Chapitre 21
Write by sokil
Je
l’ai laissée s’épancher sur mon épaule, elle n’a cessé de gémir et de
se lamenter ; elle se sent perdue et en même temps troublée. C’est
presque le même sentiment qui nous lie, nous unis, à la seule différence
que moi je suis plutôt partagée entre le trouble et les interrogations,
dont les réponses évidentes éclairent directement mon esprit. Je n’ai
pas eu besoin de chercher midi à quatorze heures lorsqu’elle m’avoue
qu’elle serait enceinte du neveu de Richard… Je n’ai pas eu besoin de
trop cogiter…Richard n’avait qu’un seul frère, Antoine…Il n’y a pas que
moi qui suis le seul fruit de ses entrailles. Je n’ai plus rien dit
quand elle me l’a annoncé ; je me suis tu et je l’ai regardée pendant de
longues minutes avant de m’exclamer.
- Décidément, il faut
avouer que … ma famille… que… j’ai une famille qui sort vraiment de
l’ordinaire ! Trop de secrets, trop de révélations, ça n’en finit pas…
- Que veux – tu dire ? Quels secrets ? Sébastien, c’est bien ton cousin non ?
- C’est… c’est trop long … Trop de choses à expliquer, trop de détails
! Ce qui importe là, c’est ton devenir ! Mon oncle est -il au courant
?
- Non…Pas encore !
- Je pense que tu dois le tenir au courant… Si je comprends bien c’est grâce à lui que tu te retrouves ici ?
- Oui… Je… suis en sécurité ici ! Avec Sébastien… Ce n’est pas la
grande forme… Il… il lui arrive souvent d’être très violent ! Avant que
je ne vienne ici, nous vivions en couple depuis trois ans ; à cause de
lui, j’ai tout plaqué, ma famille, mes études… Il m’a bercée d’illusions
en quelque sorte…
- Et tu as décidé de le quitter lui aussi !
- Oui ! Il avait l’habitude de m’amener ici devant ce château… Il me
disait toujours qu’il appartenait à son oncle et qu’il en était le digne
héritier ! Ce n’est que lors du dernier séjour de son excellence ici
que je fais la connaissance de ce fameux oncle dont il m’a tant vanté
les mérites ! Bien après, je découvre que Sébastien et Richard ne sont
pas du tout sur la même longueur d’ondes… Sébastien, craint Richard plus
que tout mais n’en fait qu’à sa tête ! J’ai plusieurs fois menacé de
le quitter, mais je ne savais où aller ; J’ai pas le courage de
retourner chez mes parents, ils sont très déçus ! Mais lorsque Richard
m’offre ce job au château, je saisis l’occasion… Sébastien y est
interdit d’accès ; ce job c’est temporaire, car Richard souhaite que je
retourne dans ma famille…
- Il a raison…
- Le truc
c’est que je l’aime encore Sébastien, je suis même prête à lui donner
une autre chance… Quand il est n’est pas colérique, Sébastien c’est le
mec le plus gentil de toute terre ; mais il déteste la contradiction…
s’il découvre que je suis enceinte il le prendra surement très mal, il
m’a toujours fait comprendre que la venue d’un bébé à pareil moment
n’est pas l’idéal ! Il ne se voit pas père à 25 ans ! Il m’a toujours
dit que son père l’a eu très jeune également une erreur de jeunesse… ;
mais il l’a très peu connu,
- Décidément… on peut dire que le fils ressemble bien plus au père qu’on ne peut l’imaginer…
- Certes ! J’ai souvent entendu son Excellence dire de Sébastien qu’il ressemble trait pour trait à cet Antoine !
- Écoutes, tu ferais mieux de chercher à renouer avec ta famille
pendant qu’il est encore temps ! Garde ce bébé ! Et quant à Sébastien,
ce frère… je ne peux pas t’encourager à te remettre avec lui ! C’est
clair qu’il ne t’aime pas ! Rentre chez tes parents, ça vaudrait mieux,
je sais de quoi je parle ! Ils ne te rejetteront pas ! Je suis
persuadée qu’à l’heure actuelle, ils sont morts de chagrin, et
continuent de t’attendre !
- Tu le penses ?
- Ne perds pas de temps…
- Désolée de t’avoir dérangée… Il se fait bien tard, tu devrais
remonter te coucher, merci de m’avoir accordé ce temps, et tes conseils
me font beaucoup de bien, tu me redonnes beaucoup d’espoir, surtout
celui de de revoir les miens !
- C’est bientôt Noël, fais leur
la surprise, tu verras ! Nous venons de briser les règles, mais tout
ceci doit rester entre nous… C’est d’accord ?
- C’est d’accord… personne ne saura, ni Richard, ni ton … frère !
- Ce frère…nous ne nous connaissons pas !
- C’est peut être une question de temps, vous aurez l’occasion de vous rencontrer…
- Non ! Je ne pense pas que ce soit une bonne idée ! Aller, je monte
me coucher ; Je pars dans deux jours, les classes commencent la semaine
prochaine !
- Tu vas me manquer…Klariza !
- Toi aussi tu vas me manquer ! On se reverra peut être …
- Je l’espère aussi ! Montpellier, c’est très au sud…
- Mais ça n’empêche, je sais qu’on se reverra !
C’est avec une pointe de nostalgie que je quitte le château deux jours
après, très tôt à l’aube. Le chauffeur qui m’accompagne me laisse à la
gare de Lyon. Un peu perdue, je panique.
- Mais … Je ne peux
pas y aller toute seule ! C’est la première fois que je m’ y rends, en
plus je ne sais quel chemin prendre pour…
- Soyez sans crainte je vais vous escorter jusqu’au quai d’embarquement !
- C’est tout ?
- J’ai pensé que son Excellence vous a tout expliqué !
- Expliqué quoi ?
- Vous êtes attendue là-bas, ils auront une pancarte en main !
Les "tours –à – la - Richard" finissent par ne plus me surprendre.
Qu’est ce qui me surprendrait encore dans cette famille ? J’ai quand
même une réponse, elle est claire et simple ; c’est une nouvelle
famille ; je découvre tout simplement le monde de Richard, son univers
et celui de son feu frère Antoine, dont le premier rejeton, Sébastien,
serait mon demi – frère, mon aîné… Normalement je me serais plutôt
agité dans tous les sens, j’aurais fait des pieds et des mains pour
chercher à le rencontrer, mais je n’en ressens nullement le besoin.
Pour moi, il représente tout aussi bien un Ferdinand ou encore un Steve ;
il n’est pas différent d’eux ! Pour avoir vécu des années troubles, et
une grande déception, il n’est pas question que je replonge dans le
passé ! Ma rencontre avec ce frère « inconnu » ne ferait que me ramener
en arrière, me replonger tout droit dans ces ténèbres dont rien que la
seule pensée de ces années obscures me donnent des frissons au point
d’en avoir la migraine.
Je me cale et me renfrogne bien dans
mon siège tout en essayant de chasser toutes ces idées noires, sombres
et ténébreuses que me renvoient mon subconscient ; bien que je n’y
arrive pas, je me focalise sur Arlette, dont la naïveté me fait un grand
pincement au cœur. Dans le vif espoir de savoir qu’elle a compris la
leçon, j’ai décidé de prendre de temps en temps des nouvelles d’elle.
Elle m’a fait cette promesse de donner elle aussi un sens à sa vie en
retournant chez ses parents ; elle me l’a dit les yeux baissés. Bien
que n’étant pas crédible, j’ai décidé d’en parler à Richard pendant les
vacances de Noël, tout en espérant qu’il ne sera pas trop tard…
Ça fait un mois jour pour jour que j’ai commencé les cours de
formations audiovisuelles à l’ACFA MULTIMEDIA de Montpellier, formation
qui regroupe plusieurs spécialités telles que le montage vidéo et son,
des trucages et illustrations par logiciels, des assemblages artistiques
et techniques et aussi la scénarisation, ma spécialité. Si je
m’accroche bien, je pourrai ainsi obtenir au bout de deux ans, mon
Brevet de Technicien Supérieur des Métiers de l’Audiovisuel. J’avoue
que c’est tout nouveau pour moi, jamais je ne m’étais imaginée plongée
dans cet univers purement technique, sans oublier le secteur d’activité
dans lequel je pourrai travailler plus tard, comme dans des Sociétés de
production audiovisuelles, des télévisions locales, cinémas, agences de
communication, production multimédia etc… Ca fait rêver, ça fait me fait
rêvasser de temps en temps. Tout cela représente en même temps, de
nouveaux défis à relever, un nouveau départ…
Un nouveau départ,
une nouvelle vie, une nouvelle façon de voir les choses, une nouvelle
adaptation, et surtout de nouveaux amis. Je m’en suis fait pas mal, vu
que je suis la seule noire de ma classe, j’ai beaucoup suscité la
curiosité des uns et des autres, et en particulier celle de mes
enseignants.
- Tiens, une belle perle noire comme on n’en a pas
vu ! C’qui nous amènera dans les prairies africaines, joli tableau où
s’entremêlent exotisme et décor pittoresque ! N’est-ce pas là toute son
originalité ?
Je ne peux que sourire à leur sens de l’humour à
la française et dont parfois je n’y comprends rien du tout. En
quelques mots, voila mon quotidien, qui se résume tout simplement à
maison-école, ou encore école – maison. Il m’arrive parfois de décliner
poliment une invitation anodine, un rencart par-là ! Bien que je me
sente parfois seule, je préfère ronger ma nostalgie en solo…
Je suis tout le temps en contact avec mes gens, ma famille et pour le
reste cela semble bien m’importer peu. Je ne sais pas si j’ai trop vite
parlé lorsqu’un jour, je croise le regard ce mec, d’une autre filière
et qui a osé me faire du rentre dedans, sans gêne. Nous nous sommes
croisés à la cafet de l’école. A peine suis-je passée avec mon plateau
devant ce groupe de quatre garçons, que je l’entends s’exclamer…
- C’est qui ? Elle est nouvelle ? J’lai jamais vue !
- C’est la meuf de l’autre côté, la section audiovisuelle !
Ils parlent tous de moi, je peux les entendre et percevoir quelques
bribes de ce qu’ils se disent à propos de moi. Mais ce qui finit par
m’irriter davantage, c’est la peine qu’ils ont prise de venir s’assoir
une table juste en face. J’ai le temps de le remarquer, il se démarque
bien du lot, il est le seul noir de sa bande. Assis bien en face de
moi, il ne manque pas de me regarder, bien droit dans les yeux. Pas
moyen de changer de place, la salle est comble ! Mes deux camarades,
Coralie et Jasmine ne prêtent guère attention à ce qui se passe, ni même
le reste de sa bande à lui ; il n y a que lui et moi, personne d’autre.
Bien que je le trouve assez culotté, sa façon de me défier du regard,
je finis par pouffer discrètement de rire…
- Il ne sait pas à
qui il à affaire celui-là ! Une écorchée vive comme moi, je vais le
broyer ! Surtout qu’il ne s'hasarde pas à approcher mes 5 mètres ! Il
verra de quoi je suis capable ! Me dis –je intérieurement.
Je
ne rate pas l'occasion de le toiser en bonne et due forme ; je suis
tout d’un coup très mal à l’aise au point de ne pas vraiment écouter ce
dont Coralie et Jasmine parlent…Je me presse, je vide assez rapidement
mon plat, je me lève et je m’excuse auprès des filles.
- Excusez-moi, mais je dois m’en aller !
- Sitôt ? On n’a plus cours, pourquoi tu t’empresses ? Me demande Coralie !
- Euh … J’ai subitement une petite migraine, j’ai envie de me reposer un peu !
- Okay ! Mais n’oublie pas, c’est ce soir à partir de 18h30 ! L’anniv de Blandine, elle tient à ce que nous y soyons toutes !
- Bien sûr que j’y serai ! Je vous fais signe tout à l’heure !
Je me suis tout de suite rué vers la porte de sortie, sans jeter un
coup d’œil à la table d’en face, du moins à ses occupants, il y a un bon
moment que mes nerfs je sentais qu’ils allaient me lâcher, ne
supportant plus une seule fois de plus ce regard pénétrant, profond,
doté d’une pointe de cynisme sournois, traître et narquois ; un regard
qui vous déshabille méthodiquement tout en étudiant chaque parcelle de
votre visage… Je hâte si vite le pas ; tout ce que je veux c’est de
sortir de cette salle assez rapidement et me retrouver un peu seule,
avec moi-même et mes esprits.
- Pourquoi es-tu si pressée ? Mais où vas-tu ?
- Quoi ?
Je sursaute avant de me retourner et de me rendre compte qu’il s’agit
bien de lui, le garçon au regard charmeur ; curieuse de savoir à quel
moment il s’est retrouvé là à m’attendre.
- Tu m’as l’air bien pressée !
- Je… Je le suis en effet ! Excuse-moi !
- Klariza ? Moi c’est Jamal !
- Ok plus besoin de faire les présentations, vu que tu connais déjà mon nom, sur ce, je vais devoir…
- Oui… Mais je veux plus que ça!
- Je te demande PAAAARDON ?
- Mais non ! Toi aussi ! Je veux savoir qui est la seule fille noire
de toute sa section ! La seule fille noire comme moi le seul mec black
de toute ma section, en somme nous ne sommes que deux black dans toute
une école de blancs ! Ça fout un peu les j’tons quand même tu n’penses
pas ?
Je m’arrête un instant et j’éclate de rire….Son accent
français suave et chaud ne fait que m’ajouter un fou rire ; je le
regarde et il a l’air bien plus sérieux qu’auparavant. Je me radoucis un
tout petit peu, mais toujours sur la défensive quand même.
-
Relax ! Je ne suis pas le grand méchant loup, je fais tout simplement
partie de ceux qui se battent pour donner un sens à leur vie ; je ne
cours pas après un doctorat, je m’bats comme j’peux ici; voila, je
m’appelle Jamal Moussa ou Moussa Jamal comme tu veux ! Et je ne suis
pas ce que tu penses !
- Je n’ai rien dit ! Je ne pense rien !
Je sais tout simplement que tu es un garçon qui sait peut être ce qu’il
veut ou alors qui donne tout simplement l’impression d’être ce qu’il
n’est pas, et même qui veut faire croire ce que les autres voudraient
qu’il soit !
- Attends ! Attends ! Tu peux reprendre depuis le début, je me suis perdu en cours de route !
- Moi non plus je ne sais plus ce que j’ai dit !
- Alors de nous deux qui paraît vrai ?
- Pas toi en tout cas !
Je ne me suis pas rendue compte que pendant que nous marchions, on
bavardait, et plus nous évoluions dans la marche, nous nous sommes
détendus, surtout moi. Cette familiarité subite finit par me surprendre
lorsque je me retrouve avec lui au pied de mon immeuble.
- Jamal Moussa ! Ou Moussa Jamal ! Merci !
- Beh de quoi ?
- De m’avoir raccompagnée jusqu’ici
- Pas d’quoi ! Merci de m’avoir permis d’en savoir un peu plus sur toi !
- Tu n’en sais rien sur moi !
- T’en es sûre ?
- Très sûre !
- Je vais te donner un indice et tu comprendras que je sais lire entre lignes !
- Vas- y !
- Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais tu as eu, ou alors tu sembles
avoir vécu un passé trouble, une grande déception…Le mec qui t’a fait
ça est un con de première!
- Qu’est-ce que… Qu’est ce qui te fait dire ça ?
- Je rigole ! J’disais ça comme ça ! Ravi d’avoir fait ta
connaissance Klariza ! J’habite de l’autre côté de l’immeuble… Ce n’est
pas pour te dire de venir me retrouver là-bas dès que l’occasion se
présentera, t’inquiète ! Je dévoile tout simplement ce qui…
- J’ai compris, pas d’inquiétude, je ne mettrai jamais les pieds chez toi !
- J’apprécie, tu es directe, franche !
- Bon beh bientôt !
- A bientôt ma belle !
Lorsque j’ai eu la confirmation de la venue de ma famille pour les
fêtes de Noël, je me suis mise à crier, je n’ai pas arrêté de sautiller,
de sautiller, et de sautiller de joie, d’excitation et tout ! J’ai pas
arrêté de faire la folle devant Coralie, ma camarade et nouvelle amie.
Elle ne loge pas à la cité, contrairement à la plupart d’entre nous,
elle vit encore chez ses parents, et juste après les cours elle ne
manque pas de faire un saut chez moi, ou chez les autres filles. A un
mois pile du mois de décembre, ma famille m’a rassurée qu’elle serait là
à partir du 15 décembre…
- Maman !!! Je suis heureuse, tu ne
peux pas savoir ! Oulà ! Ca me fait un bien fou de vous entendre, mais
de savoir que toi, papa, mon petit Rick vous serez là !!!
- Oui nous serons là, mais à Paris !
- Au… au château ?
- Non pas au Château, c’est pour les hôtes ! Ton père possède une autre demeure !
- Oooko ! Richard et son monde mystérieux ! Qu’est ce qu’il cache encore ? Une autre demeure ?
- Oui ! Mais ce n’est pas un château, ce n’est qu’un appartement. Tu
ne pouvais pas vivre là-bas seule ? C’est fermé quand nous ne sommes pas
là !
- Il ne me surprend plus lui… Et comment il va ? Mon bébé ? Mon Rick ?
- Très bien ! Tu as les vu les photos !
- Oui il a de ses grosses joues, je suis très étonnée !
- Il est bien entouré !
- Tu l’embrasses pour moi… J’ai hâte de vous voir !
- Oui nous serons tous là à partir du 15 ! Tante Claude aussi…
- Ah oui elle me l’a dit !
- Oui elle a de sérieux problèmes de santé qu’elle semble négliger !
Bref on en reparlera ! On va te laisser, on t’embrasse… Richard te
rappelle plus tard, il a des invités !
- D’accord gros bisous, bisous à Rick ! Bye !
Dans la foulée, je me suis mise à tout raconter à Coralie, je lui ai
parlé de ma famille, de mon père « Son Excellencce », elle a rit, de ma
mère et de ma tante.
- Beh dis donc, mais quelle famille hein ! Vous vous entendez très bien on dirait !
- Ouiiii ! Nous sommes très proches !
- Et Rick ? Qui c’est lui ? c’est…c’est… Pardon de demander… Ou alors j’aurai pas dû, excuse-moi !
- Oh non ! Il s’agit de mon fils…
- Oooh…
- Oui il a un an et demi ! Il sera là également !
- Waouh ! Une si jeune maman…j’aime bien ! Avoir un enfant sitôt je
trouve ça cool ! Plus vite tu les fais, moins de soucis et de charge tu
en auras plus tard !
- Tu penses ?
- Meu ouiiii !!!
Tiens une fois que je finis cette formation je m’installe avec Jean –
Louis mon fiancé ! Et on met la machine en marche !
- Oui
c’est bien de faire les enfants quand on est deux….Et qu’on s’aime !
J’ai pas eu cette chance ; le père de mon gosse m’a laissée tomber…avant
même que le petit ne voit le jour …
- T’en fais pas ! Un de perdu, dix de retrouvés ! D’ailleurs tu l’as retrouvé !
- Qui ça ?
- Moussa Jamal !
- Tsuiiip ! Jamal Moussa ? Tu rigoles j’espère ?
- Non ! Tu lui fais un de ces effets, c’est trop visible !
- C’est son problème, je ne suis pas intéressée !
- A ce que je vois, tu n’es pas prête à te remettre avec un autre !
- Je n’ai pas dit ça, mais je ne suis pas intéressée !
- A chaque fois qu’il t’invite tu trouves des raisons de ne pas y
aller… Tu ferais mieux d’aller dans un couvent ma chère ! Jamal Moussa
en pince vraiment pour toi ! Et ne va pas croire que tous les mecs
ressemblent à ton ex, tu fais une fixation ! Détends-toi, tu es trop
crispée ! Là je suis franche avec toi ! Ça fait quoi combien d’années
que ta pas…
- J’élevais mon fils, je pense à l’avenir de mon fils, j’ai pas le temps pour ça !
- Avec le temps on peut tout faire, même si on pense qu’on n’en a pas, il suffit de bien le manager, le temps!
- Tu es entrain de me pousser dans les bras de ce mec ?
- Je me dis, laisse toi aller…je sais qu’il te plait ! Mais tu te fais
violence, tu finiras par en souffrir ! Surtout lorsque que tu te rendras
compte qu’il a déchanté et qu’il s’est mis avec une autre… J’aimerai
bien voir ta réaction à ce moment-là.
- Comment le sais – tu ?
- Ça se voit ! C’est tout ! Je suis une experte du langage corporel !
- C’est trop tôt ! Ca fait à peine un mois qu’on se connait…
- Si tu veux attendre un an vas-y ! Ne te gêne pas !
Je me sens trop ridicule ; ça fait longtemps que je n’ai plus ressenti
ça ; je n’ai plus jamais goûté à ce genre de délices, ça fait bien
longtemps. Steve a été mon tout premier et unique amour ; de là à
vouloir les mélanger lui et Jamal dans le même sac n’a peut-être pas de
sens. Jamal, il m’a juste dit en ces termes.
- Peux-tu me donner une chance ? Une seule occasion de te montrer que je ne suis pas comme lui, celui qui t’a rendue ainsi ?
J’ai fais la sourde oreille et je l’ai ignoré jusqu’à ce jour… Je
marche sans assurance, j’ai le cœur qui bat, les mains qui tremblent. A
plusieurs reprises je suis tentée de faire demi-tour, de rebrousser
chemin ; la seule chose qui me motive au fur et à mesure que je me
rapproche de son immeuble, c’est peut-être les paroles motivantes de
Coralie, mais beaucoup plus celles de Jamal lui-même. Il sait, il me
connait, beaucoup plus que je le pense, et il me fait comprendre à
chaque fois qu’il pourrait m’aider à retrouver cette confiance longtemps
perdue.
- Je peux t’aider à te retrouver, et même à savoir qui
tu es vraiment… je ne le fais pas pour mon intérêt, mais beaucoup plus
pour toi ! Je ne te force pas non plus la main, tu es libre de ne pas
m’aimer… je comprendrai ! Mais moi là, je sais ce que je veux… Toi !
J’ai pas arrêté de le rabrouer dans tous les sens du terme en le
prenant pour un maboule de première ; j’ai pas arrêté de lui rire au nez
et de lui tourner le dos, en le laissant là en plan. Mais ce soir j’ai
envie de lui dire une seule chose…Je suis déjà devant sa porte,
j’entends de la musique en fond sonore ; je me sens un peu embrassée que
je suis à deux doigts de faire marche arrière et de m’enfuir aussitôt,
mais trop tard, il vient d’ouvrir. Il a l’air surpris, mais très calme.
- Bonsoir Jamal …
- Klariza ? Qu’est-ce que tu fais là ?
- Je me le demande bien ! J’ai pas tenu mon pari, celui d’avoir juré de ne jamais mettre les pieds chez toi !
- En effet !
- Alors désolée de t’importuner, je vois que tu es très occupé !
- Tout à fait !
- Dans ce cas, j’aurai pas dû venir… Je… je regrette… Je …
Il me prend par la main tout en douceur et me sourit ; son regard,
éternel charmeur, n’a de cesse de me faire fondre. Je détourne la tête
pour cacher le trouble qui m’envahit. Il m’invite à entrer, à pénétrer
dans son univers ; derrière moi, il me prend par la taille et me presse
délicatement contre lui.
- T’as rien à craindre…
Je sens au même moment l’émotion m’envahir…Comme j’aimerai le croire,
croire à tout ce qu’il me raconte… Je tergiverse, il me tient toujours
par la taille et m’invite à m’assoir près de lui !
- Brrrr ça caille là dehors ! Comment t’as fait pour sortir sous ce froid glacial ?
- Tu oublies que j’ai emprunté le couloir qui relie nos immeubles ?
- C’est vrai !
Je me contente de me laisser aller contre lui, je souris timidement.
- Klariza, tu veux me dire quelque chose ?
- Moi ? Non ! Rien !
- Alors qu’est ce qui t’a fait changer d’avis ?
Il rapproche son visage près du mien.
- Euh… je… je…voulais juste te dire que … Voilà, j’ai rien à dire !
- C’est déjà ça ! Bravo !!! Moi je suis content que tu sois là !
- Moi aussi…J’ai…je crois que je me sens bien avec toi !
- Moi aussi je me sens bien avec toi…
Tout d’abord c’est parti d’un effleurement, puis d’un petit baiser
timide, ensuite c’est devenu plus savoureux, plus gouteux, plus intense,
très intense… Jamal embrasse comme un pro, avec son physique d’athlète
et sa grande taille, je me sens bien et en sécurité dans ses bras,
contre son torse si protecteur. Il s’est levé et m’a attirée contre
lui, il m’a portée sans gêne et m’a plaquée contre le mur avec une
aisance parfaite ; je l’ai agrippé de toutes mes forces pendant que nos
bouches, nos langues font joujou tout simplement, jusqu’à ce que je
sente l’agrafe de mon soutien-gorge se détacher… Nous avons passé ainsi
plus d’un quart d’heure à se bécoter, de ses mains, il m’a caressée un
peu partout et de sa bouche il a embrassé certains endroits sensibles de
mon corps, ce qui m’a laissé plusieurs fois échapper quelques soupirs…
Mais hésitante, et par manque d’assurance, J’ai refusé qu’on aille plus
loin.
- Je … je dois m’en aller !
- D’accord…
Il n’insiste pas, il comprend que je ne suis pas encore prête ; il
comprend, ou du moins, il me fait comprendre qu’il comprend et qu’il
prend son mal en patience. En me raccompagnant au pied de mon immeuble,
la séparation est plus difficile, on s’étreint longuement, assez
longtemps ; il me fait un câlin sur le front avant de se décaler avec
peine.
- A demain ma belle…On s’retrouve à la cafet !
- A demain… pas de problème ! Bonne nuit !
- Bonne nuit !
Une fois chez moi, affalée sur le lit, je repense sans cesse à ce qui
vient de se passer ; qui l’eut cru ? Moi, tomber amoureuse de quelqu’un
d’autre… je pensais que c’était impossible. Avant de fermer l’œil,
Jamal m’envoie un message doux auquel je réponds. Avant fermer
complètement les yeux, il m’envoie encore un autre message auquel par un
ultime effort, je prends la peine de lire… Mais ce n’est plus lui,
c’est un numéro inconnu…
« Je te retrouve enfin chère petite
sœur… j’ose croire que nous portons le même patronyme, celui de
Ndoum…Bien que je n’ai pas la preuve d’une quelconque filiation entre
mon feu père Antoine, mon oncle Richard et toi, je voudrai que tu saches
qu’un héritage ça ne se discute pas, un héritage ça se mérite…C’est moi
l’héritier des biens que possède Richard ici en France est ce bien
clair ? » - Signé Sébastien Ndoum.