Chapitre 22: Naviguer en eaux troubles
Write by MTB
Comme il est dans l’eau, on ne sait pas que le poisson
pleure. Après avoir quitté Cynthia, et sans pouvoir expliquer ce qui se
passait, je fondis en larmes. Pour quelles raisons ? Je ne pouvais pas
identifier si c’était d’admiration pour sauver quelque chose à laquelle elle
tenait ou si c’était par peine de voir qu’on ne peut pas se fier à une femme ou
tout simplement si c’était parce qu’il y avait toujours un sentiment et que
j’avais mal de savoir qu’elle me mentait.
Il y avait quand même un mélange de sentiments qui me faisait
me sentir bizarre. Je m’arrêtai devant une église pendant un instant. C’est là
je me rappelai qu’il y avait longtemps que je n’allais plus à la messe. La
paresse avait pris le dessus dès que j’avais commencé par travailler. Ou bien
ma situation était une punition divine ? Je savais que Dieu était
miséricordieux et pardonnait toujours à ses enfants. Peut-être qu’en faisant un
arrêt de quelques minutes, il pourra reconsidérer tout ce qu’il me faisait
endurer.
J’avais perdu la confiance en l’être humain en général, y
compris moi-même. Je commençais par me rendre compte qu’il y avait de jolies
filles qui m’entouraient. Avant le sexe avec Elvire, je n’avais jamais fait une
remarque pareille. Le diable s’est-il encore incarné en une femme pour faire
tomber l’homme ? Ce serait vraiment stupide vu que nous ne sommes plus nus
comme dans le Jardin d’Eden. J’avais honte de moi-même de me présenter dans
cette situation devant Dieu. Je fis le signe de la croix et puis rien. J’étais
resté là, assis, sans parler pendant cinq minutes. Je ne savais pas par où ou
par quoi commencer. Je me suis dit qu’après tout, il savait ce dont j’avais
besoin et que c’était à moi de plutôt écouter ce qu’il voulait me dire. Ces
petites minutes m’ont permis de réfléchir un peu et de me remettre en question.
Mais ma remise en question n’arrivait pas à effacer la douleur que je
ressentais vis-à-vis de Cynthia. Mon téléphone interrompit ma méditation et
pour ne pas déranger les autres fidèles, je me retirai de l’église. Dès que
j’eus fini de raccrocher, je démarrai ma voiture pour rentrer directement à la
maison car Cynthia était là et m’attendait.
-
Rebonjour
Cynthia. Que fais-tu là ?
-
Chéri,
tu sais que je n’aime pas quand on se dispute.
-
Je
ne me rappelle pas qu’on se soit disputés.
-
Tu
es quand même parti avec un air fâché et mystérieux.
-
Parce
que toute cette histoire ne me parait pas claire simplement.
-
Chéri,
je ne te cache rien et tu le sais. Je crois juste que ce sont des jaloux qui
essaient de nous séparer.
-
S’il
n’y a rien alors je ne vois pas pourquoi tu t’inquiètes autant.
-
Je
m’inquiète plutôt pour toi car je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose de
mal
-
Ou
peut-être pour ce que je risque de découvrir si je menais les investigations.
-
Non,
pas du tout. Fais comme tu veux. Moi je m’en vais.
Puis elle tourna le talon et commença à s’en aller. Elle
espérait sûrement que j’allais la retenir mais je ne fis aucun geste. Elle
s’arrêta au milieu de l’escalier, se retourna, et me regarda méchamment avant
de poursuivre sa descente. Je ne voulais surtout pas jouer à ce jeu, à son jeu.
J’allais prendre tout mon temps et c’est sûr qu’elle reviendra d’elle-même.
Quand elle disparut, j’entendis une voix de l’autre côté du
balcon m’appeler.
-
Charles,
Charles, Attends.
Il ne fallait pas être un devin pour savoir de qui il
s’agissait. Elvire fit rapidement le tour pour me rejoindre.
-
Tout
va bien ?
-
Oui
Elvire. Tout va bien. Et de ton côté ?
-
Je
me porte comme un charme. Juste que j’avais senti le ton monter un peu et je me
suis inquiétée.
-
Donc
tu sais écouter aux portes ?
-
Quelles
portes ? Je n’en vois aucune.
-
Derrière
le mur alors.
-
Je
me rends. Mais ce n’était pas volontaire.
-
Ai-je
un autre choix que de t’accorder le bénéfice du doute ?
-
Tu
as un truc à manger ?
-
Non,
je ne crois pas.
Puis regardant ma montre, je me rendis compte qu’il était
déjà onze heures mais que je n’avais rien avalé. Je n’avais même pas envie de
cuisiner ce jour-là.
-
Oh
merde ! m’exclamai-je
-
Il
y a un souci ? J’ai fait ou dit quelque chose qu’il ne fallait pas ?
-
Je
n’ai pas vu l’heure filer. En plus aucune idée de ce que je vais manger. Et
avoir parlé de nourriture avec toi m’a ouvert un creux en même temps.
-
Oh
pauvre Charles. Comme tu es mignon quand tu as faim.
-
Merci
de me remonter le moral. Si tu permets, je vais sortir chercher un truc à
manger.
-
Au
lieu de sortir, et si je te faisais la cuisine ?
-
Désolé
mais je ne crois pas que ce soit une bonne idée même si j’apprécie bien ta
générosité.
-
Tu
veux dire par là que je ne sais pas faire une bonne cuisine ?
-
Pas
du tout.
-
Ou
bien tu as peur que je te mette un filtre d’amour dedans ?
-
Non
plus. Mais tu es capable de le faire, pour de vrai ?
-
Je
n’en ai pas besoin. Puisque tu sais. Même si ça se reproduit, ce ne sera pas la
première fois et sans filtre d’amour.
-
Qu’est-ce
qui nous avait pris ce soir-là sur la dalle ?
-
Je
suppose que l’envie était trop forte.
-
Et
je me demande quand est-ce qu’elle reviendra.
-
Et
si on parlait plutôt de nourriture ?
-
Que
veux-tu que je te prépare ?
-
Tout
ce que tu veux. Mais que cela soit bien clair entre nous. Ce sera cette fois-ci
uniquement. C’est compris ?
-
Instruction
très claire comme l’eau de roche. Voyons ce dont tu disposes dans ta cuisine.
Sans demander la permission, elle prit possession de la
cuisine, ouvrit les placards et à chaque fois, secouait la tête. Puis au bout
d’un moment, elle s’exclama :
-
Comment
peut-on vivre avec rien que des nourritures en boite de conserve ? Prends
ton porte-monnaie. Nous allons au marché.
-
Euh…
Ok. Mais tu as besoin que je vienne au marché avec toi ?
-
Faire
le marché fait partie de la cuisine. Alors tu viens et sans discuter.
-
D’accord
chef.
Pour un fou rire s’installa. Je la trouvais joviale et pleine
de vie. Elle avait bon cœur. Tout homme devrait être heureux ou presque de
l’avoir comme épouse. Mais avec ce qui s’était passé entre nous sur la dalle,
je ne savais pas s’il fallait confirmer ce que mes pensées m’envoyaient comme
message. Ne pouvant plus supporter de tirer mes propres conclusions, une fois
dans la voiture en direction du marché, je lui demandai :
-
Tu
as un petit ami ?
-
Un
fiancé plutôt. Mais il ne l’est presque plus depuis quelques temps.
-
Il
y a un souci avec lui ?
-
Un
très gros souci même et ma foi, il vaut mieux ne pas trop y penser. Car je
compte mettre fin à toute cette histoire et recommencer ma vie. Les hommes, je
me méfie maintenant.
-
Et
moi ?
-
Toi
quoi ?
-
Tu
te méfies aussi de moi ?
-
Je
ne sais pas trop. Je commence à peine à te connaître.
-
Parlant
de connaître, c’est vrai que j’ignore tout sur toi. A part le fait que tu
habites dans le même immeuble que moi.
-
Qu’est-ce
que tu veux savoir ?
-
Par
exemple, si tu es fille unique ou si tu as des frères et sœurs, ce que tu fais
dans la vie.
-
J’ai
une sœur jumelle et deux frères. Ils sont en France. Pour le moment, je fais un
stage pour boucler mon mémoire de Master en Criminologie.
-
En
Politique Internationale ?
-
Oui,
tu es étonnée de voir une femme s’intéresser à ce genre de truc ?
-
Non,
pas du tout. Juste que je ne savais pas que cela existait chez nous.
-
Bien
sûr que non. Je fais les études à Paris. Je suis rentré il y a presque deux
ans. Si je ne suis pas reparti depuis tout ce temps, c’est parce que je pensais
avoir trouvé le grand amour. Il était vraiment sympa et charmant. Mais depuis
trois ou quatre mois, c’est la galère avec lui.
-
Je
suis vraiment désolé que les choses ne se passent pas comme prévues. J’espère
que ton cœur ne durcira pas et que ton cœur ira au plus méritant bientôt.
-
Je
me demande s’il existe encore des hommes à qui on peut donner complètement son
cœur.
-
Je
suis certain qu’il doit y en avoir. Peut-être pas très loin de toi mais que tu
ne remarques pas.
-
Tu
veux parler de toi je suppose ?
-
Si
Dieu me fait cette grâce, alors je lui serai éternellement reconnaissant.
-
Tourne
à droite au prochain carrefour.
-
Pourquoi ?
Le supermarché c’est tout droit puis après à gauche.
-
Je
t’ai parlé de marché et non de supermarché.
La galère. Tout ce que je détestais dans la vie depuis que
j’ai eu un emploi. C’est vrai que je n’achetais qu’au marché traditionnel quand
j’étais encore étudiant. Mais c’était déjà de l’histoire ancienne. Mon allergie
à la poussière m’a contraint à éviter cette zone. Mais devais-je offenser
Elvire en refusant de la suivre sous prétexte qu’elle n’allait pas au
supermarché ? Je fis comme elle l’avait demandé et m’arrêtai sur le
parking. Il n’y a pas de poussettes ici. Elle acheta un gros sac communément
appelé Bafana et nous commençâmes les emplettes.
Elle me trimbala dans les rayons d’épicerie où j’humai toutes
sortes de parfums pour la plupart piquants. Du poivre, du piment, de l’ail.
Puis c’était la zone des poissons frais. Je fis l’effort de ne pas paraître
désagréable en restant patient. Ce qui me surprenait le plus chez elle, c’était
son caractère déterminé à marchander les prix des denrées. Juste pour un tas de
piment, elle avait passé deux minutes. Mon ventre, en ce moment m’envoyait des
alertes. Il fallait faire vite. Au total, trente minutes pour acheter des
produits dont le poids total n’excédait pas cinq kilos. J’étais quand même
soulagé quand nous arrivâmes à la maison. Je la laissai s’installer et
s’occuper de la cuisine. Je m’excusai pour aller prendre un bain et me changer.
Après avoir fini de prendre ma douche, la serviette nouée à
la taille, je posai mes fesses sur le lit en réfléchissant à ce que j’allais
porter. Sans m’en rendre compte, avec l’air frais du climatiseur, je m’étais
endormi. Ce fut l’odeur de la nourriture qui me réveilla mais je sursautai du
lit car je n’étais plus seul dans la chambre. Elvire était assise en face de
moi, avec un regard admirateur sur mon corps. La situation me rappela la dalle
et mon érection souleva légèrement la serviette.
à suivre...