
Chapitre 28
Write by Verdo
CHAPITRE 28 : FIN (Dernière partie)
Sélinam se tenait dans le hall de la banque, le cœur lourd mais déterminée. Elle avait longuement réfléchi à l’offre que Sika lui avait laissée. Bien qu’elle lui en veuille toujours pour les épreuves qu’elle avait traversées, elle savait au fond d’elle-même que cet argent pourrait changer la vie de ses enfants. Après tout, ils étaient les premiers concernés par cette décision, et elle ne pouvait pas laisser ses ressentiments leur enlever cette opportunité.
Le responsable de la banque la reçut avec respect.
— Madame Sélinam, voici les documents à signer. Une fois finalisés, les fonds seront transférés à votre compte, dit-il en lui tendant une pile de papiers.
Sélinam prit une profonde inspiration avant de saisir le stylo. Chaque signature semblait être une lutte entre son passé avec Sika. Une fois la dernière feuille paraphée, le responsable lui sourit.
— Tout est en ordre. Vous êtes désormais en possession des fonds.
Elle remercia brièvement et quitta la banque, un mélange de soulagement et de questionnements l’envahissant.
Avec cet argent, Sélinam prit une décision importante. Elle voulait offrir à ses enfants un environnement stable, loin des drames qui avaient marqué leur vie jusqu’à présent. Elle trouva un appartement modeste mais confortable dans un quartier paisible. Ce déménagement marquait un nouveau départ, loin des souvenirs tumultueux de chez la mère de Nadine.
Un matin, alors qu’elle installait les dernières affaires dans leur nouveau foyer, elle se rendit compte que quelque chose avait changé en elle. L’amertume qui l’avait accompagnée ces derniers mois semblait s’effacer, remplacée par une volonté farouche de reconstruire sa vie.
Avec le reste de l’argent, Sélinam ouvrit un grand magasin de produits surgelés. Situé dans une zone stratégique de Lomé, le magasin attira rapidement des clients. Elle y mit tout son cœur, veillant à offrir des produits de qualité et un service impeccable.
Ses fils, nés de sa première union avec Kodjo, venaient régulièrement lui rendre visite. Ils l’aidaient parfois dans les tâches ménagères ou au magasin, apportant avec eux une légèreté qui réchauffait le cœur de leur mère.
Malgré ce renouveau, une question restait en suspens : où était Sika ? Sélinam avait tenté de le joindre plusieurs fois, mais sans succès. Chaque appel resté sans réponse la plongeait dans un mélange de colère et d’inquiétude.
Un soir, alors qu’elle épluchait les comptes de son magasin, elle repensa à la lettre qu’il lui avait laissée à la banque. Les mots d’excuses de Sika résonnaient encore dans son esprit.
— Pourquoi suis-je encore hantée par lui ? murmura-t-elle, les yeux fixant la fenêtre ouverte.
Mais elle chassa rapidement cette pensée. Sa priorité restait ses enfants. Grâce à l’argent laissé par Sika, elle commença à épargner pour leur avenir. Elle voulait qu’ils aient toutes les chances qu’elle n’avait pas eues.
Petit à petit, Sélinam retrouvait un semblant de normalité. Ses journées étaient rythmées par la gestion de son magasin, les devoirs des enfants et les visites occasionnelles de ses fils aînés.
Un dimanche, alors qu’elle préparait le dîner avec ses deux plus jeunes, elle se surprit à rire à une blague innocente de l’un d’eux. Ce moment simple, entourée de ses enfants, lui fit réaliser à quel point elle avait parcouru un long chemin.
La vie n’était pas parfaite, mais elle avançait. Et dans cette avancée, Sélinam trouvait une forme de paix qu’elle n’avait pas ressentie depuis longtemps. Sika restait une ombre du passé, mais cette ombre ne définissait plus son présent.
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Sika avançait lentement vers la villa de Martiella, ses pas lourds, comme s’il pressentait que quelque chose n’allait pas. En approchant, il fut frappé par le déploiement massif de voitures de police, leurs gyrophares illuminant la rue de lumières bleues et rouges. Une foule de voisins et de curieux s’était rassemblée, murmurant des spéculations sur ce qui venait de se passer.
Sika tenta de franchir le cordon de sécurité, mais un policier le repoussa fermement.
— Vous ne pouvez pas entrer ici, monsieur. Circulez !
Alors qu’il tentait de se justifier, il entendit une voix familière :
— Papa ! Papa !
Il tourna la tête et aperçut son fils aîné, les yeux rouges de larmes, qui accourait vers lui.
— Vous le connaissez ? demanda le policier.
— Oui, c’est mon père ! répondit l’enfant, essoufflé.
Après une courte vérification, les policiers laissèrent Sika passer. À peine franchit-il la barrière qu’il fut entouré par ses enfants, qui se jetèrent dans ses bras en pleurant.
— Papa… maman est morte… sanglota le plus jeune.
Sika sentit son cœur se serrer à ces mots. Incapable de comprendre pleinement ce qu’il venait d’entendre, il posa des questions, cherchant désespérément à savoir ce qui s’était passé.
Son fils aîné, les joues ravagées par les larmes, trouva la force de lui expliquer.
— C’était hier soir. Maman s’est disputée avec son… son amant. Ils criaient fort. Puis, on a entendu des coups de feu. Il l’a tuée, papa. Il a tiré sept fois. Les policiers l’ont arrêté.
Sika recula, abasourdi, ses jambes flageolant sous le choc. Il porta une main tremblante à son visage, incapable de contenir le flot d’émotions qui montait en lui.
— Martiella… murmura-t-il, incrédule.
Il se revit, des jours plus tôt, debout devant cette même maison, humilié alors qu’elle l’avait chassé en exhibant cet homme. L’ironie du sort était cruelle : celui qu’elle avait choisi au détriment de leur famille était celui qui avait mis fin à sa vie.
Les policiers informèrent Sika que les trois plus jeunes enfants, étant encore mineurs, allaient être confiés aux services sociaux. Cette idée le révolta.
— Ces enfants sont les miens ! Je veux m’occuper d’eux !
Les autorités acceptèrent d’ouvrir une enquête sur ses antécédents pour déterminer s’il pouvait être un tuteur légal fiable. Pendant plusieurs jours, Sika dut prouver qu’il avait changé, qu’il pouvait offrir un environnement stable et aimant à ses enfants.
Finalement, après des vérifications minutieuses, la garde lui fut accordée. Lorsqu’on lui remit les documents officiels, Sika sentit un mélange de soulagement et de responsabilité peser sur ses épaules.
— Je ne vous décevrai pas, leur assura-t-il, déterminé à tenir sa promesse.
De retour dans l’appartement qu’il louait temporairement, Sika rassembla ses enfants dans le petit salon. Ils étaient assis en cercle autour de lui, leurs visages marqués par la douleur et la confusion.
Sika prit une profonde inspiration avant de commencer :
— Mes enfants… je suis désolé. Je suis désolé pour tout.
Sa voix se brisa, mais il continua.
— Je vous ai abandonnés. J’ai fait des choix égoïstes. Je n’ai pas été le père que vous méritiez.
Les larmes coulèrent sur son visage alors qu’il s’agenouillait devant eux.
— Je ne peux pas changer le passé, mais je peux essayer de réparer ce qui peut encore l’être. Votre mère n’est plus là, et c’est une douleur que nous porterons tous. Mais je veux que vous sachiez que je suis là pour vous, maintenant et pour toujours.
Ses enfants, émus par ses paroles, s’approchèrent pour l’enlacer.
— Papa, on t’a pardonné depuis longtemps, murmura son fils aîné.
Sika sourit faiblement, touché par leur maturité.
Dans les jours qui suivirent, Sika s’efforça de leur enseigner des valeurs qu’il avait lui-même ignorées par le passé : l’importance de l’honnêteté, du respect et de l’amour.
— Ne faites jamais les erreurs que j’ai faites, leur disait-il souvent. La vie est précieuse. Prenez soin les uns des autres.
Peu à peu, une nouvelle routine s’installa. Malgré les blessures du passé, une lueur d’espoir brillait dans leur foyer. Sika savait que le chemin serait long, mais il était prêt à tout pour offrir à ses enfants un avenir meilleur.
Dans ses moments de solitude, il pensait souvent à Martiella, à tout ce qui aurait pu être différent. Mais ces pensées étaient toujours suivies d’une résolution : ne pas répéter les erreurs du passé. Désormais, il se consacrait entièrement à ses enfants, déterminé à honorer cette seconde chance qui lui avait été donnée.
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Quelques mois après le mariage, les jours s’étaient écoulés dans une douce attente. Nadine, bien que toujours jeune, portait désormais sur ses épaules une maturité qu’elle n’avait jamais imaginée acquérir si tôt. Elle avait traversé tant d’épreuves, mais en ce moment précis, allongée sur le lit de la maternité, elle ressentait un bonheur indescriptible.
Dans ses bras, un petit garçon dormait paisiblement. Ses traits délicats semblaient tirés d’un tableau parfait, et son premier cri avait fait fondre toutes les inquiétudes que Nadine et Kodjo avaient nourries durant ces mois.
Kodjo, debout à côté d’elle, regardait son fils avec une fierté qu’il ne cherchait même pas à dissimuler.
— Il est magnifique, Nadine. Tu as été incroyable, lui dit-il en caressant doucement son front perlé de sueur.
Nadine, épuisée mais rayonnante, répondit avec un sourire.
— C’est notre victoire à tous les deux, Kodjo.
Le couple avait choisi de nommer leur fils Eliézer, un prénom qui symbolisait « l’aide de Dieu », en hommage aux épreuves qu’ils avaient surmontées ensemble et à la lumière que cet enfant apportait dans leur vie.
Lorsque Nadine et son bébé furent autorisés à rentrer chez eux, la maison de Kodjo prit une toute nouvelle dimension. Les parents de Kodjo, ses frères et sœurs, ainsi que quelques voisins proches avaient organisé une petite cérémonie pour accueillir la nouvelle mère et son enfant.
Sa mère, bien qu’un peu réservée, était présente. Elle tenait dans ses bras un panier rempli de vêtements pour le bébé, ainsi que quelques petits présents pour Nadine. Elle observa sa fille entrer dans cette nouvelle phase de sa vie avec une émotion mêlée de fierté et de mélancolie.
— Tu as grandi si vite, ma fille, murmura-t-elle lorsqu’elles eurent un moment seules.
Nadine serra la main de sa mère et lui répondit avec douceur :
— Tout ce que je suis, maman, c’est grâce à toi. Merci pour tout.
Après quelques semaines, Nadine prit la décision de quitter la maison de sa mère pour s’installer définitivement chez Kodjo. Cette décision, bien qu’attendue, n’était pas sans émotion. Sa mère, qui avait toujours veillé sur sa fille, ressentait un vide grandissant à l’idée de ne plus entendre les rires ou les pas de Nadine dans la maison.
— Prends soin de toi, ma fille, lui dit-elle le jour du départ. Et n’oublie pas que ma porte est toujours ouverte pour toi.
Nadine, portant son fils dans ses bras, sourit avec assurance.
— Je ne suis jamais loin, maman. Et je te dois tout.
Chez Kodjo, la vie s’organisa rapidement autour du nouveau-né. Kodjo avait fait des aménagements pour rendre leur maison plus accueillante, allant jusqu’à peindre une petite chambre pour le bébé et acheter des meubles adaptés.
Chaque soir, le couple s’asseyait ensemble dans le salon, Nadine allaitant leur fils pendant que Kodjo racontait des histoires ou partageait ses rêves pour leur avenir.
— Je veux qu’Eliézer ait une vie meilleure que la nôtre, disait souvent Kodjo. Je veux qu’il ait tout ce qu’il faut pour réussir.
Nadine, touchée par la détermination de son mari, répondait toujours avec la même foi :
— Avec toi à nos côtés, tout ira bien.
La naissance d’Eliézer avait apporté une nouvelle lumière dans leurs vies. Bien que les défis ne manquaient pas avec les nuits sans sommeil et les responsabilités croissantes , Kodjo et Nadine faisaient face ensemble, avec amour et courage.
Pour Nadine, cette nouvelle étape représentait bien plus qu’un simple changement d’adresse. C’était une renaissance. Après des années de lutte et de sacrifices, elle voyait enfin les fruits de son courage et de sa résilience.
Dans un moment de tranquillité, alors qu’Eliézer dormait paisiblement dans son berceau, Nadine posa la tête sur l’épaule de Kodjo et murmura :
— Merci pour tout, Kodjo. Merci de m’avoir donné cette vie.
Kodjo l’enlaça doucement et répondit :
— C’est toi qui m’as donné une raison de me battre, Nadine. Tu es mon trésor, tout comme Eliézer.
Et dans cette maison, sous les étoiles de Lomé, une nouvelle famille se bâtissait, sur des fondations d’amour, de respect et de promesses d’un avenir radieux.
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Les jours s’étaient transformés en semaines, et la petite famille semblait enfin trouver une forme de stabilité. Grâce à Ayélévi, Ethiam commençait à retrouver son équilibre. Il n’était plus l’homme arrogant et orgueilleux d’autrefois. Sa chute l’avait forcé à ouvrir les yeux sur ses erreurs, et il s’efforçait de devenir un meilleur homme, pour lui-même, pour Ayélévi, et surtout pour leur fils, Pépé.
Ce soir-là, la maison était animée. Le repas, simple mais savoureux, était servi, et des rires fusaient de temps à autre à travers la table. Pépé, plein de vie, racontait une histoire amusante qu’il avait inventée, tandis qu’Ayélévi le corrigeait doucement, un sourire tendre sur les lèvres. Les parents d’Ayélévi, bien que toujours un peu méfiants à l’égard d’Ethiam, avaient appris à tolérer sa présence grâce aux efforts de leur fille.
Mais alors que l’atmosphère était à la joie, un coup discret, mais ferme, retentit à la porte d’entrée. Le vigile entra dans la salle à manger, ses traits crispés.
— Madame, murmura-t-il, la police est dehors.
Un silence glacial tomba sur la pièce. Ayélévi échangea un regard inquiet avec Ethiam, tandis que les parents se levaient lentement, le visage tendu.
— La police ? demanda Ayélévi d’une voix tremblante.
Le vigile acquiesça, évitant de croiser leurs regards.
— Ils demandent à parler à monsieur.
Dehors, des gyrophares rouges et bleus illuminaient l’obscurité de la rue. Une voiture de police était garée devant la maison, entourée de plusieurs agents. Parmi eux, une figure familière, assise dans un fauteuil roulant, attirait tous les regards : Marie.
Ethiam sentit une sueur froide lui parcourir le dos. Ayélévi, serrant Pépé dans ses bras, s’interposa instinctivement entre lui et les policiers.
— Que lui voulez-vous ? demanda-t-elle d’une voix pressante.
L’un des officiers s’avança, tenant un mandat d’arrêt.
— Monsieur Ethiam, vous êtes en état d’arrestation pour les crimes commis à Fongbé-Zogbédzi, y compris homicide et vol. Vous avez le droit de garder le silence. Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous.
Les mots résonnèrent comme un coup de tonnerre. Ayélévi lâcha un cri de désespoir :
— Non ! Non, vous ne pouvez pas ! Il a changé ! Il n’est plus cet homme !
Les policiers ne bronchèrent pas. Deux d’entre eux s’approchèrent d’Ethiam, lui passèrent les menottes, et commencèrent à l’emmener.
C’est alors que Marie, malgré son état, s’approcha aussi près que possible, roulant son fauteuil avec une force alimentée par la colère. Une partie de son corps avait retrouvé sa mobilité.
— Tu vas crever en prison pour le reste de tes jours ! hurla-t-elle. Tu as brisé ma vie ! Maintenant, c’est ton tour !
Ethiam, le visage fermé, n’essaya pas de se défendre. Il baissa la tête, conscient qu’il ne pouvait plus échapper à son passé.
À genoux sur le sol, Ayélévi éclata en sanglots, ses deux mains plaquées sur sa tête. Pépé, effrayé, se blottit contre sa mère, pleurant lui aussi sans comprendre pleinement la gravité de la situation. Les parents d’Ayélévi tentèrent de la consoler, mais leur fille semblait inconsolable.
— Maman, pourquoi ? sanglota-t-elle. Pourquoi est-ce que cela nous arrive ?
Sa mère, les larmes aux yeux, posa une main réconfortante sur son épaule.
— Ma fille, tu as fait tout ce que tu pouvais. Parfois, l’amour ne suffit pas à effacer les erreurs du passé.
Ethiam fut conduit à la voiture de police, jetant un dernier regard à Ayélévi et Pépé. Il voulait dire quelque chose, mais aucun mot ne lui vint. Il savait qu’il méritait ce qui lui arrivait, mais cela n’atténuait pas la douleur de quitter ceux qu’il aimait.
Après le départ des policiers, la maison plongea dans un silence pesant. Ayélévi passa la nuit à pleurer dans les bras de sa mère, refusant de manger ou de parler. Elle savait qu’Ethiam devait répondre de ses actes, mais cela ne rendait pas la séparation moins cruelle.
Les jours qui suivirent furent difficiles. Ayélévi essaya de rester forte pour Pépé, qui demandait constamment où était son père.
— Papa reviendra ? demandait-il innocemment.
Ayélévi, retenant ses larmes, lui répondait avec tendresse :
— Oui, mon chéri. Un jour.
Mais au fond d’elle, elle savait que ce jour serait lointain, peut-être même inexistant. Pourtant, elle s’accrocha à l’espoir, comme elle l’avait toujours fait, pour elle-même et pour son fils.
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Les mois avaient passé, et Fongbé-Zogbédzi semblait enfin retrouver son calme. Les souvenirs du drame et du carnage s’effaçaient peu à peu, emportés par le cours implacable du temps. Les rires des enfants résonnaient de nouveau dans les ruelles du village, les marchés étaient animés, et les champs, jadis abandonnés, reprenaient vie sous l’effort des cultivateurs.
Pourtant, malgré cette apparente normalité, une ombre planait encore sur Fongbé-Zogbédzi. L’ancien site de la ferme, là où tout avait commencé, était devenu une sorte de terre interdite. Les villageois évitaient ce lieu, hantés par les récits sombres qui y étaient associés. Aucun courageux ne s’aventurait près de l’endroit où le gouffre s’était ouvert, aspirant les rêves et les vies de tant d’âmes.
C’était une matinée comme une autre, ensoleillée et calme. Les villageois s’affairaient à leurs tâches quotidiennes, mais une rumeur commença à se répandre rapidement, troublant leur routine. Un enfant avait été aperçu près de l’ancien site du gouffre, jouant seul, insouciant, comme si de rien n’était.
— Qui est cet enfant ? demanda une vieille femme, les mains tremblantes.
Personne ne semblait le connaître. Sa silhouette frêle était à peine visible depuis le chemin principal, mais ceux qui l’avaient aperçu parlaient tous de la même chose : il portait une petite sacoche noire en bandoulière. Une sacoche qui ressemblait étrangement à celle qu’Ethiam avait emportée avec lui le jour où tout avait basculé.
Intrigués et alarmés, plusieurs villageois décidèrent de s’approcher prudemment, guidés par une étrange combinaison de peur et de curiosité.
L’enfant jouait calmement, assis sur une pierre près de l’endroit où se trouvait autrefois la ferme. Ses petites mains semblaient fouiller dans la sacoche, mais aucun son ne sortait de sa bouche. Il semblait totalement absorbé par ce qu’il faisait, comme s’il était seul au monde.
— Petit ! appela un homme d’une voix douce pour ne pas l’effrayer. Que fais-tu ici ?
L’enfant leva la tête. Ses yeux, d’un noir profond, rencontrèrent ceux des villageois. Un frisson collectif parcourut l’assemblée. Il ne dit rien, mais un sourire énigmatique se dessina sur ses lèvres. Puis, aussi rapidement qu’il était apparu, il se leva, serra la sacoche contre lui, et courut vers la forêt voisine.
Les villageois tentèrent de le suivre, mais il semblait glisser entre les arbres, insaisissable.
— Là ! Il est là ! cria un jeune homme en le désignant du doigt.
Mais chaque fois qu’ils pensaient l’avoir rattrapé, il disparaissait à nouveau, comme s’il se fondait dans les ombres de la forêt.
Après plusieurs minutes de recherche infructueuse, les villageois abandonnèrent, le souffle court et le cœur lourd. L’enfant s’était volatilisé, ne laissant aucune trace derrière lui, à l’exception d’un sentiment d’inquiétude grandissant.
Le chef du village, qui avait été informé de l’incident, se rendit sur les lieux plus tard dans la journée. Il observa l’endroit en silence, ses traits marqués par la gravité.
— Peut-être que le gouffre n’est pas totalement refermé, murmura-t-il à ses conseillers. Peut-être que les ombres de notre passé continuent de hanter cette terre.
Les villageois, superstitieux, commencèrent à chuchoter des prières et à allumer des bougies autour de leurs maisons. L’histoire de l’enfant devint rapidement une légende locale, racontée à la nuit tombée pour effrayer les enfants.
Mais pour ceux qui avaient vu l’enfant de leurs propres yeux, il ne faisait aucun doute que le mystère de Fongbé-Zogbédzi n’était pas encore totalement résolu.
Et au milieu de cette incertitude, une question restait en suspens : la sacoche, symbole des troubles passés, avait-elle apporté de nouveaux malheurs, ou représentait-elle simplement un souvenir tenace d’une époque révolue ?
Écrit par Koffi Olivier HONSOU, Prix des jeunes écritures PJE AUF 2019.
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