Chapitre 17

Write by Lilly Rose AGNOURET

Chapitre 17

   

**** Noëlla

 

- Bonjour mademoiselle Mbila Kassa. Je suis Jean-Marc Sima-Eyi, directeur des ressources humaines de la Transworld Petroléum. A ma droite vous avez madame Estelle Leduc, responsable du pôle finance de notre entreprise. A ma gauche vous avez monsieur Paul Francis Onanga, le directeur des opérations. Vous avez été contactée il y a deux jours par mon assistante, mademoiselle Sophie Fanny Mboumba. Etes-vous prête pour cet entretien qui durera 45 minutes ?

Je tremble de tous mes membres, en essayant de ne pas me laisser impressionner par le panel de personnes devant moi. Je joue toutes mes chances pour une vie meilleure et j’en suis conscientes. Lorsque l’on m’a appelé il y a deux jours à 8h10, pour me demander si j’étais disponible pour un test en ligne à 14h, j’ai tout de suite dit oui sans me soucier de quoi que ce soit. Hier, la fameuse assistante, Sophie Fanny Mboumba m’a appelé pour me dire que mes réponses aux différents tests psychotechniques passés étaient concluantes. Elle m’a ensuite programmé pour cet entretien, ce matin. Il n’est que 9h. J’étais trop stressée pour manger. Et j’ose espérer que la connexion wifi dans les bureaux du Cabinet Price and Waterhouse où je me trouve, ne sera pas défaillante. L’entretien se passe via Skype.

- Parlez-nous de vous ?

C’est la première question qui m’est posée. Je me jette à l’eau en me disant que ça passe ou ça casse. Je pense aux conseils de Gévy qui m’a répété je ne sais combien de fois dans la soirée : soit toujours positive dans tes réponses. Et souris.

Quand j’ai été appelé et que l’on m’a dit que c’est mon profil sur le site Indeed qui a convaincu, j’étais aux anges. Au moins, les journées passées à compléter des formulaires et à poster des cv en ligne avaient payé. Je sais que la Transworld Petroléum est basée à Port-Gentil et est dans la production pétrolière. C’est ce que j’ai pu trouver comme information.

Pendant tout l’entretien, le directeur des ressources humaines pose des questions générales et très basiques. Le directeur des opérations me pose deux questions qui m'obligent à déballer toutes mes connaissances pratiques sur le droit des contrats, l’audit et le contrôle de gestion.

Quant à la responsable du pôle finance, une française, elle ne dit rien, se contentant de m'observer. L’assistante du DRH, est celle qui pose la question qui manque de me coller sur place. Elle veut savoir si je sais ce que c’est que de travailler sous pression. Puis elle me demande d’argumenter sur ma capacité à gérer les conflits. J’ai l’impression qu’elle veut m’abattre. Au bout de quarante minutes d’entretien, la parole est donnée à la directrice du pôle finance. Elle me demande :

- Où vous voyez-vous dans cinq ans ?

C’est bêtement que je réponds :

- Je serai embauchée dans votre entreprise. Dans cinq ans, je serai passé d’un poste de jeune recrue devant faire ses preuves, à celui de chef de service audit, Trésorerie ou Contrat.

Je sens bien que mes aisselles sont complètement humides. Je me triture les doigts en attendant le verdict. Là, j’entends le directeur des ressources humaines me dire :

- Veuillez nous accorder dix minutes, s’il vous plaît. Nous vous revenons. Vous pouvez pendant ce temps, vous lever et aller prendre un thé ou un café.

C’est ce que je fais, tellement je suis nerveuse. Quand nous reprenons dix minutes plus tard, le directeur des ressources humaines m’annonce :

- Merci d’avoir été patiente, mademoiselle Mbila Kassa. Sophie Fanny Mboumba, ici présente, vous contactera dans la journée pour vous présenter le processus d’intégration. Soyez la bienvenue à la Transworld Petroléum.

Seigneur ! me voilà qui tombe de mon fauteuil et atterri à genoux par terre en disant « Merci ». Est-ce qu’on peut faire plus bête que ça ?

Deux heures plus tard, je suis de retour au studio de Gévy. Mon téléphone sonne. C’est un mail. Je reçois ensuite un appel. C’est mademoiselle Sophie Fanny Mboumba qui me dit :

- Je vous ai envoyé un mail auquel est attaché différents documents. Prenez le temps de les imprimer et de les lire. Le plus urgent est que vous me renvoyez avant qu’il ne soit 16h au Gabon, le document B16, que vous devez daté et signé.

- D’accord. Je le fais immédiatement.

Elle ajoute :

- Je vous prie de m’envoyer demain à la première heure, les copies scannées de votre passeport et ceux de vos enfants. C’est pour le processus de prise en charge de votre déménagement d’Abidjan à Port-Gentil.

Je bégaie en demandant :

- Vous… Euh… L’entreprise… paie… euh… C’est l’entreprise qui prend en charge mon rapatriement ?

- Oui, mademoiselle Mbila Kassa. Tout est pris en charge jusqu’à votre arrivée à Port-Gentil. Vous serez logée pendant les 6 premiers mois de votre contrat, dans une résidence mise à disposition pour le personnel de notre entreprise, étant donné que vous avez mentionné n’avoir aucune famille à Port-Gentil. Au bout de six mois, vous devriez avoir trouver un logement par vos soins.

- Merci Seigneur ! Euh, je veux dire, merci pour tout.

Elle me dit alors sur le ton de la confidence :

- Juste entre nous, il va falloir bosser dur.

- Je suis prête pour ça ! lui dis-je avant de raccrocher.

 

Quand Gévy rentre à 18h, elle me trouve en larmes dans le salon. Je ne me suis même pas rendue compte que je suis assise par terre, pleurant comme une veuve éplorée. Gévy me dit alors :

- Ne me dis pas que l’entretien s’est mal passé ? Et puis, on s’en fout ! Des entretiens, il y en aura d’autres.

Je la regarde, puis lui dis en faisant une grimace :

- ça s’est très bien passé. Je suis embauchée.

Là, elle me regarde et me demande :

- Mais pourquoi tu pleures, dans ce cas ?

Je réponds :

- Je ne sais pas. Je n’arrête pas de pleurer.

- Seigneur ! Tu es assise par terre en train de pleurer comme une veuve et tu me dis que tu ne sais pas pourquoi tu pleures ! Ce sont les Sérères ou les punu qui joue avec ton esprit à cet instant ?

Mes larmes redoublent d’intensité. Là, Gévy me dit :

- Il faut que je filme ça. C’est du jamais vu !

Elle me filme effectivement. Je suis incapable de m’arrêter tant mes émotions oscillent entre la joie, la colère, la désolation et la délivrance.

Gévy me demande de lui montrer la proposition faite par la Transworld Petroléum que j’ai immédiatement signée, scannée et renvoyée cet après-midi.

- Tu quittes Abidjan la semaine prochaine, ma belle ! Ta nouvelle vie vient de commencer.

Je me mouche et lui dis :

- Personne ne m’attend à Port-Gentil. Je n’y ai jamais mis les pieds. Je vais devoir me faire des amis et apprendre à vivre toute seule.

Gévy me dit alors :

- On a bien des copines de Bordeaux qui ont de la famille à Port-Gentil !

Je la retiens en disant :

- N’appelle personne, s’il te plaît Je n’ai pas envie que ces gens-là apprennent que je vais vivre à Port-Gentil. Oh, le cauchemar.

- En parlant de « ces gens-là », tu fais référence à qui, me dit-elle sur un ton de défi.

- On en a déjà parlé ! Je ne veux plus avoir affaire à la clique de Joseph. Qu’ils aillent tous se faire foutre.

Là, elle me regarde puis me dit :

- Je vais prier pour que ton cœur guérisse. Tu as trop de haine en toi. Maintenant, lève-toi. On va manger. Demain, je vais supplier mon chef pour qu’il m’accorde une semaine de congés. Je t’accompagne au Gabon.

- Comment vas-tu faire pour payer le billet ? Je t’ai déjà assez ruinée comme ça !

Elle me regarde et me dit :

- Patate ! Je travaille pour Air France, je te signale. Je ne paie que 10% du tarif de ce billet.

Je la regarde et lui dis :

- Il ne me reste que trois cent francs cfa en poche.

Elle me dit :

- Tu es en vie, ma sœur ! Tu es en vie.

   

Le mercredi 12 novembre 2014, cinq jours avant mon anniversaire, j’arrive à Port-Gentil, en compagnie de ma meilleure amie. Chacune de nous porte un des jumeaux dans ses bras. Il fait chaud. On dirait qu’une pluie est tombée dans la journée. Il est 21h 10.

Je n’ai dit à aucun membre de ma famille que je rentrais au Gabon. J’espère avoir assez de force pour m’accrocher au travail et oublier les gens qui n’ont pas voulu de moi.

Dans cinq jours je fêterai mes 25 ans, seule mais sûrement plus sereine. Au moins, je sais qu’à partir de maintenant, je pourrai payer mes factures et acheter du le lait et  les couches pour mes enfants.

   

**** Joël

 

Vendredi 14 novembre 2014

 

- Hello ! What’s up bro’ !

- Hello ! A toi de me donner des nouvelles, dis-je à Van.

- Tout roule. J’ai eu la confirmation ce matin que Noëlla a passé sa visite médicale ce matin. Elle commence lundi. Tu peux respirer.

- Merci ! Je respire en effet. Comment te remercier ?

- Oh, c’est simple. Tu sais bien qu’il suffit d’un peu de nourriture pour me corrompre. Je descendrai à Bordeaux avant de rentrer à Londres, en janvier. Dis à Jasmine qu’elle est prévenue.

- ça marche. Donc, tu en as encore pour un mois de stage à Port-Gentil ?

- Oui ! C’est chaud. Le boss a demandé aux gens de me faire bosser comme ci je ne portais pas le même nom que lui, dit-il en riant. Mon chef m’a déjà envoyé trois fois sur site, pour des périodes de deux semaines.

- Le boss a raison. Après ça, tu pourras réellement dire que tu comprends les rouages de l’entreprise.

- Dieu est au contrôle. Chef, je te laisse. Je prends l’avion pour un week-end à Pointe-Noire. Daddy et maman m’attendent. Fais-moi signe quand tu auras parlé avec Joseph. J’espère qu’il s’est remis de l’histoire de fesses entre son ex et Fulbert Poulangoye.

- Il zappe à chaque fois que je lui en parle. Mais tu le connais. Une de perdue, dix de retrouver. Il a décidé d’être célibataire pour le moment.

- Cool ! Dis à Max de m’appeler quand il sera arrivé. Ciao !

Je raccroche et me dépêche de repartir en classe pour mon dernier cours de la journée.

Il est 17h quand je sors de l’école pour me rendre rapidement à l’aéroport. L’avion de Max atterrit à 18h. En chemin, j’appelle Jasmine. Elle me répond :

- Hey ! je suis à la maison. Tout est prêt pour le repas de ce soir.

- Merci. Je fonce à l’aéroport et je rentre ensuite.

- Je serai sûrement déjà sortie. Je retrouve les filles au cinéma pour la séance de 18h 30. Ensuite nous irons à la patinoire.

- D’accord. Amuse-toi bien. Je t’aime.

Je raccroche et décide d’écouter de la musique pour rendre le trajet plus agréable.

A son arrivée, Max me dit :

- J’ai faim, si tu savais ! J’espère qu’il y a du bon à la maison.

- Jasmine a pensé à toi, t’inquiète. Ça fait du bien de t’avoir à Bordeaux.

Il sourit et me dit :

- Même si on vous écrase le mois prochain sur le terrain !

- C’est toi le champion. Peu importe dans quelle équipe tu choisiras de jouer à la longue, je suis ton premier fan !

- Cool ! fait-il en me passant un bras autour du cou. Fais attention à toi, bientôt les filles vont penser que tu es mon petit frère. Combien de centimètres as-tu perdu ?

- Hey, mon petit, ne fais pas le malin ! dis-je en feignant de lui donner un coup dans le bide.

Il éclate de rire et me dit :

- Maman dit que j’aurais dû faire du basket ! Mais nous savons tous que le basketteur c’est Joseph. D’ailleurs comment va-t-il ? Est-ce qu’il a des nouvelles de son ex ?

Je hausse les épaules et dis :

- Il n’en parle plus. Je suppose que c’est sa manière à lui d’oublier et de passer à autre chose.

Max me regarde et me dit :

- Cette fille vit sa best life comme jamais. Le vieux à même oublié le chemin de sa maison. Sa femme m’appelle même pour pleurer au téléphone comme si je pouvais l’aider.

- Comment ça il a oublié le chemin de sa maison ?

- Oh ! C’est simple, l’ex de Joseph est à Libreville. Le vieux e dort plus à la maison et sa femme m’appelle, moi, pour lui parler. Cette femme est folle. Je comprends pourquoi maman refuse que je passe plus qu’un week-end chez eux quand je vais au Gabon.

- J’espère que Madeline est heureuse. Je me suis parfois demandé si on ne l’avait pas offert aux loups en l’invitant à venir avec nous à Lyon pour ton match.

- Hum ! Toi-même tu as dit que papa avait vu ses photos sur Instagram. Il l’aurait contacté lui-même. Quand il veut quelque chose, il agit.

- Hum ! Rentrons. Annélie nous attend à la maison.

- Ok ! Comme je t’ai dit, j’ai faim ! Alors, on y va !

 

Quand nous arrivons à la maison, nous trouvons Annélie en train de discuter dans le hall d’entrée avec Joachim.

- Hello, les jeunes ! leur fait Max.

- Hello, l’ancêtre, lui répond Annélie.

- Salut champion, lui fait Joachim en lui donnant l’accolade. Comment vas-tu ?

- Pas aussi bien que toi, répond Max en riant. Vous montez où vous partez ?

- Je suis obligé de partir. Ma mère arrive dans moins d’une heure. Elle vient pour un congrès. Je vais la chercher à l’aéroport. On se verra plus tard.

- ça marche ! dit Max. Je monte.

Nous montons en laissant le couple continuer sa discussion. Dans l’appartement, nous retrouvons Joseph dans le salon, en train de pianoter sur son téléphone. Il est torse nu comme s’il venait de faire du sport.

- Hum, le grand, tu n’as plus d’habit ou tu veux simplement faire admirer tes abdos ? lui fait Max.

Joseph se retourne et dit :

- Euh, salut mon petit. Je sors tout juste de la douche. C’est maman qui me perturbe avec ses questions. Je ne savais pas qu’elle était à Port-Gentil !!

- Elle est à Port-Gentil ? Y a-til un souci avec tante Marie-Christine ? dis-je.

- Ecoute, maman m’a appelé pour me dire qu’elle a rencontré Noëlla en train d’acheter un paquet de couches pour bébé, à Score. Je ne suis pas censé savoir où se trouve Noëlla, parce que ce ne sont pas mes affaires mais je ne comprends pas pourquoi maman en fait une maladie. Elle dit qu’elle me rappelle dans dix minutes. Comme si la vie de Noëlla m’intéresse. Qu’est-ce que j’en ai à foutre de sa liste de courses !

Je regarde Max alors qu’Annélie arrive.

- Pourquoi t’énerves-tu, Joseph ? On t’entend dans l’escalier ! lui fait Annélie.

- Je ne suis pas énervé. C’est juste que j’ai d'autres chats à fouetter que de parler de mes exs. Si le mot Ex a été inventé, c’est bien pour qu’il serve, non ?

Il abandonne donc son téléphone sur le canapé avant de se lever en disant qu’il va se chercher un tee-shirt. Là, son téléphone sonne ; je décroche car c’est maman qui appelle.

- Bonsoir maman c’est Joël.

Elle me dit alors :

- Bonsoir Joël. Dis-moi à quel moment je suis devenue grand-mère sans le savoir. Et pas besoin de me dire que tu n’es au courant de rien. Joseph ne te fait aucune cachotterie.

- Euh, maman, je te passe Annélie. Elle t’expliquera.

Je tends le téléphone à ma sœur et me tourne en entendant Joseph, qui devant la porte de la chambre, demande :

- Pourquoi passes-tu mon téléphone à Annélie ? Pourquoi maman appelle-t-elle ?

Là, je me passe une main sur le visage. Au moment où je m’apprête à ouvrir la bouche, c’est Max qui dit :

- Tu es papa, Joseph. Noëlla a eu des jumeaux. Une fille, un garçon. C’est pour cela qu’elle achetait des couches quand maman l’a vue. Par contre, je ne sais pas ce qu’elle fait à Port-Gentil. Aux dernières nouvelles, elle était dans la galère à Abidjan.

-  Merci Max ! On peut dire que tu vas droit au but, toi ! lui dis-je.

- Je te signale que ça fait des semaines que vous tournez tous autour du pot. Et vu que maman est au bout du fil, laisse-moi te dire que ça va barder pour vos oreilles !

Joseph s’approche de moi, me regarde droit dans les yeux et me demande sur un ton menaçant :

- Peux-tu me répéter ce que vient de dire Max ?

Je déglutis et dis :

- Noëlla était enceinte en quittant Bordeaux. Elle ne le savait pas. Elle s’est retrouvée dans la rue à Dakar. Ensuite, elle a atterri à Abidjan chez Gévy. J’ai demandé à Van de voir avec son boss pour lui trouver un emploi à Port-Gentil. Euh…

Je n’ai même pas le temps de terminer. Je ne sais par quel réflexe j’esquive le coup de poing que Joseph décide de me mettre en pleine figure. Max s’interpose entre nous en disant à Joseph :

- Hey, Chef, calme-toi. Tu ne vas taper sur personne ici. Si tu veux la bagarre, va plutôt fracasser la porte de la cuisine.

Joseph et moi nous nous jaugeons un long moment puis, il finit par s'asseoir dans le canapé. On peut sentir sa colère. J’ai l’impression que nous allons passer la plus longue soirée de notre vie. J’ose lui dire :

- Tu sais que tu peux parler. Nous t’écoutons.

Il reste silencieux. Bientôt, il donne l’impression de n’être plus avec nous que physiquement. Son esprit est complètement ailleurs. Je m’assois à ses côtés puis sans le regarder, pose une main sur la sienne et lui dis :

- Tu peux parler, tu sais.

Il se contente de serrer le poing tout en gardant le regard perdu dans le néant.

Max nous regarde puis se tourne vers Annélie qui revient dans le salon après avoir discuté avec maman dans la cuisine.

- Maman nous en veut de ne lui avoir rien dit, annonce Annélie.

- Il faut dire à maman qu’elle ne peut s’occuper de tout. Elle ne peut pas être partout, dit Max. Elle va s’épuiser pour rien.

- ça n’empêche pas qu’elle estime qu’on aurait dû tout lui dire depuis le début. Elle m’a dit qu’elle n’a pas l’intention de lâcher Noëlla.

- Donc, Noëlla envoie Joël au diable quand il appelle et là, elle s’est rendue compte qu’elle ne pouvait pas faire la belle face à maman, c’est ça ?

- Oui, c’est ça ! Maman a l’intention de lui coller aux basques. Elle ne pourra pas lui échapper.

Joseph se lève et se dirige vers la porte d’entrée de l'appartement. Annélie le poursuit, se met au travers de son chemin et lui dit :

- Tu ne sors pas d’ici si on ne sait pas ce qui se passe dans ta tête.

Joseph reste là sans bouger, le regard dans le vide. Il finit par lui dire :

- J’ai besoin d’air.

Annélie lui répond :

- Je t’ai dit qu’il est hors de question que tu sortes. Alors, tu vas tranquillement t'asseoir à table et nous allons manger.

Là, elle s’assure que la porte est fermée à double tour, puis conduit tranquillement Joseph vers la salle à manger. Nous nous asseyons là, alors qu’Annélie va chercher les plats dans la cuisine. Joseph évite mon regard et reste les yeux fixés dans le vide.

- Qu’est-il en train de penser ? me demande Max.

- Il a envie de m’assassiner parce qu’il pense que j’ai pactisé avec l’ennemi en discutant avec Noëlla.

Max me dit alors :

- En fait, c’est un combat que vous menez tous les deux dans le monde spirituel, c’est ça ? Faites-nous signe quand vous aurez fini de vous battre !

- Max ! Arrête de les embêter et mange ! fait Annélie.

- ça, on ne pourra pas m’en empêcher, fait-il en se levant pour se servir. Sinon, à dire la vérité, c’est ton année, Joseph. Enfin, tu deviens un homme. Ça se fête non.

Joseph laisse tomber son poing gauche sur la table et nous fait tous trembler. Annélie s’énerve et lui dit :

- Soit tu parles, soit tu te tais. Mais arrête de faire ce genre de choses. Tu n’es pas le premier à qui ce genre de chose arrive. Il n’y a pas mort d’homme, je te signale. La terre continue de tourner et tu es en vie.

Joseph éclate alors en sanglot et dit :

- Elle n’avait pas le droit de me faire une chose pareille !Je sens que son cœur est décomposé. Complètement meurtri. Je fais alors signe à Annélie de nous ouvrir la porte d’entrée. Je pose un bras sur l’épaule de Joseph et lui dis :

- Allons faire un tour dehors.

Il s’exécute sans se faire prier.

 

Dehors, nous marchons durant une demi-heure en silence. Je finis par lui dire :

- Noëlle n’est pas une pute et tu le sais très bien. Arrête de penser à ce genre de chose.

Il me regarde et me toise. Je lui lance :

- Tu ne l’embêteras pas car je t’en empêcherai.

- Dans ce cas, tu peux lui dire de ma part qu’elle aille se faire foutre. Tu peux dire ce que tu veux : elle m’a piégé ! Et ça, je n’en démords pas. Jamais je n’ai été idiot au point d’oublier de mettre une capote. Et surtout pas avec quelqu’un qui je n’ai jamais vu comme la femme de ma vie.

- Oh, grande nouvelle ! La femme de ta vie existe réellement. Je vais t’aider à la trouver rapidement. Ça t’évitera d’avoir envie de t’envoyer les mêmes filles que tes potes. Je te signale que Natasha Houngbédji est passée dans le lit de Johann et qu’elle s’est même payé le luxe de coucher avec ton frère Mathias !

Il hausse les épaules et me dit :

- Je ne parlais pas de me taper Natasha. Je veux simplement dire que je vais me contenter des filles comme elle, pas prise de tête. Tu sais, le genre qui souhaite simplement s’envoyer en l’air.

Je lui donne une tape à l'arrière de la tête et lui dis :

- Tu arrêtes de faire la maboule, oui ! Je te signale que tu es père et qu’il est peut-être temps que tu grandisses ;

Il se tourne vers moi et me repousse violemment en me disant :

- On t’a dit que c’était ça mon rêve ? On t’a dit que j’avais prévu d’être père à 21 ans, alors que ce sont les parents qui payent mon loyer et mon école ! Mais qu’est-ce que tu crois ? Que j’ai envie d’infliger à mes parents ce genre de situation ! ça m’apprendra de ne sortir qu’avec des imbéciles.

- Dieu du ciel, arrête de l’insulter ! Je te dis que pour elle aussi cette nouvelle a été un choc. Au moment où j’ai retrouvé sa trace, elle tirait le diable par la queue. Ses parents lui ont coupé les vivres. Elle a été abandonnée de tous.

- Que puis-je dire à part que cette fille est une idiote ?

- Tu peux te taire, lui dis-je. On parle de la mère de tes enfants.

Il me fixe et me dit :

- J’ai l’intention de voyager autant que possible. Je ne suis pas du genre à me laisser emprisonner par la vie parce qu’une belle imbécile a décidé de m’infliger deux gosses. Elle n’aura rien de moi. Si ça vous amuse de vous intéresser à sa vie, c’est votre problème.

 

Là, il part en courant. Je le laisse et décide de faire demi-tour vers la maison.

Quand j’y arrive, je retrouve Joachim et sa mère, à table avec Annélie et Max.

     

A SUIVRE…

   
Les fils d'Idéale Ma...