Chapitre 24 - Du bout des lèvres
Write by NafissaVonTeese
Précédemment
Fama
avait décidé de passer l’éponge sur tout ce qui avait pu se passer et donner
une chance à son histoire avec Seydina, en acceptant de l’épouser.
Alima
qui de son côté jurait que Seydina était l’homme de sa vie, avait compris qu’il
y avait quelque chose qui se passait entre lui et Fama. Elle était allée
chercher Fama chez elle, prétextant que Sylla Père l’attendait chez eux. Une
fois sur place, elle l’avait entraînée au grenier avant de l’assommer.
***
Alima
s’était assise sur le plan de travail de la grande cuisine, au rez-de-chaussée
de leur maison. Comme à ses habitudes, tous les jours entre 13h15 et 13h45, elle
tenait à la main un pot de glace, qu’elle vidait en fredonnant une chanson. Le
parfum du jour était chocolat-pistache : le parfum des grands ou dures
journées. C’était son moment préféré de la
journée parce qu’elle ne pensait plus à rien et profitait juste du moment
présent. Elle était souvent le seul membre de la famille à être là à cette
heure-là et elle aimait cela. Alima était
très sociable et adorait être entourée de personnes à qui elle transmettait sa
joie de vivre. Mais elle avait besoin de cette petite dose de solitude
journalière, raison pour laquelle elle préférait déjeuner seule chez elle.
Ce
jour-là, elle n’était pas partie travailler, car elle n’avait pas très envie de
voir ces gens qui s’attendaient toujours à la voir souriante et joyeuse. Elle
voulait rester seule, rien qu’une journée, pour réfléchir à ce qu’elle devait
faire. Elle était douée pour prendre les meilleures décisions, il fallait juste
qu’elle réfléchisse un peu.
Ce
jour-là, elle n’avait pas eu besoin de réfléchir toute une journée. Il ne lui
avait fallu que la matinée pour savoir exactement ce qu’elle devait faire. Elle
avait donc décidé de profiter du reste de sa journée chez elle, puisqu’elle
avait déjà dit à tout le monde, qu’elle n’allait pas se rendre au travail. Le
prétexte : elle ne se sentait pas bien. La réalité était toute
autre : elle avait un problème et il fallait qu’elle s’en débarrasse.
Alima
ne donnait jamais du temps à ses « problèmes » parce qu’elle avait
compris qu’avec le temps, ils se multipliaient et devenaient plus difficiles à
régler. Elle suivait son instinct et agissait toujours à la seconde. Jusque-là,
cela lui avait très bien réussi. Le problème qu’elle avait ce jour-là, elle
l’avait enfermé dans le grenier, juste le temps de trouver le meilleur moyen de
s’en débarrasser. Elle avait dormi comme un loir toute la nuit et n’avait pu se
concentrer sur le sujet qu’après son réveil. Elle avait trouvé une parfaite
solution après une longue matinée de planification. Elle attendait juste de
déjeuner, et de manger sa glace avant de s’acquitter de sa corvée.
Ali
non plus n’était pas allé travailler. Il s’était mis au lit vers 19h la veille,
mais n’avait pu trouver le sommeil qu’au petit matin. Il avait eu le temps de
passer par tous les sentiments qui pouvait exister. Au moment où il décida
enfin de quitter sa chambre pour aller prendre un café, ce qu’il ressentait
était de la culpabilité. Il n’était plus dégouté par le comportement de Fama, mais par le sien. Parce qu’il avait été trahi un
jour par une femme qu’il avait aimé, il en voulait à toutes les femmes du
monde. Il se dit que s’il s’était mieux comporté avec Fama, elle ne se serait
pas jetée dans les bras de Salah puis dans ceux de Seydina, mais dans les
siens. Tout était de sa faute, et il méritait que la femme qu’il aimait,
préfère être avec tous les hommes qu’elle croisait plutôt qu’avec lui. C’était complètement abattu, qu’il s’était dirigé dans
la cuisine. Il pensait être seul, jusqu’à ce qu’il entende sa sœur fredonner
une chanson. Même s’il ne le lui disait jamais, il admirait sa grande sœur.
Contrairement à lui, elle, rien ne pouvait l’ébranler. La preuve : elle
avait surpris son homme en train embrasser une autre femme la veille, mais elle
était là, bien insouciante et joyeuse, comme toujours. Il l’avait regardé
quelques secondes sur le pas de la porte de la cuisine, en se disant qu’il
aurait aimé être aussi forte qu’elle. Ali ne voulait pas gâcher ce moment, mais
il avait cruellement besoin d’un café. Il s’avança alors et lui demanda :
-
Knockin’ on the heaven’s door?
-
Oui ! La meilleure chanson de tous
les temps.
-
La meilleure chanson de tous les
temps n’est plus « I want you back » des Jackson 5 ?
-
Non, ça c’est la meilleure chanson
de tous les temps de la semaine dernière.
-
Je vois !
-
Alors, tu sèches le boulot
aujourd’hui petit frère ?
-
Je n’ai pas trop envie de voir
certaines têtes aujourd’hui. Je préfère rester ici.
-
A cause de cette Fama j’imagine.
-
A cause de plein de choses grade
sœur. Mais je préfère ne pas en parler.
Alima
avait juste haussé les épaules avant de poser son pot de glace sur le plan de
travail et de quitter la cuisine. Elle avait assez traîné. C’était l’heure de
résoudre son petit problème qui l’attendait au grenier. Elle avait monté les
escaliers avec le refrain de sa nouvelle « meilleure chanson de tous les
temps », qui tournait en boucle dans sa tête.
Quand
elle arriva devant la porte du grenier qui ne servait plus depuis des années à
cause de la toiture délabrée qui laissait entrer la pluie pendant la période
hivernale, son regard changera. Elle n’était
plus Alima la joie de vivre personnifiée, mais Alima le mur de glace que rien
ne pouvait faire tomber.
Elle
avait ouvert la porte juste au moment où Fama reprenait connaissance. Même en
la voyant attachée et à moitié dans les vapes, Alima n’arrivait pas à ressentir
la moindre pitié pour elle. Le contraire l’aurait d’ailleurs étonné puisque
jamais de sa vie, elle avait eu pitié de quelqu’un.
Elle n’avait pas de temps à perdre. Elle
s’avança vers Fama en se disant que si elle s’était retrouvée dans cet endroit
et à ce moment précis, c’était uniquement de sa faute à elle.
Dès
que Alima avait pour la première fois posé les yeux sur Seydina, elle avait su
que c’était lui l’homme de sa vie. Le jeune homme était alors venu vers elle
avec un grand sourire, comme s’il avait lu dans ses pensées pour savoir que
c’était exactement ce qu’elle attendait de lui à ce moment-là. Elle s’était aussitôt imaginée toute une vie, heureuse
et parfaite, avec lui, celle dont elle avait toujours rêvé. Elle tenait à
réaliser ce rêve, et à son avis, tout l’univers aussi voulait que ce rêve se
réalise. Tout l’univers, excepté Fama qui voulait lui voler son rêve et son
homme. Elle avait fauté en essayant de prendre ce qui ne lui appartenait pas.
Elle méritait donc la punition qu’elle allait lui infliger. Elle s’était
agenouillée devant elle pour la regarder de plus près et se constituer des
souvenirs avec le regard effrayé de Fama. Elle commençait à s’agiter dans tous
les gens. Celle-ci épuisée, finit par
baisser les bras. Alima se dit qu’il valait mieux qu’elle mette fin à tout
cela, avant que quelqu’un ne se rende compte de la présence de la jeune femme
dans ces lieux. Elle était prête à éliminer le problème, sans laisser de trace.
Elle regarda une dernière fois Fama et lui dit avec le plus grand calme au
monde :
-
Pardonne-moi mais je ne peux pas te
laisser me priver de ce que j’ai toujours attendu d’avoir.
Alima
s’était aussitôt mise à étrangler Fama. Celle-ci ne cessait de se débattre même
si elle savait qu’aussi bien attachée, cela ne servirait absolument à rien. Alima
savait ce qu’elle faisait et savait exactement comment le faire. Ce n’était pas
la première fois, ni la deuxième. Elle avait fini alors par avoir la main.
Quand
Fama arrêta enfin de gigoter, elle se leva, toujours très calme. Alima l’avait
touchée de son pied, pour voir si elle réagirait. Rien. Elle comprit alors que
c’était fini et tout ce qu’il lui restait à faire, était d’appeler ses
« nettoyeurs ». Ils étaient une bande de repris de justice à qui elle
faisait appel depuis près de trois ans, à chaque fois qu’elle avait besoin de
faire disparaitre quelque chose ou quelqu'un. Elle ne leur confiait que la
partie la plus simple du travail, pour limiter au plus les risques. Elle avait
réussi à tirer Fama de son appartement sans trace. Tout le monde allait penser
qu’elle avait juste quitté la ville. Le temps que sa disparition ne soit vraiment
prise au sérieux, toutes les pistes allaient refroidir, comme on disait.
Alima
avait tourné les talons pour quitter la pièce, sans se priver le plaisir de
chanter sa nouvelle meilleure chanson de tous les temps. Elle posa la main sur
le poignet de la porte, mais avant de l’ouvrir, elle entendit un petit bruit
derrière elle. Quand elle se retourna, elle sursauta aussitôt.
-
Qui êtes-vous ? ; dit-elle
d’une petite voix, et le cœur battant à se rompre.
Isabella
qui se tenait au bout de la pièce, avait enjambé Fama pour rejoindre Alima.
Celle-ci n’arrivait plus à bouger, complètement tétanisée. Elle ne comprenait
pas comment est-ce que cette femme sortie de nulle part pouvait se trouver dans
cette pièce alors que quelques secondes plus tôt, elle n’y était pas. Il avait
suffi que sa visiteuse inattendue pose sa main sur l’épaule de la jeune femme,
pour que celle-ci se retrouve dans le noir. Elle aussi, comme Fama, s’était
retrouvée inanimée sur le sol de ce grenier. Isabella soupira et lança à son
égard :
-
Tu m’impressionnes petite
Alima ! Si je te laisse faire, tu seras bientôt comme moi, ou même pire. Ce
monde n’est pas assez grand pour deux Isabella.
Elle
se tourna ensuite vers Fama et lui dit :
-
Toi jeune fille, tu me donnes bien du
fil retordre. Je fais de mon mieux pour assurer tes arrières mais tu es un peu
trop douée pour te retrouver dans des situations un peu trop compliquées pour
toi.
Isabella
s’était mise à genoux devant Fama. Elle avait si souvent fait semblant de la
détester, que parfois, elle venait à oublier que sa mission n’était pas
seulement de protéger son fils, mais aussi de protéger Fama contre elle-même. Elle
était bien obligée d’accepter le fait qu’aucun d’eux, n’allait avoir la vie
tranquille tant que Fama n’aurait pas compris tout ce qui était en jeu.
L’ignorance ne lui réussissait pas, alors, Isabella se dit que Fama
reconsidérerait la situation si elle en apprenait plus sur ce pour quoi elle
faisait tout pour la tenir éloignée de son fils.
Fama
qui était dans le noir total, sentait un léger vent venir frapper son visage.
Elle avait doucement ouvert les yeux. Elle avait mal partout, avec l’impression
que son corps pesait des tonnes. Elle avait tourné avec peine la tête à gauche,
puis à droite, pour voir si elle arriverait à distinguer quelque chose dans le
noir.
« Alima ! » lui traversa
l’esprit. Elle se souvint qu’elle était attachée dans cette pièce avec Alima
qui l’étranglait. Elle ne sentait pourtant plus la corde serrer ses poignets.
Elle avait réussi à bouger les mains, ainsi que ses pieds, et en conclut donc
qu’elle n’était plus attachée à cette chaise en bois. Elle n’était donc pas
morte, ou du moins, pas encore. Il fallait qu’elle trouve un moyen de quitter
cet endroit avant qu’elle essaie à nouveau de la tuer et réussisse. Fama avait
pu prendre appui sur les mains pour se lever. Elle était toujours dans le noir
mais avait réussi à distinguer au loin, une lumière en mouvement. La pièce dans
laquelle elle se trouvait n’était pas assez grande pour qu’elle puisse voir
aussi loin devant elle. Son cœur commença à s’emballer. Elle était morte. Pire,
elle avait atterrit en enfer, raison pour laquelle tout autour d’elle était
sombre.
« Non Non. Je veux rentrer chez moi ! »
n’arrêtait-elle pas de répéter complètement en panique. Elle ne pouvait pas
mourir. Il était hors de question qu’elle meurt. Elle n’était pas prête pour ça.
La
lumière continuait de s’approcher d’elle jusqu’à ce qu’elle puisse distinguer ce
que c’était. C’était une lampe ; une sorte de lampe qui dégageait de la
fumée, comme elle en avait une fois vu dans une de ses hallucinations. Celle-ci
aussi était tenue par une personne cachée sous une cape. Cela aurait pu la
rassurer, puisque c’était exactement comme dans l’une de ses
hallucinations ; et elle sortait toujours vivante de ses hallucinations. Mais Fama n’était pas en mesure de réfléchir.
L’idée d’être morte la terrifiait tellement qu’elle ne pouvait penser qu’à
cela.
Elle
avait observé la personne sous la cape se diriger vers le même arbre à Kapok
que dans ses souvenirs, avant de s’agenouiller. Elle posa sa lampe par terre
pour déterrer le manuscrit qui était caché. Elle l’avait mis sous sa cape avant
de saisir sa lampe à huile et se lever.
Fama
se dit que c’était encore « sa copie » qui apparaissait dans ses rêves.
C’est quand elle passa juste devant elle, que Fama aperçut son visage.
« Isabelle ! » ne put s’empêcher
de dire Fama. Comme si elle ne l’avait pas entendu, elle continua sa route.
Fama l’avait suivi en l’appeler sans cesse. Elle avait voulu l’arrêter en
l’attrapant par le bras, mais elle n’y arriva pas. C’était comme si elle
n’était pas matière mais esprit. Elle continua quand-même à lui demander de lui
expliquer ce qui était en train de se passer. Elle en était arrivée à la
supplier de la faire rentrer chez elle, vivante, dans la vraie vie, quand
Isabella commença à traverser des habitations. Elle
s’était arrêtée devant une case. Fama la reconnut. C’était celle où sa copie
était, quand elle rédigeait sa lettre sur un bout de tissu, juste avant d’aller
se jeter dans le puits.
Isabella
connaissait apparemment les lieux. Elle n’avait pas frappé avant d’entrer.
Aussitôt qu’elle avait poussé la porte, elle s’était retrouvée face à une femme
qui ne tenait pas sur place. Elle paraissait anxieuse. Isabella avait tiré de
sous sa cape le vieux manuscrit qu’elle venait de déterrer, avant de le tendre
à la femme. Celle-ci avait hésité quelques secondes avant de s’en emparer. Elle
l’avait ouvert, regardé dedans silencieuse avant de dire à Isabelle :
-
Je ne sais même pas ce que tout cela
veut dire. Tu es sûre que ceci appartient à ma fille ?
-
« Appartenait » ! Ta
fille est morte. Morte, comme mon fils. Et c’est uniquement de sa faute si mon
fils n’est plus là. Elle savait ! Elle savait et elle n’a rien fait.
-
Parce que maintenant c’est ton fils ?
Tu l’as abandonné parce qu’il n’avait pas la peau aussi claire que la tienne.
-
Tu sais très bien que cela ne s’est
pas passé ainsi. J’ai dû le laisser à son père parce que mes parents ne
voulaient pas de lui.
-
Parce qu’il avait la peau noire.
-
Nous avons déjà eu cette discussion
et je ne veux pas revenir là-dessus. Annan est mon fils et même si j’ai dû me
séparer de lui, je l’ai toujours aimé. Je ne suis pas là pour parler d’une
erreur que j’ai faite il y’a 17 ans, mais pour retrouver mon fils et t’aider à
retrouver ta fille. Alors tu veux revoir ta fille oui ou non ?
-
Oui…
-
Moi aussi je veux revoir mon fils,
alors nous allons suivre à la lettre les consignes sur ce manuscrit que Ama a
laissé, et nous allons les faire revivre.
-
Je t’interdis d’insinuer que ma
fille est une sorcière.
-
Tout le monde a toujours dit que ta
fille était le démon en personne. Toi-même, tu sais qu’elle n’a jamais été
comme les autres. Démon ou sorcière, peu importe. Tout ce qui m’intéresse,
c’est qu’elle décrit clairement dans ce manuscrit, tous les rituels pour faire
revenir un mort parmi nous. Je veux mon fils.
-
Je ne pense pas que cela soit une
bonne idée.
-
Il n’y a ni bonne, ni mauvaise idée.
Il y’a juste des buts. Et mon but, c’est de revoir mon fils, peu importe ce que
cela m’en coûte.
Les
deux femmes s’étaient regardées dans le blanc des yeux durant un long moment,
avant de s’asseoir par terre. Isabella avait ouvert le manuscrit et s’était
mise à lire ligne après ligne à haute voix. Elles avaient passé une bonne
partie de la nuit à suivre au pied de la lettre les instructions. Quand elles
eurent enfin terminé, elles étaient restées devant la case, attendant l’arrivée
de leurs enfants. Personne n’était venu. Les habitants du village n’allaient
pas tarder à se réveiller. Isabella avait alors dû s’en aller, avant que
quelqu’un ne la voie. Elle qui était certaine qu’elle allait revoir son fils,
avait du mal à accepter que tous ses efforts aient été vains.
Fama,
avait suivi toute la scène, sans pouvoir intervenir. Quand elle vit Isabella
s’éloigner, elle ne put la suivre. Elle était restée figée, mais le décor avait
changé, remplacé par d’autres qui défilaient devant elle. Il faisait tout d’un
coup extrêmement chaud, comme si elle s’était rapprochée du soleil. Un vent
chaud et sec soufflait, emportant tout ce qu’il trouvait sur son passage. Les
arbres se desséchaient à vue d’œil. Des
personnes marchaient difficilement jusqu’à s’écrouler. Fama voulait leur venir
en aide, mais elle ne pouvait qu’observer. Le paysage était devenu si aride,
qu’il donnait l’impression d’être mort. Plus rien ne bougeait à part des grains
de sables entrainés par le vent. C’est là qu’un vieil homme était apparu. Le
dos vouté, il marcha jusque devant Fama, puis s’arrêta. Il s’était adressé à
elle dans une langue qu’elle ne comprenait pas, avant de continuer sa route. Vue
sa tête et le ton qu’il avait employé, Fama comprit que ce n’était pas des mots
amicaux. Ce n’était pas ce qu’elle souhaitait, mais elle l’avait suivi, comme
si le vieil homme l’entrainait avec lui grâce à une force supérieure. Ils avaient
marché des dizaines de minutes, avant de s’introduire dans une construction
conique en argile, avec un toit en chaume. Il s’était emparé d’un morceau de
bois qu’il tailla pour faire un moule. Il l’avait ensuite utilisé pour couler
un métal qu’il venait de faire fondre. Après des minutes passées à réciter des
phrases dont Fama ne comprenait pas le sens, il s’était arrêté pour jeter un
regard vers elle.
-
Les morts doivent rester morts ;
lui avait-il dit. Vous avez causé assez de mal. Il est temps que vous vous en
alliez tous les deux et ne revenez plus jamais, ni dans ce monde, ni dans un
autre.
Fama
n’avait pas eu le temps d’essayer de comprendre ce qu’il voulait dire. Elle
avait vu Seydina à côté d’elle pendant une fraction de seconde, avant qu’elle
ne se retrouve à nouveau dans le noir. Cela n’avait pas duré. Elle avait
presque aussitôt recommencé à distinguer des formes. Quand tout était assez
clair pour qu’elle puisse voir quelque chose, elle reconnut Seydina. Il était à
son chevet, pendant qu’elle, était allongée dans son lit. Elle était épuisée et
pouvait à peine bouger.
-
J’ai fait un de ces
cauchemars ; dit-elle difficilement à Seydina.
-
Ça en n’était pas un.
-
Quoi ? J’ai vu des choses… Tu
veux dire que tout ça ne s’est pas uniquement passé dans ma tête ?
-
Tu crois tout savoir Fama mais il
y’a tellement de choses que tu ignores. Tu ne t’es jamais demandé si ce qui se
passe dans ta tête, n’était pas ce qui se passe réellement ? La frontière
entre le réel et l’irréel est si fine que tout ce que notre esprit peut
imaginer, peut exister ; allant de nos rêves les plus fous, à nos pires
cauchemars.