Chapitre 14 - Tu lui diras

Write by NafissaVonTeese

-- PRÉCÉDEMMENT --


Elle n’avait jamais cru à la thèse du suicide, et convaincue que sa mère avait été assassinée, jamais elle n’avait imaginée qu’elle pouvait être toujours vivante. 

Évanouie, Amina s’était retrouvée dans la chambre de Maurice au réveil sans vraiment savoir comment est-ce qu’elle était arrivée là. Celui-ci lui avait remis une lettre que ma mère lui avait laissée, expliquant pourquoi elle s’était fait passée pour morte durant toutes ces années.


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« Quand un homme marche vers son destin, il est bien souvent forcé de changer de direction. »
Paulo Coelho

***

Mercredi 26 Décembre 2012


Sur toutes les rues de Dakar, soufflait un doux vent. Le baromètre affichait 18 degrés et les esprits étaient à la fête. La joie et la bonne humeur se faisaient ressentir dans chaque recoin de la ville.

Une berline allemande s’élança à la traîne sur Five Avenue avant de couper le moteur devant le Sweet Coffee. L’homme qui était au volent était resté assis sur son siège la tête baissée pendant plus de quinze minutes quand il fut tiré de ses pensées par les vibrations de son smartphone. Il jeta un coup d’œil sur l’écran puis essuya la larme qui avait lentement parcouru son visage jusqu’à s’arrêter au niveau de son menton.


- Je suis là. Dis aux gars que je suis devant le resto.


C’est tout ce qu’il avait dit puis il rapprocha. Il avait ensuite effacé toutes les notifications d’appels manqués et de SMS qu’il avait reçu avant de descendre de voiture.

La rue était bondée de jeunes respirant l’euphorie. Il les avait regardé et avait eu un pincement de cœur en pensant à sa fille. 

Quand il entra dans le restaurant, il remarqua aussitôt un groupe d’hommes assis autour d’une table lui faisant signe de la main. Il était allé les rejoindre et les avait chacun serré dans ses bras avant de prendre place sur la seule chaise de libre.



Les minutes passaient mais il n’arrivait toujours pas à se détendre, même si ses amis avaient tout essayé en ce sens. Ils avaient invoqué les moindres souvenirs drôles de leur enfance en espérant le faire rire, mais en vain. 

Pour ne pas leur gâcher la soirée avec son humeur exécrable, il décida de rentrer après leur avoir servi l’excuse selon laquelle il fallait qu’il travaille sur des dossiers urgents à rendre le lendemain. Tous avaient compris que ce n’était que pour les quitter au plus vite, alors personne n’avait insisté.


Il avait regagné sa voiture presque en courant mais n’avait pas pu démarrer sur le coup car ses mains tremblaient comme des feuilles sous un vent d’hiver. Il posa alors le front sur le volant et ferma les yeux pour ne pas verser des larmes. Il souffrait depuis des mois mais ces derniers jours, il avait enfin réussi à accepter cette souffrance. C’était pour lui l’étape ultime pour pouvoir passer à autre chose.

- Quand est-ce que tu vas t’arrêter de pleurnicher comme une petite fille à qui on a volé son bonbon ?

Il avait rit avant de répondre :

- Quand tu seras là pour me rappeler que je suis un homme !

Il s’était tu quelques secondes avant de lever la tête pour se tourner vers la voix qui venait juste derrière lui. C’était comme si la terre s’était arrêtée de tourner. Il aurait voulu s’enfuir, ou encore crier, mais il n’y arrivait pas. Il n’arrivait tout juste à plus rien faire.

- Quoi ? Tu as vu un fantôme ?

- Ce n’est pas possible. Tu es morte !

- Oui et tu m’as enterré, je sais.

Il avait passé ses deux mains sur son visage puis sur ses cheveux. Elle le regardait avec un sourire du coin de la bouche.

- Si cela te convient mieux, dis-toi que j’ai ressuscité. Venons-en maintenant aux faits car je n’ai pas que cela à faire. Dans deux jours au plus tard, tu seras au troue et vu que tu risques d’y moisir, je veux que tu t’assures que ma fille ne sera pas dans le besoin.

- Pourquoi ? Comment est-ce que tu as osé ? Tu as pensé un peu à notre fille ?

- Notre fille ! Tu penses que jouer avec elle un week-end sur deux et revenir de voyage avec des cadeaux, c’est ce qui fait que tu sois un excellent père ? Depuis qu’elle est née, je suis la seule à m’en occuper alors je ne te permets pas que tu dises notre fille.

- De quoi est-ce que tu parles ? Je l’aime plus que tout au monde et tu le sais.

- Cela m’est complètement égal. Contente-toi juste de faire ce que je te dis.

Elle avait jeté une petite enveloppe sur le siège passager avant d’ajouter :

- Heureusement que je suis là pour penser à son avenir. Je lui ai ouverte un compte en banque. Assure-toi juste qu’elle ne manque de rien jusqu’à sa majorité et elle pourra toucher l’argent. Au moins, tous les impôts que tu as payé pendant toutes ces années vont servir à quelque chose.

- Les fonds de la mairie ? Non je ne peux pas y croire.

- Olala, vraiment je me demande comment est-ce que tu fais pour être aussi bête. Tu devrais remercier Malick pour avoir eu le cran de prendre ce qui nous revient de droit, contrairement à toi.

- Je n’arrive pas à y croire. Non ce n’est pas toi que j’ai épousé.

- Figure-toi que je n’ai jamais arrêté de me dire la même chose.

- Comment vais-je lui expliquer que tu es toujours en vie ? Tu ne mérites même pas d’être mère. Au moins, c’est mieux que pas que tu te fasses passer pour morte. La pauvre, elle pense que sa mère a été assassinée.

- Oh c’est bon, arrête de pleurnicher. Si jamais elle continue à répéter que je ne me suis pas suicidée, tu lui diras que tu m’as tué ! Fais comme tu veux, mais le jour où j’apprends que tu lui as dit que j’étais vivante, je n’hésiterai pas à te mettre une jolie petite balle en pleine tête.

- Je ne te reconnais plus. Pourquoi tu fais ça ?

- Parce-que avec lui, je n’ai pas l’impression de mourir à petit feu.

- Qui ?

- Fadiga. A croire que le premier amour restera toujours le grand amour comme on dit.

Elle avait quitté le siège arrière de la voiture et claqué la portière avant d’ajouter :

- A chaque fois que je te vois aussi faible, je me convaincs de plus en plus que tu n’es pas son vrai père.

- Qu’est-ce que t’insinues par là ?

- Exactement ce que tu t’imagines !

Il était tellement retourné qu’il n’avait pu trouver aucun mot à lui retourner. Il la regarda alors s’éloigner jusqu’à disparaître dans la foule.

***

Jeudi 04 Août 2016


Mon réveil avait sonné à 06:00 précise comme chaque matin, pour mon jogging sur la plage de Lambanyi qui se trouvait à moins de 200 mètres de ma maisonnette. Je m’étais entraînée dans une routine pour me persuader que j’avais repris le cours de ma vie, mais cela faisait cinq jours que je ne parvenais pas à poser le pied dehors à cause d’une pluie incessante. J’avais alors décidé de rester blottie dans mon lit en repensant aux journées ennuyeuses, grises et trempées qui n’arrêtaient pas de se suivre.

Il arrivait que ma petite ville jetée sur l'océan atlantique me manque, mais il était défendu que je reprenne contact avec mon père ou encore Maurice. Ce dernier m'avait avoué qu'il était au courant pour ma mère et qu'elle avait prise contact avec lui dès qu'il avait reçu la lettre que je lui avais envoyée pour les analyses. Elle lui avait alors exigée de me dire qu'elle provenait d'Australie. Il m'avait juré qu'il s'y été opposé mais elle lui avait jurée de s'en prendre à lui et à sa famille, s'il me mettait sur une bonne piste. Suite à cela, j'avais coupé les ponts avec Maurice.


Cela faisait treize semaines que j’étais à Conakry, une ville que je jugeais bien trop grande et humide comparée à Dakar. Il ne s'arrêtait jamais de pleuvoir.


J’avais réussi à retrouver le sommeil quand j’entendis quelqu’un frapper à la porte. Je m’étais levée en traîner les pieds jusque celle-ci, et sans demander qui se trouvait derrière, je l’avais ouverte. 

Comme je m’y attendais, c’était Awa, mon amie d’enfance qui avait quittée Dakar pour rejoindre sa mère en Guinée suite à la séparation de ses parents. 

Quand je suis arrivée à Conakry, la première chose que j’avais faite a été de la rechercher. Il ne m’a pas fallu beaucoup de temps pour la retrouver. J’avais appris que tous les sénégalais de la capitale se trouvaient les samedis après midi au Prima Center et c’est là que je l’avais reconnue, dans les bras qu’un charmant jeune homme avant de l’interpeller. Elle m’avait serrée contre elle avant de fondre en larme.


Elle avait enlevé son imperméable en disant bonjour puis était allée se faire une tasse de café.

- Je ne sais pas si c’est le manque de visiteurs à la galerie qui me donne le tournis ou c’est le fait que je sois enceinte.

- Je ne pense pas que les gens aient envie de sortir avec le temps qu’il fait. Tu devrais en profiter pour prendre une semaine de vacance ; lui avais-je dit en caressant son ventre qui commençait à s’arrondir.

- Tu as certainement raison… J’ai enfin reçu l’appel que tu attendais. Justement, il va falloir que tu prennes un abonnement téléphonique. Je ne sais pas comment tu fais en 2016, pour rester complètement coupée du monde. Je ne pourrai plus faire le déplacement de Kipé à ici aussi souvent, le gynéco veut m’interdire de conduire.

- Promis ! Alors quelles sont les nouvelles ?

- Ils n’ont rien pu trouver. Je suis désolée ma grande.

- Je m’y attendais, mais ne t’en fais pas, je connais quelqu’un qui pourra m’aider à trouver toutes les infos. Alors, vous n’ êtes toujours pas tombés d’accord sur le prénom du bébé ?

J’avais très vite changé de sujet pour qu’elle ne me pose pas de question. Elle avait bu son café en m’étalant la liste de prénoms qu’elle avait établie avec son mari, mais je la connaissais déjà par cœur après des centaines de répétitions. Quand elle vida la tasse qu’elle avait à la main, elle me promit de repasser le soir en rentrant du travail puis elle s’en alla.


J’avais aussitôt rejoint la chambre pour sortir le téléphone que je gardais dans mon placard à vêtements. Je l’avais allumée pour passer un appel.

Suite à la deuxième sonnerie, j’avais calmement dit : « Un petit bonjour depuis Conakry. J’ai une offre à vous faire et je suis certaine que vous ne pourrez la refuser. ». J’avais ensuite raccroché avant de commencer à compter les secondes.

J’en étais à la onzième quand mon téléphone sonna.


- Toujours égal à vous-même à ce que je vois.

- Je suis un homme d’affaires à l’affut de belles opportunités.

- Je n’en doute aucunement, parlons affaire donc. Il n’y a qu’une seule tête à éliminer et votre prix sera le mien.

- Son nom ?

- El luces.

Il s’était tu quelques secondes, ce qui n’était pas de ses habitudes, avant de répondre :

- A ce que je vois, t’éloigner de Dakar n’a pas servi à grande chose. Tu es tenace jeune fille et j’aime cela, mais je ne peux pas prendre le marché.

- Ne faites pas votre timide. Je sais que vous en rêvez autant que moi.

- Ce que je voulais, c’était que ce satané El luces n’interfère pas dans mes affaires. Depuis qu’elle ne fait plus signe de vie, elles se portent beaucoup mieux.

- Et son retour, vous y avez pensé ?

- Tout le temps !

- Alors je vous conseille de ne pas refuser mon offre.

- Mais c’est ta mère jeune fille ; avait-il dit en riant aux éclats.

- Ma mère est morte depuis des années. Si vous refusez, je m'en chargerai moi-même. Vous avez jusqu’à ce soir pour y réfléchir ; lui avais-je lancée avant de raccrocher.


-- The end --


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