Chapitre 15 : Cœur blessé
Write by kaynaliah
*****Annick***
Jamais je n’ai entendu ma fille me parler aussi durement et avec tant de rage dans la voix. Je ne comprends pas ce qui a bien pu se passer pour qu’elle explose ainsi au point de me traiter comme de la merde. Le pire est qu’elle a fait sa crise alors qu’une infirmière était encore avec nous. La pauvre était tellement gênée qu’elle ne savait où se mettre et a préféré s’en aller pour nous laisser toutes les deux. Pour la première fois, j’ai réellement vu des larmes dans les yeux de ma fille et j’en ai eu le cœur fendu. Un silence douloureux nous sépare avec ma fille. J’ai l’impression qu’elle s’éloigne de moi et je ne comprends pas pourquoi. Oui j’avoue que je ne suis pas très présente pour elle mais cela ne veut pas dire que je ne l’aime pas ou que je lui veux du mal. Je me lève du coin où je me suis retranchée comme pour me protéger de la douleur de mon enfant et me rapproche d’elle. A ses côtés, je ne sais pas si je peux la toucher ou juste m’assoir à ses côtés.
-« Anaelle » dis-je doucement
-« Ne me touche pas » crie-t-elle
-« Anaelle tu vas te calmer immédiatement car là tu commences à m’énerver sérieusement »
-« Sans blague » dit-elle en se relevant légèrement du lit et en me faisant face
-« Tu me dois du respect Anaelle Victoire REMANDA »
-« Lol »
-« Ne me pousse pas à bout je te préviens »
-« Sinon quoi ? Qu’est-ce que cela va changer à ma vie dis-moi ?»
-« Mais qu’est-ce qui t’arrive Ana ? »
-« Je commence à voir les choses différemment et à me rendre compte que toute ma vie j’ai été dans le flou »
-« Mais de quoi parles-tu ? »
-« De toi maman, tante Andrée et mamie ainsi que de tout le reste »
-« J’ai du mal à te suivre »
-« Vous ne m’avez enseigné que de mauvaises choses que je pensais bonnes à l’époque »
-« ……. »
-« Depuis toute petite tu ne cesses de me mettre en compétition avec Innaya qui est tout de même ma petite sœur de 3 mois »
-« Mais c’était pour ton bien »
-« Mon bien dis-tu ? A 5 ans je devais porter des chaussons pour faire de la danse classique alors que je voulais faire du piano. C’étaient trois années de souffrance rien que parce que cela te faisait plaisir. Au CE lorsque je me suis retrouvée dans la même classe qu’Innaya tu n’as cessé de me foutre la pression pour l’empêcher d’être meilleure que moi mais c’ était impossible car il y a un énorme fossé entre nous »
-« ….. »
-« Pendant que ma mère était en balade je n sais où dans la ville, Innaya se faisait suivre scolairement par sa mère malgré le travail qu’elle a. Voilà pourquoi Innaya était le plus souvent première de la classe tandis que je me suis retrouvée chez les cancres. J’ai même été voir tante Amina pour qu’elle me prenne chez elle afin que je bénéficie des mêmes chances qu’Innaya et lorsqu’elle t’en a parlé, tu as tout simplement refusé et m’as surtout rossée le soir à la maison car d’après toi je n’avais rien à demander à tante Amina »
-« Ana »
-« J’ai repris le CE1 à cause de toi, tout comme la 3ème. Voilà pourquoi je me retrouve au même niveau que Tara aujourd’hui »
-« Ce n’est tout de même pas de ma faute si tu es une idiote en classe »
-« Tu ne cesses de me répéter cela depuis des années et j’ai même fini par y croire ces dernières années. Le plus drôle est qu’aujourd’hui je sais que l’idiote dans ma vie est be’l et bien toi chère maman »
-« Je ne te permets pas Anaelle »
-« Il est où mon père dis-moi ? »
-« …. »
-« Tu crois vraiment que’ j’ignore l’histoire de ma naissance »
-« Mais de quoi tu parles ? »
-« Je sais que tu as piégé papa et qu’à cause de ça il est parti sans n’avoir jamais voulu me voir »
-« Qui t’a parlé de ça ? »
-« Donc tu ne le nies pas ? »
-« Qui t’a parlé de ça Anaelle ? »
-« Je me suis retrouvée dans la même classe d’une de mes demies-sœurs mais elle ne sait rien de moi heureusement »
-« Quoi ? Mais de quoi tu parles ? »
-« J’ai sympathisé avec ma sœur Inès qui ignore mon existence. J’ai même aperçu notre père lorsqu’il venait la chercher mais jamais je n’ai cherché à le rencontrer car il n’en vaut pas la peine »
-« ….. »
-« Je me souviens de toutes les fois quand j’étais petite et que te demandais où se trouvait mon père »
-« Je t’ai dite la vérité Anaelle »
-« Et comment une enfant peut comprendre que son géniteur est parti car il ne voulait pas d’elle ? »
-« …… »
-« Toute ma vie n’est que malheur et douleur. Je regrette beaucoup de choses aujourd’hui mais c’est la vie. Je regrette de m’être laissée embobinée par ta jalousie maladive ainsi que celles de mamie et tante Andrée pour me dresser contre celle qui m’a tendu la main pour me sortir du trou où j’étais. »
-« ….. »
-« Tu as détruit ma vie maman. Au lieu de t’occuper du couple de tonton Terrence trouve-toi déjà un mari digne de ce nom car j’en ai vu de toutes les couleurs avec toi. Je ne veux pas terminer comme toi. Je ne veux plus être aigrie et en vouloir à la terre entière. Tu n’étais pas là à bien des moments où ta présence m’aurait fait du bien. J’ai été élevée par d’autres personnes et lorsque tu entrais dans le tableau c’était pour me pousser à faire du tort »
-« …… »
-« Qu’est-ce que cela t’a apporté toutes ces années de combat contre tante Amina ? Elle est heureuse avec son mari et tu devrais plutôt t’occuper de ta vie qui est malheureusement merdique. Tu passes ton temps à changer de mec. Tu es instable maman »
Je me suis sentie tellement minable aux yeux de ma fille. La honte m’a seulement envahie que je baisse la tête. Des coups frappés à la porte me sortent de mon état et me pousse à regarder qui vient nous déranger. C’est Anta.
-« Ca va ici ? »
-« Oui et toi » je réponds
-« Ca va. Et toi Anaelle ? »
-« Ca va tata »
-« Bien. Je ne vous dérange pas ? »
-« Non » répond Anaelle
-« Ok »
Anta se rapproche de nous et prend place avant de poser son sac au sol.
-« Anaelle lorsque tu es arrivée ici tu étais dans une situation critique et tu avais besoin d’une transfusion sanguine »
-« Je sais. Le médecin me l’a expliqué tout à l’heure »
-« J’ai parcouru les rues de Libreville pour retrouver la trace de ton père »
-« Quoi ? » dit ANaelle
-« Ton père t’a donné du sang car vous êtes du même groupe sanguin »
-« N’importe quoi »
-« Pardon ? » dit Anta
-« Je ne veux pas de son sang et j’ai envie de vomir en sachant qu’il a eu le culot de venir jusqu’ici »
-« Ok »
-« Qu’est-ce qu’il y a ? » je demande
-« En fait il est devant la porte avec sa femme et veut voir Anaelle »
-« Hors de question » je crie
-« C’est à Anaelle de prendre cette décision » dit ANta
-« Mais je suis sa mère »
-« Il veut me voir ? Qu’il entre et qu’on en finisse »
-« Tu en es sûre ? » demande Anta
-« Oui » répond Anaelle
Anta sort et revient avec Charles et sa femme Irène. Je reste près de mon enfant. Anaelle le fusille du regard. Ils ont drôlement changé. Quand je pense que j'étais prête à tout pour cet homme. Je préfère ne plus penser au passé. J'ai d'autres problèmes.
-« Bonjour »
-« De la même façon que tu m’as reniée il y a quelques années, de la même façon je te renie aujourd’hui. Merci pour ton sang si précieux mais si j’avais été consciente au moment de la transfusion, jamais je n’aurai accepté une goutte de sang de ta part. Tu peux continuer ta vie sans souci car je ne veux rien de toi et ne veux même pas apprendre à te connaître.»
-« Waouh » dit Charles
-« …. »
-« je peux te parler Annick s’il te plaît »
-« On a rien à se dire »
-« Annick vas-y. Je reste avec Anaelle »
-« Pffff. Ok »