Chapitre 17: Dernière soirée à Abidjan

Write by MTB

Il existe parfois certaines situations face auxquelles il est difficile de répondre sans donner l’impression de mentir. Après tout, celui qui se lève tôt ne voit pas le lézard se brosser les dents. Que pouvais-je répondre sans que Moraine ne pense que je draguais sa cousine ? J’étais un peu embarrassé. Heureusement que Geneviève était là pour venir à ma rescousse.

-          Nous venons de faire connaissance. C’est ton collègue dont tu me parlais ?

-          Oui. Mais vous avez déjà fait connaissance?

-          Il faut reconnaître que tu as un collègue intéressant et intègre. Je comprends pourquoi tu en pinces pour lui. Si tu n’étais pas ma cousine, je te l’aurais arraché.

-          Euh, je suis un peu confuse. Charles, ne l’écoute pas ; elle est toujours comme cela, très taquine.

-          Je l’ai remarqué. Je ferai comme si je n’avais rien entendu. Mais je ne savais pas que tu en pinçais pour moi.

-          Arrêtes s’il te plaît Charles.

-          Depuis combien de temps déjà ?

-          S’il te plaît, je promets de tout t’avouer mais de grâce, pas ce soir.

-          Ok. Laisse-moi au moins te dire que tu es ravissante.

-          Merci. Souffre que je ne te fasse pas de compliments sinon…

-          Je ne t’en voudrais pas tu sais ? Donc tu peux dire. D’ailleurs personne ne nous écoute et je te jure que cela restera entre nous.

Elle se retourna pour s’assurer que sa cousine était bien partie chercher sa voiture puis me regarda dans les yeux puis me questionna avec un regard méchant :

-          Cela ne te suffit pas de me draguer ? Tu veux te faire ma cousine aussi ?

-          Non, non, et non. Sur ce coup, tu te trompes. Je ne l’ai pas draguée.

-          Mais tu n’as pas pu t’empêcher de l’aborder. Et c’est toujours comme cela que tout commence avec vous les hommes.

-          Je pensais que tu voulais me faire des compliments.

-          En fait j’avais voulu t’embrasser.

-          Et pourquoi tu ne le fais pas alors ?

-          Je le réserve pour la fin de la soirée, beau gosse.

Les femmes sont tout simplement incroyables. Le changement d’humeur quand elles sont amoureuses est si fréquent qu’il faut une mise à jour régulière de ton cerveau pour ne pas te tromper sur ce qu’elles veulent. Il y a quelques heures, elle insistait pour que je fasse comme si de rien ne s’était passé entre nous, et là, elle me dit qu’elle voudrait m’embrasser à la fin de la soirée. Vraiment, je doute de plus en plus de l’adage qui dit que ce que femme veut, Dieu veut. Car je sais que Dieu sait ce qu’il veut mieux que les femmes. Geneviève nous avait déjà rejoints avec son Opel Corsa et nous fît signe de monter. J’étais assis à l’arrière évidemment. Elles se retournèrent pour me jeter un regard comme pour me demander si j’étais bien installé, puis se regardèrent avec un sourire complice puis Geneviève démarra.

Qu’est-ce que ces deux filles ont derrière la tête au juste ? Je ne pouvais le savoir car elles chantaient à tue-tête comme deux folles. Il faut reconnaître que leur compagnie était amusante. J’aurais regretté si j’avais décliné l’invitation de Moraine à sortir ce soir. De temps en temps, elle me jetait des regards complices et je répondais par un sourire qui ne passait pas inaperçu. Car à chaque fois, Geneviève nous demandait de nous concentrer sur l’instant présent que nous partageons avec elle surtout que nous aurons tout le reste de la nuit, seuls. Elle n’hésita pas à insister pour nous redéposer à l’hôtel puis avant de partir, me souffla dans l’oreille à voix basse:

-          Prends bien soin d’elle sinon tu auras affaire à moi. C’est un conseil.

-          Bien noté. Tu peux compter sur moi répliquai-je à voix basse également.

Puis elle nous laissa au pas de l’entrée principale en démarrant en douce. Instinctivement, Moraine glissa sa main dans la mienne et s’adossa à mon bras comme pour s’accrocher à un oiseau qui essaye de s’envoler. Quand nous arrivâmes devant sa porte, elle l’ouvrit puis se retournant vers moi, elle déposa un léger baiser sur mes lèvres. Puis m’imposant le silence avec son index, elle me regarda fixement puis sans ajouter un mot s’engouffra dans sa chambre et referma derrière elle. Je n’insistai pas et regagnai ma chambre. Je pris soin en même temps de faire ma valise et de ranger ce qu’il fallait pour éviter d’oublier quelque chose dans la chambre.

Je ne savais pas si Cynthia était toujours à Abidjan mais je me rappelais avoir parlé de trois jours devant elle. Soit elle est déjà retournée à Lomé, soit nous nous croiserons à l’aéroport ou soit je la manquerai à Lomé. Mon cœur battait de plus en plus vite en pensant à tous les scénarios possibles. Un peu ennuyé de ne rien faire, j’allumai pour la première fois la télévision qui meublait la chambre. Je regardais la télévision sans vraiment regarder tant les programmes qui passaient ne m’inspiraient pas. J’avais juste besoin d’un peu de compagnie. J’eus envie d’appeler Moraine mais je repensai à ce que cela pourrait avoir comme complications plus tard et je me ravisai.

J’étais allé très tôt à l’aéroport pour bien observer la foule qui se pressait pour se faire enregistrer. Peut-être que je verrai Cynthia. Je m’en voulais de ne les avoir pas interrompus quand j’avais eu l’occasion afin qu’elle sache que je l’ai prise en flagrant délit. Le temps passé ne se rattrape plus. Et pour cette raison, il me fallait bien calculer mes prochains pas et bien repenser tout ce que je poserai comme acte. Jusqu’à ce que j’obtienne ma carte d’embarquement, je ne pouvais voir l’ombre de ma petite amie. Je déclinai d’ailleurs l’invitation au salon business juste pour scruter tout ce qui passait dans mon champ de vision. Je fis le tour de toutes les boutiques de l’aéroport. Aucune trace de Cynthia. Même pour l’embarquement, je me précipitai pour être le premier bien que par rapport au type d’avion sur la ligne, c’était plus confortable de monter en dernier quand l’on est en classe affaire. L’embarquement fut terminé et toujours pas de trace de Cynthia.



(à suivre...)
LA FILLE DE LA DALLE