Chapitre 27: Le cercle de la dérision
Write by Lalie308
Prière lire la note de fin. Merci
*
La mort, l'au-delà, le paradis et l'enfer restaient des concepts divergents et plusieurs théories y ont été apportées. La mort, la première marquerait la fin de la vie physique ou encore un arrêt définitif de celles physique et spirituelle ; elle aboutirait à la renaissance de l'âme selon certains, mais pour d'autres, à la mort tout s'éteindrait telle une flamme qui s'efface. L'au-delà par contre serait la continuité de cette mort, les bons iraient au paradis et les déméritant en enfer. Le paradis serait cet endroit paradisiaque où plus aucune souffrance ne nous atteindrait, où régnerait la paix éternelle. L'enfer, lui serait simplement le contraire — un lieu de souffrance éternelle. Pourtant, dès qu'elle se sentit quitter son corps que pourtant elle ne voyait plus, Luz n'avait ressenti aucune renaissance de son âme, aucune fin définitive de sa vie.
Elle s'était simplement sentie s'éloigner dans un profond néant sans fin, un néant silencieux et vide. Était-elle morte ? Ce serait le plus logique. Elle ne ressentait plus aucune douleur, elle ne ressentait plus grand-chose. Dans son ascension dans ce néant purement blanchâtre, elle se sentit perdre conscience, ses yeux se fermant de nouveau lourdement. Elle se réveilla ensuite — si cela pouvait s'appeler se réveiller — nul autre pas que dans le lieu où elle avait pour coutume de retrouver ses parents. Elle le reconnut aussitôt lorsque ses prunelles se posèrent sur les parois froides et sombres de la grotte. Elle était habillée du même vêtement noir que le jour où elle avait essuyé sa défaite.
Initialement allongée au sol, elle se frotta les yeux — son corps semblait le même, comme si rien ne s'était passé. Une morte pouvait-elle dormir ? se demanda-t-elle. Elle se leva finalement, perdue et sonnée. Elle sortit de la grotte, espérant retrouver ses parents et marchant à l'inconnu. Peut-être était-elle morte et avait rejoint ses parents. Pourtant, ce poids restait présent dans sa poitrine et les événements précédents creusaient un fossé dans sa tête. Tout s'était passé si vite, son échec l'avait bousculée si discrètement, mais vivement. Elle qui pensait avoir enfin les bonnes cartes en main, elle qui pensait pouvoir changer le cours des choses. Elle se demandait ce qu'il en était devenu de Célesta et des autres, s'ils étaient toujours vivants. Les nelcaliens, elle ressentait une puissante culpabilité à leur égard. Ils avaient mis leurs vies entre ses mains et elle les avait misérablement négligés, elle n'avait même pas été fichue de tenir sa promesse qui de plus était son devoir.
Elle s'arrêta près de la rivière, élément naturel qui contribuait à sa détente, le siège de ses thérapies : les rivières éveillaient en elle un bien-être délicieux. Luz resta debout, les yeux plantés sur l'eau, tentant de remettre de l'ordre dans sa tête. Elle ne voyait aucune différence entre la mort et la vie en fin de compte, puisque ses tourments de vivante l'accompagnaient dans le royaume des trépassés. Des minutes de silence et d'observation après, ceux qu'elle attendait tant firent leur entrée, du moins juste sa mère. Dès qu'elle sentit sa présence qui dans d'autres circonstances aurait été si bien louée, elle se retourna, le visage désolé et les traits tristes. Nonobstant toutes ces réticences, Julia lui sourit affectueusement et lui demanda de la suivre. Elle ne broncha pas et marcha silencieusement dans les pas de sa génitrice. Elles traversèrent la forêt mystique dans le silence et atteignirent une sorte de palais. Les murs d'écorce étaient gigantesques et majestueux. Elles s'y engouffrèrent puis se rendirent dans une petite pièce chaleureuse et magnifique. Fabos était assis dans un grand fauteuil de nuage, regardant dans la direction des nouvelles arrivantes. Le regard de Luz se posa sur tout autour d'elle, elle n'avait jamais vu cet endroit auparavant, c'était comme savoir où l'on vivrait après sa mort physique. Elle s'assit sur un autre fauteuil, n'osant pas regarder son paternel dans les yeux.
— Vous ne vivez que tous les deux ici ? commença-t-elle comme si un autre sujet n'était pas plus important.
Consciente du fait qu'elle détournait le sujet pour ne pas avoir à assumer la culpabilité qui la rongeait, sa mère qui s'était installée près d'elle prit la parole :
— Oui.
— Je... suis morte ? demanda Luz, la gorge serrée.
Sa mère lui caressa affectueusement le bras tandis que Luz tournait son regard vers Fabos qui était resté silencieux.
— Lorsque cette face de chiotte t'a planté ce foutu couteau dans la poitrine... commença Fabos sur un ton coléreux.
Luz fronça les sourcils, éberluée par son vocabulaire qui n'avait rien à voir avec celui d'un dieu.
— ...ta mère et moi avions su que tu étais vraiment en danger et que nous ne pouvions pas te laisser mourir ainsi, nous aimerons bien sûr t'avoir auprès de nous, mais pas tout de suite. J'ai dû user de quelques pouvoirs pour t'envoyer ici avant que ton âme ne quitte ton corps même si en soi tu es actuellement ton âme. C'est un peu compliqué, mais ton corps vit toujours, nous ne savons pas où parce que tu étais notre seul lien avec le monde des mortels, mais il vit toujours.
Le visage de Luz s'illumina.
— Ce qui veut dire que je peux y retourner et enfin réparer cette grosse bêtise, s'enjoua-t-elle.
— Écoute chérie, nous ne savons pas ce qu'il en est advenu des autres et même de Célesta, son énergie était si faible que ton père n'a pas pu entrer en contact avec elle. Surtout, te renvoyer dans ton corps est actuellement impossible, lui expliqua calmement sa mère.
Luz fronça les sourcils et se leva pleine de frustrations. Elle se mit à faire les cent pas dans la pièce. Son père se leva après elle, de sa hauteur et de sa carrure divine.
— Mais il existe bien une option, déclara-t-il amèrement.
— Non, Fabos. Elle ne va pas faire ça, s'opposa Julia en se levant à son tour le visage inquiet.
— Non, dites-moi, je suis intéressée, insista Luz en croisant ses bras sur sa poitrine et haussant les sourcils.
Ses parents se regardèrent silencieusement ; Julia finit par soupirer, ne pouvant plus soutenir le regard de son compagnon. Elle retourna s'asseoir, sa frustration clairement visible sur son visage.
— J'attends, rappela Luz en montrant clairement son impatience.
— Il faudra passer par le cercle de la dérision, répondit son père, la voix tendue.
Luz plissa les yeux, ne sachant rien par rapport à ce cercle de la dérision. Son père qui au début semblait partant pour lui faire part de son idée semblait tout d'un coup réticent.
— Continue papa, insista Luz, tu m'as dit de me battre et c'est ce que je veux faire.
Fabos soupira à son tour, regrettant d'avoir fait savoir à sa fille qu'il existait une option pour reprendre possession de son corps qui se trouvait quelque part sur Nelca.
— Comme tu es en partie décédée, tu ne peux pas retourner comme d'habitude sur Nelca. Le seul moyen qui se présente à toi, c'est le cercle de la dérision. C'est un peu comme une zone interdimensionnelle qui permet d'accéder au monde des mortels. Heureusement ou malheureusement, l'emplacement où nous sommes détient une porte directe qui mène à ce cercle. Le problème est que plusieurs personnes mortes ont déjà tenté de passer par là et n'y sont jamais parvenues. Cet endroit est sinistre, sombre et effrayant. Il s'immisce et joue avec ton esprit à un point inimaginable et soit tu en sors fou ou effacé à jamais de l'univers et jusqu'à présent, ils ont tous disparu.
Luz avait écouté attentivement les paroles de Fabos, une légère peur s'était installée mais jamais elle ne serait en paix si elle décidait de rester ici et de se la couler douce. Elle devait accomplir sa destinée et si elle en sortait mal, au moins elle aurait essayé. « Nos plus grands échecs sont les succès qu'on s'empêche d'accomplir », se rappelait-elle.
— Je veux le faire, déclara-t-elle avec conviction.
— Non Luz, non. Si quelque chose t'arrive, ni moi, ni ton père ne pourrons t'aider, supplia Julia, fortement inquiète.
— Vous m'avez dit de me battre, je le répète. Je ne suis pas fille de lâches alors pourquoi serais-je lâche ? se défendit-elle.
— Faites-moi confiance, leur demanda-t-elle.
Ses parents soupirèrent finalement puis acquiescèrent. Elle se rendit près d'eux et les étreignit profondément.
— Merci, souffla-t-elle.
*
Dire qu'elle n'avait aucune crainte serait un mensonge. Les mains moites, le cœur —qu'elle pensait éteint— battant inhabituellement et l'air manquant dans sa poitrine, Luz sourit faiblement à ses parents, qui ne pouvaient en afficher aucun tant ils étaient pétrifiés. Ils se trouvaient à nouveau dans une grotte, rien à voir avec celle où s'était réveillée Luz, celle-ci manquait encore plus de chaleur, elle renvoyait une aura sombre et mortelle, elle ne présageait rien de bon. Un petit poignard en main, Luz caressa la joue de sa mère de sa main droite, pour tenter de la rassurer. Elle aurait bien voulu attendre et passer du temps avec eux mais chaque instant qu'elle passait ici réduisait ses chances de tout arranger.
— Fais attention à toi, souffla Fabos alors que sa campagne et lui reculaient.
Luz leur sourit une dernière fois puis se tourna vers la paroi de pierre, le regard plein d'assurance.
— Oh Luz, déclara son père comme s'il venait de se rappeler de quelque chose.
Elle se retourna pour leur faire face.
— J'ai une vieille connaissance qui pourrait t'aider là-bas, affirma-t-il.
Luz hocha la tête et se concentra de nouveau sur la paroi. Elle prononça quelques incantations. Elle prit le poignard et fit une incision sur son avant-bras en lâchant des gémissements de douleur. Quelques gouttes de sang qui s'échappaient de la blessure tombaient sur le sol, elle serra les dents et passa une couche du sang sur la paroi de la grotte. Encore une fois, le contact de son avant-bras avec la pierre froide et rugueuse lui fit pousser des gémissements de douleur. Son sang disparut après quelques secondes, des points lumineux firent leur apparition sur la zone. Elle se retourna une dernière fois, un dernier regard lancer à ses parents et entra dans la paroi, tel un fantôme.
Dès qu'elle y pénétra, elle se retrouva dans une sorte de puits sans fond puisqu'elle n'avait pas pied, elle tombait incessamment sans jamais toucher le fond. Elle poussait des cris et lançait des regards paniqués un peu partout, à la recherche d'un repère, mais rien, tout était noir, à peine pouvait-elle se voir. Des voix sinistres et sépulcrales s'échappaient des parois et parvenaient à ses oreilles telle une musique agaçante. D'abord des cris et des pleurs, semblables à ceux des nelcaliens lors de la guerre, des lamentations. « Déesse, tu nous as abandonnés », pleuraient certaines voix. « Maudite, maudite es-tu », enchaînaient d'autres. Elle tomba finalement sur quelque chose qu'elle ne pouvait discerner, mais qui était aussi dur que la pierre, ses cris s'arrêtèrent, se substituant à sa respiration saccadée. Les voix, plus persistantes, lui arrachaient les oreilles. « Tout est de ta faute », l'accusaient-elles en chœur, puis reprirent toutes les voix au même moment. Le sol se déroba de nouveau sous ses pieds et elle retomba dans ce trou sans fond.
— Taisez-vous, supplia-t-elle d'une voix perçante en plaçant ses mains sur ses oreilles.
Mais sans grande surprise, les voix continuèrent leur spectacle pendant que Luz se plaignait désespérément. Ses cris devinrent soudain muets, comme si le son de sa voix s'était éteint pour donner vie aux autres voix. « Il s'immisce et joue avec ton esprit à un point inimaginable ». « Tout ça n'est que dans ma tête, rien n'est réel. J'ai fait une erreur, mais je peux la réparer », murmura Luz dans sa tête. Elle tenta alors de se balancer vers la gauche, c'était comme si elle luttait contre le vide. Heureusement pour elle, sa main toucha une sorte de paroi et son poignard s'y enfonça. Elle tira alors qu'elle continuait de tomber et une ouverture apparut le long de la paroi. Lentement, les voix disparurent et le décor autour d'elle changea. Elle se retrouva dans un endroit paradisiaque : une belle prairie fleurie et pleine d'ondes positives. Elle était fière de sa réussite, mais était sûre que d'autres illusions plus folles l'attendaient.
Elle marchait, méfiante dans la prairie, jetant des regards circulaires. Elle crut pourtant voir un nelcalien et un humain de dos. Elle fronça les sourcils et se rapprocha d'eux, peut-être faisaient-ils partie de ces personnes qui se sont égarées dans le cercle de la dérision. Elle marcha lentement vers eux, un homme et une nelcalienne, qui étaient aussi silencieux qu'une tombe. Elle toucha doucement l'épaule de la nelcalienne.
— Tout va bien ? demanda-t-elle, ayant retrouvé l'usage de sa voix.
Ils se retournèrent lentement vers elle sans un mot. Luz poussa un petit cri étouffé et recula rapidement en apercevant leur visage, du moins ce qui leur servait de visage. Il était juste vide, comme si chaque partie de leur visage était à l'intérieur de leur corps, pas de bouche comme si elle avait été fermée par un morceau de leur peau, pas de nez, ni sourcils, ni yeux. Pourtant, des voix s'échappaient de leurs bouches. « Luz tu es coupable », chantèrent-ils en se rapprochant d'elle. « Tu es seule et tu resteras seule », continuèrent-ils. Elle reculait alors qu'ils avançaient. Ce n'était pas leur message qui la déstabilisait, mais plutôt l'aspect atypique de leur visage. Mais lorsqu'elle baissa ses yeux, c'étaient les membres qui étaient absents, pas de mains, ni de pieds. C'étaient comme s'ils marchaient sur leurs jambes. Le spectacle était affreux et terrifiant. Elle reculait, mais restait en soi paralysée. Pourquoi devait-elle voir ces choses étranges ? Quel était le lien avec son esprit ? Elle n'avait personnellement jamais eu peur de voir des gens sans visage ou membre à part en cet instant, ou peut-être était-ce une manifestation physique d'une autre de ses peurs qu'elle n'arrivait pas à identifier.
— Aaah, entendit-elle hurler avant d'apercevoir une longue épée blanche tranchée la tête des individus qui disparurent en fumée.
Elle poussa aussitôt un cri en apercevant le bonhomme bleu qui lui aussi poussa un cri en la voyant. Il était d'une taille très courte, il devait faire cinquante ou soixante centimètres, bleu pur de la tête au pied, ses orteils et ses doigts étaient assez longs et maigres, son estomac rebondi, son torse lisse, sa tête présentaient une apparence plutôt amusante : il avait des yeux ronds noirs dont les pupilles couvraient l'entièreté, un petit nez et une petite bouche, ses pieds et bras étaient moyens et il ressemblait à un personnage de dessin animé.
— Pourquoi criez-vous ? demanda-t-il de sa voix granuleuse en continuant lui-même ses cris.
— Je n'en sais rien, répondit Luz en s'arrêtant de crier et haussant les épaules.
Elle le fixa étrangement, la créature ne lui inspirant aucune crainte.
— Tu vas rester là à me fixer comme si j'étais un clown ? demanda-t-il agacé en regardant Luz.
— Qui êtes-vous ? l'interrogea-t-elle en continuant de le regarder étrangement.
— Wiki, le gardien du cercle de la dérision, je fais le chemin avec ceux qui passent le premier espace.
Luz n'ayant pas bien compris ce qu'il voulait dire plissa les yeux.
— Qui voudrait être le gardien d'un endroit pareil ? demanda-t-elle.
— Moi, déclara sèchement Wiki.
Il s'arrêta à son tour et scruta Luz du regard pendant un long moment avant de faire les gros yeux.
— Tu ne serais pas ?...
Un large sourire se dessina sur ses lèvres et il claqua des doigts comme s'il venait de faire une découverte extraordinaire.
— Luz, c'est ça. La fille de Fabos, s'enthousiasma-t-il.
Elle comprit alors que c'était la fameuse connaissance de son père et esquissa un sourire crispé.
— Oui.
— Mais que t'est-il arrivé ? poursuivit-il.
— Longue histoire, déclara-t-elle en souriant.
— Bien, enchanté de te connaître, dit-il en lui tendant sa petite main.
Elle regarda la main, hésitante, mais finit par se baisser et la serra affectueusement. Son touché était soyeux et sa main douce contrairement aux apparences.
— Je le suis aussi, merci de m'avoir sauvée, le gratifia-t-elle.
*
— Donc tu es semi-morte et tu veux retrouver la vie en retrouvant ton corps. Ton père t'a conseillé de passer par ce chemin. Ton objectif est de sauver la planète Nelca, récapitula le petit être qui marchait au côté de Luz dans la prairie.
— Exact. Et si je comprends bien, il y a sept espaces de la dérision à traverser et nous sommes dans le deuxième. Le premier est généralement le point de départ et de fin de ceux qui choisissent ce cercle, récapitula aussi Luz.
— Correct, déesse. Je ne serai pas là lorsque tu affronteras les espaces de la dérision, mais je peux intervenir à certains moments comme celui de tout à l'heure, continua Wiki.
— Bien.
Elle s'arrêta près d'une falaise et vit quelques enfants au bord de cette dernière, plus loin d'elle. Elle tourna sa tête vers Wiki en parlant :
— Que dois-je faire ? demanda-t-elle.
Mais avant qu'elle ne finisse sa phrase, Wiki avait rétréci et bondit sur son épaule.
— Tu dois lutter contre ton esprit, déclara-t-il avec une toute petite voix.
Luz tourna de nouveau sa tête vers les enfants, tous étaient Soka, le même Soka démultiplié. Soudain ils se mirent à rire, un rire frustrant et superficiel. Du rire, ils passèrent aux pleurs, des pleurs bien sonores. Ils se jetaient ensuite un à un dans le vide. Luz prise d'horreur jeta un regard à leur trajectoire, les découvrant tombant au sol, la tête écrasée. Elle revivait la mort de Soka, un des événements qui l'auraient le plus traumatisée. La longue file d'enfants ne finissait pas. Elle voulut se retourner, mais était à présent encerclée d'autres Soka.
— Rejoignez-moi déesse, annoncèrent-ils de leurs voix cajoleuses.
Elle recula progressivement jusqu'à perdre pied. Elle se mit à tomber du haut de la falaise alors que tous les Soka sautèrent avec elle, l'étreignant et riant. Elle hurlait de peur. Mais pourtant et heureusement elle se concentra et les fit tous se disperser, loin d'elle, ils tendaient toujours leurs bras vers l'avant en tentant de s'emparer d'elle. Elle finit par retomber sur ses pieds tel un chat grâce à ses pouvoirs et soupira de soulagement. Pourtant, le décor changea de nouveau et elle se découvrit dans une sorte de désert. L'air était sec et elle se sentait déjà fatiguée et à bout. Elle se demanda que diable avait un désert à voir avec son esprit. Soudain, Wiki réapparut sur ses épaules. Elle tourna la tête pour le regarder.
— Félicitations. Tu as atteint l'espace numéro trois.
— Et je ne peux pas t'en remercier, se plaignit-elle.
— Ceci n'est pas mon rôle, se défendit-il alors que Luz roulait des yeux.
De nouveau, Wiki disparut et elle se retrouva seule. L'atmosphère s'obscurcit instantanément et elle se retrouva dans une sorte de cage géante. Elle était attachée par des chaines qui retenaient ses poignets et ses chevilles de chaque côté. Elle tenta de tirer dessus, mais elle sentit une puissante décharge se saisir d'elle, lui arrachant un cri strident. Elle savait parfaitement sur quelle partie de son esprit jouait à présent son subconscient. Les êtres étranges qu'elle avait rencontrés plus tôt étaient devant elle par milliers et un au centre présentait un seul pied. Il marcha vers elle et claqua des doigts. La décharge se saisit de nouveau d'elle et elle gémit de douleur.
— Châtiments, répétaient incessamment les spectateurs.
Elle voyait en eux les regards des humains le jour où Jones l'avait capturée, elle revoyait leur condamnation injustifiée, elle se sentait bannir. Mais cette fois, Luz semblait émotionnellement immunisée. Si tous ceux qui étaient passés par là avant elle n'avaient pas encore vécu assez de traumatismes pour passer au-delà de tout cela, elle le ferait. Elle ne devait pas se laisser perdre, à aucun moment avait dit Wiki ; elle ne devait pas laisser le désespoir prendre le dessus. Elle soutint alors le regard inexistant de la créature en face d'elle qui devait être la copie de Paul Jones et tira de toutes ses forces sur les chaines, c'était douloureux, comme si elle s'arrachait les poignets et se tordait les bras. Elle serra les dents alors qu'aucun d'entre eux ne réagissait et que les décharges se suivaient. Lorsqu'elle parvint enfin à se retirer les chaînes, ses poignets saignants, elle se baissa, mais de nouveau le décor changea et elle se retrouva en face d'une rivière, belle et calme comme elle les aime.
— Waouh, une guerrière comme son père, déclara Wiki qui apparut sur son épaule, mais rejoignit le sol et reprit sa taille habituelle.
Luz respirait anormalement alors que toute trace de cette douleur disparut, comme si tout n'avait été qu'illusion, mais en soi, c'était le cas. Tout cela ne constituait qu'une illusion.
— Maintenant, reste sur tes gardes Luz, personne n'a jamais atteint cet espace numéro quatre, reste confiante et n'oublie pas, tout n'est qu'illusion. Il n'y a qu'un seul acte qui te sauvera chaque fois, conseilla Wiki avant de disparaître de nouveau.
Luz soupira et jeta son regard sur la rivière. Elle semblait hypnotiser par elle, ne sachant pas ce que lui réservait cet espace. Des chaînes d'eau se saisirent de ses chevilles et une longue goutte d'eau se leva de la rivière et s'enfonça dans sa gorge. C'était comme si elle lui déchirait la gorge, c'était pénible. Elle étouffait et ne pouvait plus respirer correctement. Elle leva sa main pour attraper la goutte, mais ses mains passaient au travers d'elle. Les chaînes d'eau la firent tomber sur le dos et la tirèrent rapidement vers la rivière, tandis qu'elle se débattait vainement. Elle fut plongée brutalement dans l'eau, sous sa surface. Elle ne respirait plus et la goutte d'eau libéra sa gorge. Elle tenta de remonter à la surface de la rivière qui s'avérait très profonde, mais les chaînes d'eau la retenaient et la poussaient vers le bas. Ses forces affaiblies la poussaient finalement à relâcher la cadence et ses bras tombaient le long de son corps alors qu'elle sombrait dans l'abîme de la réserve d'eau. « Je ne suis pas fille de lâches alors pourquoi serais-je lâche ? »
Elle se sentit à nouveau vider de son énergie et ne se débattait plus. Les yeux ouverts et piquants sous cette eau froide. Pourtant, elle devait honorer la promesse faite à ses parents, elle voulait leur prouver qu'elle était une vraie battante et qu'elle était forte. Elle se concentra malgré son état et réussit à se défaire des liens des chaînes. Elle nagea rapidement vers la surface. Mais dès qu'elle l'atteint, elle se retrouva à nouveau dans un nouveau lieu : l'espace cinq. Elle était dans une salle aux murs et plancher d'un blanc immaculé et sans grande surprise, Wiki apparut devant elle avec un large sourire.
— Tope là.
Il leva sa main, Luz y donna une tape de sa paume, aussi fière d'avoir tenu jusqu'au cinquième espace.
— Je vais t'aider parce que je t'aime bien, ici assure toi de garder la tête sur les épaules. Indice : sol de verre.
Lorsque son compagnon disparut, la salle se remplit des étranges créatures de tout à l'heure. Elles étaient immobiles et silencieuses. Mais pourtant, elles se mirent à pleurer. La tristesse et le désespoir avaient comme remplacé l'air dans la pièce et Luz le ressentait. C'était une tristesse malsaine et intense. Une de ses plus grandes peurs lui faisait face en cet instant, la peur que tout autour d'elle se transforme en tristesse et se laisse gagner par le désespoir, la peur que tous soient malheureux autour d'elle. Pour son plus grand plaisir, elles finirent par se taire, mais l'atmosphère resta lourde et accablante. Luz lançait des regards un peu partout pour repérer une sortie, mais rien.
Tout était calme, mais quelques secondes plus tard, des explosions retentirent autour d'elle. Une à une, chacune des créatures explosait, le sang s'éparpillant partout. Luz avait l'impression ou plutôt la certitude que si elle ne s'échappait pas vite, ce serait bientôt son tour. Elle courut dans toutes les directions, touchant la peau visqueuse des créatures. Une d'elles explosa près d'elle et son sang recouvrit le corps de Luz qui, prise de panique s'acharnait à trouver une sortie. Elle comprit enfin le sens de la phrase Wiki, garder la tête sur les épaules et rit jaune de son ironie mal placée. Mais Wiki avait aussi dit « sol de verre » et à première vue, le sol n'était pas en verre. Cela devait signifier autre chose. Quelles étaient les caractéristiques du verre ? Transparent, beau, fragile. Oui fragile, le sol était fragile. Elle eut soudain une idée peu commune. Le plancher semblait très fragile évidemment, comme du papier. Elle s'agenouilla et se mit à creuser avec acharnement.
— Vous ne m'aurez pas, siffla-t-elle entre ses dents alors qu'il ne restait plus qu'une dizaine de survivants.
Elle creusa plus rapidement et finit par donner des coups de pieds dans le plancher. Avant que ce dernier ne s'effondre et qu'elle ne passe en travers, elle put voir la dernière créature partir en éclat. Elle tomba assise dans un champ plein de plantations. Wiki pointa de nouveau joyeusement le bout de son nez.
— Espace six, déclara-t-il.
— Finissons-en, souffla Luz en se levant.
Wiki disparut encore. Elle marcha sans grand but dans l'immense champ. Mais rien, absolument rien. Pas de têtes étranges, pas de chaînes, de chute, de châtiment, rien du tout. Elle s'impatientait et étrangement, le fait qu'il n'y ait rien la déstabilisait et augmentait le fossé en elle.
— Merde, dépêchez-vous, s'emporta-t-elle.
Elle entendit un bruit de branche et se retourna sur le-qui-vive mais toujours rien. Elle marchait de nouveau, à la recherche de son épreuve. Pourquoi n'y avait-il rien ? Aucune chose n'avait jamais pris autant de temps si c'était pour lui faire du mal. Elle n'était pas habituée à ça, à ne rien vivre. Soudain, elle eut une illumination.
— Il n'y a rien, hurla-t-elle de joie en sautillant.
— Rien, finit-elle avant que Wiki n'apparaissent de nouveau un peu hébété.
— Tu as réussi. Le fait qu'il n'y ait rien peut encore plus nous déstabiliser que certaines épreuves. Celle-ci était au chrono, si tu ne l'avais pas remarqué avant dix minutes tu aurais échoué. Bravo.
Luz était ravie que tout se passe aussi bien et vite pour une fois. Elle restait surprise que cela ait été son épreuve, mais comprenait que dans une autre situation, cela pouvait être déstabilisant d'être prêt à affronter un monstre qu'on ne voit jamais venir. Maintenant, elle devait faire face au dernier espace, l'espace sept. Le dernier.
— Ton cœur est ta force, lui indiqua Wiki avant de disparaître.
Le décor changea pour maintenant donner naissance à une pièce entièrement noire, mais pas sombre. Le premier sentiment que ressentit Luz fut la solitude, celui qu'elle a ressenti toute sa vie. Le rythme auquel ce sentiment prenait le dessus sur elle était anormal. Elle entendait des « Tu es seule » à bout de champ. Elle ne voulait plus faire de cette solitude une faiblesse puisqu'elle avait toujours eu tort. « On n'est jamais seul, il y a toujours cette étoile qui veille sur nous » pensa-t-elle. Elle ressentit une forte douleur dans sa poitrine et baissa le regard. Le poignard qu'elle portait plus tôt en main se trouvait dans sa poitrine et du sang coulait abondamment.
Le poignard se retira et tomba sur le sol. Luz revivait en un battement de cil tout ce qui a pu lui arriver de malheureux, elle ressentit chaque châtiment physique et moral dont elle a pu être victime. Elle tomba à genoux au sol, suffoquant de nouveau. La douleur était bien plus intense que celle que lui avait infligée Paul Jones. Elle ne savait que faire et des filets de sang s'échappaient de sa bouche. Elle tomba sur le côté, tentant de respirer, mais n'y arrivait pas. « Tout n'est qu'illusion », murmurait-elle inlassablement. Mais les sentiments qu'elle avait en cet instant et surtout la douleur contredisaient ses pensées. Elle rassembla tout de même ses forces inexistantes et se leva difficilement en vacillant.
— Je n'échouerai pas, murmurait-elle incessamment.
— Plus jamais, finit-elle alors que le décor se transformait de nouveau en une petite prairie et que toutes les traces des illusions de l'espace sept disparaissaient.
Dès qu'elle vit Wiki réapparaître, elle sauta de joie.
— Je l'ai fait, chanta-t-elle.
Wiki gardait un air fermé. Luz fronça les sourcils.
— Que se passe-t-il ? demanda-t-elle.
— Je t'ai menti, tu ne sortiras jamais d'ici. Je vais te garder avec moi, dit-il d'une voix blanche.
— Quoi ? s'étrangla-t-elle en faisant les gros yeux.
— Désolé, je suis bien trop seul et je dois te garder avec moi, affirma-t-il.
— Non, non tu ne peux pas faire ça, fit-elle en panique.
— Si, je le peux.
Il lui tourna dos et marcha droit devant lui pendant que le visage de Luz se déformait. Soudain, il se stoppa et se retourna, découvrant une Luz en panique. Ses lèvres se tordirent en un rire moqueur.
— Tu aurais dû voir ta tête. Je plaisantais, avoua-t-il en riant à gorge déployée, tenant son ventre et se tordant de rire.
Il semblait mourir de rire alors que Luz soupirait de soulagement avant de sourire à son tour.
*
— Je voudrais que tu gardes ce courage que tu as eu dans les sept espaces au cours de ton combat sur Nelca, commença Wiki alors qu'ils marchaient.
— Je le veux bien, mais au moins ici je savais qu'il ne s'agissait que d'illusions, soupira-t-elle.
— Alors là-bas aussi, dits-toi qu'il s'agit d'illusions. Tu es ta propre limite Luz. Si tu décides de dépasser les limites du possible alors tu rendras l'impossible possible. Tu es extrêmement forte, ne l'oublies jamais.
Luz sourit chaleureusement au petit bonhomme bleu. Ils se trouvaient devant une porte blanche dressée dans un temple de pierre.
— Tu n'as qu'à passer à travers, fit Wiki.
Luz lui sourit de nouveau, reconnaissante. Elle se baissa et lui fit une bise sur son crâne bleu chauve.
— Merci, souffla-t-elle.
Elle se redressa ensuite et passa à travers la porte. Elle venait d'accomplir quelque chose que jamais, elle n'aurait pensé accomplir et était plus que fière d'elle. Elle se sentait puissante et confiante. Les sept espaces de la dérision ou plutôt le cercle de la dérision avait péri sous le pouvoir de la glami Luz.
****
Coucou les nelcaliens, c'est le plus long chapitre.
La Planète aux yeux vert tend vers le dernier acte, je n'ai pas dis la fin. Je suis sincèrement désolée pour les fautes et oublis, je fais de mon mieux pour les minimiser.
Alors vos impressions sur ce long chapitre?
Quelle espace de la dérision préférez-vous?
Que pensez vous de Wiki? Avez-vous tenter d'imaginer Wiki?
Merci de lire, voter et commenter.
Lalie.