Chapitre 2: BYE MOMMY

<<Je ne vois pas pourquoi on ferait un travail de deuil. On ne se console pas de la mort de quelqu'un qu'on aime. >>  Michel Houellebecq 

Une semaine plus tard

****Luna****

Il doit être deux heures du matin, je ne sais pas de façon précise. Je n'arrive pas à fermer les yeux et depuis presque une semaine c'est la même routine. Ayant appris la triste nouvelle, les parents de maman qui se sont retirés au village pour leur retraite sont venus accompagnés d'oncles et de tantes (des cousins à ma mère). Ma grand-mère est inconsolable, mon grand-père fait le fort mais ça se voit qu'il souffre énormément! Depuis une semaine, je ne suis plus repartie aux cours. A quoi bon si mon esprit est ailleurs ?

Sylvain m'a obtenu une permission de deux semaines. Mes amies sont venues me voir pour m'apporter leur soutien, j'avoue que ça m'a fait énormément de bien. Je passe mes journées à aider à la maison. Les tâches ménagères me permettent d'oublier quelques minutes mais après la douleur revient plus lancinante.  Je n'arrive tout simplement pas à concevoir que je ne reverrai plus jamais ma mère! C'est au- dessus de mes forces !

La maison est remplie de gens qui viennent assister aux funérailles. Ces dernières étant prévues dans quelques heures! Je connais à peine le quart des personnes présentes. Comme maman n'était pas du tout « coutumes ancestrales » et autres, ses parents ont voulu que la messe soit juste célébrée. La messe aura lieu à l'église Saint Antoine de Padoue de Calavi et l'enterrement se fera au cimetière de Sèmé. Depuis une semaine je n'arrive pas à fermer les yeux plus de trente minutes et je commence par en ressentir les effets néfastes.

Mais aujourd'hui tout ombre de sommeil m'a fui. Je me tourne et me retourne dans mon lit mais rien n'y fait ! Je me lève en faisant attention pour ne pas réveiller mes cousines qui dorment dans ma chambre, j'enfile un débardeur, un short et je vais dans la cuisine. J'ai besoin de faire quelque chose pour m'occuper l'esprit, je garde mes larmes pour plus tard.

Je sors tout le nécessaire pour faire un gâteau au chocolat. Maman m'a appris cette recette.

[....]

Il est presque quatre heures quand je sors le gâteau du four. Je réfléchis à comment passer le temps avant que le soleil ne se lève et que toute la maisonnée ne se mette en activité. Je me suis mise à nouveau en quête d'ingrédients pour faire un gâteau magique (pâtisserie préparée à partir d'une seule préparation et qui après cuisson donne trois textures qui se compose d'un flan, d'une crème et d'une génoise aérée).

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Après avoir mis au four ma préparation, j'ai commencé une pâte à crêpes. Je veux juste m'occuper l'esprit. Le temps que mon gâteau magique soit prêt et que je finisse le mélange pour la pâte à crêpes, les premiers rayons de soleil avaient fait leur apparition. J'ai fait une vraie montagne de crêpes, je suppose que les plus petits vont avaler quelque chose avant qu'on y aille.

-Mais ce n’est pas vrai! S’exclama Sylvain

J'ai sursauté, je n'avais pas remarqué sa présence.

-Tu m'as fait peur murmurais-je.

-Ce n'était pas mon intention. Ne me dit pas que tu as passé toute la nuit ici dans la cuisine!?

-......

-Toi aussi tu n'arrives pas à dormir n’est-ce-pas ?

Il a l'air épuisé et à bout de souffle, il faut dire que c'est lui qui a presque tout gérer. Papa n’y arrivait pas. Ça me fait mal de le voir comme ça mais je comprends qu'il ait besoin d'évacuer sa peine. Je supporte en faisant des choses qui m'occupent l’esprit, papa lui se retire dans son coin. Il ne partage pas sa peine, il ne parle presque pas et ne mange même pas.

Hier dans la journée Sylvain m'a emmené prendre une robe noire. Habituellement, je suis toute excitée de faire les magasins mais hier, mon cœur n'y était pas du tout. C'est Sylvain qui a fini par choisir la robe ainsi que les chaussures pour moi.

-Allez va t'apprêter !

-Ok répondis-je simplement.

[....]

Je rassemble mes cheveux avec un chouchou. La robe choisit par Sylvain est simple et surtout noire. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai horreur de cette couleur et aujourd'hui encore plus. J'enfile les ballerines noires que Sylvain m'a pris en plus de la robe.

Il commence par y avoir du bruit au salon. Je prends mon chapelet sur ma table de nuit et je ferme ma chambre.

Quand je pénètre dans le salon Sylvain est déjà là, vêtu d'un costume noir, il y a aussi mes grands-parents aussi bien maternels que paternels. Eux ils ne vont pas à l'enterrement parce que chez nous les parents n'enterrent pas leur enfant, c'est plutôt l’inverse qui devrait se produire.

-Bonjour à vous murmurai-je

-Tu aurais dû dormir ma petite, tu as l'air épuisée dit ma grand-mère maternelle

-Cécile laisse l'enfant commenta son mari.

-Elle a passé toute la nuit snif.....à cuisiner exactement comme snif.....snifff ma Monique le faisait quand quelque chose la tracassait!

Non je ne vais pas pleurer, du moins pas maintenant c'est hors de question!

-Cécile calme toi ! Ne fais pas pleurer la petite! 

-Je n'y peux rien si elle me rappelle ma fille Hubert, snif.......je n'y peux rien...ajouta mamie en pleurant.

Je suis allée faire un câlin à ma grand-mère. On n’a pas fait de veillée d'exposition du corps. Papa a dit qu'elle est beaucoup trop blessée pour ça et qu'elle n'aimerait pas qu'on la voit ainsi. Pendant la messe on pourra juste voir son visage et encore ce sera à travers une vitre.

Je ne veux pas que la dernière image que j'ai de ma mère soit des blessures et des fractures ouvertes. Hier soir on a juste fait un saâra (offrande) de bouillie et de beignets en sa mémoire dans tout le quartier!

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Papa, Sylvain et moi sommes allés retirer le corps de maman au funérarium  "Les anges". Nous sommes ensuite allés en corbillard à l'église. J'ai une énorme couronne de fleurs avec écrit dessus "Repose en paix maman".

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Après la messe on s'est tous dirigé vers le cimetière de Sèmè. Papa, les deux frères de maman et Sylvain ont portés le corps de maman jusqu'à sa dernière demeure. J'ai alors compris que je ne reverrai plus jamais ma mère, que vais-je devenir sans elle ? Elle était mon repère, mon ancre , mon modèle!

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Le prêtre nous demande d'asperger le cercueil avec de l'eau bénite. Jusque-là papa est dans un mutisme sans nom, il ne parle pas, ne pleure pas… une vraie statue! Mais quand on devait jeter du sable papa s'est effondré, il s'est retrouvé à genoux en larmes.

-Monique tu ne peux pas! (silence total dans le cimetière) Monique je dis, tu ne peux pas! Tu me laisses pour que je fasse quoi? Maintenant avec qui vais-je parler à n'en point finir quand je rentre du boulot les soirs? Tu me laisses deux enfants à gérer, mais tu as oublié de me dire comment on gère des enfants. Monique…pourquoi maintenant où notre famille allait s'agrandir d'un nouveau membre?

HEIN !!!!!!!!!!!!!!

-QUOI? Cria Sylvain

Tout le monde est choqué! Et c'est peu dire ! Maman était ENCEINTE?  Ça c'est le pompon! Je comprends mieux la réaction de papa, il ne pleure pas que sa femme. Il pleure aussi son enfant. Si c'était une fille ou un garçon on ne le saura jamais! L'ambiance était déjà morne mais là on entend les mouches volées!

****Sylvain ****

Merde ! Je sors un mouchoir que je tends à Luna, elle hoquète et est secouée de spasmes. Cette nouvelle que papa vient de lâcher en plein cimetière est juste une bombe !

Papa est courbé, on ne voit plus que les gouttes de larmes qui s'échappent de ses yeux. Luna qui juste la était de marbre pleure à chaude larmes!

Moi je ne peux pas pleurer! Si je le fais, qui va bien pouvoir tout gérer.

-Nous allons dire une petite prière pour clôturer commença le prêtre. Frères et sœurs dans la foi, rappelons-nous en cette douloureuse circonstance de la perte de notre regrettée Monique Bilomé AHOUANDJINOU et de son enfant, les paroles de Jésus à la sœur de son ami Lazare, qui venait de mourir :  <<Je suis la résurrection et la vie : Celui qui croit en moi au-delà de la tombe vivra>>.....

[....]

Ça fait au moins deux heures que nous sommes rentrés à la maison. En apprenant la grossesse de maman, la mère de Papa a fait une baisse de tension mais tout est rentré dans l'ordre maintenant. Luna s'est enfermée dans sa chambre et je devine que c'est pour pleurer. Papa a failli devenir fou quand sa mère s'est écroulée à cause de sa baisse de tension. Il la surveille depuis, même pendant une seconde il ne détourne les yeux d'elle. Je suppose qu'il n'est pas prêt à encaisser une autre perte !

Je monte dans ma chambre et je ferme la porte á double tour derrière moi!

-Tu as six mois Sylvain, un deux trois quatre cinq six, six mois! On t'a débarrassé de ton principal problème maintenant. Si passé ce délai tu n'accomplis pas ta mission, c'est toi qui périra. On t'aura prévenu.

Mon cœur cogne dans ma poitrine comme s’il voulait sortir. Je ne m'attendais pas à ce qu’ils me visitent aujourd'hui! Donc ce sont eux qui ont tués maman pour me laisser le champ libre ?! Intéressant!

Je m'appelle Sylvain Gbenro OBOSSOU! C'est tout ce que vous avez besoin de savoir!