Chapitre 19
Write by sokil
- C’est lui… C’était lui !
Elle s’est arrêtée un court instant, me donnant l’impression de n’avoir
plus rien à dire. Consciente de ce qu’une telle annonce pourrait
générer, et surtout venant de moi, elle n’a pas eu tort de se taire un
peu ; cette annonce qui vient de m’atteindre en plein cœur, me fait
froid dans le dos.
- Que… que… Mon… Mon… Attends ! Je ne comprends pas bien ! Tu dis que … Mon… Mon…
Elle ne me répond pas ; confuse, elle se lève avec peine et me tourne
le dos. Tout en la regardant avec des yeux pleins d’interrogations, je
me mets à tonner.
- Pourquoi… tu n’en as jamais parlé ?
Pendant toutes ces années, tu m’as fait croire des choses…Et aujourd’hui
… tu me dis que ce n’est ni Ferdinand, ni Richard, mais plutôt…
- Antoine Cyrien Ndoum ! C’était ton père biologique ! Lâche t’elle tout de go.
- Alors là, maman tu es forte ! Chapeau !!! Je ne sais pas comment tu
as fait pour passer d’un frère à l’autre tout en incluant Ferdinand !
Je ne sais pas ce qui…
- Tu ferais mieux de m’écouter parler,
mais surtout, donne moi le temps de me laisser aussi recouvrer tous mes
esprits ! J’ai juré de ne jamais relater ce qui s’est passé ! J’ai
juré de les enfouir au plus profond de moi ! Mais tu as vraiment le
droit de savoir, tu as le droit d’avoir toutes les réponses à ces
questions !
Plus ma mère parle, plus je la vois se donner un
certain courage, elle se frotte maladroitement les mains comme pour se
donner confiance. Consciente du fait que j’ai été un peu brusque, je
prends donc mon mal en patience.
- Je suis peut être brusque !
Mais si tu te mettais juste un peu à ma place, tu comprendrais mieux
pourquoi je suis dans cet état ! Je me pose sans cesse des questions
sur moi, ma personne, je me demande ce qui ne va pas avec moi-même …
les hommes qui font partie de ma vie finissent toujours par s’en aller…
Richard que j’ai réellement pris pour mon père était parti avant de
refaire surface, mais biologiquement parlant il n’est pas mon père ! Et
Ferdinand mon bourreau de père qui nous a jetées comme un tas
d’ordures, et… et Steve ! Mon ami d’enfance… Nous étions inséparables,
jusqu’à ce qu’il déconne et s’en aille à son tour dans les bras d’une
autre ! Maintenant tu me dis que cet Antoine a existé avant de s’en
aller… Il ne reste que… Rick, que je dois peut être à mon tour quitter
provisoirement parce que je dois aller chercher un semblant de bonheur
question de donner un sens à ma vie ! Alors si tu te mettais un peu à
ma place, tu comprendrais mieux pourquoi je me pose sans cesse cette
question, pourquoi je fais fuir tous les hommes qui m’entourent !
Tout en tenant mon fils, j’ai la mine serrée et très abattue ; je le
laisse se presser amoureusement contre moi ; il sent que je ne suis pas
bien et instinctivement il essaie de m’apaiser, de me rassurer… L’amour
inconditionnel que nous nous manifestons l’un pour l’autre n’a pas de
mots, et je n’ai plus les mots pour chercher à exprimer ce désir de
savoir, de comprendre, bref, de connaitre la vérité sur « moi ». Ma
mère elle aussi se sentant touchée, elle vient se rassoir à côté de moi.
Elle me prend le visage d’une main, que Rick intercepte au passage ;
il lui en veut de me rendre si triste ; ce qui m’arrache un petit
sourire timide.
- Tu as Rick ! Il est fier de sa maman ! Tu
es une bonne mère ! Tu deviens de plus en plus mature! Le constat que
tu viens de faire, ne sont que des coïncidences ! Tu as une vie normale
comme tout le monde !
- Non ! Je ne sais plus exactement qui
je suis ! Quand on me demande : Qui est mon père ? Que dois – je
répondre à ton avis ? Dois – je considérer celui dont le nom est inscrit
sur mon acte de naissance ? Ferdinand ? Ou alors dois-je tout
simplement dire que … je n’ai pas de père ? Je pense que c’est mieux !
- Non ! Je viens de te le dire, tu en as eu un, mais il ne t’a pas connue…
- Il… il t’a déçue ?
- C’est pire que tu ne le crois !
- Alors raconte-moi ! De toutes les façons il n’est plus de ce monde
alors ! Si tu l’as aimé avant de connaître Richard, je ne te jugerai
pas, loin de là !
- Antoine… Je ne l’ai jamais aimé, je le connaissais à peine ! C’est Richard que je fréquentais, mais…
Elle marque encore une petite pause ; j’ai le temps de constater que
tous les membres de son corps se contractent en même temps ; ce qui
m’intrigue par la même occasion ; j’essaie juste d’imaginer, de deviner ;
je finis par comprendre ce qui s’est réellement passé, et je lâche la
première.
- Il s’agit… d’un … d’un …viol ????
- C’est exact !
- Tu n’en as jamais parlé n’est-ce pas ?
- Non ! Pas vraiment !
- Il y a eu des témoins ?
- Il n’ y avait aucun témoin, mais Richard a su! Claude également !
- C’est pas vrai ! … maman ! J’imagine ton traumatisme, ce que tu as subir et endurer, le regard de Richard …
- A cette époque-là, Richard venait de s’en aller pour les États – Unis….
Xxxxxxx
*Julie Sama*
Richard avait obtenu une bourse pour une université là-bas en
Californie ! On se connaissait depuis un bon bout, et on se fréquentait
depuis peu ! J’étais encore au lycée, lorsque je fais sa rencontre par
l’entremise de Claude ; elle a toujours eu une multitude d’amis, je me
suis toujours demandé comment elle faisait ; Richard n’était que l’ami
d’un de ses amis à l’époque! Elle me parlait tout le temps de lui, elle
me faisait comprendre que Richard en pinçait vraiment pour moi, elle me
disait qu’il avait de très bonnes mœurs et que ça comptait plus que
tout le reste. Il n’était qu’un simple étudiant, mais que l’avenir nous
réserverait bien le meilleur, selon elle. J’ai fini par céder ! A
peine avions nous profité de quelques mois de bonheur, qu’il fallait
qu’il s’en aille je n’étais pas bien ! La séparation me rendait malade.
Je fréquentais très peu la famille de Richard, étant donné
qu’il ne m’avait jamais présentée officiellement aux siens ; ils étaient
de condition moyenne et ils s’en sortaient pas mal, la preuve, ils
soutenaient Antoine, le seul et unique frère de Richard, parti un peu
plus tôt ; il étudiait en France. Il venait régulièrement en vacances
ici au pays… Lui et moi nous ne nous côtoyions que vaguement, juste
quelques formules de politesse échangées quand l’occasion nous le
permettait, ce qui ne plaisait pas trop à son grand frère. Ce dernier
m’avait mise en garde contre lui ; je ne devais pas me familiariser avec
Antoine, il n’aimait pas ça !
- Si tu peux même le haïr sans raison, fais-le… Au moins ça t’évitera tous les ennuis !
- Tu me demandes de …haïr ton propre frère ? Mais je n’ai rien contre
lui ! On se parle même à peine ! C’est ton frère quand même !
- Je n’ai jamais dit le contraire… Fais juste ce que je te demande !
Je trouvais qu’il exagérait un peu et qu’il était sûrement un peu
jaloux de la côte de popularité de son frère. Antoine était plutôt bel
homme il faut l’avouer, et il n’allait pas de main morte en vantant en
permanence les mérites à propos de son physique, sans oublier son côté
extraverti, ce qui avait le don d’irriter son frère aîné qui lui était
plutôt calme et réservé. Cette année-là, Antoine était revenu pour les
grandes vacances alors que Richard lui, s’apprêtait à partir. Leurs
parents avaient décidé par la même occasion d’organiser un cocktail en
leur honneur, l’un pour avoir bravé une étape de plus et l’autre pour
avoir décroché une bourse dans une prestigieuse Université aux États –
Unis. Richard s’en allait la semaine suivante, nous nous étions fait de
grandes promesses.
- Ma chérie, je ferai tout pour revenir te
voir, mais ça prendra beaucoup de temps, prends patience et attends –
moi, s’il te plait ! Je reviendrai pour toi, nous nous marierons !
- Je suis bien triste, mais je t’attendrai, c’est promis !
Je le croyais sans conviction, mais je le croyais, j’avais juste fermé
les yeux, ne voulant en aucun cas imaginer comment il vivrait, il serait
dans une grande ville aux USA, donc à la merci de toutes les
tentations. A cette époque - là, je n’avais pas une seule fois imaginé
que je pouvais aussi faire l’objet de toutes les tentations… Antoine !
Il faisait des pieds et des mains pour se rapprocher de moi, il venait
chez nous, prétextant qu’il voulait juste prendre des nouvelles, me
sachant triste à cause du départ de son frère.
- Bonsoir Antoine ! Que veux – tu ?
- Bonsoir Juliette… je… euh… je passais par-là ! En fait je me suis
dit, pourquoi pas m’arrêter ici tous les soirs et te tenir un peu
compagnie ? Mon frère te manque c’est clair ! Mais il m’a dit que tu
pouvais absolument compter sur moi !
- Merci, tu es bien gentil, ça fait la troisième fois que je te répète cela ; ne te gênes pas pour moi, tout ira bien !
- Tu en es sûre ? Tu es toute triste ! J’aime pas te voir ainsi !
- Ça ira !
- Viens je t’amène prendre un verre ensuite je te raccompagne, juste pour changer les idées !
- Non merci !
- Pourquoi tu as peur de moi ? Pourquoi tu me snobes tout le temps ?
Ok ! c’est vrai t’es la copine à mon frère, je te dois un maximum de
respect ! Je voulais juste essayer de me familiariser avec la future
femme de mon frère ; j’ai ce rôle-là, celui de te protéger !
-
C’est vrai tu as bien ce rôle-là, mais ça fait exactement trois jours
d’affilés que tu viens ici, et à des heures pas correctes, et je trouve
cela très irrespectueux !
- Pardon, désolé ! Ça n’arrivera plus ! Je peux te l’assurer !
Mais Antoine ne déchanta pas ; il revint à la rescousse quelques jours
plus tard, j’étais seule à la maison, Claude avait voyagé et elle ne
serait de retour que le lendemain. J’en avais profité pour aller faire
quelques achats en ville ; elle m’avait laissé un peu de sous ; elle
m’avait dit de ne pas trop traîner.
- Va t’acheter quelques trucs en ville, mais rentres aussitôt ! Je reviens dans deux jours !
Aussitôt dit, je filai en ville le lendemain dans la matinée, c’est sur le chemin de retour que je le croisai, Antoine.
- Bonjour ma belle ! Cette fois ci j’ai fais un effort pour venir à une heure convenable ! Tiens, c’est pour toi !
- Qu’est-ce c’est ?
- Ouvre-le ! Je venais te dire au revoir ! Je repars pour la France ce week –end !
- Ok ! Merci ! Tu fais un bon voyage ! Au revoir !
- Attends ! S’il te plait, j’aimerai te parler, laisse-moi t’aider à porter ces sacs ! C’est lourd tout ça !
- Merci, mais je ne peux pas te recevoir longtemps !
- Oui je sais, t’en fais pas ! Il … il faut que je te parle !
- Mais de quoi ?
- De Richard, de moi et de toi …
Nous habitions un petit immeuble miteux de trois étages, vraiment pas
fameux, que ma tante louait à bon prix à l’époque. Malgré son jeune âge
elle savait déjà se prendre en main ; elle avait laissé tomber l’école
et était rentré très tôt dans la vie active, le commerce, et cela lui
allait très bien. Antoine me collait au train, à peine avais – je
ouvert la porte qu’il s’y engouffra, me bousculant presque.
- Antoine, merci, mais tu peux t’en aller !
- Mais pourquoi tu ne me rends pas souvent visite ? Moi le frère de ton petit copain ?
- Mais…
- Tu te méfies de moi ! Richard n’a fait que te rabattre les oreilles
avec ça ! Je le sais ! C’est un jaloux et un complexé, il ne
m’arrivera jamais à la cheville et tu veux que je te dise ? Il t’a dit
de m’éviter parce qu’il sait, il en est bien conscient !
- Mais tu es fou ! Va-t’en !
- Non ! Il faut que je te dise ! Ça fait des jours que je me languis
de toi ! Ça fait des jours que je ressens ça, cette chose… j’ai envie
de toi, d’être avec toi…Embrasses moi !!!
Il se jeta sur moi avec fougue, je le repoussai avec violence tout en lui assénant une bonne gifle.
- Espèce d’obsédé sexuel !!! Richard avait raison tu n’es qu’un animal !!!
J’ai regretté amèrement mon geste ; son visage changea de couleur. Il
m’empoigna de force et malgré mon agitation, il finit par me donner un
violent coup de poing au visage qui me fit perdre un peu la tête, et
saigner en même temps du nez, à demi consciente, il me traîna dans la
chambre… Dans un petit soubresaut, je me suis mise à le supplier…
- Tais-toi ! Tu l’a ferme ! Tout ce que tu as à faire c’est de
coopérer … Je vais te montrer de quoi je suis capable… Moi l’obsédé !
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*Moi*
Je suis tout simplement sans voix et plus mal en point que ma mère ;
elle est en larmes, elle a tout versé en une fois, sans se ménager, mais
plus elle a parlé, plus j’ai eu le sentiment qu’elle se libérait au fur
et à mesure. Elle a les yeux perdus au loin lorsqu’elle débite tout. A
la fin, je lui prends la main.
- Je suis désolée maman ! Ce que tu as vécu… Je … Je ne sais vraiment pas comment le qualifier…
- Il a menacé de me tuer, ses mains me tenaient la gorge et … et … s'il
avait voulu, il m’aurait étranglée ; à un moment donné, j’ai me suis
ressaisie, je voulais crier, mais il m’a encore asséné des coups de
poing sur le visage avant de refermer sa main sur ma bouche….et…
j’étouffais … je…
- N’en dis pas plus ! S’il te plait ! Arrête ! Je… Je… je suis meurtrie !
- Je … ne sais plus, mais je me suis évanouie ! C’était le trou noir,
le vide complet dans ma tête…A mon réveil, j’étais surprise de me
retrouver à l’hôpital ! Claude était à mes côtés ! Apparemment elle
m’a trouvée inconsciente en fin d’après-midi ! Elle était rentrée un
peu plus tôt et m’avais conduite de toute urgence… Je suis tombée
enceinte de toi…
Rick s’est finalement endormi dans mes bras
pendant toute la narration de ma mère ; je finis par le mettre au lit ;
je pleure en même temps, je chiale et j’ai les nerfs en feu… je me
bouche les oreilles, je ne veux plus qu’elle en dise plus, mais elle ne
s’arrête pas ; on aurait dit qu’elle subit une sorte de thérapie forcée,
elle se vide complètement, sans faire attention, sans peser ses mots.
Je suis très abattue, lorsqu’elle me fait comprendre que j’ai plutôt été
conçu lors d’un viol et sans amour… Je respire péniblement et je finis
par lui dire.
- C’est difficile à entendre…
-
Malheureusement Antoine a pu s’enfuir in extremis ! Nous avions appris
qu’il était reparti pour la France le lendemain, c’était ni vu ni connu !
Richard fut mis au courant avant de s’en prendre personnellement à son
frère… il en a voulu à sa famille, Il a accusé tout le monde ! Il a
promis de régler personnellement son compte ! Je n’ai pas eu la force
de lui avouer que j’étais enceinte, je pensais que c’était sale et
honteux ! J’étais traumatisée, abattue,… Avec le temps et la distance,
nos rapports s’effritent, on s’écrit à peine, Richard se fait rare, on
s’oublie… Je fais donc la rencontre de Ferdinand trois ans plus tard, tu
es encore très petite, mais Ferdinand te reconnait… La suite tu l’a
connait …
- Comment Richard apprend-il mon existence ?
- Richard n’a appris ton existence que lorsque nous nous sommes
recontactés des années bien plus tard, mais on se revoit au Maroc ! Tu
te souviens ? Nos fameuses vacances …
- Je m’en souviens très bien, je venais de vous surprendre au hall de l’hôtel!
- Oui au hall de l’hôtel ! Nous nous étions retrouvés là-bas, il était
en mission ! Lui aussi s’était marié, mais sa femme décéda d’un cancer
bien après ; moi je vivais l’enfer avec Ferdinand, jusqu’à ce qu’il nous
abandonne…Richard revient en force et ne veut plus qu’on se sépare ; on
se retrouve et on décide de faire table rase du passé ! Nous finissons
par trouver un accord ; il me fait comprendre qu’il est prêt à te
reconnaitre comme sa fille, à condition que tu n’apprennes jamais la
terrible vérité sur la véritable identité de ton père, à condition que
Claude se taise !
- Et… comment il disparait ? Antoine ?
- Les deux frères ne se sont plus parlé depuis des années, la famille a
tenté de les réconcilier, peine perdue ! Le drame c’est que Antoine
tombe gravement malade, il est mourant lorsqu’il appelle son frère à
Paris ; il lui demande pardon sur son lit de mort avant de fermer les
yeux ! Antoine a eu une vie précaire ; ruiné et au bord du gouffre, il
n’avait plus remis les pieds au pays même à la mort de leurs parents.
On aurait dit que la malédiction s’est longtemps abattue sur lui. Ni
son ex-femme, ni ses enfants, aucun d’eux ne fut présents à ses
obsèques, Richard l’enterre seul, avec la présence de deux ou trois
personnes… Voilà, maintenant tu sais qui tu es ; tu es une des leurs,
mais tu es la fille de Richard ! Il te considère comme tel. Il est
question depuis un bon moment qu’on te révèle cela, mais nous
tergiversions, nous hésitions beaucoup entre te dire la vérité telle
qu'elle est ou encore te dire tout simplement la vérité sur fond masqué !
- Je te remercie maman ! C’est triste, je suis très touchée, et malgré tout tu as eu la force de me garder…
- Tu n’as pas à me remercier…J’ai essayé de panser mes blessures en
apprenant à t’aimer, les prières m’ont beaucoup aidée. En même temps
Claude aussi m’a soutenue et assistée comme elle a pu. A cette
époque-là, elle me trouve une place dans un foyer où je suis
régulièrement suivie par les sœurs catholiques, c’est ça qui me permet
de survivre, de tenir le coup et surtout à ne pas vouloir commettre le
pire... A ta naissance c’est le comble, tu es adorable, tu m’as
transformée sur le champ, je finis par oublier tout le reste…Aujourd’hui
je ne regrette pas de t’avoir gardée, je me suis rendue compte à la fin
que je n’aurai que toi. Avec Ferdinand ça n’a pas été possible, avec
Richard nous sommes bien vieux pour espérer encore pouponner…Toi aussi
tu as un enfant, ne commet jamais la même erreur que moi, dis-lui tout
simplement la vérité !
- Oui…La vérité libère en quelque sorte…
Quelques mois plus tard…
C’est l’agitation et le branle – bas ; je suis sur le qui – vive depuis
la veille ; je n’arrive pas encore à croire que je suis sur le point de
m’en aller, je prends le vol ce soir à 22h pour la France… Les choses
sont allées vite, très vite ! J’ai accepté de partir, sans mon fils, la
mort dans l’âme, mais plutôt l’âme bourrée d’espérances. Je me suis
retrouvée, face à mes choix et j’ai fini par prendre une décision, la
mienne, et dont personne ne m’y a forcée. J’ai passé tout le reste du
temps à lui parler, Rick, à lui dire combien je l’aime et que tout ira
très bien.
- Ne t’en fais pas, je pars, mais pas pour moi
seule, je pars pour nous, afin de nous garantir un bel avenir, encore
meilleur… Ici je dépends de tout le monde, je n’ai pas de situation, une
fois sur place et bien installée je te promet que tu me rejoindras le
plus vite possible ; en attendant papi et mami viendront avec toi me
voir, ce n’est qu’une question de temps !
Je ne suis pas tout à
fait sereine, mais je m’emploie à être forte dans la tête, surtout
après tout ce qui s’est passé ; je m’efforce d’avoir la tête bien posée
sur les épaules, je sais dorénavant qui je suis ; cette chose si
importante à mes yeux, je sais qui est mon père… Bien que Richard a su
que j’ai été mise au parfum de toute l’histoire, il n’ a pas mal réagit,
au contraire, il a tenu une petite assise à ce propos, il tenu à ce que
ma mère ainsi que tante Claude soient elles aussi présentes.
- Klariza, je te prie, au nom de ta mère ici présente, et même de ta tante car c’est elle que j’accuse d’abord en premier !
- Eukeu ! Moi j’ai encore fait quoi ? S’exclame Claude en sursautant.
- Non Claude ! Je ne t’accuse pas dans le mauvais sens ! Je veux par
là dire que c’est en quelque sorte grâce à toi que j’ai fais la
rencontre de Julie il y a très longtemps ! la suite nous la
connaissons, et même toi d’ailleurs Klariza, toi qui vient de
l’apprendre; ta mère m’a tout expliqué ! Aujourd’hui j’ai le cœur en
paix, et je te prierai d’accepter toutes mes excuses ! Pardon de
n’avoir rien dit, d’avoir voulu taire cette terrible vérité qui moi, je
dirai, m’a cassé pendant de très longues années ! Antoine, en effet,
était ton père biologique et cela n’a fait que contribuer à nous
éloigner, ta mère et moi…Je donnerai tout pour revenir en arrière et
effacer cet épisode malsain ! Chacun de nous en a payé le prix fort, en
particulier mon frère… Aujourd’hui je te le dis et le confirme, tu es
ma fille ! Dès l’instant où je l’ai appris, j’ai ressenti quelque de
chose d’inexplicable ; je suis fier d’être ton père ; je tiens à ce que
tu le saches, je te tiens à ce que tu pardonnes toi aussi à cet homme,
qui t’a donné la vie inconsciemment, ta mère a pardonné, moi j’ai
pardonné, toi aussi pardonne moi, pardonne à ta mère, pardonne à cet
Antoine…
Nous avons été toutes les trois émues, nous avons
toutes pleuré, et au même moment, lui et moi nous nous sommes levés, il
m’a tendu ses bras, et je me suis laissée emporter par cette chaleur si
paternelle.
- Aller ! Viens ma chère enfant!
- Merci papa… Snif ! Snif!
- Bon ! Bon ! Pas de larmes d’accord ? Tout est bien qui finit bien !
Regarde-moi ces deux-là ! Tes mamans là, elles pleurent on dirait
qu’elles sont à l’honneur ! Détrompez-vous !
En me dirigeant
vers la salle d’embarquement, je me retourne encore une fois et je les
regarde tous, ma mère, tante Claude, mon fils! j’ai la larme à l’œil,
je ne me suis pas ménagée. Partagée entre une joie et une anxiété sans
pareille, la séparation est bien trop rude, c’est bien la première fois
que je me sépare des miens, de lui Rick, j’ai très mal. Malgré son
inconscience, je lui ai tout dit, ce n’est que temporaire. J’ai bien
reçu toutes les instructions, tous les conseils, toutes les
bénédictions, j’ai serré ma mère si fort, et Rick, je n’avais que lui
dans mes bras. Les « au revoir » ont fusé dans tous les sens, sans
oublier les embrassades, les accolades et tout le reste. Richard est
entré avec moi, il a pu s’y glisser sans failles ; il me donne encore
quelques directives.
- Bon écoute ! Quand tu arriveras Roissy
Charles de Gaulle, ta famille d’accueil sera là. Tu habiteras chez eux à
Paris pendant quelques jours et ensuite eux-mêmes te conduiront à
Montpellier, je pense que c’est plus facile ! Tout va bien se passer,
je te fais confiance ma chérie ! Tu es une fille très brave… Sois sans
crainte, ne te fais aucun soucis pour le p’ti Rick ! Nous serons là à
Noël !
- Merci ! J’ai hâte de vous revoir à Noël ! Mais
pendant qu’on y est, je ne t’ai jamais posé la question de savoir qui
sont-ils ? Cette famille d’accueil ? Avec les préparatifs et tout le
reste, je ne savais où donner de la tête
- Ce sont des gens sympa, une famille amie, ne t’en fais pas !
- Mais comment les reconnaitre ?
- Ils ont ton nom complet ; ils auront une pancarte ! Allez c’est l’heure vas-y ! Beaucoup de courage ma petite!
- Papa…attend ! Ils sont noirs ? Blancs ?
- Bye bye !…Ils sont…
Je n’ai pas eu le temps d’entendre sa dernière phrase étant donné qu’il
s’est déjà éloigné, et moi j’embarque à l’instant… Six heures de temps
après, l’avion qui atterrit me fait pousser un ouf de soulagement, j’ai
toujours détesté ces instants, le décollage et l’atterrissage ; mais
tout c’est bien passé ; mon voisin, un compatriote n’a pas arrêté de me
pomper avec tout son verbiage ; toute son allocution n’était basée que
sur sa vie à New York, et ses projets sans queue ni tête. Je l’ai
écouté sans vraiment l’écouter, question de ne pas jouer les impolies,
avant de plonger dans un sommeil entrecoupé par moment, à cause de ces
fameuses secousses, appelées « zones de turbulences », comme on dit.
C’est lui qui m’a signalé quelques minutes avant que nous étions déjà
sur le sol français.
- Hé ! Réveille-toi ma belle, on atterrit
bientôt ! Ok ! V’là mon numéro ici à Paris ! Chui là pour quelques
jours, ensuite j’vais à Amsterdam, via Bruxelles avant de filer tout
droit à New York ! Tu m’appelles d’accord ?
- Bien sûr !!!
Quel con ! Il me croit si naïve que ça. Pour l’instant mon soucis de
l’heure étant de retrouver cette famille d’accueil, on finit par se
séparer ; à peine je me retourne que j’aperçois la pancarte avec mon nom
écrit dessus ; mais la personne ou les personnes en question n’ont pas
du tout l’air d’être une famille, ce sont deux hommes habillés en
uniforme, on aurait dit des stewards d’un hôtel. D’un pas hésitant, je
me dirige toute timide vers eux. IIs m’accueillent aussitôt
chaleureusement, je dirai plutôt d’une manière très conventionnelle,
très professionnelle.
- Mad’moiselle Klariza Sama ? Bienv’nue à Paris ! Nous v’nons d’la part de son Excellence, vous voudrez bien nous suivre ?
- Excellence ? Quel Excellence ?
- Son Excellence, M’sieur Richard Ndoum… Il nous a signalé d’votre
arrivée par téléphone ; toutes les dispositions sont déjà prises …