Chapitre 17
Write by sokil
Le
manque de fair – play de Steve et le comportement de ma famille envers
lui n’ont fait que me mettre dans une situation très embarrassante. Ils
ont été catégoriques et ils lui ont fait comprendre directement qu’ils
ne veulent pas de lui ! La chose qu’ils lui ont quand même accordée est
le temps, une façon de faire ses preuves et de revenir les voir à nouveau.
Steve, je l’ai vu se dégonfler à l’immédiat, il a secoué à plusieurs
reprises la tête et n’a même plus eu l’occasion de reprendre la parole
et de se défendre. C’est ma mère qui lui parlait durement, ou pire m’a
tante qui lui crachait un venin mortel. J’ai eu pitié de lui, et j’ai
senti son orgueil touché. Mais je ne l’ai pas vu venir lorsqu’en le
raccompagnant il m’a fait comprendre qu’il n’était plus motivé.
- Je … je t’assure, ça me dégonfle ! J’ai été correct avec eux je me
suis rabaissé, excusé, j’ai fais amende honorable auprès de ta mère qui
pense que je l’a défie et la nargue, j’ai cherché dans le regard de ton
père… euh… ton beau-père pardon ! J’ai cherché son soutien ! Mais hélas !
Je suis et je resterai le dernier des saligauds ! J’ai encore les
oreilles qui me font mal ! Ils m’ont traité comme un chien ! Mon amour
propre est …
- Attends mais …De quel amour propre tu parles ?
Ils ont été durs c’est vrai, mais n’as-tu pas compris ce qu’ils t’ont
dit à la fin ? Qu’ils t’accordaient quand même un sursis !
-
Sursis ! Je n’aime pas ce mot… J’ai passé presque tout mon séjour
carcéral à l’entendre… Ce mot… ça me traumatise ! Je ne suis pas un
filou ! Je suis un homme et j’ai des couilles… Ce n’est pas une raison
de me traiter de cette façon !
- Et toi ? Tu m’as traitée
comment ? Ils ont ça en travers de la gorge !!! Moi je t’ai pardonné
parce que je t’aime ! Eux ils ressentent encore tout le mal que tu m’as
fait !
- Je comprends mais…
- Tu es libre… Steve ! J’en ai assez de tout ça !
- Ne te fâche pas ! Eh viens là, approche !
- Je suis à bout moi aussi ! Ce n’est pas parce que ma famille te
réprimande comme ça que tu vas baisser les bras… Après tout, c’est bien
la première fois qu’ils te reçoivent, il y a un début à tout… Ils ne
sont pas mauvais, ils veulent que moi leur fille j’épouse un homme, un
vrai, pas un lâche et un trouillard ! Alors si tu as la trouille, je ne
te force pas la main ! D’ailleurs, qui a dit que c’est forcé ? J'ai
assez souffert comme ça et je souffre encore… Je souffre de t’aimer… Si
tu savais ! J’ai parfois envie que tout s’arrête… Entre toi et moi ! Je
suis la risée de tout le monde ; on me considère comme une démente, une
fille tellement bête, idiote ! Mais j’essaie juste de me mettre un tout
petit peu au-dessus de tout ça, parce que j’ai pris un risque, celui de
te donner une chance !
Il m’attire contre lui et me presse fort
dans ses bras ; il enfouit son visage au creux de mon cou, et tout en
relevant la tête, je lis une profonde tristesse dans son regard.
- Je t’aime Chou ! C’est vrai ! Je ne peux même pas le nier, mais j’ai
commis une terrible bourde ! Une grossière erreur ! Je ne sais même plus
comment me comporter vis – à- vis de toi, de tes parents ; à l’époque
quand nous étions plus jeunes, j’étais considéré comme un va –nu pieds,
ton père, je l’exécrais au plus point, il me traitait comme un chien et
me donnait des coups de pieds dans le derrière, parce qu’on s’aimait,
comme des frères avant de devenir des amants, j’étais innocent, naïf !
Aujourd’hui, je reçois toujours les mêmes coups de pieds dans le
derrière et je suis toujours considéré comme un éternel va-nu pied,
parce que je ne suis plus naïf et que je t’ai délaissé à cause d’une
banale aventure ! C’est à cause de moi que tu souffres autant… A cause
de moi, ta mère te fou à la porte parce que je veux t’épouser ! Si le
fait de t’aimer ou de m’aimer aujourd’hui est un grand crime à leurs
yeux, demain il suffira qu’on rencontre quelques petites difficultés
qu’ils me considéreront effectivement comme un éternel va nu pieds, je
serai tenu en laisse ! Ils ne me prendront pas en compte, jamais ! Je
veux t’épouser…Mais je ne veux pas te voir souffrir parce que tu m’aimes
!
- Je suis d’accord !
- Tu dis ?
- C’est
d’accord, je comprends tout ce que tu dis ! Je t’aime et je souffre de
t’aimer parce que les choses ne sont toujours pas comme on aimerait
qu’elles soient ! Ma tante m’avait dit un jour, ce qui ne te tue pas te
rend plus fort ! Non seulement j’ai souffert, je souffre, mais
j’apprends à me connaître dans cette souffrance, que je compare souvent à
cette nuit noire, ces ténèbres, l’obscurité totale. J’apprends de mes
erreurs de ce passé tumultueux, j’apprends de mes défauts, et même de
cette naïveté maladive qui me suit partout ! Tout cela me permet de
croire qu’un jour tout finira par s’arranger et que la lumière reviendra
dans ma vie ; c’est vrai le fait de t’aimer me plonge davantage dans
cette obscurité totale, mais avec la foi, le courage et la volonté, je
parviendrai à retrouver ne serait qu’une lueur, de l’espoir, le sourire ;
il suffit juste de mettre un peu de volonté, que tout le reste suivra !
Voilà ce que j’en pense !
- Alors, viens avec moi et marions nous !
- A condition que tu te battes ! Que tu prouves à tous que nous nous méritons !
- Je le prouverai !
- C’est d’accord !
C’est toujours aux premières heures matinales, lorsque le soleil se
lève, accompagné de ses premiers rayons doux qui pénètrent
progressivement dans la pièce que je suis victime de ces foutues
nausées. Elles m’arrachent toujours violemment du lit et je cours dans
la salle de bains me vider complètement au point de n’avoir que la bile
comme seul élément dans mon ventre et dont l’amertume si accrue me fait
plisser davantage le visage. La veille je n’ai presque pas mangé ;
l’avant-veille pareil. A peine je mets quelque chose dans ma bouche que
je le rejette sans le vouloir. Je suis à quatre mois de grossesse et on
dirait que je ne suis qu’à deux. J’ai perdu énormément de poids et je
suis d’une extrême pâleur. Steve est là à mes côtés et semble plus
inquiet que moi.
- Il faut qu’on aille voir ton médecin ! Tu ne
te nourris pas et ça me fait très peur, j’ai peur pour le bébé, parce
qu’il ne grandira pas bien !
- Ça ira, les nausées font tout simplement partie des effets de la grossesse !
- Non mais ton genre ci est bizarre quand même ! Tu manges à peine !
- Mon prochain rendez-vous c’est la semaine prochaine, je vais lui en parler !
- C’est mieux ! Je vais te faire un peu de lait !
- Oh non ! J’ai ça en horreur, surtout pas !
- Que veux-tu alors ?
- J’ai une envie de …J’ai juste envie de manger des … des noisettes !
Tu vois ce qu’on vend souvent là en route non ? Sur l’axe – lourd ?
- Et je vais trouver ça où ??? Les noisettes !!! L''axe-lourd c'est loin d'ici!
- Cherche… Il m’en faut ! Depuis la nuit j’ai envie de ça, là je ne tiens plus !
Il émet un profond soupir avant de tourner le dos ; d’un pas lourd, il
prend rapidement son bain et s’en va à la recherche de ces fameuses
noisettes ! Au même moment je suis encore prise d’une longue série de
nausées et de vomissements, je finis par me rendormir, mais avec
beaucoup de peine… C’est ainsi qu’il revient deux heures plus tard, je
suis éveillée et affalée sur le canapé du salon.
- Mais où sont-elles ?
- Tu es exigeante en plus !
- Ne m’en veux pas ! Je viens de rêver d’elles, j’ai rêvé que tu en as acheté en quantité industrielle !
Il s’affale aussi près de moi et en sort trois ou quatre paquets de sa poche.
- Heureusement que j’en fabrique n’est-ce pas ?
- Merciiiii chou ! J’allais mourir je t’assure ! Tu as trouvé ça où ?
- Je préfère ne pas te le dire sinon je ne vais pas respirer !
- Le fait que tu aies pu en trouver m’encourageras plus !
- Je ne te le fais pas dire ! Mais après ça il faut que tu manges la
vraie nourriture ! Je ne veux pas qu’on pense que je te traite mal,
alors que non !
- Merci chou !
- Pas de quoi ! Aller,
je vais me coucher un peu, je bosse le soir tu le sais ! Ménage-toi un
peu ma puce et mange s’il te plait ! Si tu as besoin d’un truc n’hésites
pas d’accord ?
- Ça marche !
- Je t’aime !
- Moi aussi !
Je ne sais pas si je peux dire que j’ai eu raison ou pas, mais les
choses n’ont fait que s’arranger un tout petit peu dans notre couple ;
Steve ne s’est pas découragé ; il a pu le faire, celui d’affronter ma
famille plusieurs fois de suite et ce n’est qu’au bout du troisième mois
que je les choses se sont faites d'elles-mêmes, au fil des jours. Il a
pu conquérir ma tante, regagner sa confiance et son estime ; du jour au
lendemain, Richard a quand même accepté de lui ouvrir ses bras, pas
parce qu’il l’estime, mais parce qu’il m’estime moi.
- Je le
fais pour toi, parce que je t’aime beaucoup, je pense que si tu tiens à
ce garçon, et si tu sens qu’il te rend heureuse, soit, je vous laisse;
il est le bienvenu ici, c’est quand vous voulez ! Je ne l’estime pas au
fond, mais moi je veux ton bonheur ma petite !
- Merci Richard, tu es vraiment comme un bon père, un vrai père, celui dont j’ai tant rêvé !
- Appelle-moi comme tel si tu veux, ça ne me gêne pas, au contraire !
- Merci…Papa ! Ça fait tout drôle !
- Très drôle ! Et dire que je serai grand père!!!
Quant à ma mère et moi, nos relations se sont beaucoup distendues, je
suis retournée vivre à la maison, mais nous ne communiquons vraiment
plus. La seule chose dont elle se préoccupe c’est de ma grossesse et le
simple fait de savoir que Steve s’en occupe également constitue pour
elle un éternel défi. Elle est la seule à ne rien lui manifester, même
pas la moindre sympathie lorsqu’il vient souvent me rendre visite en
semaine et lorsque je vais passer le week – end chez lui.
- Tu vois le médecin quand ?
- La semaine prochaine, Steve a promis de m’accompagner et ensuite
j’irai passer le week –end chez lui, il me ramène le dimanche !
- Tu n’as pas besoin de me le rappeler, même si c’est pas correct !
- Je ne passe qu’une nuit chez lui rien de plus ! Il est revenu quand
même vous voir ! Le reste suit son cours normal ! Si ça ne te suffit pas
!
- Sans sa famille ! Où est-elle ? Où sont les membres de sa
famille ? En tout cas c’est votre problème ! Moi tu connais le fond de
ma pensée, s’il a corrompu tout le reste moi je ne marche pas là-dedans !
- Tu exagères ! Tu es trop dure ! Tu es devenue trop sévère avec moi !
Tu oublies qu’il doit venir avec sa famille dès que j’accouche ? Pour
commencer à organiser tout le reste ! Tu oublies ça ! Tu m’en veux pour
tout ! Moindre chose, tu deviens grincheuse, on dirait que toi tu n’as
pas commis d’erreurs par le passé !
- Tu te compares à moi ?
- Non ! Mais ton passé, je ne le connais même pas ! C’est quand papa
nous a abandonnées que j’ai commencé à imaginer et à soupçonner des
choses !
- Comme lesquelles ? Que j’ai accepté tout et n’importe quoi dans ma jeunesse ?
- Tu m’as aussi eue jeune !
- Et ?
- Et…
- Klariza ! Les hormones te montent au cerveau ! Tu me menaces ? Tu
veux me défier ? C’est ça ? Tu veux retourner auprès de ton larron qui
te berce d’illusions ? Moi je dis, c’est un menteur ! Je ne le sens pas,
mais tu es libre, et bientôt tu seras une mère ! Tu vas comprendre
beaucoup de choses !
- Moi je dis une mère devrait être proche de sa fille… Mais toi aussi tu me rejettes !
- Je ne te rejette pas, je déplore ton choix, c’est tout! Et ça me fait
très très mal de savoir que tu t’engouffres dans je ne sais quoi !
- Tu deviens comme Ferdinand… A la longue ça devient traumatisant !
Je suis sortie de la pièce en toute vitesse, c’était ma dernière
phrase. Nous ne nous sommes presque plus parlé, voilà bientôt des mois !
Menacée depuis des mois par une grossesse extrêmement difficile, je ne
peux plus sortir n’importe comment et encore moins me rendre chez Steve ;
le médecin m’a recommandé un repos total à cause de la position du bébé
; j’ai tout le temps des douleurs extrêmes au niveau du dos, et même au
niveau du bas ventre ; j’ai chopé un masque de grossesse terrible, j’ai
le visage parsemé de boutons ! Sans oublier mes jambes qui enflent sans
cesse. Je suis à sept mois bientôt et je vis le martyr. La froideur de
ma mère m’attriste, Steve vient me voir de temps en temps comme il peut
malgré son travail qui l’accapare. Je suis très souvent enfermée et
couchée, je remue et broie souvent du noir en permanence. Un soir, j’ai
eu une envie pressante d’aller aux toilettes, et au moment de me lever,
j’ai été foudroyée par une douleur lancinante qui m’a clouée sur place,
incapable de faire Le moindre mouvement ; j’ai appelé ma mère…
- Mamaaaaan ??? Mamaaan ? Tu peux m’aider s’il te plait !
Elle a accouru aussi vite, très alarmée ; le fait de la voir débarquer en trombe dans ma chambre m’a donné du baume au cœur.
- Oui ma chérie ! Qu’est - ce qu’il y a ?
- J’arrive pas à me lever, je voudrai aller aux toilettes !
- Attends !
Elle s’est rapprochée de et moi elle m’a prise avec tant de douceur que
je me suis appuyée contre son épaule, les larmes ont jailli de la même
manière qu’un volcan qui crache ses larves.
- Oh ma chérie ! Ne pleure pas !
- Maman ? … Snif ! Snif ! … Tu me manques !
- Je suis là !
- Je te demande pardon ! J’ai besoin que tu me pardonnes !
- Ça va aller ! Tu es toujours mon bébé !
- J’ai peur, j’ai très peur ! Ce bébé ! Cette grossesse me fait trop souffrir, mais je ne veux pas le perdre !
- Tu ne vas pas le perdre ! C’est souvent comme ça, ça menace parfois
certains et d’autres pas du tout ! J’ai eu les mêmes effets que toi !
Tout redeviendra normal après ne t’en fais pas !
- Tu es sûre ?
- Sûre et certaine !
Elle se redresse et me regarde, elle m’essuie les larmes avec tendresse.
- Tu es sûre ? Parce que je suis devenue si laide ! Même aux yeux de
Steve, j’ai l’impression qu’il me regarde souvent avec dédain !
- Non il a juste peur ! S’il t’aime il sera toujours près de toi, je dis bien, s’il t’aime !
- D’accord !
- Viens, je t’accompagne !
Pendant qu’elle m’aide, Richard sort de la chambre en peignoir et demande ce qui se passe, ma mère le rassure que tout va bien.
- Tout va bien Richard, rien d’alarmant !
- Ah ok ! Courage ma petite !
Elle me soutien pendant que je me mets à l’aise.
- Ça va ? Tu veux que je reste ?
- Vas - y maman ! Ça ira !
- Non je reste !
- Ça ira, ou alors je t’appelle quand je finis !
- D’accord appelle moi ! A tout de suite !
Je parviens à me relever toute seule; un peu soulagée, je me rends
compte que je peux marcher sans trop de peine ; je n’ai plus besoin de
l’appeler ma mère, mais je prends la peine d’aller la rassurer avant de
retourner dans ma chambre. Mais au fur et à mesure que je me rapproche,
je les entends parler à voix basse; la porte est grandement ouverte,
sûrement à cause du fait que ma mère voulait m’entendre l’appeler. Plus
j’avance, plus j’entends Richard lui faire des remontrances. Immobile,
je manque d’avoir le souffle coupé lorsque je l’entends lui dire :
- Il en a fallu du temps et de beaucoup ma chère ! Il était temps que
vous vous réconciliiez, ça a trop duré ! Je ne savais plus quoi faire !
Elle est enceinte d’un vagabond, c’est vrai, mais c’est notre fille… Je
ne pouvais pas admettre ça, que toi aussi tu la laisses tomber comme moi
au début ! Aujourd’hui, je donnerai tout pour qu’elle me considère
comme tel, son père, car nous avons le même sang !
J’ai
rapidement fait marche arrière, mais péniblement, j’en ai même presque
oublié la terrible douleur lombaire qui revient en force. Haletante et
encore sous le coup de l’émotion, des images se mettent à défiler sans
cesse dans mon esprit, je revois les scènes troublantes qui me
reviennent et qui m’ont toujours fait penser que ce Richard pourrait
bien être mon père ! Moi aussi je l’ai longtemps et secrètement
soupçonné, mais sans preuves ! C’est Steve qui un jour me met la puce à
l’oreille.
- Tu ne t’es jamais posé certaines questions ?
- A propos de quoi ?
- De qui plutôt ! Je veux parler de Richard ! Donc c’était la fameuse
personne dont tu as m’avais parlé depuis mais je refusais d’y croire !
- C’est lui ! Ma mère et lui se connaissent depuis longtemps !
- Je comprends donc mieux ce que j’ai remarqué depuis !
- Qu’est-ce que tu comprends mieux ?
- Je trouve que tu lui ressembles !
- Arrête ! Tout le monde dit que je ressemble à ma mère !
- C’est vrai, mais… Vous avez le même air en tout cas !
- Tu es drôle !
Je lui ai juste ris au nez ! Mais en fait Richard n’est autre que mon
père, le vrai ! Le fait que mon état devienne de plus en plus alarmant,
m’a fait remettre le sujet de ma filiation avec lui à plus tard. Entre
mes allées et venues incessantes à l’hôpital sans parler des
hospitalisations régulières, j’ai cru ne jamais pouvoir arriver au terme
de cette grossesse. A ma dernière hospitalisation, on m’a recommandé
d’y rester jusqu’à l’accouchement ; de plus en plus impatiente, je me
sens à bout de tout. On a décelé en même temps des problèmes
respiratoires et la tension qui augmente sans cesse, ce qui n’est pas
bon signe. Steve est tout aussi soucieux et peiné que moi, il a plutôt
maigri et parfois il lui arrive de ne pas se raser, il lui arrive
souvent d’être dans les nuages ; tout le monde lui fait comprendre que
c’est dû au stress et au fait qu’il vive ce que je vis mais d’une
manière différente.
- Oui…C’est vrai, j’ai hâte et en même
temps j’appréhende, mais je suis heureux car j’aurai un fils ! C’est
tout ça qui me fait oublier tout le reste, sans compter le travail au
restau, je ne sais où donner de la tête ! Mais je crois que tout ira
bien !
- Je l’espère aussi, j’ai peur !
- Tout ira
bien ! Notre fils naîtra en pleine forme ! Au fait, comment allons –
nous l’appeler ? J’ai déjà son nom complet dans ma tête ! Et toi ? que
proposes-tu ?
- Moi aussi j’ai choisi un prénom…
Le
soir où nous convenons tous les deux du nom et prénom du bébé, on se
sépare dans le calme et la sérénité ; il me promet de revenir très tôt
le lendemain me tenir compagnie, car le médecin nous annonce qu’il se
pourrait que ce soit imminent et qu’on se tienne prêt ; Steve me fait
comprendre qu’il prendrait quelques jours de repos pour me tenir la
main… jusqu’à la délivrance.
- Je serai là près de toi chou… Je vais demander quelques jours au boulot pour être près de toi !
- J’en ai besoin ! Je ne t’ai pas trop senti ces jours ci à cause de ton boulot, tu ne venais qu’une fois par semaine !
- Oui ! J’étais très pris, voilà pourquoi je tiens à être là jusqu’au moment crucial !
- Merci mon chou !
- C’est la moindre des choses, je suis là, je serai toujours là ! Je
vais appeler ma mère, elle viendra aussi par la même occasion te tenir
compagnie !
Le médecin a eu raison, le moment crucial est
arrivé trois jours après ! Après de longues et interminables heures de
travail, et d’atroces souffrances, j’ai frôlé de près la césarienne ; à
bout de souffle et de force, je ne parvenais plus à pousser à cause de
mes voies trop étroites, c’en était moins une ; j’ai crié de toutes mes
forces, j’ai crié en implorant le tout puissant, j’ai déliré, j’ai cru
mourir en me déchirant correctement les voies … J’ai cru mourir à cause
de lui, il a brillé par son absence qui au fond n’a fait qu’aggraver et
compliquer cet accouchement ; Steve est introuvable, et injoignable
depuis trois jours…
Après l’ultime effort et le coup de grâce,
je peux le voir enfin, cet être si minuscule qui m’a causé tant de
souffrances, dont je ne ressens curieusement plus rien et dont j’ai tout
oublié aussitôt que l’ai tenu dans mes bras. Une sensation de bien-être
et de bonheur m’envahissent dès cet instant magnifique ; je le cajole
et le couve de toutes sortes de câlins tout en laissant échapper deux ou
trois perles de larmes…Je pense à son père, Steve ! Je me sens trop
débile, me faire encore avoir une seconde fois ! Mais je suis encore
faible, si faible pour le réclamer, tout ce qui m’importe c’est la
présence de cet être que je veux protéger par-dessus tout …
Lorsque j’ai ouvert les yeux, et repris un peu de force, ma mère est à
mes côtés, ainsi que Christelle, elles sont tout aussi enjouées l’une
que l’autre. Tante Claude n’est pas là, son absence m’intrigue en même
temps que celle de Steve. Je jette rapidement un coup d’œil au bébé que
tient ma mère qui finit par me le tendre délicatement; pendant que mes
yeux parcourent rapidement la pièce ; je réalise vraiment que Steve
n’est toujours pas là ! J’accuse froidement le coup, et le sentiment de
gêne qui me gagne est du coup très perceptible ; elles savent, elles
sont conscientes, mais personne ne l’évoque, moi non plus. Ma mère sur
le coup se lâche.
- Donne lui la tétée, il faut déjà que tu t’y habitues ! Élever un enfant toute seule, c’est pas la mer à boire !
- Où… est tata Claude ?
Demandai – je tout en biaisant, alors que nous savons toutes la vraie question qui anime tout le monde, l’absence de Steve !
- Elle arrive… C’est elle qui m’appelle à l’instant ! Allo ? Oui ! C’était donc ça ! Ok !
Elle n’a pas beaucoup parlé, elle a coupé juste après. Elle a rapidement baissé son regard avant de rajouter.
- Nous sommes quand aujourd’hui ? Vendredi ?
- Oui, nous sommes vendredi ! Répond Christelle.
Un peu perdue, je ne vois aucun lien entre ce dernier propos et sa
conversation au téléphone. Je suis assez concentrée sur mon fils, mais
mon sixième sens me fait deviner qu’il y a anguille sous roche, et qu’il
ne peut que s’agir de lui, Steve ! Je relève lentement la tête et je
m’adresse à ma mère, dont le visage s’est assombri.
- Maman ? Que se passe-t-il ?
- Je t’avais prévenue, nous t’avons tous prévenue !
- Je sais ! Où est-il ?
- Tu n’as pas assez de force pour pleurer ou pour contenir tes larmes
occupe-toi désormais de ce bébé, il est à toi, à nous et pas à lui !!!
Il n’aura aucun droit sur lui, je dis bien aucun droit sur cet enfant
est ce bien clair ?
- C’est bien clair maman ! Je sais que j’ai encore merdé ! Je le reconnais !
- Alors tourne la page une bonne fois pour toute !
- C’est terminé !!! Terminé, je ne veux plus le voir! Peux-tu me dire ce que vous avez découvert ? Je … Je veux savoir !
- Tu ne seras pas en mesure de le supporter, tu le sauras après !
Occupe-toi de ton fils, c’est tout ! C’est tout ce qui importe !
- Dis-moi ce qui…
- Je suis entrain de te dire que …
Au même moment ma tante entre en trombe, toute essoufflée, elle a un
air bien sonné, c’est bien la première fois que je la voie ainsi.
- Le saligaud, sale fils de pute !!! Il l’a fait… Il l’a fait Julie… Tu
… te rends compte ? Klariza ! Ton fiancé, celui que tu considères comme
tel, eh bien, il est entrain de se marier avec une autre ..