Chapitre 17 : Retrouvailles avec David N'KOUE

Write by Auby88

Clinique pédiatrique Saint Joseph de Cotonou.

Arnaud da SILVA.

Dans le hall de l'hôpital, je suis avec Margareth qui a tenu à nous accompagner. J'angoisse terriblement. Et elle aussi. Un silence monstrueux règne entre nous. Nous n'osons dire mot tellement nos yeux sont fixés sur la porte du pédiatre. Judith est à l'intérieur avec Sibelle, qui s'est finalement remis de son évanouissement soudain. Nous avons quand même tenu à l'emmener chez son docteur.


La porte s'ouvre enfin. Margareth et moi nous levons précipitamment. Judith et Sibelle sortent en premier, suivies par le docteur. Je m'empresse de lui parler.

- Docteur David, j'espère qu'elle n'a rien de grave !

- Les analyses ont révélé que votre fille souffre d'une anémie quelque peu sévère.

- Une anémie ? m'étonne-je.

- Oui, monsieur da SILVA. C'est ce qui explique son teint pâle, son état de fatigue et son évanouissement.

Je lui ai prescrit une supplémentation en fer et recommandé à votre épouse de veiller à ce qu'elle ait une alimentation assez riche en fer. Tout devrait rentrer dans l'ordre bientôt. Nous ferons des contrôles réguliers.

- Je vous remercie docteur, dis-je en lui tendant une main qu'il serre.

- Je vous en prie. Prenez bien soin d'elle. Bon après-midi à vous !

Il est sur le point de rentrer dans son bureau quand il remarque Margareth. Elle détourne prestement son regard.

- Mélanie DALI, c'est bien toi ?

Sur le visage de la jeune femme, je lis de l'inquiétude.

- Vous faites erreur, docteur ! Je suis Margareth IDOSSOU.

Leur discussion ne me concernant pas, je détourne mon attention vers Judith et Sibelle. Judith est visiblement effrayée, ce que je ne comprends pas. Elle va s'asseoir sur un banc avec Sibelle. Je les suis.


- Pourtant, vous lui ressemblez tellement ! poursuit le docteur.

- Je ne vous connais pas. Je ne vous ai jamais vu.

Elle se lève précipitamment et vient prendre congé de nous. Son attitude est trop suspecte. Cette femme cache quelque chose. Le docteur reste quelques minutes là à la regarder, puis rentre à l'intérieur de son bureau. Je demeure perplexe. Mon regard croise celui de Judith, encore plus bouleversée que Margareth.

- Judith, tout va bien ? m'enquiers-je.

- Pour le moment, oui. Nous en discuterons à la maison. Sibelle a besoin de se reposer.

Nous nous levons et prenons​ le chemin de notre maison...


Une demi-heure plus tard.

Sibelle est couchée. J'en profite pour demander des explications à Judith. Sans dire mot, elle prend ma main et m'entraîne dans notre chambre. De dessous l'armoire, elle sort une vieille boîte d'où elle tire un papier plié qu'elle me tend.

- Qu'est-ce que c'est, Judith ?

- Déplie-le, me répond-t-elle les yeux tous tristes.

"Elle est mon bien le plus précieux. Je vous prie de bien prendre soin d'elle. Mélanie DALI "

L'anxiété me gagne peu à peu. Je devine aisément qui est cette Mélanie DALI.

- Où as-tu eu ce mot ?

- A l'orphelinat, le jour où je suis partie chercher Sibelle.

- Et pourquoi ne m'en as-tu jamais parlé ? Je pensais qu'on ne devait rien se cacher !

- Je sais, mais je me disais qu'il valait mieux que tu n'en saches rien !

- Judith, voyons ! dis-je en haussant le ton.

Je lui fais dos.

- Pardonne-moi, Arnaud !

Je suis en colère contre elle. Elle vient se coller contre mon dos et fond en larmes. Je finis par me retourner face à elle et l'enlace contre moi.

- Ça va, cesse de pleurer. Je vois maintenant pourquoi tu étais effrayée d'entendre le docteur David appeler ainsi Margareth.

- Oui. Même si elle l'a fortement nié, j'ai bien vu qu'elle était très bouleversée.

- J'ai eu la même impression.

- C'est elle, Arnaud ! J'en suis sûre. Margareth IDOSSOU et Mélanie DALI sont la même personne. Je parie même qu'elle a toujours su que Sibelle est sa fille. Ce n'est sûrement pas par hasard qu'elle est entrée dans nos vies.

- J'en doute fort. Rappelle-toi qu'elle et Sibelle se sont rencontrées par hasard, lorsque Sibelle l'a heurtée​ au tribunal. Et connaissant la force de caractère de maître IDOSSOU, je suis sûr que si elle le savait, elle ne serait pas autant patiente avec nous.

- Je voudrais tant te croire.

- Détends-toi, Judith.

Elle inspire profondément.

- Tu as raison, Arnaud. Je n'ai vraiment pas à avoir peur, d'autant plus que l'adoption plénière reste irrévocable. N'est-ce pas ?

- Oui, mon coeur.

- Alors, elle peut toujours courir cette Mélanie DALI ou Margareth IDOSSOU ! Elle n'aura jamais Sibelle !



Du côté de Saint Michel. Cabinet d'avocat​s

Margareth IDOSSOU

Je suis complètement chamboulée par cette rencontre inattendue. Jamais je n'aurais pensé tomber à nouveau sur ce personnage de ce passé que je m'efforce d'effacer.

David N'KOUE. Autrefois petit de taille, aujourd'hui bien grand avec une allure athlétique. Il a bien changé extérieurement. Jamais, je n'aurais pensé qu'il était au pays. Je le croyais à l'étranger. Avant, il rêvait de faire des études supérieures en médecine au Canada et d'y travailler plus tard.

J'inspire profondément pour me détendre. Il me faut à tout prix oublier que j'ai revu David.

Je prends mon téléphone. Je sais que Sibelle est hors de danger, mais je tiens à avoir de ses nouvelles. D'autant plus que je suis partie précipitamment de l'hôpital. Je ne veux surtout pas que le couple da SILVA ait une mauvaise opinion de moi ou qu'ils croient que je ne me soucie pas de Sibelle.

Malheureusement, chez les da SILVA, personne ne décroche. Au bout de cinq tentatives infructueuses, j'abandonne. De toute façon, je n'ai plus à m'inquiéter pour Sibelle. Elle est entre de bonnes mains et sûrement en train de dormir. J'irai lui rendre visite dès que possible.

Je dépose le téléphone sur la table, entreprends d'étudier quelques dossiers, mais ne parvient pas à rester concentré.

Je soupire longuement, l'esprit vraiment pertubé.

"David N'KOUE !"

Sur mes lèvres, je murmure son nom. Devant mes yeux, je revois défiler mon passé. Je revois tous ces moments complices que j'ai passés avec David, mon meilleur ami d'antan, mon confident, mon frère de coeur, ce garçon tellement unique, différent de tous les autres et qui ne m'a jamais fait du mal.

Je m'en veux terriblement d'avoir agi comme je l'ai fait, d'avoir nié le connaître. Je n'aurais pas dû lui faire cela. Il ne le méritait vraiment pas. Pas lui. Je jette un coup d'œil dans mon agenda électronique. Je n'ai pas de rendez-vous avant trois heures. J'ai donc assez de temps pour aller et revenir.

Avec hâte, je range mes dossiers et sors du cabinet. Direction Hôpital pédiatrique Saint Joseph de Cotonou, sis à Cadjèhoun...


Des minutes plus tard.

Près du bureau du docteur David N'KOUE, je me trouve. Il y a quelques petits patients là. J'en dénombre cinq. L'attente risque d'être longue. Je vais m'annoncer à sa secrétaire en précisant que je ne suis pas une patiente, mais plutôt une amie du docteur. Je ne sais pourquoi, mais la demoiselle à travers ses lunettes me reluque sévèrement.

- Un problème ! m'enquiers-je.

- Non, mademoiselle. Il n'y a rien. Veuillez patienter.

Je la toise puis vais m'asseoir... L'attente me semble interminable. Je trouve que David consacre trop de temps à chaque patient. Un autre patient vient d'arriver. Là, je ne tiens plus sur place. Je ne suis pas malade. Je veux juste lui parler. Cela durera à peine quelques minutes. Il devrait me recevoir depuis, sans que j'ai à attendre mon tour. J'avoue que si ce n'était pas un hôpital, je serais déjà entrée dans son bureau sans autorisation.

Je décide de repartir vers la secrétaire.

- Patientez, mademoiselle ! me répond-t-elle en me fixant droit dans les yeux. Docteur David compte libérer tous ses patients avant de vous recevoir. Vous pouvez donc soit attendre, soit revenir une autre fois.

Elle parle en me narguant presque, cette petite impolie. Elle aurait quand même pu me donner cette information plutôt que de me laisser moisir ainsi. Je me demande pourquoi David me punit autant.

Quand à sa secrétaire, je ne sais pourquoi, mais elle me veut loin d'ici. Son air jeune et son look un peu aguicheur me laisse présager que soit elle en pince beaucoup pour son supérieur, soit elle est ou a été l'une de ses conquêtes. Elle me prend donc pour une rivale, cette idiote. Malgré tout, je garde mon calme. Je suis décidée à ne pas la satisfaire. J'attendrai le temps qu'il faudra. Mais je reste quand même étonnée que David soit devenu un séducteur. Je me trompe peut-être au final. De toute façon, en dix ans, on peut beaucoup changer. Et je le sais par expérience.

- Je vois, dis-je tout simplement. J'attendrai autant que nécessaire.

Je jubile intérieurement en voyant son air déchanté.

Heureusement pour moi, personne d'autre ne vient s'ajouter à nous. Pour ne pas trop m'ennuyer, je plonge mes yeux dans mon téléphone pour consulter mes mails et faire des recherches.

Mon attente aura finalement duré près de deux heures. À présent, je suis dans le bureau de David. Je balaye rapidement la salle climatisée du regard. Elle est assez grande et décorée de manière à plaire aux enfants. Je vois sur les murs des autocollants d'héros de dessins animés, dont certains que David adorait. Dans un coin, je remarque un tas de jouets. De David, je m'appoche un peu plus.

- Mademoiselle Margareth IDOSSOU, que me vaut l'honneur de votre visite ?

Il emploie un ton très sérieux et me regarde à peine. Il semble occupé à écrire dans son journal de visites. Entre lui et moi, existe un grand mur que j'essaie de briser. Je m'assois sur le fauteuil en face du sien.

- David, c'est moi. C'est Mélanie DALI.

Il lève les yeux et me fixe longuement.

- Vous aviez raison. Vous n'êtes pas Mélanie DALI. Vous ne lui ressemblez définitivement pas.

Il se lève et me fait dos. Je me lève à mon tour et m'approche de lui. J'avance une main vers son épaule, mais me retiens finalement.

- Je suis désolée de m'être comportée comme je l'ai fait, devant les parents de Sibelle. C'est que tu m'as prise au dépourvu en m'appelant par un nom que je ne porte plus.

Il ne répond pas. J'avale une gorgée d'air avant de continuer.

- Il s'est passé beaucoup de choses dans ma vie d'adolescente …

Vers moi, il se retourne et m'interrompt.

- Oui, j'imagine. Des choses qui t'ont fait fuir comme une voleuse, sans même prévenir celui que tu appelais ton meilleur ami.

- Je n'avais pas le choix, David !

- Nous avons toujours le choix, Mélanie. Toi, tu as choisi d'agir comme une lâche, tout en sachant que tu pouvais compter sur moi et sur ma famille. Tu ne peux savoir combien je me suis inquiété pour toi. Je t'ai longuement cherchée, puis j'ai dû abandonner quand je suis parti poursuivre mes études universitaires à l'étranger. Mais pourquoi es-tu partie ainsi ?

Il plonge des yeux interrogateurs dans les miens.

- J'étais enceinte ! dis-je en fuyant son regard.

Surpris, il est.

- Mélanie, pourquoi ne pas me l'avoir dit ? Mes parents et moi, nous aurons su comment t'épauler.

- Je sais mais j'avais trop honte de moi, de ce que les camarades, les religieuses et le monde entier penseraient de moi. Tu t'imagines ! Enceinte à 16 ans !

- Mélanie ! dit-il en me prenant les mains. Tu n'es ni la première, ni la dernière à qui cela est arrivé. J'espère​ au moins que Charles a reconnu sa paternité et qu'il a pris ses responsabilités envers toi ?

Je secoue fortement la tête.

- Le salaud ! Le lâche ! Le vaurien ! Cela ne m'étonne pas venant de lui. Il t'a demandé d'avorter, n'est-ce-pas​ ?

- Oui, David. Mais j'ai gardé mon bébé. J'ai eu une petite fille.

- Je suis donc tonton depuis dix ans, réplique-t-il le sourire aux lèvres. J'ai bien hâte de rencontrer cette magnifique créature. Je parie qu'elle doit beaucoup te ressembler.

Là, je n'en peux plus. Je laisse sortir les larmes que je réprime depuis. Elles sortent en pluie.

- Mélanie, qu'est-ce qui ne va pas ?

- J'ai ... abandonné ma fille.

Il reste silencieux. Je lis une profonde tristesse dans ses yeux. Je sens qu'il souffre énormément avec moi.

- Viens.

Tout contre lui, je me blottis. Comme autrefois. C'est si réconfortant pour moi, de me retrouver dans ses bras, dans les bras de David, dans les bras autrefois maigres mais aujourd'hui robustes de cet ami de longue date. Jamais, je n'aurais pensé me sentir si bien et n'avoir aucune méfiance, aucune peur vis-à-vis d'un ...homme.

 











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