chapitre 27

Write by leilaji

Chapitre 27

 

****Eloïse ****

 

Quand j’ai vu Mickael à la porte du bureau de Gabriel, d’innombrables souvenirs que je croyais à jamais oubliés sont remontés à la surface. Des souvenirs doux amers qui laissent un gout de vies gâchées dans la bouche. Une situation horrible qui jusqu’à aujourd’hui ne fait que des perdants.

 

Moi j’ai des souvenirs heureux de mon enfance mais des souvenirs heureux nous impliquant tous, je n’en ai pas. Je ne sais pas pourquoi, je me suis soudainement rappelée de Mickael qui parlait tout seul quand il pensait être isolé à la cuisine. Il se servait dans un plat puis prenait une autre assiette identique et y mettait de la nourriture. Puis il s’asseyait à table et posait l’assiette qu’il avait remplie en face de lui pour des têtes à têtes bien étranges. 

 

Et de manière inattendue, il se mettait à manger dans les deux plats simultanément tout en bavardant.

 

— C’est bon hein Gabriel ! disait-il de sa voix douce que j’avais du mal à percevoir à cette distance.

 

Je l’observais depuis un coin de la terrasse de la cuisine.

 

— Moi j’aime bien quand il y a beaucoup de piment, continuait-il en regardant droit devant lui comme s’il s’adressait à quelqu’un. Mais je sais que toi t’aimes pas alors je t’en ai pas mis espèce de chochotte.

 

Puis il se mettait à rire tout seul et continuait son monologue. A l’époque ça me faisait terriblement peur de le voir faire ça. J’avais l’impression qu’il était fou mais que personne ne s’en rendait compte. 

En réalité, je pense qu’il était tout simplement seul. Mais à cette époque, je n’étais qu’une petite fille oubliée par sa mère et chouchoutée par un père qui lui vouait un amour sans limite. Papa, qu’est-ce qu’il a pu m’aimer, moi le portrait vivant de sa femme.  D’ailleurs, il m’appelait ma petite femme et il continue encore de le faire aujourd’hui surtout depuis que maman n’est plus là pour lui. J’avais trop à faire de mes propres ennuies de petite fille et plus tard d’adolescente pour m’occuper réellement de Mickael.

Il finissait les deux plats, demandait à un Gabriel imaginaire comment il avait fait pour manger sans tacher la nappe de table alors que lui n’y arrivait jamais. Le plus drôle c’était qu’il imaginait bien les scènes : Gabriel mangeait vraiment proprement depuis son plus jeune âge, avec de belles manières. Il prenait le temps de déplier sa serviette pour la poser sur ses genoux, ne posait jamais les coudes sur la table, prenait le temps de bien mâcher avant d’avaler et surtout ne faisait aucun bruit en mangeant…

Parfois, Gabriel, le vrai pas l’imaginaire, entrait en courant dans la cuisine à la recherche d’eau à boire ou d’un jus de fruit à vider, tombait sur son frère qui débarrassait vite fait la table pour ne pas se retrouver en tête à tête avec lui.

Mickael s’en allait le laissant seul et maman entrait à son tour, toujours joyeuse de ramener quelque chose à Gabriel qu’elle ne laissait jamais sans surveillance très longtemps.

 

Dans mon souvenir, cette fois là c’était des tee-shirts de sport griffés.

 

— Regarde Gabriel, je t’ai ramené des tee-shirts Adidas. C’est ta marque préférée non ? disait-elle en le rattrapant avant qu’il ne s’échappe pour aller jouer dans le jardin.

— Oui. Merci maman, répondait-il en roulant des yeux d’agacement.

 

Il regardait les tee-shirts en souriant pour faire plaisir à maman puis ce sourire désertait son visage à la pensée qu’elle n’en avait pris que pour lui.

 

— T’en as acheté pour Mickael ? Il n’a que des vieux tee-shirts et à l’école parfois on se moque de lui.

— Il prendra ceux dont tu ne voudras pas. Choisis mon bébé.

 

Mon cœur se serrait en entendant maman dire cela. Donner à Mickael les tee-shirts dont Gabriel ne voulait pas c’était ignoble même pour la petite fille égocentrique que j’étais à l’époque.

 

— Si c’est ça, je n’en veux aucun. Donc tu les lui donneras tous.

— Quoi ? Mais tu aimes la marque Adidas. Je vais lui en acheter d’autres ne t’inquiète pas pour lui.

— J’ai dit que tu allais les lui donner !

 

Elle soupirait et faisait appeler Mickael par la bonne. Et dès que Mickael arrivait, Gabriel s’en allait.

 

C’était souvent comme ça entre ces deux là. Maman avait beau essayer de les séparer, il restait quand même un lien invisible qui les unissait même s’ils ne s’en rendaient pas compte. Maintenant qu’ils ont grandi, le lien est devenu si ténu qu’il semble avoir disparu mais moi je sais qu’on peut broder de nouveaux fils qui les lieront et cette fois ci plus personne ne pourra les rompre.

Ils ont oublié qu’ils ont veillé l’un sur l’autre auparavant. Mais moi je n’ai pas oublié.

A l’école primaire, ceux qui se moquaient de l’enfant négligé qu’était Mickael rencontrait souvent la verve de Gabriel qui les chambrait tellement qu’il n’osait plus jamais mal parler d’aucun Valentine.

De même, Gabriel qui était toujours très populaire auprès des filles et qui draguait même celles qui avaient déjà un copain, était protégé par Mickael. Combien de fois, ce dernier est parti se battre en son nom sans qu’il ne le sache, je ne le sais même plus. Il rentrait à la maison avec des écorchures et des bleus et se faisait remonter les bretelles pour cela par papa qui lui demandait pourquoi il rentrait toujours dans cet état. Mais  jamais il ne répondait.

 

Et à présent que tout cela semble être gâché, je ne sais plus comment recoller les morceaux épars de nos vies.

 

Je reviens à l’instant présent quand Gabriel s’adosse à son fauteuil et en fait grincer le cuir. Le silence qui pèse entre nous est lourd, tellement lourd qu’aucun de nous ne se décide vraiment à parler.

J’inspire pour me libérer de la tension qui m’habite. Et je me lance. 

 

— Salut Mikki. Je suis contente que tu ailles mieux.

— Merci.

 

Son regard m’effleure à peine comme s’il était là contre son gré.  Je me suis levée et suis allée le prendre dans mes bras un bref instant tout en essayant de ne pas le mettre mal à l’aise. 

 

— T’es devenu beau gosse dis donc ! Quand je pense que je dois porter des lentilles pour avoir des yeux bleus. Mais Gabie est bien plus mignon que toi mon chou, t’as encore des progrès à faire…

 

Ses yeux bleus pétillent de malice car il se rend bien compte que j’essaie par tous les moyens de détendre l’atmosphère, mais il ne dit rien. Il regarde son frère et son frère le regarde.

 

— Tu peux nous laisser Elo. Demande Gabriel qui semble se préparer mentalement à un clash.

— Non ! On est une famille, vous êtes mes frères, et je suis l’ainée. Je vais agir comme telle. Parlez devant moi. S’il y a des comptes à régler, on va les régler tous ensemble. 

 

Je retourne m’assoir et tire une chaise pour Mickael mais il préfère rester debout. Formation militaire quand tu nous tiens.

 

— Parle Mickael, je t’écoute. Que veux-tu ? demande abruptement Gabriel.

— Parler de Lola.

— J’ai rien à te dire sur Lola à part tiens toi loin d’elle.

— Je n’ai pas l’intention de lui faire du mal…

— Tu n’avais pas l’intention de faire de mal à maman non plus mais si elle est morte c’est à cause de toi…

— Gabriel ! je m’écrie scandalisée par son accusation.

 

Mickael pâlit affreusement mais ne relève pas comme s’il avait conscience que c’était … vrai. J’en ai des crampes à l’estomac.

 

— Je suis venue parler de Lola et de rien d’autres.

— Pff.

— Ecoute Gabriel les mots ce n’est pas mon fort mais je suis là devant toi à essayer de … te parler. Je sais qu’elle est malheureuse à cause de la situation … entre nous. J’ai vu le spectacle et ... Redonne-lui sa chance… Tu fais un boulot formidable avec elle.

 

Je sens Mickael mal à l’aise d’avoir à supplier son frère mais il l’a quand même fait avec de longues pauses entre chaque phrase comme s’il reprenait son souffle à chaque mot prononcé. Je ne pensais pas un jour le voir parler comme ça à son frère. Mon ventre se contracte d’appréhension. Il y a tellement de colère et de non dit entre eux que je ne sais pas s’ils sauront dépasser cette barrière.

 

Peut-être par amour pour … Lola parce qu’à ce que je vois se dérouler sous mes yeux, les deux tiennent véritablement à elle.

 

— Lola ne voudra pas. Finit par répondre Gabriel.

— Elle le voudra si elle pense que tu n’es plus en colère contre elle.

— Ah ok, donc c’est toi le preux chevalier et moi je vais endosser le rôle du méchant si je n’accède pas à ta demande c’est ça. Ca te faisait pourtant tellement plaisir de me l’arracher alors pourquoi ne te débrouilles-tu pas pour lui offrir sa place au soleil hein… Comme ça vous allez vivre tous les deux d’amour et d’eau fraiche…

 

Mickael se rapproche dangereusement  du bureau de son frère et Gabriel se lève prêt à en découdre.

 

— On en revient toujours à l’argent avec toi. Quoi tu crois que je n’ai rien foutu de ma vie ? Tu crois que je ne peux pas m’occuper d’elle comme un homme. Tu crois que je viens mendier auprès de toi de l’argent pour la nourrir ?

— Il me semble qu’en ce moment ce n’est pas moi qui viens demander ton aide mais toi qui viens demander la mienne.

 

Mickael plie les poings de frustration :

 

— Si je le fais c’est pour que vous réalisiez vos rêves … ensemble. Mais t’es trop con pour le comprendre.

— Va te faire foutre ! répond Gabriel en contournant sa table pour se retrouver face à son frère.

 

Je me mets entre les deux, les larmes aux yeux.

 

— Bon ça suffit comme ça. On est une famille…

 

***Gabriel***

 

Entendre Eloïse répéter à chaque instant que l’on est une famille m’horripile au plus haut point. Je vais casser quelque chose si elle le redit une autre fois…

 

— Maman a peut-être tout gâché entre nous mais je pense que nous ne pouvons pas laisser son ombre continuer à planer sur nous.

— Nous ? Je demande à Eloïse plein de colère… Tu crois vraiment qu’il y a un nous qui tienne !

 

Je me suis complètement détourné de Mickael pour faire face à Eloïse qui recule apeurée par la puissance de ma colère que j’ai du mal à contenir.

 

— Arrête Gabriel. Réplique immédiatement Mickael.

— Quoi ? je demande en le regardant de nouveau, puisque que maintenant tu joues le rôle du prince charmant, laisse moi être le méchant jusqu’au bout. Pourquoi encore avoir des secrets les uns pour les autres, puisque nous sommes une si belle famille ?

 

Mickael recule, me laisse instinctivement de l’espace pour me calmer.

 

— Je vais m’en aller, je n’aurais pas dû venir… fait Mickael en me regardant fixement comme s’il voulait m’interdire d’aller plus loin dans mes propos.

— Reste là et assume jusqu’au bout les conséquences de tes actes pour une fois dans ta vie! je hurle pour l’empêcher de partir encore une fois alors que j’en ai tellement sur le cœur.

 

Puis il s’est passé un déclic dans son regard qui m’a fait froid dans le dos, un peu comme s’il en avait assez d’être le Mickael qui faisait des efforts pour se rapprocher de nous pour redevenir le Mickael distant que j’ai toujours connu. Il revient vers moi le regard glacial, le corps rigide:

 

— Quoi tu veux t’y essayer dans le rôle du méchant ? Tu veux savoir ce que ça fait de porter la destruction des autres en soi ? Tu crois que tu as les épaules pour supporter cette douleur ? Tu veux ? Ok ! Je vais t’offrir le spectacle… Eloïse vient, donne moi ta main.

 

A l’instant où il le dit, je comprends que je suis allé trop loin qu’il faut faire machine arrière, que la colère m’a aveuglé. Eloïse n’a pas à être mêlée … à nos turpitudes. Elle a toujours été une bonne sœur pour moi à défaut de l’être pour Mickael. Elle a supporté pendant longtemps que mon jumeau me manquant, je la prenne comme substitution en la suivant comme son ombre avant de me sentir assez fort pour évoluer tout seul. Jamais je ne pourrai lui faire du mal. Elle n’y est pour rien dans les fautes de maman. 

 

— Tu veux que je la mette dans le secret ? Je l’ai déjà fait une fois, une autre fois n’aggravera pas mon cas. continue Mickael d’une voix froide.

 

Eloïse qui ne comprend pas ce qui se passe nous regarde horrifiée mais elle s’approche tout de même de Mickael.

 

— Eloïse. On te cache quelque chose depuis longtemps …  Il est peut-être temps que tu l’apprennes.

—De quoi parlez-vous les garçons? Vous me faites peur…

— Eloïse, écoute-moi bien attentivement.

— Tais-toi Mickael ! j’ordonne avant qu’il ne parle.

— Pourquoi ? me demande-t-il, tu veux tellement lui prouver que nous ne sommes pas une famille. Je vais le faire à l’instant même. Comme ça tu n’auras pas à porter cette culpabilité. Je la porterai à ta place.

— Tais-toi Mickael.

 

J’ai le cœur qui bat à tout rompre. Pourquoi ne veut-il pas se taire définitivement ? Il va faire du mal à Eloïse comme il en a fait à maman.

C’est de sa faute si elle est morte. Je repasse souvent en boucle dans ma tête le jour où elle nous a quittés. Il l’avait menacée de révéler son secret à papa. Et elle en a été tellement bouleversée qu’elle ... C’est tellement douloureux d’y repenser, malgré les années qui se sont écoulées. Elle a pris le volant puis n’est plus jamais rentrée à la maison. Sa voiture s’est écrasée contre un réverbère et a fait un tonneau. Le légiste a déclaré qu’elle est morte sur le coup qu’elle n’a pas souffert. La police a conclu à un accident sauf qu’il n’y a jamais eu de preuve de freinage sur le bitume. Elle a juste foncé sur le poteau pour en finir… Nous le savons tous même si nous n’en parlons jamais. Elle savait qu’une fois son secret éventé, jamais papa ne lui aurait pardonné sa trahison.

 

Cette douleur là, Eloïse n’a pas à la porter. 

 

Mickael me regarde à nouveau et se rend compte de mes regrets.

 

— Arrête s’il te plait, dis-je en baissant les yeux. 

— Qu’il arrête quoi Gabriel ? intervient Eloïse. Que me cachez-vous tous les deux ? Parle Mickael où je ne réponds plus de rien. Qu’est-ce que vous me cachez ? demande-t-elle en pleurant se rendant compte que l’heure est grave…

— Eloïse.

— Je t’en prie Mickael arrête… ne dis rien.

— Parle-moi Mickael, je veux savoir, le presse doucement Eloïse.

— Ne fais pas ça. Dis-je en posant ma main sur l’épaule de Gabriel pour qu’il s’arrête.

 

Il est surpris par mon geste. Et je le suis encore plus que lui.

Eloïse est notre secret à tous les deux depuis des années et aucun d’entre nous n’a jamais rompu notre pacte en lui parlant.

 

—Fais-moi confiance. me dit Mickael. Elle doit savoir.

 

Comment ça lui faire confiance ?!

 

— Il faut bien qu’elle sache sinon elle continuera à nous harceler comme la sale petite peste qu’elle a toujours été, dit-il en me regardant droit dans les yeux.

 

Il est en train de me dire … de ne pas paniquer ?

Je rêve ou Mickael fait de l’humour alors que je suis en train de me désintégrer de l’intérieur à l’idée qu’Eloïse soit mise au courant …

 

— Donne-moi ta main Elo.

 

****Eloïse****

 

Mickael ne m’avait encore jamais appelé ainsi. Il ne m’avait encore jamais appelé Elo. Ca me fait tout drôle de l’entendre m’appeler aussi affectueusement et de sentir sa paume dans la mienne. Un léger frisson me traverse.  Il plonge ses yeux pales dans les miens un bref instant puis les ferme. Je tremble d’appréhension à l’idée de l’entendre me révéler quelque chose de douloureux. 

 

— Denis n’est pas fait pour toi.

 

Je m’attendais à tout sauf à cette phrase. Merde alors ! Comment ? Il n’a jamais entendu parler de Denis que je sache.

 

— Ne te dis plus jamais qu’aucun homme ne t’aimera et qu’ils ne sont intéressés que par ton argent et ton nom. Plus jamais. Ne ferme plus ton cœur, laisse partir définitivement la blessure causée par ton mariage raté. Il est temps.

 

Les larmes se mettent à couler le long de mes joues sans que je ne puisse les retenir… Il ne peut pas savoir tout ça… Il ne peut pas… Il n’était plus là quand tout ceci s’est passé. Il ne peut pas savoir ce que j’ai sur le cœur. J’essaie de lui retirer ma main mais il la tient fermement.

 

— Emilie… Elle s’appellera Emilie. Ta petite fille. Tu crois peut-être que tu ne seras pas une bonne mère mais je t’assure que tu seras la meilleure des mères, douce et conciliante. Ne ferme pas ton cœur, celui que tu vas bientôt rencontrer te rendra heureuse. Ne te précipite pas et laisse les choses se faire… 

 

Puis il me retire brusquement sa main et se lève. Sa voix tremble légèrement quand il se met à me parler. Je m’assois les jambes flageolantes.

 

— Je n’avais pas conscience que tu souffrais ou que Gabriel souffrait de mon attitude distante. Vous aviez l’air tellement heureux chacun avec papa et maman que je … Je suis désolée de t’avoir fait de la peine en maintenant une distance entre nous… Mais me rapprocher des autres … c’est porter leur fardeau avec eux et c’était trop difficile pour l’enfant que j’étais. Peut-être que si j’en avais parlé, les choses se seraient déroulées autrement mais … J’avais peur qu’on me prenne pour un monstre parce que … Je suis comme je suis. Il y a tellement de légendes et de superstitions qui tournent autour des jumeaux que j’ai eu du mal à admettre être finalement différent d’une certaine manière. Maman me détestait pour ça et j’avais peur qu’en parlant de mon secret à tout le monde, vous vous mettiez tous à me détester de toujours vous percez à jour…

 

J’ai mal. Je regarde Gabriel qui regarde son frère ébahi !

 

— Tu ne m’as jamais autant parlé Mickael. Je remarque en lui caressant la joue. Alors … dis-je en reniflant… Il te suffit de serrer la main d’une personne… Si je comprends bien tu as la tête ouverte ? C’est bien ça ?

— Ne va pas t’imaginer des choses extraordinaires… La plus part du temps c’est juste une impression qui me traverse. Un chuchotement que j’entends dans ma tête.  

— Ok, je comprends et ça ne me fait pas peur t’inquiète. Tu es mon frère et je ne suis plus la petite fille égocentrique et capricieuse que j’étais à l’époque. Enfin, plus tellement, dis-je en rigolant parce que je sais que je suis toujours casse-pied. Et Gabriel était au courant ?

— Il l’a su bien après. Laisse le tranquille avec tes questions.

— C’était ça le secret que vous partagiez tous les deux ?

 

Gabriel le regarde. Il semble soulagé.

 

— Oui, dit-il en s’asseyant.

— Et toi Gabriel ? Ca t’arrive aussi ?

 

Il tourne la tête et cesse de nous regarder.

 

— Non, répond Mickael. Je suis le seul des jumeaux à être raté et effrayant… Gabriel lui est … parfait.

 

Je regarde Mickael qui regarde son frère avec envie... Il semble vraiment le penser.

 

— Venez voir mamie. Elle a hâte de vous voir et ne parle plus que de ça.

 

Puis il s’en va sans dire au revoir.

 

*

 

J’ai besoin d’un instant pour digérer tout ce qui vient de se passer.

 

— Je n’ai jamais parlé du prénom Emilie à qui que ce soit. Je me suis toujours dit que quand j’aurai une fille c’est ainsi que je vais l’appeler.

 

Gabriel ne m’écoute pas, il est perdu dans ses pensées. Je me lève et enlève mes escarpins qui me font un mal fou. Je m’avance vers Gabriel et m’agenouille en face de lui pour pouvoir lui parler en le regardant dans les yeux.

 

— Il est temps d’avancer. Je suis tellement heureuse de vous avoir pour frères. Vous êtes tous les deux extraordinaires… Tu vas lancer Lola, pour de bon cette fois et on va mettre le paquet. Ta boite va décoller, toi et Mike vous allez vous rabibocher et tout ira enfin bien pour les Valentine. Nous sommes une famille !  

— Lola ne reviendra pas. Pas pour travailler avec moi.

—Tu as encore son contrat n’est-ce pas ?

— Oui. Je vais le déchirer.

— Non, surtout pas. Il est temps que tu agisses en homme d’affaire implacable. Papa me dit toujours qu’en affaire, il n’y a pas lieu d’avoir pitié… Avec le contrat si elle ne revient pas travailler, la société peut la poursuivre…

— Arrête je ne ferai jamais ça…

— Oui mais ça elle ne le sait pas.  Tu ne crois pas qu’elle te doit au moins ça. Après tout ce que tu as fait pour elle.

— N’est-ce pas toi qui me disais que je méritais ce qui m’arrivait puisque j’ai fait la même chose à Sydney.

 

Je me lève pour soulager mes jambes.

 

— Très cher ami, mon discours change selon mon intérêt. Papa était peut-être un bien piètre père pour vous deux mais moi il m’a bien enseigné l’art de faire de l’argent… dis-je en riant. 

— T’es bien la fille de ton père toi.

— J’adore entendre ça. Oui très cher je crois qu’en fin de compte je suis la plus Valentine de nous trois.

 

Gabriel

 

Eloïse s’en est allé après m’avoir longuement serré dans ses bras. L’ironie de la vie est tout de même mordante pour certaine personne.

 

C’est étrange que sur le plan du caractère Eloïse ressemble tellement à papa qui l’aime comme un fou alors qu’elle n’est pas sa fille. Il nous a négligé nous ses fils pour une enfant qui n’est pas de lui.

 

Le lui dire serait le tuer.

 

Je n’ai pas envie d’y penser. Pour moi, elle est autant Valentine que Mickael et moi.

Je n’arrive pas à croire que ma colère a failli me faire déraper tout à l’heure et que ce soit Mickael qui ait rattrapé le coup en dévoilant son secret à la place de celui d’Eloïse.

 

Je ne sais pas ce que je dois penser de tout ça. Je ne sais pas.

J’ai attendu le moment où il se rapprocherait de moi depuis tellement longtemps que maintenant qu’il essaie, je suis… pétrifié par la profondeur du fossé qui nous sépare.

Et maintenant que ce moment est là… j’ai le plus grand mal à le savourer parce qu’il y a une femme entre nous.

Il est venu me voir… pour elle.

Jamais je ne l’aurai cru capable de ça pour quelqu’un. Je suis sûr que même si grand-mère le lui avait demandé, il ne l’aurait pas fait.

Mais pour Lola. Si !

 

Je ne sais pas comment gérer cette situation…

 

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