Chapitre 22
Write by Auby88
Madame Claire AMOUSSOU
- Aurore !
Le ton de ma voix les ramène à la réalité.
- Qu'est-ce que vous faites ? D'ailleurs qu'est-ce que tu fais ici, toi ?
- Bonjour madame, je …
- Epargne-moi ton salamalec, Steve. Tu n'as rien à faire ici ! Va-t'en !
- Maman, il est venu me demander pardon.
- Alors, tu prends sa défense, c'est cela ? Tu as oublié tout le mal qu'il t'a fait ? Je n'en reviens vraiment pas.
- Il vaut mieux que je parte, Aurore.
- Oui, c'est cela. Fiche le camp d'ici.
- Je t'appellerai plus tard, lui notifie Steve.
- Ma fille n'a plus besoin de toi ! rétorque-je.
J'attends qu'il s'éloigne avant de sermonner Aurore.
- Aurore, qu'est ce qui t'a pris ? Tu imagines si Femi vous avait vus vous embrasser ! D'ailleurs où est-il ?
- Il a préféré partir à l'instant où Steve s'est pointé ici.
- Femi est trop pacifique, je trouve. Moi j'aurai donné une bonne raclée à cet énergumène !
Aurore a l'air perdu.
- Ne me dis pas que tu comptes renouer avec lui !
- Rita l'a quitté.
- Et alors ? Tu comptes "jeter à l'eau" tout ce que tu as construit avec Femi ? Ne me dis pas que tu aimes encore Steve !
- Je ne sais plus rien, maman. Le revoir m'a complètement chamboulée.
Je secoue la tête en sa direction.
- Tu me déçois beaucoup Aurore !
Sur ce, je tourne les talons et rentre à l'intérieur.
Deux heures plus tard.
Je regarde par la fenêtre de ma chambre. Aurore est encore là, au bord de la piscine. J'ai peut-être été trop dure avec elle. Une mère ne se doit pas seulement de gronder, mais aussi écouter, conseiller et réconforter. En outre, je n'aimerais pas que la bonne entente entre elle et moi se détériore. Je délaisse donc ma chambre et vais la rejoindre.
- Aurore !
- Oui, maman.
Elle a encore cet air perdu.
- Je m'excuse pour tout à l'heure. Je n'aurais pas dû te gronder comme si tu étais encore une fillette.
- Je ne t'en veux pas, maman. C'est ton droit après tout.
Je l'entends soupirer.
- Qu'est-ce qui ne va pas, ma petite fleur ? Allez, dis-moi tout.
Elle prend une respiration profonde avant de commencer :
- Je suis complètement perdue, maman. D'un côté, il y a Femi que je commençais à aimer. Et de l'autre Steve que j'ai toujours aimé. Je suis vraiment indécise, tu sais. Tout à l'heure, quand j'ai revu Steve, tous mes sentiments pour lui ont refait surface et je n'avais qu'une seule envie : celle de me remettre avec lui. Tout le reste, y compris Femi, importait peu pour moi.
- Tu aimes toujours Steve, c'est cela ?
- Je crois que oui. Je pensais l'avoir oublié, mais je me suis trompée. Qu'aurais-tu fait toi, si tu étais à ma place ?
- Tu sais très bien ce que j'aurais fait.
- Tu aurais choisi Femi, c'est cela ?
- Oui, Aurore. Et ce, sans douter une seule seconde. Néanmoins, je ne suis pas à ta place et on ne commande pas son coeur. Si c'est Steve que tu aimes toujours, il vaudrait mieux laisser partir Femi plutôt que de continuer une relation sans issue avec lui. Car il ne mérite pas cela, Aurore. Cogite bien là-dessus. Questionne ton cœur encore et encore. Ne prends surtout pas de décision hâtive que tu pourrais regretter plus tard. Tu as compris ?
- Oui, maman.
- J'ai confiance en toi, ma chérie. A présent, on rentre à l'intérieur. Il y a un délicieux gratin de pommes de terre qui nous attend dans la salle à manger.
- Je n'ai vraiment pas d'appétit !
- Tu n'as pas le choix, petite ! C'est un ordre de maman et on obéit, ajoute-je en souriant.
- D'accord, maman.
Je l'aide à se relever et à regagner son fauteuil roulant. Toutes deux, nous nous dirigeons vers la salle à manger.
**********
Aurore AMOUSSOU
Je tente une ènième fois le numéro de Femi. Ça sonne dans le vide. Je lui dois des explications. Deux jours se sont écoulés depuis l'incident avec Steve.
J'ai suivi les conseils de maman, j'ai interrogé mon cœur et j'ai finalement décidé de donner une seconde chance à … Steve.
Comment l'expliquer à Femi ? Je n'en ai aucune idée.
Tout à l'heure, je dîne avec Steve. C'est lui qui m'invite. Nous irons dans l'un des restaurants huppés de Cotonou où les menus coûtent excessivement chers.
Mon téléphone sonne. Steve m'attend en bas dans le salon. Tandis que j'approche de lui avec l'infirmière, je l'entends parler avec ma mère.
- Tu as intérêt à bien prendre soin de ma fille !
- Oui, maman, répond Steve.
- Ne rentre pas trop tard, ma chérie.
Je souris en sa direction. Les mamans sont toutes les mêmes. Je suis contente qu'elle ait accepté mon choix, même si elle ne l'approuve pas. Car Femi reste son préféré.
Femi ! Je soupire en pensant à lui. Il doit se sentir bien mal.
Je fais un signe d'aurevoir en direction de maman et nous quittons ma maison. Ce soir, je n'ai pas besoin du chauffeur. Nous utiliserons la belle 4x4 de Steve. Il me déposera à la maison au retour.
* *
*
Nous entrons dans le restaurant, un joli cadre romantique, et je remarque les yeux qui convergent vers moi. Je n'y fais pas attention, car mon handicap je l'ai accepté et je me fiche des regards. De la musique douce circule dans la salle à travers les haut-parleurs placés par ci, par là.
Nous commandons du homard. Au dessert, nous optons pour une salade de fruits.
- Apportez-moi votre meilleur champagne. Nous avons quelque chose d'important à célébrer, ma petite amie et moi.
"Sa petite-amie". Je souris en l'entendant m'appeler ainsi.
Je me délecte du goût savoureux du liquide pétillant sur mon palais. J'ai toujours adoré le champagne, même si récemment, je n'ai pas eu l'occasion d'en boire. En fait, depuis mon accident, je fuis les boissons alcoolisées. Et même quand j'en bois, ce n'est que très peu.
- Trinquons à nous, à notre amour qui subsistera au delà des frontières, au-delà du temps ! Rien ni personne ne réussira à nous séparer.
Je hoche la tête en souriant, je lève mon verre et le cogne contre le sien.
- Je suis vraiment heureux que tu m'aies pardonné Aurore. Tu es une femme rare, une femme exceptionnelle. Je t'aime.
- Moi aussi, dis-je timidement.
Il s'approche de moi et me dépose un baiser furtif sur les lèvres. Je souris. Nous sommes en public et il ne faudrait pas trop attirer l'attention sur nous.
Tout semble aller pour le mieux jusqu'à ce que j'entende cette chanson de Tracy Chapman.
"Si tu m'attends
Alors je viendrai pour toi
Bien que j'eusse voyagé loin
J'ai toujours gardé une place pour toi
Dans mon cœur
Si tu penses à moi
Si je te manque un seul instant
Alors je reviendrai à toi
Je reviendrai et remplirai ce vide dans ton cœur
En me souvenant de ton toucher
De ton baiser
De ta chaude étreinte
Je retrouverai mon chemin
Vers toi
Si tu attends
Si tu rêves de moi
Comme je rêve de toi
Dans un endroit où il fait chaud et sombre
Dans un endroit où je peux sentir
Les battements de ton cœur
(…)
Je t'ai attendu avec impatience
Et j'ai désiré
Voir ton visage et ton sourire
Etre avec toi partout où tu étais
(…)
S'il te plaît,
Dis-moi que tu attendras
Ensemble à nouveau
Ce serait si bon d'être dans tes bras
Là où tous mes voyages finissent
Si tu fais une promesse
Si c'est une que tu peux tenir
Je jure revenir à toi
Si tu m'attends
Et dis-moi que tu garderas
Une place pour moi
Dans ton cœur
Tracy Chapman, the promise (la promesse)"
Ces vers me ramènent vers … Femi. J'ai l'impression qu'il me parle. Je me sens mal.
- Aurore ! Tu m'écoutes.
-…
- Aurore, je te parle.
Je finis par sortir de ma "torpeur".
- Qu'est ce que tu disais ?
Steve me regarde étrangement.
- Tu es sûre que tout va bien ?
- Oui, dis-je en m'efforçant de lui sourire. Qu'est-ce que tu disais ?
- Je voulais simplement savoir si tu désires autre chose ?
- Non, j'ai le ventre bien plein. J'ai juste envie de rentrer et me reposer.
- Déjà ? Et moi qui pensais que tu me suivrais à mon appartement.
Je lève les yeux vers lui. Je n'y avais même pas pensé.
- Pas aujourd'hui. Une autre fois peut-être.
- J'aurais quand même aimé renouer intimement avec toi cette nuit. Je pensais même que tu en aurais autant envie que moi.
- C'est encore bien tôt. On vient à peine de se remettre ensemble.
Il semble contrarié par mon refus, mais n'insiste pas.
- Ok, on s'en va. Je te ramène chez toi.
- Merci, dis-je faiblement.
Pendant tout le trajet, je lui parle à peine. Mon esprit est ailleurs. Par moments, je sens ses yeux qui m'épient.
- Tu es subitement moins bavarde qu'au restaurant. Qu'est-ce qui ne va pas ? Tu n'as pas aimé notre soirée ?
- Bien sûr que oui.
- Ou bien tu aurais préféré un dîner en tête à tête ?
Je hausse les épaules. Ça m'importe peu.
- Après-demain, j'aimerais qu'on dîne ensemble chez moi.
- Je t'ai…
- Arrête Aurore. J'ai juste parlé de dîner. Ne me dis quand même pas que tu as peur de moi !
- Excuse-moi.
- C'est bon. Passons.
Je soupire.
* *
*
Je viens de rentrer à la maison. Maman dort déjà. Avec l'aide de l'infirmière, je me change et me couche. Mais je ne parviens pas à dormir. Je me sens si mal. Steve était tout ce à quoi j'aspirais. Pourtant, maintenant que je l'ai rien que pour moi, je me sens tout autant triste. Que m'arrive-t-il ?
**********
Deux jours plus tard
Aurore AMOUSSOU
J'ai finalement décidé de dîner avec Steve chez lui. Pour la circonstance, il a commandé un plat chinois.
J'ai droit à un dîner aux chandelles. La table est bien dressée avec des pétales de roses par endroits. Je souris.
Il passe par derrière mon fauteuil et me dépose un bisou sur la joue. Je frémis au doux contact de ses lèvres sur ma peau.
- Tout est tellement beau, Femi !
Il me fixe bizarrement et là je comprends que je viens de faire une grosse bourde.
- Je…
- J'espère que c'est la dernière fois que tu fais un lapsus pareil. Parce que je n'ai aucune envie d'être comparé à ce vagabond !
Là, je ne suis pas d'accord avec lui. Je me dois de défendre Femi.
- Femi n'est pas un vagabond. C'est l'homme le plus travailleur que je connaisse !
- Travailleur ! Tu appelles cela travailler ? Il multiplie juste les petits boulots et vit comme un misérable. Et quand il a du temps libre, il traîne derrière toi comme un chien. Par contre moi, je suis un travailleur. Je bosse dur dans un endroit respectable et j'ai les moyens de louer cette maison, de m'offrir une voiture et tout le confort possible. Ne me regarde pas ainsi, Aurore. Tu sais que je dis vrai.
- Tu ne devrais pas sous-estimer les gens !
- Aurore, tu t'entends parler ? Te souviens-tu de comment tu traitais les employés de ta maison ?
- Ce temps est révolu, Steve. J'ai changé.
- Bof. Passons. Nous sommes ici pour dîner et non pour nous chamailler pour des broutilles.
En parlant, il me prend la main.
- Tu as raison, Steve. Excuse-moi.
Il me sourit et me sert. Avec entrain, je goûte aux nouilles. C'est délicieux.
- Pour accompagner tout cela, j'ai sorti mon meilleur vin. Goûte-moi ça.
- C'est vraiment très bon.
Je termine mon verre. Il m'en propose un autre que je décline poliment.
Quelques minutes plus tard, nous quittons la table à manger pour le grand canapé.
- J'ai vraiment adoré. Merci.
- Je suis ravi.
Il approche ses lèvres des miennes. Je ferme les yeux et les accueille. Je m'attendais à un moment magique, mais il n'en est rien. Notre baiser reste mécanique parce que … mes pensées sont malheureusement ailleurs. Où ? Elles convergent toutes vers Femi. Pourquoi ? Je n'en ai aucune idée.
Plutôt que de mettre fin à ce baiser ridicule entre Steve et moi, je le laisse faire. Je ne veux pas le blesser.
Il devient plus entreprenant en promenant ses mains sous mon haut.
- Non ! dis-je fermement. Je n'en ai pas envie !
- Ne me fais pas cela, Aurore !
- Je t'ai déjà dit que c'était tôt. On vient à peine de …
- Arrête, tu veux ! Nous ne sommes plus des gamins et tu n'es plus vierge. Où est passée cette Aurore avec laquelle j'ai fait l'amour tant et tant de fois ?
- Elle a changé, comprends-le.
- Elle a changé ? Vraiment ! Pourtant je parie que tu t'es déjà donnée à ce crève-la-faim que tu viens à peine de rencontrer !
- Arrête de le traiter ainsi. Sache qu'il n'y a jamais eu d'intimité entre lui et moi.
- Ce gars-là n'a définitivement rien dans le pantalon.
- Non, ce n'est pas ça. Il attendait que je sois prête. Il ne me mettait aucune pression. Et puis, comment peux-tu vouloir me faire l'amour dans un endroit où tu as maintes fois couché avec ... Rita !
Excédé, il se lève.
- Et c'est reparti ! Si ce n'est pas cet idiot de Femi, alors c'est Rita ! Bon sang Aurore, que veux-tu à la fin ? Qu'est-ce que tu attends de moi ? Je me tue à te faire plaisir, mais on dirait que tu ne le remarques pas.
- Je m'excuse, Steve.
- Arrête de t'excuser autant ! Ça m'agace à la fin. Grandis un peu !
J'ouvre mon sac et prends mon téléphone.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- J'appelle le chauffeur pour qu'il monte me chercher. Il est préférable que je m'en aille.
- Aurore !
Une sonnerie retentit dans la pièce.
- Ce doit être lui.
- Aurore, attends !
Je ne l'écoute plus. Je me dirige vers la porte d'entrée. Il me devance et ouvre la porte.
- On s'appellera plus tard. Bonne nuit, Steve.
Je m'en vais avec le chauffeur sans regarder derrière.