Chapitre 20
Write by Auby88
Aurore AMOUSSOU
Je surfe sur le net. Plus précisément sur les sites d'école de stylisme en Côte d'Ivoire, en Afrique en général et en Europe. Je note un point commun intéressant : les inscriptions restent ouvertes à tous sans discrimination aucune. C'est déjà rassurant pour moi.
Si j'ai pensé en premier à la Côte d'Ivoire, c'est parce qu'elle reste ma terre d'accueil. C'est là que j'ai passé une partie de mon enfance. C'est là que j'ai eu mon premier diplôme scolaire. Je vivais alors à Abidjan, précisement à Marcory, rue Brou Fulgence dans une splendide maison à étages. Je m'en rappelle comme si c'était hier. Il y avait une multitude de nationalités dans la rue.
Je me souviens de mes virées avec les amies, après les classes du matin, pour aller manger du bon attiéké au poisson frit que les bonnes dames vendaient au bord des voies ou le garba au thon frit que les hommes faisaient. Mes parents ne l'ont jamais su. C'était un secret bien gardé entre le gardien de notre maison et moi, en contrepartie d'un bon plat de placali à la sauce de gombo sec que j'achetais pour lui. J'ai la nostalgie de "mon pays" quoi ! (Sourire)
Je dois quand même reconnaître qu'en Europe, j'ai un plus grand choix d'écoles.
Pour le moment, j'ai juste besoin de collecter le maximum d'informations. J'hésite encore à m'inscrire où que ce soit. J'ai du mal à me décider. Premièrement, cela équivaudra à de nouveaux changements dans ma vie et je ne sais pas si je pourrai m'adapter.
Secondement, je doute pouvoir me passer de Femi. Je suis égoïste, je sais. Mais je me suis beaucoup habituée à lui et à sa présence dans ma vie. Il me dit que je suis forte, mais je pense que c'est tout le contraire. Je crois que si je ne l'avais pas dans ma vie, j'aurais complètement sombré depuis.
Femi ! Je souris rien qu'en prononçant son prénom.
Aujourd'hui, nous avons une séance de natation. Il sera là tout à l'heure.
J'entends un toc contre ma porte. C'est l'infirmière.
- Mademoiselle Aurore, le maître-nageur est là. Il vous attend près de la piscine.
- Bien, dis-je sans la corriger car pour moi Femi est plus que mon maître-nageur.
- Aide-moi à me changer, ajoute-je. Ensuite, tu me conduiras à la piscine.
- Bien, mademoiselle.
Un quart d'heure plus tard, je me retrouve en bas.
- Je suis là.
- Bonjour Aurore.
- Bonjour, dis-je en lui offrant mon plus beau sourire matinal. Tu t'es enfin décidé à mettre la montre que je t'ai offerte !
- Oui, Aurore. Elle est si précieuse que j'hésitais à la porter de peur que l'eau l'abîme.
- Mais elle est waterproof, donc résistante à l'eau !
- On ne sait jamais, Aurore !
Je ne peux m'empêcher de rire. Femi est unique.
- Moque-toi bien de moi, Aurore !
Je ris encore plus fort. Il finit par en faire autant.
* *
*
Nous descendons dans l'eau. Je maintiens mes mains autour de son cou. Le contact de ma peau avec l'eau est à chaque fois un pur délice. J'insiste pour rester debout dans l'eau comme lui, contre lui. Il a la main autour de ma taille. Je sais qu'il n'est pas trop à l'aise avec cette position qui rapproche nos corps. Pourtant, en étant ainsi j'ai l'impression de marcher à nouveau.
- C'est tellement bon d'être dans l'eau ! J'adore. Si je le pouvais, je passerais toute la journée là.
Il me sourit. Je le regarde. Une idée me traverse l'esprit. Une envie incompréhensible s'empare de moi. Je dois la satisfaire.
Je colle mes lèvres contre celles de Femi pour l'embrasser, mais il rejette aussitôt sa tête en arrière.
- Aurore ! Qu'est-ce que tu fais ?
- J'en avais grandement envie, Femi.
- Aurore, il vaut mieux ne plus agir ainsi si tu ne ressens rien pour moi !
Je me sens gênée.
- Excuse-moi.
Il hoche juste la tête. Durant les minutes qui suivent, j'évite son regard et lui aussi fuit le mien.
Tandis qu'il m'essuie le corps, je scrute son visage. Tout à l'heure, j'ai aimé le contact de ses lèvres contre les miennes. J'ai bien envie de les sentir à nouveau, de les embrasser mais je n'ose plus. Qu'est-ce qui m'arrive, bon sang ?
- Aurore, tout va bien ? me demande-t-il.
- Oui, balbutie-je. Je… vais… bien.
Il reste là un moment puis prend congé de moi. Je ne le supplie pas de rester un peu. Il vaut mieux qu'il s'en aille avant que je ne fasse une autre bêtise.
*******
Femi AKONDE
Je repense encore et encore à ce baiser qu'elle m'a donné sur la bouche. D'habitude, c'était la joue. Je reste perplexe. Que penser de tout ça ? Elle l'a sûrement fait pour s'amuser, juste sur un coup de tête.
C'est d'ailleurs pour cela que j'ai été dur avec elle ce matin. J'ai bien agi. Je n'ai pas envie de jouer. On ne badine pas avec l'amour, dit-on.
Mais pourquoi suis-je actuellement autant troublé, autant perdu ?
Arrête de cogiter, Femi ! Arrête ! me dis-je intérieurement. Aurore n'est pas et ne sera jamais pour toi. Mets-toi bien cela dans le crâne. Rappelle-toi que la veille, tu avais pris la ferme résolution de ne plus l'aimer comme une femme, de la sortir de ton cœur. Il faut que tu t'en tiennes à ma promesse. Il le faut. Elle n'est pas la seule femme sur terre. Il y en a plein d'autres.
Je me lève du lit et vais prendre de l'air dans la cour. L'un de mes voisins passe près de moi et me salue. Je lui réponds sans même le regarder. Mon esprit est le lieu d'interrogations.
Il est vraiment temps que je m'éloigne d'Aurore et que je me construise une vie amoureuse. Depuis, je n'ai que des aventures sans lendemain, juste dans le but de satisfaire mes envies de mâle. Il me faut à présent une relation durable. Mais à force de fréquenter Aurore, je crains ne pas pouvoir y parvenir.
Je sais que c'est égoïste de ma part, mais je vais devoir arrêter les cours de natation avec elle et être moins présent à ses côtés. Et puis, elle est assez forte maintenant pour affronter la vie. En outre, elle pourra toujours compter sur sa mère. Dans quelques jours, nous aurons une autre séance de natation. J'en profiterai pour lui faire part de ma décision.
Mon téléphone sonne. C'est Aurore. Je ne décroche pas. Je laisse sonner. Elle ne doit pas avoir quelque chose d'important à me dire.
**"*******
Aurore AMOUSSOU
Je rappelle Femi encore et encore. Il ne décroche pas. Il doit sûrement être encore contrarié.
Qu'est-ce qui m'a pris de l'embrasser ? J'ai beau cogiter là-dessus, je n'arrive pas à m'expliquer cette envie irrésistible que j'ai eue. Il doit sûrement penser que je le prends pour ma marionnette, que je joue avec lui.
Il faut que j'en parle à maman. Certes, c'est un sujet privé, mais j'ai besoin de me confier à quelqu'un. Et ma mère est la confidente idéale. Elle saura me conseiller. Je quitte ma chambre et vais frapper à la sienne.
- Entre ma fille.
- Maman, j'ai besoin de te parler ! dis-je sans autre phrase préliminaire.
Je suis trop anxieuse déjà.
- Je t'écoute.
- Je ne sais pas par où commencer.
- Alors,commence quelque part.
- Eh bien, ce matin j'ai ... embrassé Femi.
- Tu as quoi ? me demande-t-elle en souriant.
Là, je me sens "gauche".
- Ce n'était qu'un léger baiser sur les lèvres. Rien de concret au final.
- Et alors, si c'était un banal baiser que tu lui as donné, pourquoi cela te dérange autant.
- Parce que je n'arrive pas à m'expliquer pourquoi j'ai agi ainsi... Parce que Femi a pensé que c'était juste un caprice de ma part, vu que je ne….
Les mots restent bloqués dans mon gosier. Je m'apprêtais à dire " ... VU QUE JE NE RESSENS RIEN POUR LUI" mais je n'ai pas pu. Un doute s'est glissé dans mon esprit. A ma grande surprise, maman achève ma phrase.
- … vu que tu ne ressens rien pour lui, c'est cela ?
Je la regarde sans dire mot.
- Tu as des doutes sur tes sentiments à son égard, n'est-ce pas ?
Je fais vivement OUI de la tête.
- J'avoue que je ne sais plus quoi penser. Je rêve parfois de lui, je n'arrive plus à me passer de sa compagnie, je suis un peu jalouse quand d'autres femmes s'intéressent à lui ou quand il parle avec elles. Et ce matin, j'ai eu cette envie irrésistible que je n'ai pas su contrôler. C'était plus fort que moi, maman. J'avoue que j'aurais voulu qu'il réponde à mon baiser et pas qu'il me repousse.
- Aurore, réplique-t-elle en me gardant la main, tu es la seule à pouvoir mettre un nom sur ce que tu ressens pour lui. Toi seule peut savoir si c'est de l'amour, de la gratitude ou juste de l'attirance pour quelqu'un du sexe opposé. Quant à Femi, c'est normal qu'il réagisse comme il l'a fait. Tu sais bien que c'est un homme vrai, donc pas du genre à profiter de la situation. Et puis hier encore, tu aimais Steve à en mourir. Hors, tu sais que Femi en a toujours été conscient bien qu'il t'aime énormément. Ne me regarde pas ainsi, Aurore. Cela saute aux yeux qu'il t'aime. Seul un aveugle ne peut pas le constater. Ce garçon passe le clair de son temps à essayer de te rendre heureuse de toutes les manières possibles. Ça ne peut qu'être de l'amour. Tu comprends donc qu'il a tout à fait le droit de se sentir vexé. Tu comprends ?
- Oui, maman. Tu as raison.
Je soupire.
- Je dois t'avouer que depuis le début, mon plus grand souhait était que tu te mettes en couple avec lui. Mais c'est ta vie après tout, pas la mienne. Et je sais combien tu as souffert de ta rupture avec Steve. Je sais qu'il doit t'être difficile aujourd'hui de commencer une nouvelle relation. C'est tout à fait normal. Mais ne laisse pas l'amour de Femi te filer entre les doigts si tu ressens autre chose que de l'amitié pour lui. C'est un type bien, ce garçon. Il te respecte, t'épaule… t'aime tout simplement. Alors sonde ton cœur, Aurore. La réponse s'y trouve. A toi de la découvrir.
Les paroles de maman commencent à me travailler l'esprit.
********
Des jours plus tard
Femi AKONDE
Je viens d'arriver chez Aurore. Plutôt que de monter dans sa chambre, je préfère l'attendre au bord de la piscine. Je reste debout là, à contempler l'eau...
- Bonjour Femi.
Sa voix est moins gaie que d'habitude. Je me retourne. Elle est là devant moi dans un maillot deux pièces rose que je n'avais jamais vu sur elle. Dieu, qu'elle est jolie ! J'inspire profondément pour ne pas succomber à son charme. Je me dois de m'en tenir à ma résolution.
- Bonjour Aurore, finis-je par répondre.
- Femi, il faut que nous parlions de ce qui s'est passé la dernière fois.
- Je suis d'accord. D'ailleurs, j'ai quelque chose d'important à te dire.
- Je vois, dit-elle en affichant une triste mine. Assieds-toi donc. Je préfère que ce soit toi qui commence.
J'acquiesce.
- Eh bien, après cette séance-ci, je ne serai ... plus en mesure de .... continuer à être ton maître-nageur.
- Pour…quoi ? Com…ment ? Tu … ne peux … pas… me faire cela, Femi. Je parie que c'est lié à …
- Ça va au-delà de tout cela. Je préfère être franc avec toi. Je ne peux plus continuer ainsi, Aurore. Notre relation amicale te procure du bien, et j'en suis content, mais moi elle me tue peu à peu. Ma proximité avec toi et mes sentiments pour toi m'empêchent de me construire une réelle vie sentimentale. Hors, je suis un homme. Certes, j'ai des aventures par moments, mais ce n'est pas cela mon idéal. Tu me comprends ?
Elle fond en larmes et j'ai mal. Mais je me dois de rester ferme.
- Ne me laisse pas Femi. Pas maintenant que je …
- Nous resterons toujours amis Aurore, mais je serai moins présent dans ta vie.
- Non, je refuse ! vocifère-t-elle toujours en pleurs. Ne me fais pas cela. Je peux te jurer que mon baiser de la dernière fois n'était pas un caprice, Femi. Certes, je ne sais quel nom donner à ce que je ressens pour toi, mais ce n'est plus de l'amitié ou de la gratitude. C'est plus profond que cela...
Ses mots me troublent énormément.
- ... Je pense de plus en plus à toi, je me sens tellement bien avec toi et j'ai plus que jamais envie d'être avec toi. Je suis sincère Femi. Regarde-moi. Pourquoi ne me crois-tu pas ? Pourquoi tu ….
Je ne la laisse pas achever sa phrase. Je jette ma résolution à l'eau en m'emparant de ses lèvres par surprise. Il ne me sert à rien de taire ce que je ressens pour elle. C'est un leurre. Je sais qu'elle ne m'aime pas autant que je l'aime. Mais je sais aussi qu'elle est sincère quand elle dit qu'elle veut être avec moi. Et puis, l'amour se construit au jour le jour.
Elle répond à mon baiser. Nos lèvres s'ouvrent, nos langues se frôlent. C'est si bon de goûter au doux nectar de sa bouche. Malgré moi, je décolle mes lèvres des siennes.
- Je te crois, Aurore.
J'essuie ses larmes. Elle m'offre un frêle sourire.
- Embrasse-moi encore, Femi.
Je ne me le fais pas dire deux fois. Je l'embrasse avec plus de finesse, de délicatesse que tout à l'heure. C'est magique comme moment.
Nous nous regardons et finissons par rire. Je la sens plus détendue.
- Que conclure de tout cela, Aurore AMOUSSOU ?
- J'en conclus que tu embrasses divinement bien !
- Sois sérieuse, Aurore !
Elle sourit.
- Eh bien, j'en conclus que... je suis officiellement ta petite amie. Et en tant que telle, tu ne devras avoir d'yeux que pour moi !
- Alors, mademoiselle est déjà jalouse !
- Oui.
J'éclate de rire.
- Soyez rassurée, belle jouvencelle. Je dédicacerai mon temps à vous combler d'amour. Pour vous le prouver, un petit tour dans l'eau s'impose.
- J'ai hâte d'y être.
Je prends ma princesse et nous descendons dans l'eau. Nous restons debout. Je la serre tout contre moi et l'embrasse à n'en plus finir. Elle se laisse faire. A nouveau, ma masculinité s'éveille au contact de son corps. Elle se moque de moi et me taquine.
- Il faudra que tu disciplines "ton petit monsieur", parce que si à chaque fois, il doit se dresser ainsi contre moi, je finirai par avoir peur de lui et te fuir.
Je pouffe de rire.
- C'est compris, princesse.
J'inspire profondément et parviens à calmer mes ardeurs.
- Là, il s'est calmé. Avoue quand même que tu le provoques un peu trop avec tes maillots plutôt …
Elle sourit.
- Je l'admets. En tout cas, il peut être sûr qu'un jour, j'aurai recours à ses services.
- Un jour ! m'exclame-je. J'espère que ce n'est pas dans mille ans !
- Non, mais ce n'est pas demain non plus.
- Ah bon ! Oui, je suis … une femme … respectable, une princesse comme tu le dis. Et les princesses se font désirer.
Je lui murmure des mots coquins à l'oreille. Elle sourit puis me vole un baiser.
- Aurore, je veux que tu saches que je ne te mettrai aucune pression dans ce sens. Et puis, nous avons certainement beaucoup à apprendre l'un de l'autre avant d'avoir une intimité.
- Oui, tu as raison. De toutes façons, j'ai confiance en toi, Femi.
Nous nous dévisageons un moment puis nous laissons à nouveau nos lèvres "convoler en justes noces". (Sourire)