir, je l'embrasse de force. A ma surprise, elle ne résiste pas. Nos lèvres s'embrassent avec fougue. Je la sens frémir dans mes bras. Malheureusement, cet instant mémorable ne durera qu'un instant. Elle se dégage de moi. Une gifle bien sonnante s'abat sur ma joue. Je prends cela pour un affront. A nouveau, je l'attire vers moi. Elle se débat, mais je garde le contrôle. Je reste plus fort qu'elle. Je suis sur le point de l'embrasser une nouvelle fois quand j'aperçois la gamine. Elle nous fixe sans dire mot.
Je lâche précipitamment Mel, qui est visiblement autant gênée que moi. Tout bas, elle me parle.
- Va-t'en et ne remets plus jamais les pieds chez moi !
- Je m'excuse pour tout à l'heure. Mais sache que nous n'en resterons pas là, car tu me dois encore beaucoup d'explications sur mon enfant.
- Sors d'ici ! Va retrouver ton épouse et laisse-moi tranquille !
"Mon épouse" ! Comment sait-elle que je suis marié ? Je vois. Elle a sûrement dû apercevoir la bague sur mon annulaire gauche. Je souris en direction de la fillette et lui fait aurevoir de la main. Elle en fait autant. Je regarde une dernière fois Mel qui baisse les yeux, puis je m'en vais.
Dehors dans ma bagnole, je repense à cette fillette qui me rappelle étrangement … ma mère. Je repense aussi à Mel. Je passe une main sur mes lèvres, me remémorant le baiser que nous nous sommes donné. Mon téléphone sonne. C'est Larissa. Elle veut sûrement avoir des nouvelles de mon entretien avec Mel. J'hésite à répondre, encore troublé par l'énorme bêtise que je viens de faire. Elle insiste. Je finis par décrocher son appel.
Margareth IDOSSOU
Assise près de Sibelle, je suis. Elle ne m'a rien demandé concernant Charles. Elle semble n'avoir pas vu grand chose de ce qui s'est passé entre lui et moi. Je ne veux pas qu'elle se fasse une mauvaise opinion de moi.
En tout cas, je suis encore complètement déboussolée. Je ne comprends pas pourquoi je me suis montrée si faible devant lui, pourquoi je l'ai laissé m'embrasser. Certes je lui ai donné un bon soufflet, mais ma réaction a été tardive.
Je pensais pourtant pouvoir toujours rester forte en toutes circonstances. Je me suis trompée. J'ai l'impression que depuis que Sibelle est entrée dans ma vie, mon armure s'est fissurée. Je suis moins forte et plus sujette aux émotions. Je pensais avoir effacé Charles de mon coeur, mais je me suis encore trompée. Tout mon être a frémi tout à l'heure dans ses bras.
Dans ma tête tournent les paroles de la chanson d'Il Divo.
"Je pensais que j'étais fort
Je réalise maintenant que je me suis trompé
Parce que chaque fois que je vois ton visage
Mon esprit devient un espace vide (…)
Il Divo - Everytime i look at you (Chaque fois que je te regarde) "
C'est difficile pour moi de l'admettre, mais je … l'aime encore. J'aime encore … Charles.