CHAPITRE 18 : Prise de conscience

Write by delali

CHAPITRE 18 : Prise de conscience


Les jours qui suivent cette rencontre d’avec sa mère et son amie, la jeune fille commence à se sentir de plus en plus différente. Les derniers évènements qu’elle a vécus ces derniers temps lui donnent à réfléchir. Elle est, de tout temps, plongée dans ses réflexions, surtout qu’elle passe tout son temps à présent à s’occuper de Rowen. Et maman Claudine est de plus en plus sollicitée par son travail, ce qui fait que cette dernière passe moins de temps à la maison. Le fait de se retrouver seule face à elle-même ne lui laisse pas grand choix que d’être plongée dans ses pensées : « Comme la vie d’une personne peut basculer du jour au lendemain ! » se dit-elle en son for intérieur. Elle arpente la pièce en continuant ses réflexions : « tout s’est passé tellement vite. En l’espace d’une vacance scolaire ma vie a complètement chamboulé. J’ai connu d’abord le plaisir de l’amour… puis la peur, l’incertitude, la trahison, l’abandon, ensuite la maternité ! Je suis passée si brutalement de l’adolescence à l’âge adulte que j’ai même pas eu le temps de préparer la venue de mon petit Rowen ! » Elle va à son chevet et lui caresse la tête :
- Mon petit chéri, comme je m’en veux de t’avoir fait venir au monde dans de pareilles circonstances… sans un papa pour veiller sur toi. Lui murmure-t-elle.
Puis elle retourne à ses pensées : « Non seulement la vie est injuste, mais est aussi sans pitié et ne fais pas de cadeau. Les êtres humains se font et se créent tellement de barrières entre eux : parce que je n’ai pas fait les choses comme mes parents le voulaient, je me suis retrouvée seule et abandonnée ! Heureusement que maman Claudine était là ! Et dire que mes petites sœurs sont promises au même traitement. Soit, elles seront obligées de se conformer, soit, elles seront rejetées. Mais dans ce cas, elles n’auront peut-être pas la chance de croiser une maman Claudine sur leur chemin ».
Elle est tellement absorbée par ses pensées qu’elle ne voit même pas les heures s’écouler. Le soir tombe, maman Claudine rentre du travail et elles dinent ensemble. Le diner se déroule dans le silence jusqu’au moment où Kady le brise :
- J’ai revu ma mère aujourd’hui…
Maman Claudine garde quelques minutes de silence puis lui dit :
- Ne lui en veux pas Kady.
- J’ai compris ses raisons maman Claudine, mais je ne l’accepte pas parce que ce n’est pas juste !
- Prend ça comme ça ma chérie, c’est la vie !
- Non, je refuse de me résigner ! On doit pouvoir faire quelque chose, pour mes sœurs au moins, pour celles qui comme moi je l’ai été, naïves ! Il n’y aurait pas un moyen de faire quelque chose pour toutes celles-là ?
Maman Claudine réfléchit un cours instant et lui répond :
- Tu voulais faire quoi après ton bac ?
- A l’époque, je savais pas trop ! Mais aujourd’hui je crois que je sais. J’aimerais pouvoir exercer un métier engagé. Par exemple informer les adolescentes naïves que moi-même j’ai été, ou encore amener les gens à changer leur manière de penser, à comprendre qu’on est différents mais en même temps pareils…
Kady s’exprime avec tant de passion, elle ne sait pas encore très bien ce qu’elle touche du doigt mais est convaincue de son choix :
- Humm … ma petite, la maternité commence à te murir on dirait.
- Oui maman Claudine, j’aimerais réussir ma vie, assurer un avenir décent à mon fils et surtout pouvoir faire quelque chose pour mes petites sœurs ! qu’elles ne passent pas par ce que j’ai enduré ! c’est trop douloureux !
- Ok. Je pense que pour ce que tu exprimes, une filière qui a trait au social devrait correspondre. Moi aussi j’y pensais depuis un bout de temps à vrai dire. C’est vrai qu’elles ont besoin de guide, les petites « ignorantes » comme toi tu l’as été d’ailleurs … ah ah ah !
- Vous vous moquez de moi là maman Claudine ! c’est pas drôle ! Réplique-t-elle boudeuse.
- Non, te fâche pas petite ! J’avoue que toi tu vois le sujet sur un aspect beaucoup plus large. J’ai pas réussi à faire quelque chose de concret parce que suis pas trop du domaine et quand je veux m’y intéresser, il y a trop de théorie, je m’y retrouve plus !
- Moi je veux pas de théorie maman Claudine je veux pouvoir être active et agir le plus tôt possible.
- Il va te falloir faire des études tout de même ma petite.
- Je suis prête, je le veux vraiment.
- Ok. Je crois que j’ai une idée qui devrait pouvoir nous éclairer toutes les deux !
- Super ! mais dites, est ce qu’au moins, il reste assez d’argent pour que je puisse payer les cours ? Sinon je suis prête à travailler pour les payer vous savez !
- Je ne sais pas ma petite, on a dépensé je dirais, presque la moitié de l’argent. Mais on en aura le cœur net quand je saurais combien vont couter les cours. Laisse-moi deux ou trois jours pour ça. Et il va aussi falloir penser à comment garder Rowen quand tu vas commencer les cours.
- C’est vrai que j’en sais encore trop rien.
***
Après ces deux, trois jours comme l’a demandée maman Claudine, Kady, Rowen et elle sortent ensemble de la maison tôt le matin. Kady ne sait toujours pas quelle est la destination. Elle a juste eu pour consigne, d’apprêter Rowen et de se rendre elle-même présentable, chose qu’elle ne se fait pas prier avant d’exécuter. Elle opte pour un ensemble tailleur blanc pour lequel elle a eu à flasher lors de ses cours en vue du renouvellement de sa garde-robe. Puis elle grimpe sur de mini escarpins tous aussi assortis au tailleur.
Le voyage en taxi les a conduits tout droit au quartier Air France. Kady ne dit toujours mot et suit maman Claudine. Ils arrivent devant une grande villa extrêmement gardée, vue le nombre d’agents de sécurité qui s’y trouvent. Ils entrent dans la demeure sans grande forme de protocole. Kady se rend donc compte que maman Claudine est une habituée de la maison. Une fois à l’intérieur, il y a comme une vague de sensations indescriptibles qui l’envahit. Cette grande demeure lui rappelle étrangement la maison des SANDOL-ROY et tout ce qu’elle y a vécu, à tel point qu’elle resserre son étreinte autour de son fils. N’en pouvant plus, elle brise le silence et demande :
- Où sommes-nous maman Claudine ?
- Je travaille ici ma chérie.
- Ah bon ? Rassurez-moi, ça n’a rien à voir avec Chris et sa famille n’est-ce pas ?
- Mais non voyons ! Viens t’installer le temps que Mr BENTON soit prêt à te recevoir.
- Mr quoi ? C’est qui lui ?
- C’est l’occupant de cette demeure. Il m’apprécie bien et apprécie aussi mon travail, alors je lui ai parlé de toi, et il veut t’écouter lui-même.
- Ah bon ? Vous pensez qu’il pourra m’aider ?
- Mr BENTON est l’adjoint du représentant résidant de ChildPROTECT, c’est une ONG internationale, alors oui, je pense qu’il peut t’aider.
Kady est laissée seule avec Rowen dans un salon qui sert de salle d’attente. Elle regarde autour d’elle et est impressionnée. La maison des SANDOL-ROY n’est rien du tout comparativement à cette demeure. L’architecture de la maison est assez simple, mais son intérieur revêt la réalité d’un tout autre monde. Tout ce qui sert de meuble à l’intérieur de la pièce où elle se trouve, semble être des pièces uniques au monde. Kady est tellement intimidée par tant de luxe qu’elle a même peur d’être une tache dans le décor, si bien qu’elle ne veut même pas laisser le petit Rowen quitter ses jambes, alors que ce dernier se débat de toutes ses forces pour se libérer de l’étreinte de sa mère :
- Mais Rowen, reste tranquille, on n’est pas à la maison ici ! Chuchote-t-elle.
- Mais voyons, laissez ce petit champion se dégourdir les muscles ! lui dit une voix dans son dos.
Aussitôt elle se met debout avec le petit et se retrouve face à un homme d’âge mur, les cheveux presque tous grisonnants, élégamment et très savamment habillé :
- Bonjour Mr. Dit-elle.
- Tu dois être Kady n’est-ce pas ?
- Oui Mr.
- Et ce bonhomme … Rowen ?
- Oui c’est bien cela monsieur.
- Lorsque Claudine m’a parlé de toi, j’avoue que j’étais un peu surpris mais bon ! Je me présente, je suis Philippe BENTON.
- Ravie de vous rencontrer monsieur, moi c’est Kady DJARASSOUBA.
- Moi de même mademoiselle DJARASSOUBA. Je sais ! Tu es impressionnée par cette pièce comme tous ceux qui y viennent d’ailleurs.
A cette remarque la jeune fille regarde autour d’elle en guise de réponse, il continue de lui parler :
- C’est mon péché mignon je dirai, à chaque fois que je vais en poste quelque part j’accorde un point d’honneur à déplacer le contenu de cette pièce avec moi…
- C’est vrai qu’elle est … très soignée. Lui dit Kady
- En effet chaque objet ici est une pièce unique de collection ! Mais assieds-toi voyons ! Que je suis impoli.
- Merci monsieur.
Kady s’assied dans le canapé indiqué par ce dernier. Elle relâche cette fois-ci son étreinte autour de l’enfant qui est tout joyeux à cet effet :
- Alors jeune fille, il parait que tu as envie de changer le monde ! Lance Philippe sur un ton gai.
- Oh, je sais pas si c’est ce que je dois dire, mais je sais que je veux continuer mes études et dans un domaine qui me permettra, je sais pas, d’apporter l’information à ceux qui en manquent…
Elle prend une pause, puis continue :
- Comme maman Claudine a du certainement vous le raconter, je ne m’attendais pas avoir mon premier enfant à cet âge-là, je dois avouer que si je savais certaines choses à l’époque, je n’en serais peut-être pas là… et même si j’avais pu éviter cela, je serai confrontée à un autre problème assez crucial : le mariage arrangé. Je viens d’une famille qui y accorde un point d’honneur peut être comme vous, vous en accorder à vos objets uniques ! Lance-t-elle pour détendre l’atmosphère tellement monsieur BENTON l’écoute avec attention.
Cette réflexion produit l’effet désiré, Philippe se met à sourire, et dit :
- En plus tu as le sens de l’humour ! Tu es assez formidable jeune fille et courageuse aussi à ce que je vois… Tu as raison, Claudine m’a assez parlé de toi, malgré tout ce qui t’es arrivé tu n’as pas voulu te résigner. Je dirai que tu es le… « carrefour » d’assez de problématiques que regorgent nos sociétés aujourd’hui. Je suppose aussi que Claudine t’a vaguement parlé de moi. L’ONG pour laquelle je travaille est spécialisée dans la lutte contre la maltraitance des enfants. Nous menons beaucoup d’actions de sensibilisation en vue de changement de comportement, dans notre jargon, on parle de IEC - CCC...
- C quoi ??
Philippe se met à rire, et Kady continue :
- J’aimerais vraiment apprendre.
- Si tu le veux vraiment, tu y arriveras. Je suis ici d’ailleurs pour la phase terminale d’un de nos projets. Il prend d’ailleurs fin très bientôt…. De toute ma carrière professionnelle, plusieurs cas m’ont été relatée, j’imaginais un peu ce que cela pouvait être pour ces personnes de vivre ces choses. Mais de tout ce temps, je n’avais jamais eu de contact direct personnellement avec une personne qui l’a vécu comme je le fais actuellement…
- J’avoue que moi aussi je n’aurais jamais pensé que ma vie allait changer à ce point.
- En plus tu veux t’en sortir ! C’est ce qui m’impressionne, d’habitude les gens aiment se résigner et attendre de l’aide…
- Oui j’aimerais m’inscrire à l’université mais aussi pouvoir joindre la pratique à cette théorie…
- Humm… je vois, tu es décidée à ce que je vois ! Moi, indépendamment de là où je travaille, j’ai souvent eu l’envie de militer pour l’éducation et le droit des femmes, plus précisément les plus jeunes, parce que c’est la jeune fille d’aujourd’hui qui devient la femme de demain n’est-ce pas ?!!
Kady acquiesce de la tête, heureuse que cet homme la comprenne parfaitement sans qu’elle n’ait à beaucoup parler. Elle affiche un sourire radieux au visage. Philippe l’observe quelques minutes puis reprend :
- Ça te dit alors d’embarquer pour une palpitante aventure ???



L'enfant de la Honte...